[Entretien] Romain de Saint-Blanquat, à pleines dents


Amateurs de contes gothiques, laissez-vous lentement happer par l’atmosphère sombre et vaporeuse de La Morsure (Romain de Saint-Blanquat, 2024), premier long de ce jeune réalisateur qui n’a pas laissé indiffèrent la presse spécialisée du genre. Nous avons eu la chance de nous entretenir avec lui et de replonger dans les affres de l’adolescence symbolisés par la mélancolique Françoise, jeune pensionnaire d’un lycée catholique qui va connaitre sa première fête en compagnie de sa meilleure amie, Delphine. Les deux jeunes filles ne sortiront évidemment pas indemnes de cette nuit qui laissera des marques dans leur esprit mais aussi dans leur chair.

Affiche de La Morsure réalisé par Romain de Saint-Blanquat.

© EASY TIGER / BNP PARIBAS PICTURES

La Marque du Vampire

Peux-tu nous présenter ton parcours ?

J’ai étudié le cinéma à l’université, d’abord une licence à Bordeaux 3, puis un Master Réalisation à Paris 8 où j’ai réalisé un court métrage de fin d’études, Pin Ups (2014). J’ai fait ensuite un deuxième Master à Nanterre, centré sur l’écriture de scénario au cours duquel j’ai écrit La Morsure. Lors de ma soutenance de fin d’année, j’ai eu la chance de rencontrer un producteur qui aimait mon scénario. Mais c’est toujours assez compliqué de financer un premier film, surtout à la croisée des genres comme celui-là, et il nous a fallu du temps pour arriver à le faire. Le projet a été repoussé à plusieurs reprises et il a fallu garder la volonté de continuer et de ne pas laisser l’envie s’évanouir. En parallèle, j’ai surtout travaillé à l’écriture de scénarios, mais aussi, avant, en tant qu’accessoiriste ou décorateur sur des tournages.

Cyril Metzger et Leonie Dahan-Lamort se baladent de nuit dans une forêt sombre, le teint livide.

© EASY TIGER / BNP PARIBAS PICTURES

On sent effectivement ton expérience d’accessoiriste et de décorateur dans l’univers visuel de ton film avec une petite ambiance qui rappelle les productions de la Hammer, notamment lorsque l’on pénètre dans le pensionnat ou le château.

Les décors sont avant tout le fait de l’équipe décoration mais comme c’est quelque chose qui me tient à cœur, j’avais déjà développé cet aspect-là dans le scénario. Ensuite, les idées ont évolué en fonction des propositions de l’équipe et des lieux qu’on a trouvés. Les films de la Hammer ne sont pas forcément une référence que j’ai communiqué à l’équipe, mais c’était présent dans l’ADN du film. On peut retrouver des éléments communs, qui sont parfois un peu réactualisés parce que ça se passe à une époque plus moderne, comme le café qui peut évoquer la taverne ou le voyage en voiture qui mène au château. Mais j’instille cette référence principalement via le personnage de Christophe, qui incarne l’image que l’on peut avoir des vampires en 1967.

Au niveau des décors extérieurs, avais-tu déjà en tête des endroits particuliers ou as-tu effectué des recherches ?

J’ai écrit avec des idées visuelles précises que j’avais en tête, qui correspondaient bien aux régions où nous avons tourné, la Normandie et les Pays de la Loire. Ensuite ça s’est fait aussi en fonction des repérages. On devait trouver des endroits qui étaient intéressants mais aussi accessibles et dans lesquels on pouvait tourner, à la fois en termes d’autorisation et en termes pratiques. Cette forêt qui compose une bonne partie du film est en fait composée de plusieurs parcelles de forets différentes.

Les forêts ont-elles été retouchées pour correspondre à ta vision ?

La forêt n’a pas été retouchée, à part avec des effets de brume, mais la manière dont elle est éclairée la transforme et l’intègre à l’univers du film. Pour ça, nous avons utilisé un drone équipé d’un projecteur qui volait au-dessus des acteurs et des arbres, dessinant ces ombres mouvantes et ces effets de scintillement. Le résultat est très stylisé et un peu expressionniste. On a rajouté quelques projecteurs dans la forêt et on a pu, grâce à ce drone, obtenir un éclairage suffisamment puissant pour compenser nos contraintes matérielles. Bien sûr, il amenait d’autres complications, notamment la nécessité de changements de batteries entres les prises et un bruit énorme qui compliquait la prise de son, mais on a réfléchi à tout ça en amont et utilisé ces méthodes en connaissance de causes.

