C’est en direct de son Alsace natale que Lucas Stoll, réalisateur de son état, a répondu à nos questions à propos de son super documentaire On a volé ma VF (2024). Disponible sur YouTube, son film évoque de manière assez définitive le métier de comédien de doublage avec un regard tout à fait personnel où se mêlent la réalité du métier et la fantaisie de son auteur. Entretien.
Suivre sa voix
Pour ceux qui ne te connaissent pas, peux-tu évoquer ton parcours et d’où vient ta passion pour le cinéma ?
J’ai mis un pied dans l’image quand j’ai fait mon premier court-métrage à douze ans qui était un remake de King Kong (Merian C. Cooper & Ernest B. Schoedsack, 1933) avec mes Playmobil. Ça s’appelait Playmo-Kong et ça durait un quart d’heure ! Ensuite, j’ai continué à en faire un peu tout le temps : avec la famille, d’abord, puis les amis, puis des comédiens amateurs et enfin professionnels. Et à dix-huit ans, j’ai pu réaliser ce que je considère comme étant mon premier véritable court-métrage, Les Boules de Noël d’Herotoman (2012). J’avais fait un Ulule où j’ai obtenu 5000€ et eu le soutien de personnes de la région. Ça m’a permis de faire un projet important, d’attirer plein de professionnels du coin, dont mon assistant réal, et d’apprendre plein de choses ! Au final, le film a été une bonne carte de visite qui, après le lycée, m’a permis d’intégrer une école de cinéma à Paris que j’ai arrêtée au bout de trois mois parce que des gens qui avaient vu Herotoman m’ont proposé d’en réaliser un autre : Bienvenue à Fantasia (2013). Après, j’ai commencé à bosser directement. D’abord de façon bénévole dans des circuits amateurs puis, petit à petit, j’ai gagné ma vie en faisant des films institutionnels. En 2014, quand les chaines de télévision ont commencé mettre de l’argent dans les chaines YouTube comme Golden Moustache ou Studio Bagel, j’ai bossé pour Finder Studio financé par TF1 pour des chaines de tutos make-up, de cuisine, des Viners. Ce n’était pas toujours passionnant ou bien payé mais ça a enclenché mon arrivée sur des projets plus intéressants. J’ai travaillé avec Greg Guillotin, et depuis 2019, je bosse donc comme cadreur, chef opérateur ou réalisateur pour Squeezie pour lequel j’ai réalisé Le GP Explorer 2 (2023). Et en parallèle, depuis quelques années, je fais pas mal de documentaires. Je me suis retrouvé dedans par hasard mais j’ai réalisé cinq docus pour Brut X. Et j’ai été amené à être chef opérateur sur Les Interviews Face-Cachée de Hugo Décrypte. Donc je suis content de gagner ma vie avec un travail qui m’intéresse énormément tout en continuant des projets plus personnels ! C’est un équilibre qui me va très bien.
Comment ce projet de documentaire sur le monde du doublage a-t-il évolué au fil des années ?
En 2012, quand j’ai fait Herotoman, j’ai contacté trois comédiens de doublage – Daniel Beretta, la voix de Schwarzenegger, Richard Darbois celle d’Harrison Ford, et Maïk Darah la voix de Whoopi Goldberg – pour faire la voix-off du film. Je le faisais sans conviction en pensant que ça ne marcherait jamais mais les trois m’ont répondu ! C’est là ma première approche avec le doublage et deux ans après, j’ai fait un autre court-métrage avec Maïk Darah et Patrick Poivey, la voix française de Bruce Willis. À la fin de l’enregistrement, Patrick nous a raconté tellement d’anecdotes sur le métier que je me suis dit qu’il fallait absolument faire un film là-dessus. C’est la rencontre avec Patrick Poivey qui a été l’élément déclencheur d’On a volé ma VF. Alors j’ai vu des producteurs à qui j’ai parlé du projet et qui étaient chauds pour faire le film dans les règles de l’art. Je n’avais jamais fait de documentaire, je ne savais pas, par exemple, que ça s’écrivait à l’avance. Je pensais juste partir en interview et le faire de manière complètement auto-produite à la base. Donc c’est une boite de production strasbourgeoise qui m’a accompagné dans la l’écriture et dans la conception du dossier. Pour soutenir le projet, ils m’ont encouragé à tourner des petites interviews avec Maïk Darah et Benoit Allemane, la voix française de Morgan Freeman. Et puis finalement, la boite de prod est partie sur un autre projet de moyen-métrage pour lequel elle