Si la rédaction vous a déjà donné son avis sur les films qui ont marqué son année 2024 (ICI) et que les lecteurs sont invités à le donner sur notre page Facebook tout au long du mois de janvier, nous avons aussi décidé de renouveler notre désormais traditionnel appel aux cinéastes, producteurs.trices, acteurs.trices, technicien.nes qui font et feront le cinéma de genres français (et francophones) d’aujourd’hui comme de demain. Nombreux ont donc partagé avec nous leurs coups de cœur qui font pas genre de 2024. On vous laisse découvrir cette sélection une nouvelle fois quatre étoiles.
Il est l’un de nos cinéastes français qui fait le plus genre, à qui l’on doit des films comme Hitman (2006), Frontières (2007), The Divide (2011) ou encore Cold Skin (2017). Cette année, il a refait parler de lui avec un succès international de sa production Netflix made in France, Sous la Seine (2024) dont il se murmure qu’une suite est déjà en gestation. Fidèle à Fais pas Genre, Xavier Gens nous a livré ses coups de cœur de l’année, non pas trois mais cinq.
The Substance de Coralie Fargeat
Pour l’audace de la proposition et les quinze dernières minutes les plus punk que j’ai vues depuis longtemps.
Emilia Perez de Jaques Audiard
Parce que c’est un chef d’œuvre. C’est dément d’oser à ce point.
Furiosa de George Miller
Parce que c’est juste hallucinant de faire un tel film avec de telles propositions de mise en scène.
Mentions spéciales à
Vermines de Sébastien Vanicek
Parce que c’est un premier film extrêmement réussi et que j’ai vraiment pris deux douches après l’avoir vu.
The Zone of Interest de Jonathan Glazer
Pour son procédé de mise en scène. L’expérience la plus éprouvante à vivre depuis bien longtemps.
En 2024, Sofia Lesaffre a été à l’affiche de Pendant ce temps sur terre de Jérémy Clapin mais surtout au croisement de 2023 et 2024 elle a été l’une des têtes d’affiche du phénoménal Vermines de Sebastien Vanicek qui tisse sa toile jusque dans notre TOP10 de la rédaction. C’est donc un immense honneur que d’avoir parmi nous cette comédienne qui fait vraiment pas genre !
Les Femmes au Balcon de Noémie Merlant
Ce film est une explosion. Ça part dans tous les sens, ça pousse les curseurs à tous les niveaux et j’ai adoré. Bien plus qu’un « film féministe », c’est une comédie horrifique/fantastique/un revenge movie déjanté, qui aborde avec audace et originalité le sujet des violences sexistes et sexuelles et sans « faire genre ». Le film met carrément les pieds dans le plat et m’a embarquée avec lui. J’ai été séduite par ce trio de zinzin formé par Elise, Nicole et Ruby, et porté par trois actrices simplement brillantes. Avec son cadre marseillais sous canicule, ses couleurs chaudes, son humour et l’énergie folle des actrices, je le recommande vivement pour réchauffer son cœur en ce début d’année tout gris.
Le Robot Sauvage de Chris Sanders
Un conte initiatique à l’animation sublime. Hyper touchant, sans virer mièvre pour autant. On te parle de sujets lourds avec douceur et humour : la xénophobie, l’ostracisation, l’importance de l’écologie, la mort… J’ai été terrassée par la manière dont sont abordés les thèmes de la parentalité et du sacrifice. On pleure oui, mais pas de tristesse, et j’ai trouvé ça trop chouette. Le Robot Sauvage, c’est surtout comment des êtres que tout oppose, qui ne sont pas programmés pour s’aimer, arrivent à défier toute logique et à créer un lien plus fort que tout. « On est plus que ce pour quoi on est programmé » . Absolument sublime. Prévoir les mouchoirs.
The Zone of Interest de Jonathan Glazer
Une énorme claque qui me laisse encore la sensation de chaleur sur la joue un an après sa sortie. Le film questionne brillamment la notion de point de vue et la banalisation de la violence et de la souffrance. Il nous fait sortir de la salle muets, les jambes flageolantes, après nous avoir maintenus dans une position extrêmement désagréable : spectateurs de l’horreur. La Zone d’Intérêt fait malheureusement écho avec ce qui se passe (encore) aujourd’hui dans le monde. Derrière le divertissement, le cinéma influence les mentalités. En plus d’être plastiquement très réussi à tous les niveaux, ce film est nécessaire à mon sens.
Nous avions eu la chance de discuter longuement avec sa réalisatrice Ariane Louis-Seize pour en témoigner à sa sortie (lire l’entretien), mais sa place haute dans notre TOP10 des films qui font pas genre de 2024 confirme tout le bien qu’on a pensé du charmant Vampire Humaniste cherche suicidaire consentant. C’est donc avec une immense joie qu’on accueille son comédien principal, le génial Félix-Antoine Bénard a partagé avec nous ses trois coups de cœur de l’année. Vous pouvez d’ailleurs nous lire à propos de son jeu dans l’article qu’on vient de publier consacré aux Séquences qui font pas genre de l’année.
The Zone Of Interest de Jonathan Glazer
Ce film restera certainement dans les œuvres m’ayant le plus marqué : glacial et terrifiant dans son humanisation de comportements atroces, qu’on en vient même à banaliser. Un énoncé important et nécessaire, d’actualité brûlante. The Zone of Interest est un film choc et subtil, reposant sur le hors-champ, n’en révélant jamais trop.
Nosferatu de Robert Eggers
Le cinéma d’Eggers est une constante lettre d’amour au folklore et au mystique. Nosferatu épouse cette tradition tout en effectuant une inarrêtable descente aux enfers, divertissante et d’une impressionnante précision. Mention spéciale à la performance foudroyante de Lily-Rose Depp qui nous rappelle les meilleurs moments d’Isabelle Adjani dans Possession de Zulawski.
Le Successeur de Xavier Legrand
Un film qui apparaît si simple dans sa structure et son développement, mais qui est, en fait, d’une complexité et d’une profondeur saisissante. C’est une tragédie du patriarcat, un thriller et un drame humain. La mise en scène est constamment signifiante et Marc-André Grondin y est bouleversant par sa vulnérabilité.
Son deuxième long-métrage Animale aura été l’une des propositions les plus remarquées dans le giron des cinémas de genres français, l’un de ces films qui ne se contente pas d’être hybride – selon l’expression consacrée – mais qui prend par les cornes le mot même d’hybridité et en fait une matière brute du fantastique. Il était tout naturel de ré-inviter Emma Benestan à nous partager ces coups de cœur de l’année.
Les Reines du drame de Alexis Langlois
Un tour de force de concilier le grand mélodrame, la pop song et la critique capitaliste/patriarcal. C’est comme si Douglas Sirk rencontrait Fassbinder, et invitait Gregg Araki à converser avec eux. Ça fait des hauts et de bas, on oscille entre rires et larmes, c’est profondément drôle, vivant, audacieux et touchant. C’est un film qui secoue le genre dans tous les sens du terme.
Le Royaume de Julien Colonna
Cette traque silencieuse et inquiétante, menée de manière originale autour d’une relation père-fille très subtile et délicate, m’a vraiment surprise et touchée. Je trouve aussi que c’est rare de voir un sujet où la violence est en arrière-plan et où on filme les moments à côté, les moments plus intimes, ceux plus quotidiens. On déconstruit le mythe du voyou pour raconter une humanité, une fragilité plus qu’une domination ou un pouvoir. C’est fort.
The Zone of Interest de Jonathan Glazer
Un film qui interroge beaucoup, qui nous malmène aussi. J’ai rarement vécu une expérience où le cinéma va autant questionner les tréfonds de l’âme humaine, où à la sortie, on se dit que c’est du cinéma qui croise les science politiques, la psychologie et la philosophie. Qui est une vraie expérience sociologique. On s’en souvient longtemps après, et avec le contexte actuel, le film a une résonance très difficile mais plus que nécessaire.
Son premier long-métrage Chien de la Casse sorti en 2023 avait fait sensation, emportant le César du Meilleur Premier Film. Alors qu’il développe son second long-métrage qui constitue pour nous une forte attente, Jean-Baptiste Durand a surtout marqué 2024 de sa présence à l’image, en tant qu’acteur pour Alain Guiraudie dans l’étonnant Miséricorde. Il continuera d’explorer cet autre talent en étant en 2025 à l’affiche du prochain long-métrage de Julia Kowalski intitulé Que ma volonté soit faite et du second long-métrage de Anna Cazenave Cambet, Love me Tender, aux côtés de Vicky Krieps.
L’homme d’argile de Anaïs Tellenne
Une ré-interprétation du mythe de la belle et la bête, et un premier film très puissant. Mêlant humour faisant penser aux Deschiens et une pudeur magnifique, ce film tout en sensibilité qui n’a pas peur de la comédie romantique explore le désir, les illusions et la beauté. Contemporain et intemporel, j’ai été durablement marqué par ce premier film d’Anaïs Telenne. Raphaël Thierry et Emmanuelle Devos forment un duo inoubliable.
Eat the Night de Caroline Poggi et Jonathan Vinel
Depuis leurs premiers courts-métrages, je suis marqué par le travail de Caroline Poggi et Jonathan Vinel. Des gestes courageux, forts, modernes et audacieux pour un cinéma organique et profondément humain. Si j’attendais tout particulièrement Eat the Night, je dois dire que j’ai pris une claque énorme. Théo Cholbi, grand oublié des révélations aux César, y livre une performance époustouflante, face au non moins brillant Erwan Kapoa Falé. Le récit est somptueux, implacable et sombre avec de vraies fissures de lumière.
La Bête de Bertrand Bonello
J’ai découvert en retard ce grand film. En fait, hier. Donc je suis encore sous le choc de cet ovni où tout est brillant. Le scénario, le jeu, les images, les mouvements de caméra, le son, la musique, le montage. Léa Seydoux est troublante, et George Mackay est tout simplement brillantissime. Sans trop en révéler, le grand écart de son rôle brutalise nos convictions et nos certitudes. Encore troublé par l’onde de choc qu’a provoqué sur moi ce film, je ne peux pas formuler grand-chose de plus dessus mais je tenais quand même à en parler.
Vous connaissez forcément le travail de David Tomaszewski à moins d’avoir vécu en ermite ces quinze dernières années. Réalisateur de clips très prisé, on lui doit certains des clips phares de Orelsan (Raelsan, Plus ne m’étonne, Ils sont cools, Fais les backs et bien sûr L’Odeur de l’essence) mais il a aussi œuvré pour S.Pri Noir, Polo & Pan ou -M- (entre beaucoup d’autres). Si nous l’avons invité cette année c’est parce que son premier long-métrage Yoroï pourrait bien être l’un des événements de l’année qui débute. Produit par Sony Pictures, le film est écrit par Orelsan (qui y incarne le rôle principal) et devrait le confronter à d’étranges créatures issues du folklore japonais.