Ces scènes ont-elles été tournées en plusieurs nuits ?

Oui d’autant qu’on a tourné dans des endroits différents. Il fallait donc trouver des lieux qui se ressemblent suffisamment pour les raccorder entre eux, et la lumière a justement joué un grand rôle pour que cette jonction fonctionne.

Ces extérieurs rappellent les premiers films de Tim Burton.

Ce n’est pas une influence volontaire, cela dit ce sont des films qui ont quand même compté pour moi quand j’étais plus jeune, donc ça transparaît peut-être inconsciemment. Pour autant ce n’était pas forcément une référence de travail parce que des scènes de forêt comme celles de Dark Shadows (Tim Burton, 2012) par exemple, sont énormément éclairées et donc dans l’idée assez éloignées de ce que nous pouvions faire. Finalement le travail effectué par l’équipe image a été tellement grand et créatif que le résultat peut probablement faire penser à ce genre d’ambiance.

Une jeune femme observe pensive du sang qui coule de sa main, sous le regard d'un jeune homme qui semble captivé ; en fond, un décor d'église en flamme ; scène issue de La Morsure Romain de Saint-Blanquat.

© EASY TIGER / BNP PARIBAS PICTURES

L’image de la sorcière et du vampire sont au centre de La Morsure. As-tu été influencé par le cinéma d’horreur ? Voulais tu faire ton propre film de monstres ?

J’aime les films de monstres, et le cinéma fantastique fait évidemment partie de ma cinéphilie. Mais mon objectif premier n’était pas de réaliser un film de monstres, même si la figure du freak m’intéresse fortement, tout comme celle du vampire, qui peut symboliser et incarner beaucoup de choses. Déjà, elle m’intéressait en tant qu’incarnation du désir et des peurs qu’il peut susciter pour les personnages, notamment celui de Françoise. Je voulais aussi m’éloigner de la figure classique du vampire en la détournant parfois, et en montrant un personnage qui puisse être touchant, parce qu’il se sent coincé dans un corps qu’il n’a pas choisi et qu’il n’aime pas forcément.

C’est typique du monstre de vivre dans une société qui ne lui convient pas

Françoise et Christophe ne se reconnaissent pas dans le monde tel qu’il est. Ils se sentent différents des autres et c’est par cette différence qu’ils se rencontrent.

Françoise est en décalage complet avec le monde. Est-ce que sa façon de parler Nouvelle Vague était une manière de marquer sa propre modernité pour l’époque (le film se passe dans les années soixante ndlr) par rapport à un monde qui est en train de se transformer ?

On est en 1967, à la charnière entre deux mondes. Quelque chose est en marche pour la jeunesse, une révolution en germe qui peut amener de l’espoir pour les personnages et le désir de se soustraire à un vieux monde qui tarde à finir. Au cours du film, les personnages peuvent avoir la sensation d’être moins seuls car ils côtoient d’autres gens de leur âge, qui ressentent la même chose, et ont envie de bousculer les choses. C’est un mouvement qui va vers l’autre, avec l’espoir de faire partie d’un groupe dans lequel on se sent soi. Par rapport aux dialogues, c’était à l’origine du projet de concilier les cinémas qui me plaisent. D’un côté, un cinéma fantastique qui diffuse une atmosphère, un monde qu’on fabrique de toutes pièces, et de l’autre, un cinéma plus intime qui renvoie à la Nouvelle Vague, parce que le film se situe dans les années 60. Il y avait ces deux identités que j’aime et que je souhaitais fusionner, avec le désir de créer un monde qui ne ressemble pas tout à fait au nôtre, qui a son style propre, empreint d’un certain lyrisme.

Comment as-tu réussi à doser le mélange Nouvelle Vague et cinéma de genre ?

A l’écriture je ne me suis pas posé la question. J’avais cet univers fantastique qui enrobait les personnages, et s’accordait à leur perception, et cette dimension sentimentale et émotionnelle qui devait traverser le film. Ces deux mouvements me plaisent autant l’un que l’autre, me paraissait s’accorder ensemble tout en faisant partie de mon identité. Ça pouvait représenter un risque mais d’autres réalisateurs que j’aime avaient déjà tenté ce mélange, comme Georges Franju ou Jacques Rivette, chez lesquels on retrouve cette tension entre un univers fantastique, un peu ésotérique ou magique qui vient rencontrer le monde de tous les jours.