avait eu une subvention et m’a redirigé vers une autre société de production avec laquelle j’ai signé une exclusivité d’un an. Sauf qu’ils me l’ont fait à l’envers et que le projet a été bloqué de 2015 à 2016. Le temps a passé, le projet a dormi dans un tiroir et en 2020, un ancien free-lance de la première boite de production me recontacte. Il avait monté sa propre structure et se souvenait de mon documentaire. Donc on a relancé le dossier, je suis reparti en écriture, on a fait un dépôt au CNC, et début 2021, la région Grand-Est nous répond que même s’ils nous finançaient, on n’aurait jamais assez d’argent pour payer tous les droits d’auteur pour les extraits de films que j’envisageais de mettre dedans. Nouveau coup de massue, le projet est à nouveau dans un tiroir. C’est en mars 2023 que je me suis dit « T’es vraiment trop con ! Toutes les voix de ton enfance sont en train de disparaître. Tu as ton matos, tu as du temps, fais-le en auto-production, comme tu l’as toujours fait ! ». Je l’ai donc auto-financé car je pense que j’aurais eu des regrets. À chaque vidéo sur le doublage que je voyais sortir pendant les années où ce projet m’a accompagné, je me disais « Putain, dire que j’aurais pu faire mon film à moi… ». Mais finalement, c’est intéressant que le film ne se soit pas fait il y a dix ans, en fait. Quand j’ai commencé mes petites recherches en 2014, il n’y avait pas beaucoup de données sur internet. Quelques vidéos sur YouTube qui étaient de vieux bonus des DVD CinéLive ou des coulisses des enregistrements de Monstres & Cie (Pete Docter, David Silverman & Lee Unkrich, 2001), mais c’était quasiment tout. Donc déjà, il y a aujourd’hui une vraie reconnaissance du métier – on le voit sur les conventions de fans notamment. Ajouté à cela que ma réalisation est sûrement meilleure aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a dix ans, c’était le bon moment pour le faire.
Aujourd’hui on voit effectivement que le métier est davantage considéré et qu’il y a un vrai regain d’intérêt sur les voix françaises avec notamment le travail de Mister Fox qui est dans ton film d’ailleurs, et qui fait beaucoup de pédagogie autour de l’éternel débat VF vs. VO. Cela dit j’aimerais remonter le temps un peu plus : tu nous expliquais que c’est ta rencontre avec quelques-uns de nos meilleurs comédiens de doublage qui t’a mis sur la voie de ce documentaire.. Mais est-ce que ces voix ont participé à ta cinéphilie ?
Carrément ! Je m’intéresse depuis tout petit aux films et à la pop culture, et j’ai d’ailleurs voulu que le film en soit un hommage. Ce sont des voix qui sont hyper ancrées en moi. À tel point que, par exemple, la première fois que j’ai eu Maïk Darah ou Patrick Poivey au téléphone, ça m’a tout de suite renvoyé à l’enfance, inconsciemment. Un côté madeleine de Proust incroyable !
Dans le film, tu utilises le procédé de la voix-off comme une projection de ton expérience que tu fais dire par d’autres voix que la tienne, comme Jean-Philippe Puymartin ou Richard Darbois.
Ça a été une grande interrogation cette voix-off. Il y a dix ans, j’avais l’idée de demander à André Dussolier d’être le narrateur. Ce que je voulais faire, c’était inverser le processus et mettre l’acteur que l’on a l’habitude de voir à une place de simple voix. Je voulais à ce moment-là finir le film par une sorte de twist en dévoilant le comédien à ceux qui ne l’auraient pas reconnu. Quand le projet a été repris en 2021, le producteur du moment m’a dit que ça ferait bizarre d’avoir une voix aussi grave et mature sur les images fictionnelles avec l’enfant. Il fallait qu’on trouve un acteur dans mes âges, type Pierre Niney. Mais quand j’ai finalement décidé de l’auto-produire, je me suis rendu compte qu’il y avait très peu de chance que je puisse l’avoir (rires) ! Je me suis donc questionné : vu que c’est un film sur le doublage, la voix-off ne pouvait pas juste être une voix-off. Et c’est là que j’ai eu l’idée de confier la tâche à plusieurs comédiens, d’un coup l’exercice devenait ludique pour le spectateur. Pour ce qui est écrit à la première personne, c’est Alexis Tomassian qui me joue. Pour le reste, ça alterne entre Michel Elias, Richard Darbois, Benoit Allemane, etc.