« Je n’ai exceptionnellement pas été beaucoup au cinéma cette année. J’ai sans doute raté beaucoup d’excellents films. Mais voici mes 3 coups de cœurs. 3 films d’auteurs, car entièrement écrits par leurs cinéastes. 3 portraits de femmes face à leurs démons. Et un même thème commun à chaque film : la solitude. Et leur dernier plan, qui restent longtemps en tête après la projection. »
The Substance de Coralie Fargeat
Les démons de l’âge, du statut, de la beauté et du regard sur soi. Sublime dernier plan (qui m’évoque entre autre la maison Versace).
Smile 2 de Parker Finn
Les démons du statut, du vedettariat, et du traumatisme. L’avant-dernier plan glace le sang, et en dit tellement sur notre monde. Traumatisant.
Anora de Sean Baker
Pour sa dernière scène/plan également, qu’on ne voit pas venir et nous prend par surprise en nous confrontant à notre propre regard. Bouleversant.
Je mettrais en bonus un film que j’ai vu en salle cette année en séance de rattrapage : Perfect Days (de Wim Wenders). Un autre grand film sur la solitude. Car je n’avais encore jamais imaginé jusqu’ici la solitude comme un vrai sujet de cinéma. Et puis pour Tokyo, où j’ai eu le privilège de passer quelques temps cette année.
Elle a marqué l’année des cinémas de genres français en incarnant la vampire Françoise dans le premier long-métrage de Romain de Saint-Blanquat La Morsure et a été très injustement oubliée des révélations des Césars. Il n’empêche qu’on parie fort sur l’avenir de Léonie Dahan-Lamort pour marquer de son emprunte et de sa morsure le cinéma français. Elle nous livre une sélection très orientée vers le cinéma d’animation et mettant notamment en lumières deux jeunes talents français et leurs courts-métrages. C’est aussi à cela que sert cet article : faire des découvertes. Pour cela, on la remercie.
Mononoke, un fantôme sous la pluie de Kenji Nakamura
J’ai absolument adoré Mononoke The Movie sorti sur Netflix il y a quelques semaines. L’œuvre de Kenji Nakamura est dans la continuité de l’anime du même nom sorti en 2007. Je reste toujours émerveillé par la quantité de détails et de créativité présents dans chaque planche. J’ai hâte de voir la suite.
Miyazaki et le Héron de Kaku Arakawa
J’ai adoré voir Miyazaki travailler et j’ai trouvé très touchants ses questionnements, son rapport à son vieillissement et à la perte de ses proches. Ce documentaire m’a permit de mieux comprendre le film et m’a donné envie de le revoir !
La Mort du Petit Cheval de Gabrielle Selnet // Les Belles Cicatrices de Raphaël Jouzeau
Ces deux courts-métrages d’animation m’ont beaucoup touchée notamment grâce à leurs couleurs et à la justesse de leur propos. J’ai hâte de voir les prochaines œuvres de leur créateur-ice.
On l’avait déjà repéré à l’affiche d’un court-métrage Matador de Matthias Jenny, dans lequel il incarné un jeune trafiquant de viande de vache, Félix Kysyl est sans aucun conteste la révélation masculine de l’année grâce à son incarnation marquante dans le génial Miséricorde de Alain Guiraudie. Il était tout naturel pour nous de lui proposer de partager avec notre lectorat ses coups de cœur de l’année.
The Zone of Interest de Jonathan Glazer
Pour la puissance de sa mise en scène.
Les Fantômes de Jonathan Millet
Pour son intelligence pleine d’humilité et de délicatesse. Quel premier film (de fiction).
Les reines du drame de Alexis Langlois
Pour sa personnalité, sa générosité, son audace. Quelle belle année pour les premiers films.
Mentions spéciales à :
Les liens du sang d’Hakim Atoui, très drôle et fort en mise en scène.
37, l’ombre et la proie de Arthur Môlard pour l’interprétation de Guillaume Pottier.
Membre du trio RKSS, Anouk Whissell a eu une actualité chargée en 2024 puisqu’elle a co-réalisé deux films sorti en salles à quelques mois d’intervalle : Wake Up et We Are Zombies. A cette occasion nous avions invité les RKSS a discuter avec nous (lire l’entretien). On attend aussi beaucoup sa première réalisation solitaire, Sister Inconnue dont le pitch est très intriguant : « Dans les bois maudits de French Cove, au New-Brunswick, deux sœurs se battent farouchement contre l’esprit malveillant de la Nonne sans tête, déterminée à les tuer ». Fidèle à Fais pas Genre elle a accepté de partager à nouveau avec vous ses trois étincelles cinéphiles de 2024.
Kneecap de Rich Peppiatt
Irrévérencieux, punk et touchant ! Un genre de Trainspotting à la kétamine et magnifique découverte à la veille de 2025. Ce long-métrage irlandais, gagnant du prix NEXT à Sundance en janvier dernier, m’a été conseillé par mon ami et collègue Jean-Philippe Bernier (directeur de la photographie et compositeur avec Le Matos) et se place en première position de mon top 3. Si vous vous intéressez à la politique irlandaise et êtes familiers avec le conflit commencé dans les années 70 en Irlande du Nord, vous serez particulièrement touchés par cette autofiction déjantée des membres du groupe Kneecap basé à Belfast. Sinon, ce divertissement non moralisateur vous en apprendra rapidement sur les enjeux soulevés dans le film et les revendications du groupe. Le montage, les images, les personnages, le jeu des acteurs et la musique font de ce film un incontournable.
La Malédiction : Les Origines par Arkasha Stevenson
Déjà fan de la franchise, je suis allée voir cet opus au cinéma, à sa toute dernière séance dans une salle absolument déserte (c’était une expérience extra, mais qui confirme le triste constat de l’achalandage des salles au Québec). Dès les premières images, je me suis retrouvée dans l’univers du film de 1976 et dès lors en confiance, je me suis laissée porter pour le reste du récit. Mon opinion est peut-être un peu biaisée, mais j’ai tout aimé de ce film, les acteurs (j’y ai découvert Nell Tiger Free et Maria Caballero, entre autres), la trame narrative, et l’esthétique (à noter les mouvements de caméra distinctifs du cinéma d’horreur des années 70). Partageant quelques similitudes avec Immaculée de Michael Mohan (définitivement plus moderne et dont certaines imageries et choix sont absolument excellents) j’ai trouvé que celui-ci les a exécutées avec plus de maîtrise.
Longlegs par Osgood Perkins
Malgré y être entrée avec prudence, pensant que le gros coup marketing de ce film pouvait avoir été exagéré, j’ai été happée par Longlegs dès les premières minutes de projection. Le langage et l’univers visuel et sonore, ainsi que les personnages hors du commun, créent ensemble une atmosphère étouffante et malsaine, qui appuie magnifiquement le récit et l’intrigue du long-métrage. Pour ma part, je me suis rapidement attachée à la protagoniste, sorte d’antihéros qui sur papier semblerait difficile à aimer, mais qui est interprétée avec justesse par Maika Monroe. Quant à Nicolas Cage, qui encore une fois campe un personnage absolument flippant, offre une interprétation plus en finesse qu’à l’habitude. Finalement, au-delà des personnages, des costumes, des maquillages, de la direction artistique, du travail de cadrage et de la photographie impeccables qui donnent au film son caractère unique, j’aimerais aussi souligner le travail de composition musicale et de son, que j’ai particulièrement apprécié lors de mon écoute.
Mention Spéciale à :
The Substance par Coralie Fargeat
Que dire de The Substance que vous n’avez pas encore déjà lu ou entendu. Comme quoi il n’est pas impossible de passer un message puissant à travers un récit et une exécution absolument disjonctés. J’ai toujours dit que la meilleure façon de faire réfléchir l’auditoire, c’est en le divertissant et en évitant de le marteler avec la grosse morale. Même si le message de Coralie Fargeat n’est ni léger ni subtil, c’est un pari qu’elle aura réussi. On réfléchit, sans sortir de son récit. J’ai également beaucoup apprécié l’univers visuel qu’elle a établi, les plans de caméra, les décors, les costumes, jusqu’à l’architecture qu’elle choisit pour les plans extérieurs. Je termine en soulignant la présence et le jeu absolument magnifiques et incroyables de la désormais cultissime Demi Moore, qui brille dans le rôle d’Elisabeth Sparkle (désolée de terminer sur ce jeu de mots un peu facile).
Cinéaste et acteur qui fait vraiment pas genre, Gio Ventura a surtout marqué notre année 2024 en incarnant la chanteuse Billie Kohler dans le génial Les Reines du Drame de Alexis Langlois. Même s’il nous tarde de découvrir ses futures nouvelles incursions dans la comédie, nous avions déjà repéré son travail de cinéaste avec son court-métrage Les Sports X Trem (2023). Pour 2025, il prépare deux courts-métrages, le premier Les Nuits Tungsten est terminé et déjà prêt à sortir, tandis que le second BOMEC est encore en financement et aura pour tête d’affiche Asia Argento.
XXX de Marie Ward
Un film-rituel qui nous fait éprouver la sensation d’un talon aiguille enfoncé avec une délicatesse autoritaire dans la chair. Viscéral et épidermique.
Attention Brouillard de Alice Brygo & Louise Hallou
Un orage surnaturel éclate au dessus d’un EHPAD en haute montagne, ses resident.es visionnaires spéculent autour de leurs visions du futur. Le regard à la fois tendre et incisif de deux réalisatrices, où chaque image irradie comme un arc électrique dans le brouillard.
Dahomey de Mati Diop
Le point de vue d’une statue pillée durant une invasion coloniale qui voyage jusqu’à sa terre natale, une interrogation sur le sens de cette restitution ou la mélancolie nocturne des objets enfermés dans les musées. Beau, monté avec brio et nécessaire.
A l’affiche en 2024 de deux propositions francophones, Rabia et La Nuit se traîne, Natacha Krief aura particulièrement marqué notre année cinéphile. On a très hâte de suivre la suite de sa carrière et sommes très heureux de l’avoir à nos côtés pour vous partager ses trois coups de cœur de l’année.
The Zone of Interest de Jonathan Glazer
La Zone d’intérêt m’a complètement bouleversée. La mise en scène, les cadres glaçants et le minimalisme m’ont plongée dans un froid tétanisant. Ces images et cette musique m’ont hantée bien après la séance. Le film explore l’indicible qui se joue hors-champ et interroge notre capacité à détourner le regard face aux horreurs du monde. Tout est dit à travers cette atmosphère oppressante. Sandra Hüller m’a particulièrement marquée par son travail d’actrice, d’une intelligence rare. Ses gestes et postures… Tout incarne la déshumanisation et le déni de son personnage. Sa performance, terrifiante, est véritablement extraordinaire.
Les Femmes au Balcon de Noémie Merlant
J’ai aimé la manière dont Noémie Merlant joue avec le cliché pour en faire un outil de dénonciation. C’est jouissif de voir une femme oser se réapproprier les stéréotypes féminins qu’on a l’habitude de voir au cinéma, mais pas de cette façon. J’ai aimé la démesure de sa mise en scène, le jusqu’au-boutisme. Je suis allée le voir avec d’autres femmes, et on s’est toutes reconnues dans plusieurs situations. C’est un film qui donne matière à discuter entre nous après l’avoir vu. Il y a quelque chose de cathartique. J’ai été marquée par la vérité crue de l’intime : leurs corps, leurs cris, leurs rires. C’est un éclat de vie.