Tu avais le désir de réaliser un film un peu rétro ?

Je voulais convoquer des motifs, une esthétique, une imagerie qu’on voit moins aujourd’hui. Il y avait cette dimension d’époque qui me permettait de les réactiver sans que cela ne paraisse étrange, et en même temps de mettre une distance entre le film et le spectateur qui permettait d’accepter et de croire à ce qu’il voyait, s’il y était réceptif. Même si le long métrage est tourné en numérique, on a travaillé l’image pour retrouver le rendu d’une pellicule de cette époque, avec un aspect tordu des couleurs et une texture dense et granuleuse. Ça permet aussi au spectateur de mieux s’immerger dans cette période.

Plan rapproché-épaule sur la jeune Léonie Dahan-Lamort, éclairé par une faible lueur de lune, dans La Morsure Romain de Saint-Blanquat.

© EASY TIGER / BNP PARIBAS PICTURES

Pour en revenir à Françoise, c’est justement un personnage féminin assez surprenant pour cette époque. On ne peut jamais deviner ce qu’elle va répondre et elle ne possède aucun filtre, que ce soit avec les gens qu’elle connaît ou ceux qu’elle ne connaît pas, ce qui accentue la plupart du temps sa solitude. Est-ce que tu as conseillé à Léonie Dahan-Lamort, son interprète, certains films ou livres pour construire ce personnage ?

Françoise est à la fois née de ce que j’avais écrit et de l’incarnation de Leonie. Françoise est assez radicale, brusque, elle n’a pas de temps à perdre donc elle fonce. Elle vit dans un présent pur et pourtant elle est traversée aussi par une profonde mélancolie liée à la finitude des choses. Léonie Dahan-Lamort a apporté sa propre sensibilité au personnage complexe de Françoise et plus de nuances. Je lui ai montré des documents d’époque et des courts-métrages où l’on pouvait voir des jeunes des années 60 pour se plonger plus facilement dans ce monde-là afin qu’elle construise sa propre interprétation sans forcément essayer d’imiter quelque chose. J’avais moi-même de nombreuses références, comme par exemple le téléfilm Travolta et moi (Patricia Mazuy, 1993) qui comporte un personnage d’adolescente assez énervée, radicale.

Est-elle coutumière du cinéma d’horreur ?

Léonie aime des films de tout genre, mais je crois qu’elle s’intéresse à l’horreur surtout par le biais du cinéma d’animation qu’elle aime beaucoup. Plus qu’un genre en soi, c’était surtout je pense que le scénario lui parlait et elle était très enthousiaste à l’idée de pouvoir incarner un personnage qui a quelque chose d’une sorcière.

Tu as dû avoir une adolescence comme tout le monde mais pourquoi avoir choisi de la raconter d’un point de vue féminin 

Je suis toujours plus intéressé par les personnages féminins au cinéma ou dans la littérature, je m’identifie davantage à elles. Aussi, ce que j’avais envie de retranscrire de cette époque me semblait plus intéressant d’un point de vue féminin, puisque les enjeux étaient forcément plus complexes pour les femmes, au regard des injonctions et des interdits imposés par la société en particulier en ce qui concerne la perte de virginité. C’est une question centrale qui occupe la période adolescente, et Françoise ne veut pas mourir sans avoir connu sa première fois. Mais tout le poids que la société peut mettre sur la question de la virginité des femmes, cette appropriation de leur corps, rendait cette trajectoire plus intéressante qu’avec un personnage masculin. C’était aussi naturel de l’écrire comme ça, le personnage m’est immédiatement apparu ainsi, ça n’a pas été une question pour moi.

As-tu demandé conseil à des femmes autour de toi ?

Beaucoup de femmes ont lu le scénario et surtout j’ai eu la chance d’avoir des consultantes scénaristes qui m’ont aidé à le retravailler lorsque je me retrouvais bloqué. C’est toujours bien d’avoir un regard extérieur et de ne pas tout faire tout seul.

On a des ruptures de rythme assez flagrantes pendant le long métrage. Le début file à toute vitesse puis dès que la nuit commence, on a l’impression qu’elle ne se termine jamais. Un peu comme cette période entre l’enfance et l’âge adulte, qui semble obscure et interminable.