C’est amusant car dans le documentaire, nous sommes en intimité avec les comédien.nes de doublage que tu interviewes, tous parlent naturellement. Et tout à coup, en les entendant en voix-off, ils reprennent tout à coup leurs « rôles » de voix. Ça participe à valoriser leur métier aussi.
Je suis content que ça marche parce qu’il y a deux mois et demi, j’ai fait une projection test avec des copains. À ce moment-là, parce que je n’avais pas encore enregistré les comédiens, c’était ma voix dessus, et le film était beaucoup plus dense avec beaucoup d’idées de réalisation que j’ai finalement retiré. Et les amis présents ce jour-là m’ont dit que l’usage de plusieurs voix allait complexifier encore davantage le film et que ce n’était pas nécessaire. Au final, ils trouvent tous que ça fonctionne plutôt bien…
Il y a un côté patchwork, y compris dans ta direction artistique, qui colle bien au propos et qui s’inscrit dans tout ce que tu as pu faire avant. Un côté presque enfantin qui rend ce projet finalement très personnel j’ai l’impression. On a volé ma VF est presque une continuité de ce que tu fais depuis Les Boules de Noël d’Herotoman dans ce rapport à l’enfance…
L’enfance et la vieillesse. C’est l’innocence que l’on retrouve autant chez les enfants que les personnes âgées et qui me touche et m’intéresse. Ce sont la nostalgie et les souvenirs qui sont souvent au cœur de mes thématiques.
La VF est maintenant partie prenante de la pop culture à la française. Les disparitions coup sur coup de Patrick Poivey, Jacques Frantz, Alain Dorval ou Daniel Beretta ont marqué les spectateurs que nous sommes. Leurs voix sont indissociables des visages des acteurs. Tant et si bien que certains ne peuvent se résoudre à regarder des films comme Piège de cristal (John McTiernan, 1988) ou Retour vers le futur (Robert Zemeckis, 1985) en VO…
J’en parlais avec les deux comédiens qui ont pris la suite de Patrick Poivey sur Bruce Willis et qui sont présents dans le documentaire. Ils ont conscience que Poivey était tellement installé dans la tête des gens que dans ses derniers films, Bruce Willis donne maintenant l’impression d’être doublé alors qu’avant c’était quasi organique. Poivey a quasiment rehaussé Bruce Willis chez nous. Retour vers le futur, il y a tout une génération de gens qui ont grandi avec et qui ne jurent que par sa VF ! Et quand j’ai commencé l’écriture du docu, mon axe était de dire qu’il y avait un âge d’or du doublage, en l’occurrence les années 80. Et au fur et à mesure, je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas qu’un seul âge d’or. En fonction de ton âge, c’est toujours relié à l’enfance.
Benoit Allemane dit dans le film que les conditions d’enregistrement du doublage sont quand même compliquées aujourd’hui, qu’à cause de la peur du piratage, les studios ne donnent souvent que des bouts d’écrans aux comédien.nes.
Oui, d’où mon a priori de départ. Pourtant, quand je me suis rendu en conventions, j’ai pu voir de jeunes actrices ou acteurs de doublage qui étaient très populaires auprès du public. Dans tous les domaines du cinéma, les gens sont plus frileux à sortir de l’argent et encouragent à faire les choses plus vite, mais je ne dirai pas que le doublage se soit si détérioré que ça.
Toi qui es passionné de cinéma avant tout, quel est ton regard sur l’industrie actuellement ? Car le monde de la post-synchronisation est également menacé directement par l’IA.