Tatami de Zar Amir Ebrahimi
Tatami m’a immensément marqué. Je l’ai vécu dans une suffocation constante, du début à la fin. Zar Amir Ebrahimi m’a bouleversée . Elle incarne, avec une force incroyable mais tant de subtilité cette femme tiraillée entre ce qu’elle voudrait faire et ce qu’elle doit faire, terrifiée par la menace de l’oppresseur. Son interprétation, son visage, restent gravés en moi. Ces deux femmes luttent comme deux bêtes prises en chasse, mais avec une dignité inébranlable, jusqu’à la fin. C’est à la fois politique et intime. On suffoque avec elles, dans cette urgence de résister. C’est viscéral.
Bien sur je ne peux pas ne pas citer Rabia et La Nuit se traîne, deux films très différents mais pour lesquels j’ai un affect immense, et dans lesquels j’ai eu la chance de porter deux très beaux rôles. Merci à ces deux cinéastes talentueux que sont Michiel Blanchard et Mareike Engelhardt.
Présent à Gérardmer et à Venise, le premier long-métrage de Céline Rouzet, En attendant la nuit, (voir l’entretien avec la réalisatrice) a été remarqué pour sa faculté a ré-investir la figure éculée du vampire sous un angle novateur. Cette ré-incarnation se tient presque toute entière sur l’incarnation électrique d’un jeune acteur, Mathias Legoût Hammond, dont la non pré-sélection dans la liste des Révélations Masculines aux Césars 2025 est juste… Incompréhensible !
Flow de Gints Zilbalodis
J’ai trouvé ce film bouleversant. Un nouveau monde recouvert par l’eau où l’espèce humaine semble avoir disparue… Et où seulement le sauvage a résisté. C’est une histoire magnifiquement racontée, avec comme seules ressources des sentiments très primaires et les sensations les plus pures. Je le trouve assez parfait à vrai dire. Incroyablement sensible, rare, d’une grande sincérité, avec la magie nécessaire pour sublimer les moments de peine. Également hautement original dans sa façon d’aborder des problématiques qui nous concernent… Je me souviens m’être dit en sortant de la séance que j’aimerais qu’il soit voit vu par le plus grand nombre tant il est réussi, aux plus jeunes comme aux plus grands.. Les personnages sont comme des portraits de nous mêmes au début de la vie, voilà ce que je ressentais je crois. De l’inconnu, de la fascination, des découvertes, de l’aventure, de la différence, de la peur, l’union, la confiance, l’insaisissable… tout y est à mon goût.
The Zone of Interest de Jonathan Glazer
J’ai trouvé ça glaçant, dérangeant et parfois même insoutenable par l’apathie que ça provoque. On regarde certains vivre, on entend et on devine le reste. Je trouve ça très fort, pour le geste, la force du propos, la mise en scène et la maîtrise du sujet.
En fanfare de Emmanuel Courcol
Là encore tout est présent, l’écriture, l’interprétation, les rebondissements, la musique, et le tout en délicatesse. J’ai vraiment adoré, car c’est drôle, envoûtant, simple, juste, tragique et important. Donc En fanfare est mon dernier choix, pour tout ce qu’on y trouve !
Si on lui doit déjà la co-réalisation avec Mathias Malzieu (habitué de Fais pas Genre) de l’adaptation animée du roman de ce dernier La Mécanique du Cœur, on attend tout particulièrement Stéphane Berla en 2025 avec la très très alléchante série Starpets créée et écrite par le duo Eric Judor & Hafid Benamar – déjà derrière la cultissime série Platane. Cette série d’animation a pour particulier d’être co-produite par Ubisoft, et pour cause, il s’agit d’une version pour adultes (entendre, plus graveleux et irrévérencieux) des lapins crétins. Le premier teaser est déjà sorti et comment dire… Grande hâte non ?
Pauvres Créatures de Yorgos Lanthimos
Ce film m’a marqué par son esthétique baroque et sa puissance visuelle, au service d’une fable étrange sur l’émancipation féminine. À la fois impressionnante et dérangeante, Emma Stone grandit sous le microscope déformant d’un Willem Dafoe magistral.
Civil War de Alex Garland
Civil War est sans doute le film qui m’a le plus stressé cette année. Alex Garland déploie une vision glaçante d’un avenir terrifiant car devenu plausible, portée par un réalisme cru, un scénario intelligent et un casting d’une grande justesse.
Flow de Gints Zilbalodis
Flow m’a envoûté par sa beauté minimaliste et sa narration silencieuse. Chaque plan distille un sentiment d’errance et une poésie contemplative qui m’ont profondément ému.
Son premier long-métrage Camping du Lac nous avait enchantés par sa douce étrangeté fantastique (lire l’article) et n’aura pas eu l’exposition qu’il méritait. Nous sommes heureux de remettre en lumière ce très beau film et sa réalisatrice, Eléonore Saintagnan dont le prochain projet inédit, intitulé Le Fléau attise fortement notre curiosité.
Miséricorde de Alain Guiraudie
Pour le plaisir de retrouver dans un film le monde onirique et pervers que je dois quitter avec regrets à chaque fois que je termine la lecture d’un roman de Guiraudie. Ici commence la nuit, Rabalaïre et Pour les siècles de siècles, sont des chefs-d’œuvres de la littérature, dont on retrouve des éléments dans ses films.
L’Empire de Bruno Dumont
Parce que Bruno Dumont y pousse au maximum les limites de son art de la fusion des genres. J’ai adoré les planètes réalisées à partir des plans du château de Versailles.
Love Lies Bleeding de Rose Glass
Pour le plaisir jouissif du rape & revenge movie, la jubilation des jeux de changement d’échelle décomplexés, et le plaisir amoureux de regarder pendant deux heures les beautés indicibles de Anna Baryshnikov et de Kristen Stewart.
Mention Spéciale à
Les Pistolets en Plastique de Jean Christophe Meurisse
Parce que ça fait du bien de voir des acteurs excellents, qui ne sont pas ceux qu’on voit partout.
Son premier long-métrage La Morsure nous avait envoûtés si bien qu’on l’avait invité à en discuter très longuement (lire l’entretien), nous sommes ravis d’inviter une nouvelle fois Romain de Saint-Blanquat sur Fais pas Genre !
« Trois films de genre parmi ceux qui ont compté pour moi cette année, trois visions fortes de cinéastes qui s’imposent et débordent chacun à leur manière, et qui m’ont hanté plus que les autres »
Furiosa de Georges Miller
I Saw the Tv Glow de Jane Schoenbrun
La Malédiction : l’origine d’Arkasha Stevenson
Son premier long-métrage Grand Paris avait marqué notre année 2023 et à ce titre nous l’avions convié à en discuter (lire l’entretien) et il devrait marquer 2025 avec son nouveau long-métrage Baise-en-ville avec notamment Emmanuelle Bercot, William Lebghil et Sébastien Chassagne. Il nous informe que le film vient tout juste de sortir de la table de montage et qu’il devrait sortir dans la deuxième moitié de l’année. C’est un véritable plaisir que d’avoir à nouveau parmi nos invités cette voix jeune et singulière du cinéma français.
Furiosa de George Miller
Grand fan de la saga Mad Max et en tout particulier de Fury Road, j’ai surkifé ce nouvel opus. Quel spectacle, quel bonheur ! A presque 80 piges, George Miller reste le cinéaste le plus excitant et le plus inventif des qu’il s’agit de filmer l’action. Mention spéciale au personnage de Pretorian Jack, qui m’a fait complètement délirer.
Smile 2 de Parker Finn
J’étais pas super fan du premier, mais cette suite m’a complètement chamboulé. J’y suis allé à reculons, et j’ai pris mon pied devant ce long cauchemar à l’efficacité et à la maestria imparables. Quelle puissance ! La dernière séquence est d’une perversité absolument jouissive. Je me suis régalé de toute cette méchanceté.
City of Darkness de Soi Cheang
J’aurais pu finir sur le Alien Romulus de Fede Alvarez, que j’ai trouvé excellent, mais j’ai un vrai faible pour City of Darkness. J’ai adoré. C’était drôle, barré, violent, mais toujours hyper tendre. J’ai retrouvé la légèreté, l’esprit de camaraderie et la bienveillance qui me touchent tant dans les films de Johnnie To. Avec un grain de folie super réjouissant, et en prime, les meilleures scènes de baston que j’ai vues au cinéma depuis bien longtemps.
Après son court-métrage très remarqué jusqu’aux Césars J’ai vu le visage du diable on est très heureux de savoir Julia Kowalski de retour en 2025 avec un nouveau long-métrage intitulé Que ma volonté soit faite dont le pitch attise fort notre curiosité « Nawojka, une jeune femme en lutte avec son désir monstrueux, est convaincue d’être frappée d’une étrange malédiction héréditaire et qui va tenter de s’extirper du carcan familial au travers de Sandra, sa sulfureuse voisine de retour au village ». Très occupée par le tournage rendant compliqué sa pleine réponse à cette invitation, Julia a tout de même souhaité nous partager un coup de cœur de son année cinéma.
Miséricorde de Alain Guiraudie
C’est un film qui ne va jamais là où on l’attend, toujours plus surprenant, toujours plus fou. Je n’ai pas pu voir tous les films que je voulais cette année, car j’ai été super occupée en préparation puis en tournage de mon propre film. Mais ce film-là m’a mis une bonne claque, tant il est singulier.
Réalisateur de film d’animation mexicano-canadien, Rodrigo Perez-Castro travaillé sur de nombreux projets d’animations qui font pas genre tels que La Légende de Manolo, Rio 2 ou Angry Birds. Cette année, son deuxième long-métrage en tant que réalisateur après Koati, intitulé Une Nuit au Zoo, va déferler dans nos salles le 29 janvier prochain (voir la bande-annonce). Nous en avons donc profité pour lui demander de nous partager ses trois films qui font pas genre de 2024. (Texte traduit de l’anglais)
The Substance de Coralie Fargeat
The Substance de Coralie Fargeat est, pour moi, le pendant moderne de l’un de mes films préférés de tous les temps, Boulevard du crépuscule de Billy Wilder, un autre récit tordu et transgressif qui a secoué le public il y a plus d’un demi-siècle. L’aspect le plus choquant de ce nouveau récit édifiant sur les dangers de la recherche de la célébrité à Hollywood n’est pas seulement de reconnaître que l’âgisme et le sexisme perdurent et prospèrent dans notre culture depuis l’époque de Norma Desmond, mais aussi de reconnaître que la recherche de la jeunesse éternelle et de l’approbation générale est devenue un problème universel qui imprègne toute la société de notre monde moderne. Le choix absolument fou mais brillant de Fargeat de raconter son histoire à travers un concept de science-fiction/body horror rappelle les meilleures œuvres de Cronenberg et Carpenter, deux influences majeures de mon propre travail. Pour moi, faire un film, c’est prendre des risques et repousser les limites vers des territoires inconnus. L’approche courageuse et audacieuse de The Substance m’a non seulement inspiré, mais m’a aussi offert la meilleure expérience que j’ai eue au cinéma cette année avec un public. Il est rare de sortir d’une salle de cinéma avec le sentiment qu’un film a été fait pour moi, mais c’est vraiment spécial quand cela se produit. The Substance est l’un de ces films.