Complètement, il y avait cette idée de confronter plusieurs temporalités qui s’entrechoquent. Le projet du film était de raconter le passage à l’âge adulte dans un temps condensé pour le rendre plus visible et plus intense. Il se passe beaucoup de choses émotionnellement pour le personnage, elle vit dans une urgence mais en même temps, on a le sentiment que rien ne se passe, que le temps de l’adolescence est très long. Ça m’intéressait de confronter ces deux idées dans la rencontre entre Françoise et Christophe. Elle a envie d’aller très vite alors que lui est dans un temps éternel, figé. Le film commence alors que Françoise pense qu’elle va mourir, il fallait se connecter à cette émotion-là et la faire quitter rapidement ce pensionnat. La nuit arrive ensuite et j’avais à cœur de retranscrire ce sentiment de fête qui se délite petit à petit. Les deux filles y arrivent pleines d’espoir, c’est quelque chose d’exaltant qui les transporte, mais finalement ça ne tient pas ses promesses. Cette nuit qui n’en finit pas permet de retranscrire les états variables du personnage, les désillusions et l’épuisement de Françoise après l’énergie du début.

Elle va connaitre la peine, la joie, l’amour et la mort…

C’est un passage à l’âge adulte en temps resserré et ponctué de diverses expériences qui se déroulent en une seule nuit. C’est un film qui raconte beaucoup de premières fois mais qui sont empreintes d’une certaine fatalité car pour Françoise, ça peut aussi être les dernières, et elles sont donc marquées par la mélancolie et le deuil.

Lilith Grasmug et Léonie Dahan-Lamort discutent en bas d'un vieil escalier dans le film La morsure réalisé par Romain de Saint-Blanquat.

© EASY TIGER / BNP PARIBAS PICTURES

Au départ Delphine et Françoise semblent seules au monde mais au fur et à mesure, des hommes vont se mettre entre elles. As-tu voulu symboliser un danger potentiel dans chacun d’entre eux ou un apprentissage destiné à faire grandir Françoise ?

Effectivement, l’amitié vient à être un petit peu fragilisée en cours de film face à l’intensité des évènements qui s’enchaînent et des rencontres avec ces hommes. C’est aussi une conséquence du passage à l’âge adulte, on se détache de certaines choses, c’est tout de même une amitié forte qui triomphe à la fin. Ces différents types d’hommes, qui jalonnent la nuit de Françoise, ont tous des rapports au monde et des masculinités différentes. Certaines de ces rencontres, avec des hommes ou des garçons chez qui Françoise peut se reconnaitre, lui font comprendre qu’il peut y avoir un moyen de se sentir à sa place dans le monde. Ils font ainsi partie de son retour à la vie, mais ils incarnent aussi en même temps toutes ses peurs qui sont liés à son désir, à la confrontation à l’autre, et à la dangerosité des hommes en général.

Ces hommes ont aussi un lien direct avec le sang. Est-ce pour représenter cette première fois parfois douloureuse à la sexualité et pour illustrer la fameuse « morsure » du titre, cette intrusion dans le corps ?

Il y a un petit peu de ça. Le film commence alors que Françoise a très peu de relations avec d’autres hommes, car les garçons et les filles sont séparés dans les écoles à cette époque. Ramener cette figure de vampire permettait d’avoir une vision de l’Autre plus radicale, presque monstrueuse, parce que le rapport à l’autre, au corps, à la rencontre c’est quelque chose qui peut être compliqué ou faire peur, particulièrement à l’adolescence. Le lien entre le vampire et le sang est forcément présent, c’est quelque chose qui revient régulièrement comme motif dans le film. À un degré symbolique évident, c’est aussi une marque que laisse la perte de la virginité. La nuit a laissé des marques sur Françoise, entre le début et la fin, quelque chose a changé et c’est visible aussi sur son corps.

Et la morsure de l’araignée dans la verrière ?

Le titre évoque divers types de morsures mais ça permettait d’amener aussi le motif du sang dans une relation qui est en train de se nouer et d’incarner la menace que Christophe peut représenter pour Françoise. Finalement, il n’est jamais clairement établi qu’il est un véritable vampire, cela dit le fait qu’il se revendique en tant que tel peut être encore plus inquiétant. Il a ce rapport à l’autre qui est particulier, potentiellement effrayant.