Alors je ne regarde pas que des blockbusters ou de grosses licences hein ! Je regarde aussi du cinéma indépendant d’un peu partout. Mais c’est vrai que ce qui anime mes conversations et mon envie de parler de cinéma, c’est quand même souvent lié à la pop culture. Quand elle touche à mon enfance, je me sens toujours plus légitime à en parler. Je vais peut-être faire vieux con, mais j’ai l’impression qu’il y a une vingtaine d’années, il y avait un côté plus « niche » à parler de pop culture. Aujourd’hui avec tous les rachats, c’est devenu un tel business… Ça l’était déjà mais là c’est à un tel niveau de formatage et de matraquage que ça ne m’intéresse plus du tout. Alors que je suis un grand fan des Spider-Man de Sam Raimi ou de Star Wars (George Lucas, 1977). Aujourd’hui, elle a trop conscience d’elle-même et manque de sincérité. Quant au doublage, tous les métiers artistiques sont impactés par l’intelligence artificielle ! Mais j’ai l’impression que dans un futur proche ou un peu plus lointain, il y aura toujours une exception pour les longs-métrages. C’est-à-dire que la question de l’IA et des voix des comédien.nes de doublage se pose plutôt pour les films institutionnels par exemple où moins de personnes seront embauchées. Ça me rappelle la révolution du Canon 7D au début des années 2010. Avant les films institutionnels, c’étaient des budgets dingues, des équipes de quinze personnes. Du jour au lendemain, t’as des gars seuls qui sont arrivés avec un boitier qui faisait une meilleure image ! Aujourd’hui on a des caméras avec des autofocus de malade, et pour autant, tu as toujours trois assistants caméra sur des tournages. Pour le doublage, c’est pareil, je ne pense pas que ça changera tout de suite.
On voit pourtant les actrices et acteurs se mobiliser contre l’IA.
Je trouve ça très bien que les comédien.nes se réveillent et essayent de lutter. Si Disney ou Universal décident un jour de passer par l’intelligence artificielle pour doubler leurs films, ce sera un métier qui disparaîtra du jour au lendemain. On voit que l’IA est exponentielle et qu’elle saura un jour imiter jusqu’aux imperfections de la voix. Si elle devient la norme, qui sait si un jour on ne se dira pas que le doublage par une autre personne n’était pas une aberration en soi ? Le doublage c’est quand même prendre une autre personne sur un physique. C’est un processus et une technique assez étranges quand on y pense. Alors oui, on n’aura plus l’attachement que l’on a aujourd’hui à ces voix. Mais imagine que l’on ait grandi avec une vraie voix de Bruce Willis traduite par IA, nos habitudes et nos inquiétudes ne seraient pas les mêmes.
Dans On a volé ma VF, seul Stefan Godin semble montrer moins de réserves à ce sujet. J’ai trouvé cela courageux de sa part. Ce n’est d’ailleurs pas le seul sujet qui fâche que tu abordes : tu reviens longuement sur la grève des comédien.nes de doublage au début des années 90, un mouvement qui a laissé des traces jusqu’à aujourd’hui, et qui comme l’IA, divise. On sent que tu ne t’empêches pas d’avoir des points de vue contradictoires…
C’est dingue parce que je ne pensais pas que ce serait encore aussi dur trente ans plus tard. Et ce qui m’a touché et ce à quoi je ne m’attendais pas du tout, c’est qu’à l’avant-première du film à Paris, une grosse partie du casting était présente. Certaines et certains ne s’étaient pas parlé depuis la grève de 1994. A la fin de la projection, ils se sont pris dans les bras. Ça a amorcé un début de réconciliation alors que pendant toute la projection j’étais en stress qu’on me tombe dessus à la fin. Mon but n’était pas de faire du sensationnalisme, mais c’est un mouvement tellement important et dur pour la profession que je ne pouvais pas faire l’impasse sur le sujet. Ce que j’ai essayé de faire dans ce docu et particulièrement dans cette partie, c’est de n’apporter aucun jugement et d’exposer avec précision ce conflit qui n’est pas simple à expliquer. Parce qu’au départ c’est une loi de 1985 qui entraine une grève neuf ans plus tard sur la qualification d’artiste interprète. Mais finalement, ce sont surtout des humains qui sont impactés par tout ça.
Cela ramène une humanité oui, car comme on l’évoquait, ta direction artistique ou les passages fictionnels ont tendance à amener vers la légèreté. Et tout à coup, notamment grâce au propos d’Éric Herson-Macarel, la voix française de Daniel Craig, on revient à la condition sociale de personnes qui sont avant tout des travailleurs.
Ce que je voulais, c’est que le film soit bienveillant et qu’il soit une déclaration d’amour au métier sous tous ses aspects. Certains passages auraient pu blesser l’ego des uns ou des autres, j’ai marché sur des œufs à des moments, mais lors de la projection, j’ai vu qu’ils avaient tous compris mon intention initiale.