A Different Man de Aaron Schimberg
Il était difficile pour moi de ne pas penser à The Substance en regardant A Different Man d’Aaron Schimberg. Les deux films traitent de transformations corporelles qui entraînent des conséquences inattendues pour leurs personnages principaux, mais c’est précisément l’approche et l’exécution très différentes d’A Different Man, par rapport au chef-d’œuvre de Coralie Fargeat, qui m’ont non seulement surpris, mais ont fait que les thèmes et les personnages du film persistent dans mon esprit jusqu’à ce jour. A Different Man m’a fait penser à deux de mes films préférés de tous les temps : The Elephant Man de David Lynch et Freaks de Todd Browning, qui m’ont tous deux profondément marqué pendant mes années de formation et ont influencé mon travail personnel comme aucun autre. Ils posent tous deux des questions très difficiles sur ce que signifie être « normal ». Quel est le prix à payer pour appartenir, et que perdons-nous lorsque nous nous conformons ? A Different Man y répond d’une manière vraiment originale et inattendue en posant des questions encore plus difficiles, des questions auxquelles nous seuls pouvons répondre en repensant la façon dont nous nous voyons nous-mêmes et les autres.
Flow de Gints Zilbalodis
Flow de Gints Zilbalodis fait partie de ce groupe rare de films qui transcendent les récits conventionnels pour devenir ce à quoi, selon moi, le cinéma aspire vraiment : de la poésie visuelle. Au-delà de sa beauté naturaliste et de sa perfection technique, le récit simpliste mais très efficace de Flow m’a captivé en n’ayant pas peur de laisser son public et le confronter à ce qui ne peut être ni répondu ni même remis en question. La poésie, visuelle ou non, est à bien des égards à la fois personnelle et mystérieuse. Depuis que je suis cinéaste d’animation, j’aspire à distiller le cinéma dans sa forme la plus pure de poésie visuelle, et il est vraiment inspirant de voir d’autres cinéastes tenter d’y parvenir sans aucune interférence de studio. J’espère que Flow ouvrira de nouvelles voies pour ceux d’entre nous qui sont dans cette même quête de raconter des histoires uniques et convaincantes qui défient les conventions.
Marcia Romano est la co-réalisatrice avec Benoit Sabatier d’un film qui fait vraiment pas genre, Fotogenico. Un ovni atypique, libre, plein de personnalité, pop, punk et tendre à la fois. Il paraissait évident que les deux cinéastes derrière cette proposition allait partager avec nous ce goût pour les œuvres hors sentiers. Nous sommes ravis que Marcia Romano ait accepté de nous partager ses trois saisissements cinéphiles de l’année qui vient de se terminer.
The Apprentice de Ali Abbasi
Quelle bonne idée, raconter une histoire d’amitié sur des années, prendre deux acteurs de génie (Jeremy Strong et Sebastian Stan), couper le film en deux, filer le premier rôle à l’un, puis à l’autre. La reconstitution : comme la mèche de Donald, décoiffante, de bout en bout. Il n’y a pas une seule scène dans ce film qui ne soit pas jubilatoire – une somme de petits miracles, de l’argent pas tape-à-l’œil, mais planqué dans chaque plan.
Joker: Folie à Deux de Todd Phillips
Presque aussi bien que le premier. Les mêmes fulgurances expérimentales, la même richesse visuelle, esthétique, une DA qui rend heureux, la beauté de tout et de Joaquin Phœnix. Chaque expression, gestuelle, claquette de l’acteur dans ce film relève de la magie. Todd Phillips, qui a démarré avec un docu rock (le frappadingue Hated: GG Allin & the Murder Junkies) remet ça, la célébration de la musique en veux-tu en voilà. Seule fausse note : Lady Gaga.
Dream Scenario de Kristoffer Borgli
Deux plaisirs en un : une absurdité mentale à la Charlie Kaufman (sorte de Dans la peau de John Malkovich vulgarisé ou, au choix, plus norvégien) mais aussi un grand film de la cagesploitation, enfin ! Que demander de plus ? Une idée de départ grandiose, des scènes hilarantes, de la folie et du politiquement incorrect en roue libre, et la possibilité d’y croiser ce que l’on aime : Michael Cera, Nicholas Braun, et même le costume culte de David Byrne dans Stop Making Sense. La cancel culture en Freddy les griffes de la nuit, fallait y penser !
Son premier long-métrage Messe Basse avec Jacqueline Bisset et Alice Isaaz avait été l’une des belles surprises offertes par le cinéma de genres hexagonal en 2021, nous avions d’ailleurs pu en discuter longuement avec lui dans un passionnant entretien. En 2025, Baptiste Drapeau nous reviendra avec un second long-métrage qui cultive son mystère. S’il est actuellement en tournage, on n’en sait pas grand chose, tout juste ce qu’il s’autorise à nous en dire à savoir que c’est un docu-fiction, produit par Quad et distribué par le Pacte. Nul doute que vous en ré-entendrez parler plus en détails en ces lieux.
Furiosa de George Miller
De loin le film qui m’a le plus marqué cette année. Comme beaucoup, j’étais déjà un grand fan de Fury Road, mais Furiosa a su se renouveler et offrir une proposition qui prend le contre-pied du film précédent. Une narration plus complexe, plus fournie et étendue dans le temps. Une esthétique numérique, contemporaine et saturée, parfaitement maîtrisée, qui m’a cueilli. Je reste complètement subjugué par le rapport que George Miller entretient avec le cinéma muet. Chaque scène, aussi complexe soit-elle (et sans le soutien d’aucun dialogue), est d’une lisibilité à couper le souffle. La séquence d’attaque du Porte-Guerre au milieu du film est une démonstration de découpage et de rythme.
Kind of Kindness de Yorgos Lanthimos
Je suis tombé dans le film comme dans un rêve étrange sans jamais en décrocher. Cette métaphore bizarre sur la noirceur de l’être humain m’a beaucoup plu. Elle offre le point de vue d’un Yorgos Lanthimos totalement libre. Un film d’auteur sans garde-fou, avec son casting XXL prêt à le suivre n’importe où. Le genre d’œuvre suffisamment rare dans l’industrie pour être souligné.
Joker : Folie à deux de Todd Philipps
Je suis très souvent emballé par les « blockbusters malades ». Les films à gros budget qui ont déraillé… qui ont échappé aux producteurs et parfois même à leur créateur. Je mets dans cette catégorie des films comme Noé de Darren Aronofsky ou Cloud Atlas des Wachowski. Joker : Folie à deux n’est pas un film facile, mais c’est une proposition artistique puissante. Le film fait corps avec son personnage. C’est un voyage dans sa psyché. Le long-métrage se confond avec le Joker : un être faible, frustrant, décevant, sombre et complément torturé.
En 2024 son nouveau long-métrage Scarlet Blue a écumé les festivals estampillés cinéma de genres du monde entier, pourtant, il n’a pas eu les faveurs de l’exploitation hexagonale. C’est fort dommage tant l’œuvre d’Aurélia Mengin affirme de nombreuses singularités au sein des cinémas de genres français et du cinéma français en général. Cette cinéaste qui qualifiait dans l’entretien qu’elle nous a donné son cinéma comme une démarche d’art brut est aussi engagée à montrer et faire valoir ce cinéma dit « différent » à travers son Festival Même pas peur, qu’elle a créé et dirige sur l’Île de la Réunion. En 2024, le festival a fêté sa quatorzième édition et s’impose toujours plus comme l’une des références des festivals français dédiés aux cinémas de genres. Fidèle à sa fougue et sa générosité, Aurélia nous a transmis un texte foisonnant qu’il a été nécessaire de réduire par soucis d’homogénéité. Mais vous pouvez le lire en entier en suivant ce lien.
Love Lies Bleeding de Rose Glass
Du film je ne savais rien. Ni le casting, ni l’histoire, pas même une image. C’était la dernière séance de la journée aux Halles. J’avais simplement envie de sortir pour m’évader. Et puis, dès les premières secondes, tout a basculé : le visage magnétique de Kristen Stewart, divine avec cette coupe mulet audacieuse ; Ed Harris, charismatique et terriblement malsain dans son rôle de vieux briscard ; la beauté sculpturale de Katie O’Brian ; ce décor d’un bled perdu au cœur de l’Amérique, avec ses vieilles bagnoles et son esthétique vintage qui transpire la poussière et la sensualité. Impossible de résister. Love Lies Bleeding m’a transpercé le cœur ! La mise en scène à la fois maîtrisée et empreinte de liberté, le montage qui intègre tout au long du film des images écarlates presque subliminales, cette bande son envoutante, la beauté des corps et l’ivresse d’une sexualité à la fois bestiale et romantique, cette course folle où passion et amour se mêlent dans un vertige presque insoutenable : tout en ce film m’a bouleversée !
Emilia Perez de Jacques Audiard
Avant de parler de ce film, il faut que je vous confesse quelque chose : je suis viscéralement allergique aux comédies musicales et à la danse. Oui, rien que l’idée me fait fuir. Alors, à sa sortie, je n’avais aucune envie de m’y aventurer. Et d’ailleurs, plus un film fait l’objet de matraquages médiatiques, plus cela éteint ma curiosité. Je décide malgré mes réserves de voir Emilia Perez et la puissance excessive de ce film a fait voler en éclat tous mes a priori avec une force que je n’avais pas anticipée. La mise en scène est un tourbillon. La caméra virevolte sans jamais s’arrêter, dans une fluidité hypnotique qui happe le spectateur et ne le lâche pas une seconde. Tout est léché, travaillé, pensé jusqu’au moindre détail : les décors, les costumes, les lumières. Chaque plan est construit comme un opéra. Et comment oublier Zoë Saldaña, impériale dans son costume en velours rouge ? Cette séquence où elle danse, magnifiée par des éclats de lumière stroboscopiques, oscille entre une froideur presque monochrome et des explosions de couleurs. C’est d’une beauté fulgurante, une chorégraphie qui reste gravée en mémoire. La musique, elle aussi, transcende les codes et esquive les clichés des comédies musicales. Puissante, percutante et toujours surprenante, les styles musicaux s’entrelacent avec audace et harmonie. Les paroles claquent et véhiculent un sens profond. Et bien sûr, impossible de ne pas saluer Karla Sofia Gascón, qui crève l’écran.