Il y a une opposition entre ce vampire, coincé à jamais dans l’enfance et Françoise qui veut grandir.

Ils ont un rapport au temps et à l’envie de grandir qui est différente. Lui a l’impression d’être figé alors que Françoise ne rêve que d’accélérer les choses, d’expérimenter ce qu’on lui interdit. Ces deux rapports au monde s’opposent mais la rencontre se fait. Il y a une attirance commune même s’ils n’ont pas forcément envie de la même chose au même moment, et le film prend en compte cette idée. Tous les deux repartent avec le sentiment d’avoir reconnu un semblable, d’avoir donné et reçu quelque chose dont ils avaient besoin.

La Morsure commence sur un bûcher et se termine dans un incendie. Pourquoi ce symbole du feu ?

J’avais en tête cette image de la sorcière et du bûcher, en partie liée à la religion chrétienne dans laquelle baigne Françoise puisqu’elle est pensionnaire dans un établissement catholique. La cérémonie des Cendres au début du film invoque la finitude du personnage. Son attirance pour un mysticisme à la fois catholique et païen participe à la création de son univers mental et de ses peurs qui se répercutent dans son cauchemar représentant quelqu’un qui brûle. De façon plus métaphorique, le personnage est habité par un feu qui la consume, qui la pousse à être excessive. C’est aussi l’image du désir qui brûle en elle et qui ne demande qu’à s’exprimer. Et personnellement, je trouve que le feu est un élément esthétique très fort.

Une classe de pensionnat de jeunes filles au travail, toutes en uniforme bleu, dans le film La Morsure Romain de Saint-Blanquat.

© EASY TIGER / BNP PARIBAS PICTURES

On a l’impression qu’elle veut avoir son destin en main et pourtant elle ne prend jamais ses décisions toute seule.

Ça fait partie du trajet du film. Elle a l’impression de ne pas avoir la main sur son destin, qu’on lui impose beaucoup de choses et la présence du pendule vient incarner cette fatalité ou ce destin. Aussi elle est soumise à des désirs contradictoires dont une certaine confusion ou un bouillonnement qui est lié à son âge. Mais elle finit par se dire à la fin du film qu’elle peut avoir une part de décision, que son destin n’est pas figé. En même temps, il y a plus souterrainement la présence d’un déterminisme social qui rend difficile l’émancipation, comme lorsque Delphine, qui vient d’un milieu plus modeste, parle d’avoir des enfants par exemple. Pour elle, c’est plus compliqué que pour Françoise d’envisager une vie différente de celle qu’elle a toujours connue.

La fin du long-métrage est optimiste. Sort-on de l’adolescence en vie ?

Quand on quitte les personnages il y a une ouverture possible, la découverte d’un rapport au monde plus joyeux et cette possible ouverture est quelque chose que j’aime dans les récits d’adolescence. À la fin, rien n’est figé. Françoise a rencontré des gens qui lui ont permis d’être telle qu’elle avait envie d’être, dans lesquels elle s’est reconnue. J’avais envie de laisser les personnages avec l’idée que la musique de la fête résonne encore et que ce n’est pas la dernière fois qu’ils l’entendront. Il y a aura d’autres fêtes. Mai 68 arrive, quelque chose de nouveau va émerger du feu. Quand l’église se consume dans les flammes, une partie de l’enfance de Françoise disparaît, les croyances qu’on lui a imposées, et donc l’autorité et l’oppression qu’elle a connues au début du film. Ce n’est pas tant la chapelle en soi qui brûle qu’une manière de faire table rase d’une obéissance imposée. Françoise peut s’élancer vers un âge adulte qui ne passe pas par un renoncement ou une obéissance, mais par un feu.

Propos de Romain de Saint-Blanquat
Recueillis et Retranscrits par Charlotte Viala
Remerciements à Elie Katz


A propos de Charlotte Viala

Vraisemblablement fille cachée de la famille Sawyer, son appétence se tourne plutôt vers le slasher, les comédies musicales et les films d’animation que sur les touristes égarés, même si elle réserve une place de choix dans sa collection de masques au visage de John Carpenter. Entre deux romans de Stephen King, elle sort parfois rejoindre la civilisation pour dévorer des films et participer à la vie culturelle Toulousaine. A ses risques et périls… Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/riRbw

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