Le film est sorti directement sur ta chaîne YouTube. Du fait que tu aies plus de 10000 abonnés, tu as pu prétendre au CNC Talents que tu as obtenu. Est-ce que cette plateforme est devenu ton médium d’expression ? J’observe que tu y mets beaucoup de toi – notamment dans ta vidéo sur Astérix au cinéma – et que tu soignes toujours la forme. Est-ce que tu vas chercher à développer ça ?
Je ne sais pas du tout. Pour On a volé ma VF, je l’ai fait ici, de manière démonétisée, pour pouvoir être libre de passer tous les extraits de films que je voulais. J’avais effectivement pas mal d’abonnés et donc un canal de diffusion qui reste minime par rapport à d’autres, mais ça m’a poussé dans cette direction. YouTube m’a permis d’être libre là où un travail avec un producteur ou une chaine télé m’aurait contraint. L’argent du CNC m’a permis de rembourser une partie des frais, mais je ne toucherai pas un euro sur ce film. Donc des projets aussi ambitieux et aussi importants, je ne suis pas sûr d’en refaire d’autres sur la chaine YouTube. Et puis, comme j’ai mon boulot à côté, je ne me vois pas comme un créateur de contenu.
On a volé ma VF, dès que tu l’as sorti sur ta chaine, a affiché un grand nombre de vues (il est aujourd’hui à presque 52.000 vues).
Je suis très content ! D’autant que j’ai accès aux statistiques et que les gens semblent le regarder jusqu’au bout ! C’était une crainte car beaucoup de mes potes me disaient de le sortir de façon épisodique. J’ai tenu bon sur le format long-métrage qui était le plus adapté pour plusieurs raisons. Déjà, je pense qu’il n’y avait pas assez d’enjeux ou de rebondissements pour en faire une série, ça aurait créé des déséquilibres. Et puis le format long permet de te laisser prendre dans un récit alors que le mode série, tu vas regarder le premier mais pas les autres. Si j’avais peur qu’on s’ennuie devant les sujets les plus « techniques », les retours me contredisent et me font évidemment plaisir.
Comment as-tu établi ce casting impressionnant ?
Il y a un documentaire qui existait sur le sujet – Les Artisans de la voix (Mario-Alberto Sautré, 2022) – et je voulais m’en éloigner dans la mesure du possible. Damien Boisseau, par exemple, était dans ce film et je m’étais dit que ça ferait peut-être redite. Mais quand on a tourné la séquence du foot avec Philippe Peythieu et Jean-Pierre Michael, mon pote producteur me dit que son voisin pourrait venir pour figurer dans la scène et c’était Damien Boisseau, la voix française d’Edward Norton et Matt Damon. Ça s’est fait comme ça, simplement. Après, il y avait des voix incontournables comme Brigitte Lecordier ou Alain Dorval. Le truc n’était pourtant pas vendeur sur le papier car on tournait dans ma chambre à Paris pour les interviews. J’avais confiance sur le rendu, mais venir faire une interview d’une heure comme ça, sans savoir ce que ça allait donner, c’était gentil de leur part. Les plus connus sont finalement les plus accessibles. Je voulais une palette assez large et représentative car ceux qui sont cultes pour moi ne le sont pas forcément pour tous, et on revient à cette question de génération ou à celle de l’enfance finalement.
Est-ce qu’il y a des comédien.nes qui ont refusé ?
Pour mes images d’illustrations, je me suis rendu à plusieurs conventions, ce qui m’a permis de rencontrer certaines et certains. Il y a eu des prises de contact qui n’ont pas abouti. Il faut comprendre qu’ils sont énormément sollicités à droite ou à gauche, donc c’est logique qu’ils ne puissent pas répondre positivement à tout. Bon des fois, il y a l’art et la manière…
Et dans les comédien.nes qui nous ont quittés ?
Daniel Beretta avec qui j’avais travaillé auparavant, mais qui était déjà très malade au moment où j’ai relancé le projet. Je suis content d’avoir eu la participation d’Alain Dorval, la voix de Stallone. Il représente tellement dans la pop culture. J’avais contacté aussi Roger Carel dont les proches m’ont toujours répondu, mais il était trop âgé et affaibli. Pour moi, il est LA voix qui représente la profession. Et encore une fois, c’est une impression liée à l’enfance car Star Wars, Astérix et tant d’autres. L’hommage dans le film était nécessaire à ce titre ! Ça me tenait à cœur car c’est une madeleine de Proust à chaque fois. Il m’émeut.