Concrete Utopia de Um Tae-hwa
Ce fut l’un des films phares de la 14ᵉ édition du Festival du Film Fantastique Même pas peur. Mon co-organisateur Nicolas Luquet et moi savions dès les cinq premières minutes de ce film catastrophe post-apocalyptique, que nous allions lui donner une place. C’est un film aux multiples visages. C’est à la fois une expérience visuelle spectaculaire, avec ses séquences impressionnantes de tremblement de terre apocalyptique, et une œuvre politique sur la condition humaine. Le récit plonge dans le quotidien fracturé d’une poignée de survivants, enfermés dans un immeuble miraculeusement rescapé du séisme. C’est aussi et surtout une brillante satire politique, un film qui décortique avec lucidité la manipulation des masses et les mécanismes de pouvoir. Il interroge également notre rapport à la soumission, à la domination, à l’altérité, explorant la xénophobie et la peur viscérale de “l’autre”. Le film met en lumière la noirceur instinctive de l’humanité face à l’effondrement social. La lutte pour la survie devient un prétexte pour instaurer un système autoritaire, où la violence est justifiée au nom d’un bien collectif illusoire. Cette micro-société hiérarchisée résonne de manière troublante avec la montée des régimes populistes actuels, où l’exclusion et la peur dominent les discours. Cette fresque coréenne réussit l’exploit d’aborder des thématiques complexes sans jamais tomber dans le moralisme. Il ne s’agit pas que d’un récit dystopique : c’est un miroir déformant terrifiant sur nos sociétés en mutation.
Mentions Spéciales à : Vampire Humaniste cherche suicidaire consentant, When Evil Lurks, Kind of Kindness, MaXXXine, The Devil’s Bath
Son premier long-métrage La Damnée aura été l’une des nombreuses propositions qui font pas genre made in France de l’année qui vient de se finir, à cette occasion, nous lui avions proposé d’en discuter longuement le temps d’un riche entretien . Alors qu’il a deux projets en gestation, nous sommes dans l’espérance que l’un d’entre eux se dévoile en 2025. En attendant, nous avons convié pour la seconde fois Abel Danan à nous partager ses trois coups de cœur de l’année.
L’Amour Ouf de Gilles Lellouche
Pour son ambition, ses acteurs, ses musiques et sa générosité. Voir un réalisateur français aller chercher ses inspirations chez Paul Thomas Anderson et Scorsese est toujours précieux, surtout quand c’est aussi bien fait. L’ampleur de l’histoire, l’émotion, les personnages, les scènes… Une masterclass absolue.
Emilia Perez de Jacques Audiard
Quand la France s’exporte cela donne toujours des choses intéressantes et belles, mais de voir un film aussi bouleversant, aussi magique, fin dans ses références et son histoire, dans son traitement des personnages, et aussi brillamment exécuté de A à Z est unique. Impossible de ne pas être ému, et quand on veut faire des films, admiratif.
Vice Versa 2 de Kelsey Mann
Parce que le cinéma d’animation est ce qu’il y a de plus renversant, beau, universel, magique et périlleux en terme de préparation, fabrication, production et message, et parce que neuf ans après le chef-d’œuvre absolu qu’est le premier, Pixar a réussi à faire encore mieux, plus percutant, plus émouvant… Un film éternel, et définitivement le plus marquant depuis longtemps.
Mentions spéciales à
Mufasa de Barry Jenkins
La Planète des Singes : Le nouveau Royaume de Wes Ball
Sous la Seine de Xavier Gens
Après un passage remarqué dans Oranges Sanguines de Jean Christophe Meurisse qui lui avait valu d’être dans la pré-sélection des Révélations Féminines aux Césars 2022, Lilith Grasmug est à nouveau présente dans cette liste grâce à sa performance dans Langue Etrangère de Claire Burger. En ce qui nous concerne, c’est sa partition qui dans La Morsure qui nous aura beaucoup marqués cette année et qui a motivé cette seconde invitation à participer à cet article collectif.
May December de Todd Haynes
J’aime tous les films de Todd Haynes. J’ai la sensation qu’ils tournent tous autour d’un point inatteignable, qu’ils cherchent à embrasser l’authentique par le détour du faux, de la fiction. A mes yeux, il met en scène la façon dont l’artificialité crée, malgré elle, des échappés de sens et la possibilité d’un amour véritable.
Miséricorde de Alain Guiraudie
J’aime que le dernier film de Guiraudie joue avec une morale alternative et grotesque. Qu’il nous montre comment notre morale est malléable, qu’elle est une construction culturelle que nous ne cessons de confondre avec l’universel.
La Bête de Bertrand Bonello
Je ne sais pas vraiment pourquoi ce film m’a émue. Peut-être parce qu’il s’approche de ce sujet contemporain qui est en train d’émerger : que nous sommes tous des êtres multiples et fluides. Jamais les mêmes hier qu’aujourd’hui et donc parfois des étrangers à nous-mêmes.
Chez Fais pas Genre nous avons toujours su regarder les cinématographies des pays francophones cousins, qu’il s’agisse du Québec comme de la Belgique. Cette année, un film venu du Plat Pays avait tout particulièrement retenu notre attention, The Belgian Wave de Jérôme Vandewattyne. Alors nous avons saisi l’occasion de prendre contact avec cet ovni belge pour lui proposer de nous partager ses trois chocs de 2024.
Love Lies Bleeding de Rose Glass
Un film qui frappe fort avec son ambiance moite et envoûtante, porté par un casting impeccable. Katy O’Brian, véritable révélation, y déploie une présence magnétique, à la fois fragile et terrifiante, d’une justesse remarquable. Une claque cinématographique à ne pas manquer.
Joker : Folie à deux de Todd Phillips
Une audace rare, un véritable pied de nez au fan service et à la dictature des attentes. Là où le premier opus s’imposait comme un coup de maître, ce second volet choisit la voie de l’irrévérence tout en s’inscrivant dans une continuité directe. Joker 1 & 2 s’envisagent comme un seul et même cri de désespoir, une réflexion poignante sur un homme écrasé par le symbole d’un costume qu’il rejette. Je partais pourtant sceptique, influencé par une presse qui semble avoir vu un tout autre film ou qui s’aligne sur une critique moutonnière. Hommage aux comédies musicales et au cinéma de l’ancien Hollywood, le film se distingue surtout par la voix brisée de Joaquin Phoenix, qui chante/souffre davantage pour lui-même que pour le public, une litanie du désespoir qui ajoute encore plus de profondeur à Arthur Fleck. S’affranchissant du poids de DC et de l’aura maudite du Joker, le film s’impose comme une vision d’auteur insolente, aussi puissante qu’inattendue. Si je regrette le clin d’œil au plan du miroir dans Cutting Moments de Douglas Buck sans lui rendre pleinement hommage, cela n’entame en rien l’impact de cette œuvre qui me travaille encore. Je ne peux expliquer la mauvaise réception du film que par l’inconfort qu’il suscite, en tendant un miroir à Hollywood et à ses consommateurs de produits calibrés. Une œuvre qui réinvente le culte tout en le désacralisant est, à mes yeux, l’incarnation même de l’audace.
Challengers de Luca Guadagnino
Quand la musique, signée par l’inimitable duo Trent Reznor/Atticus Ross, prend une place aussi centrale dans la narration sans pour autant devenir une comédie musicale, je ne peux qu’être admiratif. C’est rare de voir une bande sonore occuper un tel rôle, et le résultat est saisissant. La musique se marie parfaitement avec la mise en scène dynamique de Luca Guadagnino, un réalisateur qui continue de me surprendre à chaque œuvre. Il réussit même à me captiver avec un sport qui, bien que plaisant à jouer, m’ennuie généralement à l’écran. Ici, chaque aspect du film, sublimé par cette bande-son hypnotique, nous plonge dans l’obsession ambiguë des personnages pour nous faire vivre un slow burn maîtrisé qui mène à un final particulièrement poignant.
Après deux saisons de sa série Stalk et une de Monique,on a apprécié son long-métrage intitulé Drone, un premier essai plus que prometteur qui confirme que Simon Bouisson est un cinéaste sur lequel les cinémas de genres français peuvent compter. Pour la deuxième fois depuis que ce rendez-vous existe, il a accepté de partager avec vous, lecteurs et lectrices de Fais pas Genre, ses trois films préférés de l’année.
Civil War de Alex Garland
Tiens, je ne pensais pas que ce film me resterait autant en tête ! Mais force est de constater que le portrait glaçant qu’il fait de l’Amérique est d’un réalisme, d’un nihilisme, d’une furie furieuse qui n’ont jamais été aussi tristement proches de la réalité.
Pauvres Créatures de Yorgos Lanthimos
Comme quoi, il faut toujours croire à ses pitchs les plus barrés et y aller à fond ! Un Frankenstein au féminin drôle, smart et lucide sur le patriarcat. Dans le genre, The Substance de Coralie Fargeat fait aussi bien le boulot.
The Zone of interest de Jonathan Glazer
Et pour finir avec un peu de hauteur, pour moi le film le plus virtuose et glaçant de l’année. Mise en scène obsédante, cadrages maniaques, puissance du hors-champ, bande sonore apocalyptique… Un chef-d’œuvre qui fait pas genre sur la banalité du mal.
Remarquée cette année parmi la bande de jeunes activistes du slasher Wake up réalisé par les RKSS, Alessia Yoko Fontana est l’une des actrices apparues en 2024 dont on risque fort de ré-entendre parler dans les années à venir. En 2025 elle sera d’ailleurs à l’affiche de la série Iris pour Sky dans lequel elle incarne la scientifique Ako Nakamura. Elle a accepté avec enthousiasme de partager ses trois coups de coeur de l’année dont il faut préciser que les textes ont été traduits de l’anglais.
Maxxxine de Ti West
Ce troisième opus n’est peut-être pas aussi pointu que Pearl, mais je l’ai quand même beaucoup apprécié. Il y a quelque chose dans la façon dont il mélange humour noir et suspense dans un décor hollywoodien tordu qui attire votre attention. Ce n’est pas aussi maîtrisé, mais il vous attire définitivement avec sa propre ambiance.
Disclaimer de Alfonso Cuaron
Bon, Disclaimer n’est pas vraiment à proprement parler du genre, mais il a cette qualité de thriller qui vous tient en haleine. La façon dont il crée lentement de la tension et bouleverse vos attentes m’a vraiment accrochée.
The Substance de Coralie Fargeat
The Substance est l’un de ces films dont le goût est familier. C’est étrange et abstrait, mais il y a quelque chose qui vous marque. Ce n’est pas pour tout le monde, mais si vous avez envie de quelque chose qui vous fait réfléchir et vous désoriente un peu, ce film a un charme unique.
Benoit Sabatier est le co-réalisateur avec Marcia Romano d’un film qui fait vraiment pas genre, Fotogenico. Un ovni atypique, libre, plein de personnalité, pop, punk et tendre à la fois. Il paraissait évident que les deux cinéastes derrière cette proposition allait partager avec nous ce goût pour les oeuvres hors normes. Preuve en est avec cette sélection de trois pépites et quelques bonus que nous propose Benoit.
The Apprentice de Ali Abbasi
Le diable prend Donald sous sa coupe, mais l’élève devient plus diabolique que le mentor. Abbasi réussit l’impossible, passer au milieu du film ni vu ni connu d’une esthétique Taxi Driver à une image Les Prédateurs, sans dissonance, sans rupture, et comment ? Avec une mise en scène limpide et virtuose.
Say Nothing de Joshua Zetumer
Les organisations paramilitaires des années 70 (IRA, Brigades Rouges, ETA, Fraction armée rouge…) ont été plus souvent qu’à leur tour le sujet d’excellentes fictions, Say Nothing s’ajoute à la liste, sur une ligne implacable – une dé-construction du romantisme lié aux bombes.
Beomjoidosi 4 de Heo Myeong-haeng
Mieux que City of Darkness. Comme David Leitch (Deadpool 2, The Fall Guy, Bullet Train), le real’ était cascadeur. Ils ont le sens du rythme, de la chorégraphie, du punch et de la punchline. Ce génie de Ma Dong-seok, c’est Bud Spencer, en moins cabot, plus renversant.
Mentions Spéciales à : Dream Scenario, Gangnam B-Side, American Sports Story (Aaron Hernandez), The Fall Guy, The Jinx 2, Megalopolis, Industry 3…
En 2025 on risque fort d’entendre parler de Romain Daudet-Jahan avec son premier long-métrage intitulé Kyma et présenté comme un film fantastique. Il s’agit d’une nouvelle production estampillée du label de films de genre Parasomnia de Sony Pictures. En attendant de pouvoir découvrir cette proposition nous souhaitions faire connaissance avec son réalisateur par l’entremet de ses goûts et couleurs.
Black Dog de Guan Hu (sortie le 5 mars 2025)
J’ai eu la chance de découvrir le film à Cannes sans rien en savoir, et dès le premier plan, j’ai eu la sensation d’être devant un grand film. Western moderne à la fois ultra maîtrisé et touchant, il raconte l’histoire d’un homme qui sort de prison et revient dans son village natal au coeur du désert de Gobi, envahi par les chiens errants. C’est beau, étrange, drôle, émouvant et surréaliste.
37, l’Ombre et la Proie de Arthur Môlard
Un routier prend en stop une femme qui menace de le tuer pour une raison mystérieuse. Le premier long-métrage d’Arthur Môlard est aussi le premier sorti du label Parasomnia. Interprété par un excellent duo d’acteurs (Guillaume Pottier et Mélodie Simina), c’est un thriller minimaliste et haletant qui nous tient en haleine avec une grande économie dramatique. Hâte de voir son prochain film.
The Substance de Coralie Fargeat
C’est un film que je trouve jubilatoire et libérateur. Le scénario, le duo d’actrices, la mise en scène, le découpage, le sound design, tout est vraiment inspirant. Sans parler de l’ambition du projet et de sa profonde originalité dans le paysage cinématographique. Ça donne envie de ne pas être timide, d’être audacieux.
Mention spéciale à :
Flow de Gints Zilbalodis, un film d’animation immersif et profondément émouvant.
La Planète des Singes : Le Nouveau Royaume de Wes Ball, une aventure épique et touchante portée par une superbe direction artistique.
Son court-métrage Cultes a été la sensation festivalière de l’année passée, remportant le fameux Méliès d’Argent à Sitges et le prix du Meilleur Film International au tout aussi prestigieux Fantaspoa (Brésil). Fort d’un parcours jalonné de reconnaissances et de prix, ce film narrant l’histoire d’un jeune pensionnaire d’une institution religieuse en 1970, qui assiste, lors de la projection d’un film, à un complément de programme qui chamboule son quotidien (spoiler alert : il s’agit de la bande annonce de La Nuit des Morts-Vivants) et sa vision de Jésus Christ. Le succès du film et ses qualités lui ont valu une pré-sélection au César du Meilleur Court-Métrage et on espère fort qu’il fera partie des cinq nommés, en seul représentant du cinéma de genre français. Quoi qu’il en soit, nous sommes très heureux d’inviter David Padilla à vous partager ses coups de coeur cette année et sommes déjà excités à l’idée de découvrir ses prochains projets.
37, L’ombre et la proie de Arthur Môlard
Le film que l’on attend pas et qui vous cueille grâce à un réel effort porté sur le récit et une mise en image élégante et redoutablement efficace. Le fond et la forme épaulés par des comédiens inspirés. Et dire que c’est un premier film… L’inspiration de l’année dans le genre made in France.
The Substance de Coralie Fargeat
Entre ceux qui adorent et ceux qui détestent, l’essentiel réside surtout dans l’impact que peut créer le film au niveau de la production de genre hexagonale. Coralie Fargeat allume la mèche d’une dynamite dont la déflagration peut créer un inespéré appel d’air dans notre pays. C’est déjà d’un grand mérite…
Les Chambres Rouges de Pascal Plante
Derrière un titre énigmatique, se cachent les méandres du voyeurisme et de la culpabilité harponnés par le Dark Web. Une mise en scène clinique et une esthétique glaciale sont au service d’images que l’on ne veut pas voir… At qui ne sont jamais montrées. Et pourtant l’impact du film encombre la mémoire. Remarquable.
Son court-métrage Mantra qu’elle avait co-réalisé avec Pascal Bourelier (voir le film) avait fait forte impression au sein de la rédaction mais aussi dans les festivals. Elle revient avec un autre film co-réalisé, cette fois avec Rémy Barbe. Même la lune saignera raconte l’histoire de Raphaël, tueur solitaire et dépressif enchaînant les victimes dont les habitudes vont être bouleversées lorsqu’il fait la rencontre de Lucie, une aveugle au bord du suicide. Nul doute que le film marquera l’année festivalière qui se profile et que Stef Meyer continuera de déployer son talent, on l’espère très vite, en format long.
The Substance de Coralie Fargeat
Les sensations, la matière et les textures sont mis à l’honneur dans ce film outrageusement viscéral. Les corps se déforment et se nécrosent dans une surenchère de références qui finit par créer une mutation où toute l’iconographie du body horror s’agglutine pour former le monstre ultime. Une réalisation pointue, précise, efficace et survitaminée. Une créativité débordante, et un beau succès de modèle de production.
Exhuma de Jong Jae-hyeon
Le film explore la manière dont la Corée du Sud reste fortement hantée par ses traditions ancestrales, dans une société ultra moderniste qui recherche le profit à tout prix. On suit un groupe de chamans et un géomancien qui ont fait des rites funéraires traditionnels leur fond de commerce lucratif. Le film met en scène une séance de chamanisme traditionnelle incroyablement immersive, et parvient à mettre en image et en son la terreur ressentie à l’égard des créatures folkloriques coréennes, réveillées par la désacralisation de terres anciennes sacrées. C’est un exercice périlleux mais qui est ici particulièrement réussi et poétique, et qui rappelle l’approche de David Lowery dans The Green Knight, où le travail stylisé du son donne une véritable puissance à l’imagerie mythologique. Les paysages de forêt ancestrales, les textures, les matières, sont magnifiées et capturées avec beaucoup de délicatesse. Le film est un voyage, où l’on quitte très rapidement la société consumériste moderne pour plonger dans un univers de mythes et de folklores ressuscités.
MaXXXine de Ti West
Dernier film de la trilogie lancée avec A24 et Mia Goth, il vient compléter la trajectoire de Maxine après X, hommage éthéré aux slashers des années 70, et Pearl, hommage aux musicals des années 30 mais dans une version horrifique. Reprenant tous les codes du cinéma des années 80, ce film est un véritable voyage de l’imaginaire, un plaisir jouissif purement cinématographique qui dresse un hommage aux nombreux films de genres de cette époque, en mélangeant un travail soigné de SFX, des décors hollywoodiens cultes, et des scènes d’actions millimétrés, où s’y mêlent sensualité, violence et décadence. Cette trilogie qui traverse plusieurs époques est à l’image de Ti West lui-même, qui utilise le médium du cinéma pour créer des capsules de voyage à des époques de cinéma et de genres différents.
Mention spéciale à
Late Night With The Devil de Colin Cairnes et Cameron Cairnes
Late Night With The Devil est un étrange dispositif d’une efficacité redoutable. Se déroulant entièrement sur le plateau d’une émission télé en 1977, le soir d’Halloween, le film nous offre une séance d’exorcisme captée en live. Non seulement le dispositif est très original, entre les enregistrements lives, les scènes filmées en coulisses, et les retransmissions, mais le duo de réalisateurs torture le médium télévisé via la possession de leur invitée dans une mise en abîme infernale et complètement immersive. Ingrid Torelli qui interprète Lilly est une digne héritière de Linda Blair, de Jennifer Carpenter ou de Ashley Bell, en jetant un malaise immédiat. Soignée, efficace, stylisée à la sauce des années 70, la mise en scène porte le concept du film jusqu’au bout, et parvient même à le transcender dans un final surréaliste et puissant.
Qui aurait pu y figurer : Strange Darling de JT Mollner, Cuckoo de Tilman Singer, Sleep de Jason Yu, The Devil’s Bath de Severin Fiala et Veronika Franz, I Saw the TV Glow de Jane Schoenbrun
Cette année, Lucas Stoll a marqué le « Youtube Cinéphile » avec son admirable documentaire On a volé ma VF (voir le film) consacré aux doubleurs.ses français et à cette discipline mésestimée. A cette occasion, nous l’avions invité à en discuter (lire l’entretien). Naturellement, nous avons proposé à ce cinéphile invétéré et partageur, à se plier pour la première fois à notre exercice. Sans surprise, il a accepté avec joie.
« Quelle année exceptionnelle pour le cinéma ! Il est rare d’avoir une telle richesse, marquée par le retour de grands réalisateurs et la découverte de talents émergents. Voici un petit top 3 des films les plus marquants que j’ai eu la chance de découvrir cette année. »
Emilia Perez de Jacques Audiard
Un scénario que l’on rêverait tous d’écrire, sublimé par la mise en scène époustouflante de Jacques Audiard. Un tour de force qui prouve qu’il sera toujours possible de réinventer le cinéma.
Love Lies Bleeding de Rose Glass
Avec son deuxième long-métrage, Rose Glass s’impose comme l’une des figures de proue du cinéma indépendant américain. Puissant, d’une modernité saisissante, ce film interroge les limites de l’amour. Certaines idées de mise en scène m’ont profondément marqué, et continueront de me hanter dans les années à venir.
Joker : Folie à Deux de Todd Phillips
La mal-aimée suite de Joker, qui de mon point de vue n’a pu su être appréciée à sa juste valeur. Todd Phillips revient avec une proposition déroutante mais audacieuse. Ce film intimiste explore les diverses formes de folie de ses protagonistes – Le Joker, Lee Quinzel mais aussi Arthur Fleck – dans une approche qui renouvelle le genre. Un film qui, j’en suis convaincu, sera réévalué par le public avec le temps.
Mention spéciale à :
Daaaaaali ! de Quentin Dupieux
Probablement le plus grand ou le plus absurde film de Quentin Dupieux (après Le Daim), porté par un Jonathan Cohen au sommet de son art.
Mémoires d’un escargot d’Adam Elliot
Ce film, que j’ai découvert en avant-première lors du Festival du Film Fantastique de Strasbourg en septembre dernier et qui sortira sur nos écrans le 15 janvier, est, à mes yeux, la plus grande claque cinématographique de ces dernières années. Sans aucun doute le prochain film du mois de Fais pas genre !
Cela fait quelques années que Rémy Barbe fait aussi parler de son travail de réalisateur au sein du feu-collectif des Films de la Mouche. Son incroyable Friandise avait notamment sacrément éveillé nos papilles ainsi que celles de nombreux festivaliers amateurs de genre (Court-métrange/Etrange Festival/Gérardmer entre beaucoup d’autres) et il nous tarde de découvrir Même la lune saignera, son nouveau court qu’il a co-réalisé avec Stef Meyer avec le toujours parfait Christophe Montenez. Un nom de plus sur lequel nous ne prenons pas trop de risque à dire qu’il comptera à l’avenir pour le cinéma de genre français sur grand écran. On ne s’étonnera pas de la qualité de ses textes puisqu’on peut notamment lire Rémy Barbe dans les colonnes de SoFilm.
Les Chambres Rouges de Pascal Plante
On n’a pas assez parlé de ce film. Mais quelle claque ! Un concentré de tout ce que nos cousins Québecois font mieux que personne : le thriller psychologique fiévreux mâtiné de film de procès (pour adultes avertis). On sent bien sûr Fincher (sans le high concept), Haneke (sans la leçon de morale) et l’influence du polar typiquement nordique, dégraissé jusqu’à l’os, mais le film ne ressemble à rien d’autre et laisse une trace absolument indélébile. En un travelling, en un pano, en un cut, le film a le pouvoir de stopper toute circulation sanguine. Je reste, presque un an après, cloué par la puissance du langage cinématographique de Pascal Plante, sa science du cadre et du hors-champ, l’extrême finesse de son script et de sa direction d’acteurs, ou encore son rythme envoutant qui resserre son emprise autour du spectateur pour le faire basculer dans un cauchemar éveillé, de ceux qui restent très longtemps après le réveil. Juliette Gariépy et Laurie Babin sont absolument parfaites et ont pour moi la palme des personnages féminins les plus passionnants et complexes de 2024. Et comme si ça ne suffisait pas, Les Chambres Rouges force le positionnement moral du spectateur à travers un jeu de point de vue sidérant. Ça va être compliqué de faire plus pertinent sur la contagion du Mal et son pouvoir de fascination. En prime, le contrechamp le plus tétanisant depuis Don’t Look Now. J’en frissonne encore.
The Apprentice de Ali Abbasi
LE brûlot anarcho-punk de 2024, c’est bien lui. Et qui de mieux que l’auteur de Border pour ça, qui troque cette fois l’humanité des visages monstrueux pour les monstres à visage humain. Non seulement l’irano-danois et son scénariste remportent le pari fou de réussir (haut la main) le seul biopic qui était, au fond, infaisable, mais en lieu et place d’un possible tract démocrate prosélyte et facile, on a en plus droit à la version punk 70’s d’une sitcom sous substances. Enivrant et léché comme pas deux, le film embrasse toute la folie de son récit et de ses personnages tout en se gardant bien de les juger, et finit par donner autant le tournis que la terrifiante Trump Tower, qu’Abbasi escalade avec une adresse revigorante et une intelligence de chaque instant. Et son film de capturer, sur deux voies parallèles, la vertigineuse chute de l’Homme… Et l’inéluctable ascension du Monstre. All Hail the Orange Clown! (Et pitié, qu’on donne à Jeremy Strong l’Oscar du meilleur acteur dans un second rôle…)
Rebel Ridge de Jeremy Saulnier
Dans un monde parfait, la moindre proposition cinématographique de Jeremy Saulnier devrait, par sa simple existence, illuminer nos salles obscures. Mais le monde est ce qu’il est, et Netflix demeure pour l’instant le seul refuge des pamphlets politico-sociaux du jeune prodige américain depuis le décevant Aucun Homme Ni Dieu en 2018. Il aura donc fallu 6 ans à Saulnier pour revenir avec Rebel Ridge. À l’arrivée, le plaisir est (quasi)total, tant le cinéaste n’a rien perdu de sa férocité et de la fascinante rigueur de sa mise en scène. Artisan surdoué, brillant dialoguiste au découpage d’une précision trop rare, Saulnier est vraiment le digne héritier de Peckinpah qui aurait fait un stage chez le early Carpenter. Sa narration « cocotte minute » qui cuit lentement sous le soleil ardent d’une petite ville frontalière des US fait monter la tension sur 2h20 jusqu’à un final d’une décongestion démente. Et même s’il se montre plus sage que les cultissimes Green Room et Blue Ruin en termes de saillies graphiques, ce sont définitivement les mécanismes de la violence et les rouages systémiques dysfonctionnels qui fascinent le réalisateur, qui se permet ici une nouvelle auscultation de l’Amérique malade et fasciste, repliée sur elle-même, où le Mal ne cesse de changer de camp. Probablement un brin trop dense et bavard, mais toujours passionnant. Pour moi, le meilleur du ciné de plateforme de cette année, et de loin. Reviens en salle, Jeremy !
Mention Spéciale à
MaXXXine de Ti West
Je laisse ma chère collègue Stef Meyer s’épancher sur le dernier volet de la trilogie de Ti West, mais mon Amour intarissable pour la filmographie de ce petit génie enfin reconnu à sa juste valeur me pousse à le faire discrètement figurer dans les films qui font pas genre. Et puis, Mia Goth…
Ils font sacrément pas genre non plus : The Zone of Interest / The Devil’s Bath / The Iron Claw / Late Night With The Devil / Vermines / Spaceman
Après avoir conquis le YouTube cinéma grâce à ses brillantes analyses (voir sa chaîne) de nos blockbusters préférés, Victor Norek aka le CinématoGrapheur a consacré en 2024 son premier livre au roi du divertissement : Steven Spielberg. Proposé par Third Editions, L’œuvre de Steven Spielberg : l’art du blockbuster nous avait particulièrement plu si bien que nous avions proposé à Victor d’en discuter avec lui (lire l’entretien). C’est tout naturellement que nous lui avons donc proposé de nous livrer ses trois coups de coeur de l’année !
Here de Robert Zemeckis
Pour avoir relevé le défi d’avoir une des mises en scènes les plus expressives de l’année sans aucun mouvement de caméra (ou presque). Zemeckis continue, comme il l’a fait depuis ses débuts, à expérimenter (alors qu’il a toujours été fustigé par la critique pour ça). Il a été l’un des piliers de la révolution numérique et il pousse ici sa recherche formelle tout en développant une réflexion sur le sens de la vie et la stagnation absolue (littérale) d’un pays alors que les choses évoluent autour. Les seules personnes heureuses ici sont celles qui créent et ce n’est pas un hasard.
The Substance de Coralie Fargeat
L’énorme coup de poing dans la gueule dont le cinéma avait besoin. À la fois ultra référentiel tout en n’étant jamais gratuit (chaque référence a son intérêt dans la narration), la cinéaste arrive à créer un univers qui lui est sien et qui a vraiment créé un phénomène de société que l’on n’avait pas vu depuis longtemps (on ne compte plus le nombre de costumes d’halloween, de nail art et de spectacles de drag inspirés du film en quelques mois à peine). Ne vous fiez pas à la surface, le film est d’une rare complexité.
Le Cercle des neiges de Juan Antonio Bayona
Cet accident d’avion, certainement le plus brutal de l’histoire du cinéma, nous plonge dans ce que l’humanité a de plus beau à travers une situation cauchemardesque. Là où le travail de Bayona est incroyable c’est dans son interrogation sur la représentation, où, à travers sa mise en scène, il se pose vraiment la question de sa légitimité à mettre en image cette histoire vraie, ces êtres humains qui ont réellement été mangés par leurs semblables et dont le souvenir reste là, imputrescible dans le froid, à l’instar des photographies prises par le protagoniste et qui sont arrivées jusqu’à nous.
Mention spéciale à
Hundreds of beavers de Mike Cheslik
Que j’ai eu la chance de découvrir en compagnie du réalisateur déguisé en castor, un film complètement fou, qui propose cinq gags à la seconde en réussissant à ne jamais être redondant et quand même rendre un brillant hommage à la fois à Buster Keaton et au Roi et l’oiseau.
Son court-métrage 1878 se déroulant en Nouvelle-Calédonie pendant la colonisation française devrait faire parler de lui en festivals en 2025, mais ce qui attise encore plus notre curiosité c’est le passage au long-métrage qu’Aurélia Raoull est entrain de préparer. Intitulé Concession, ce scénario en financement est un film d’horreur en Nouvelle-Calédonie convoquant esprits et folklores de l’île du Pacifique Sud. Autant dire tout de suite que Fais pas Genre a hâte de découvrir une telle proposition.
The Zone of interest de Jonathan Glazer
Première claque de 2024. La banalité du quotidien de cette famille est glaçante et on ne peut pas oublier l’horreur voisine hors-champ. En effet, le travail sur le son du camp fait remonter les images de la Shoah enfouies dans notre mémoire collective. Personnellement, elles m’ont hantée pendant plusieurs jours après le film.
Only the River Flows de Wei Shujun
Avec Only the River Flows, j’ai retrouvé le plaisir d’être perdue devant un film. C’est beau, embrouillé et embrouillant. Je me suis souvent demandé s’il me manquait des codes culturels pour décrypter ce qui me semblait être des indices. J’ai cru comprendre et finalement, non…
Civil War de Alex Garland
Ce road trip de reporters de guerre qui couvrent un conflit chez eux est passionnant et j’ai été emportée dès les premières séquences. Les séquences d’action sont immersives et réussies mais le point de vue du personnage principal apporte un ton désabusé à ce film. Je suis ressortie de cette séance avec ces deux questions : pourquoi malgré les témoignages et les images de guerre, des conflits armés naissent-ils encore ? Comment nos démocraties peuvent-elles être en danger ?
Retenez bien son nom et débrouillez-vous pour voir son court-métrage Mort d’un Acteur, véritable promesse d’une nouvelle voie française au rayon de la comédie fantastique. Dans ce court-métrage déjà fortement plébiscité par les festivals – notamment le prestigieux Festival de Clermont-Ferrand qui vient de le sélectionner – Philippe Rebbot est annoncé mort par les médias et les réseaux sociaux. Premier problème : il va très bien. Second problème : la rumeur prend de l’ampleur, malgré ses tentatives de démenti. Nous sommes très heureux de compter Ambroise Rateau parmi nos invités de l’année, persuadés que nous sommes qu’on ré-entendra très vite parler de lui. Et pour cause, on nous murmure qu’un nouveau court-métrage et un premier long sont sur le feu.
Dream Scenario de Kristoffer Borgli
Cinéaste nordique opérant dorénavant aux US, héritier du cringe méta d’Andy Kaufman et du comportementalisme féroce à la Ruben Ostlund. Derrière ses airs de cool kid sur-hypé façon A24, Kristoffer Borgli a de la suite dans les idées, articulant, sur deux films déjà, une pensée ultra pertinente et salvatrice sur cette soif délirante d’attention qui nous dévore tous. Ici, l’intelligence du film est de présenter starification éclair et cancel culture comme deux faces d’une même pièce. Moins acide et légèrement plus sage que Sick of Myself, mais aussi plus profond et joliment mélancolique.
Les Pistolets en Plastique de Jean-Christophe Meurisse
Kervern et Delépine qui ont bouffé un John Waters. Après Oranges Sanguines, Jean-Christophe Meurisse poursuit son exploration de la France des petits chefs et des sadiques du quotidien, où il semble bien que le sens de l’injustice soit la dernière valeur universellement partagée. Un défouloir pour acteurs, connus et inconnus. Les chiens sont lâchés, le jeu de massacre est puissant et cathartique. Il ne faut pas moins de folie chaotique pour s’aventurer sur les zones douloureuses de notre société.
Joker : Folie à Deux de Todd Philipps
C’est un peu Non-Film de Dupieux au pays des superhéros. Accident industriel prévisible : le refus de Todd Philips de délivrer un produit de franchise est obstiné, kamikaze et bizarrement, ultra jouissif. À l’arrivée : expérience de ciné sur un fil, libre et bordélique, numéros musicaux à couper le souffle, Phoenix prodigieux… Le film finit par être un objet punk aussi troublant que fascinant, qui semble inclure sa propre critique et prédire la rage qu’il suscitera. Troll ultime : cette mise en abyme réflexive et arty a coûté 200 millions aux studios. Chapeau l’artiste.
Mention spéciale à
La Bête de Bertrand Bonello
Œuvre totale, visionnaire et ultra-contemporaine. Bonello, au sommet de son art, manie librement Henry James sur fond d’IA et de fin du monde imminente, pour parler de ce sentiment de peur absolue et généralisée qui a gagné notre génération.
Son nouveau court-métrage L’Essence de la Sirène est une proposition fantastique à hauteur d’enfant dont on risque de ré-entendre parler en 2025 tant il est fort à parier qu’il va arpenter les festivals avec réussite. Nous sommes ravis de compter Jessica Puppo parmi nos invité.es cette année tant nous connaissons son engagement à faire des films de genres depuis des années.
Concrete utopia de Um Tae-hwa
Dès les premières scènes, Um Tae-hwa prend à revers le film catastrophe classique : il nous parle d’organisation sociale, de crise du logement, dans un film de SF qui va loin sur notre rapport au capitalisme. Le film est spectaculaire, entre la comédie noire et le drame, et est porté par une chorale de personnages très bien équilibrés. Big up pour la dernière séquence.
Civil War de Alex Garland
Ancrer une guerre civile aux Etats-Unis en 2024, il fallait oser, et ça marche parce que Alex Garland a l’intelligence de se placer du côté du spectateur à travers le regard de Lee Smith. Le film est violent, tragique, beau aussi, ne s’empêchant pas une envolée lyrique au milieu du film après la bascule. Maîtrisé jusqu’au bout, le travail du son, du montage, du découpage nous permettent de tantôt vivre les scènes avec les personnages, tantôt les observer pour nous permettre de nous placer où on le souhaite. Une vraie claque.
Flow de Gints Zilbalodis
Le film est complètement dingue. Entièrement fait sur Blender, il s’équilibre parfaitement entre maîtrise technique et émotions. Quels plans et quel découpage ! Toujours à hauteur de chat, on essaie d’échapper nous aussi à cette montée des eaux inéluctable. Le travail du son est extraordinaire, nous permettant d’être toujours en immersion dans ce film muet qui nous porte et nous donne envie de redevenir un enfant pour avoir la chance de le découvrir tout petit.
Mentions spéciales à
Le Comte de Monte Cristo de La Patellière/Delaporte
La Bête de Bertrand Bonello
Kidnapping Inc de Bruno Mourral
U are the universe de Pavlo Ostrikov
Son court-métrage Naissance d’un Feu produit par Punchline Cinema va très certainement placer Archibald Martin sur la cartographie francophone des cinéastes de genres à suivre dans les années à venir. Survival mâtiné de slasher, le film fait montre d’une grande maîtrise des codes et de la mise en scène toute en tension. On parie fort que les habitués des festivals vont très rapidement avoir l’occasion de découvrir ce court et attendre, comme nous, l’éventuel long qui suivra.
Civil War d’Alex Garland
Après l’audacieux Men (2022), Alex Garland est devenu un de mes réalisateurs à suivre. Civil War est un film au budget bien plus important avec Kristen Dunst et Wagner Moura (Pablo Escobar dans la mythique saison 1 de Narcos) qui imagine une guerre civile aux États-Unis vus par trois photographes de guerre. La mise en scène alterne de manière saisissante les scènes vécues par les personnages avec les photos qu’ils capturent. C’est un film captivant et anxiogène, qui semble étrangement prémonitoire.
The Substance de Coralie Fargeat
C’est le film de genre de 2024, qui divise, agace, amuse, ennuie, choque ou délecte. J’ai beaucoup de choses à redire sur le scénario – notamment la durée de la mise en place et certaines incohérences – mais force est de constater que ce film fonctionne et marque son public. Je suis plus qu’impressionné que la réalisatrice ait réussit à imposer son style et le maintenir tout au long de sa fabrication, jusqu’à l’amener à une diffusion aussi large pour un film gore. Grand respect pour Demi Moore qui ne s’est pas donnée à moitié pour le projet.
La Zone d’Intérêt de Jonathan Glazer
Plus qu’un film, c’est une expérience. La construction visuelle, spatiale et sonore m’a captivée. The Zone of Interest cultive un écart vertigineux, entre ce que l’on sait des personnages et l’empathie qu’on éprouve malgré tout pour eux. On ne va pas dire que c’est agréable, mais Jonathan Glazer nous laisse à une distance suffisante pour ressentir et observer sans être sali.
Primé par la critique à Sitges et par le public de l’Etrange Festival, son court-métrage CHEW est assurément l’un des événements festivaliers de l’année et une promesse de plus pour l’avenir du cinéma de genres français. Nous avons fort hâte de voir ce que Félix Dobaire aura à nous offrir sur grand écran et en format long dans les années à venir.
The Curse de Nathan Fielder & Benny Safdie
J’ai adoré l’ensemble de la série mais le final de The Curse est une des choses les plus dingues et étranges que j’ai vues cette année. Un concept extrêmement simple, poussé à l’extrême sans être tape-à-l’oeil (dans ses situations comme dans sa durée, restant fidèle à la tonalité générale) qui sublime son sujet sans discourir théoriquement dessus. Au contraire, ce dernier épisode met littéralement en scène toutes les thématiques présentes dans la série tout en gardant une grande part de mystère, d’inexplicable, d’irrésolu. Dans une époque où il nous faut constamment tout rationaliser, expliquer, disséquer, c’est extrêmement stimulant d’assister à un geste aussi libre et cohérent, de deux créateurs qui accouchent d’une oeuvre jusqu’au-boutiste et radicale, qui vous suit longtemps après le visionnage. Je n’avais pas vu pareille émancipation à la télévision depuis le fameux épisode 8 de Twin Peaks : The Return. Vertige total.
Mad Max : Furiosa de George Miller
Je ne me suis toujours pas complètement remis des retours tièdes et du flop de Furiosa au box office tant ce film m’a scotché. Quelle folie ! Quelle générosité ! J’ai adoré me perdre dans cette odyssée qui explore l’univers à peine mentionné dans Fury Road. D’ailleurs, le pari de prendre tout ce qui faisait le génie de ce film (simplicité du récit, effets pratiques, grosse musique…) et d’en faire l’antithèse était stimulant mais de taille. Pourtant Miller n’échoue jamais et échappe à tous les pièges pour livrer une suite aussi contraire au précédent qu’elle est complémentaire. Alors oui, le numérique est un peu criard. Mais jamais il n’est utilisé comme cache-misère pour pallier à un manque de direction artistique ou de point de vue. Au contraire, il n’est là que pour enrichir le monde et le langage cinématographique utilisé pour le filmer. D’ailleurs, quelle rigueur de mise en scène, quelle leçon de cinéma, quelle modernité. Aussi baroque que minimaliste. La pudeur avec laquelle Miller esquisse son personnage principal qui se refuse à un quelconque déterminisme de genre (sororité douce, stoïcisme fataliste, amour platonique) m’a également beaucoup touché. Là où beaucoup de vieux réalisateurs ne se tournent plus que vers le passé, paralysés par la nostalgie et circonspects de l’évolution du cinéma, George Miller, à presque 80 ans, continue de regarder vers l’avenir dans un geste profondément contemporain et surtout…Vital.
Aggro Dr1ft de Harmony Korine
En voilà un autre qui tente de regarder vers l’avenir ! J’aime beaucoup Harmony Korine. Derrière son image d’enfant terrible du cinéma américain se cache, je trouve, un grand artiste avec des thématiques obsessives et une véritable recherche formelle. Aggr0 Dr1ft, présenté à Venise en 2023 et sorti confidentiellement sur internet en 2024, en est la parfaite représentation. On y retrouve la même obsession pour la vulgarité du monde que dans Spring Breakers, mais déréalisée. Parce qu’en un peu plus de 10 ans, le monde a changé, basculant dans le tout digital. Aggr0 Dr1ft en puise sa force, se présentant comme une pure expérience sensorielle où s’entrechoquent jeux vidéo, génération d’image par IA, infrarouge et musique électronique, le tout baigné dans un nihilisme désincarné. Korine utilise la figure de l’assassin viril et implacable pour interroger la facticité du monde, son extrême violence, ainsi que la quête de sens de ses habitants. On pourrait presque en tirer des parallèles avec The Killer de Fincher. C’est un film très curieux qui s’affranchit de tous les codes narratifs traditionnels, s’inspirant de la musique (notamment de la trance et de la techno) pour ainsi repenser sa forme dans une répétition ad nauseam de sons et d’images (l’aboutissement du fameux « Liquid Narrative », que Korine testait déjà dans Spring Breakers). Cette démarche et l’originalité des images de ce film me parlent beaucoup. Les sensations qu’elles m’ont provoquées me hantent encore.
Hors compétition
The Zone of Interest de Jonathan Glazer
Difficile de ne pas le citer… Ce film est aussi grand à mes yeux qu’il est à part. L’une de ces œuvres que l’on regardera dans 30 ans avec admiration tant elle aura su encapsuler une époque. La mise en place de son propre dispositif formel, de son propre langage cinématographique, l’utilisation du numérique pour filmer l’Histoire, l’étude de la déshumanisation et de l’accoutumance à la violence… Et ce cut final, absolument terrassant, renvoyant au spectateur non seulement son regard, mais également sa propre humanité. Chef-d’œuvre.