[Bilan 2023] Disney, anatomie d’une chute


L’année 2023 des studios Disney, maîtres du divertissement pour tout âge, devait être très spéciale puisque censée célébrer 100 ans d’une riche existence. Pourtant, à bien des égards, elle aura été l’une des plus catastrophiques de sa vieille histoire. Crise politique, artistique et idéologique, mais aussi économique, l’empire Disney aura vécu un exercice 2023 des plus tumultueux. Retour sur cette annus horribilis au Royaume de Mickey.

Dingo tombe d'une échelle en bois, la gueule grande ouverte, en l'air dans le film Il était une fois un studio produit par Disney.

“Il était une fois un studio” de Dan Abraham & Trent Correy © Disney

Anatomie d’une Chute

Au plus fort de son monopole et de son développement avant la crise du Covid, l’Empire Disney englobant sa marque ancestrale et ses pièces rapportées – Star Wars , Marvel et Pixar – dominait sans conteste un Hollywood pourtant déjà engagé sur un lent déclin. L’arrivée tonitruante, quelques années plus tôt, des plateformes et nouveaux concurrents nommés Netflix, Apple et Amazon ayant fini de déstabiliser une industrie hollywoodienne peinant à revoir son modèle. Dans le sillage de ses nouveaux orpailleurs tombèrent des bastions mythiques à l’instar de la MGM rachetée en 2022 par Amazon. Jusqu’à 2019, The Walt Disney Company semblait pourtant survivre à cette (r)évolution du microcosme hollywoodien, participant même à cette politique de rétrécissement de l’industrie autour de quelques studios, en s’octroyant moyennant 71 milliards de dollars la Fox et sa galaxie. Dans la même optique de prendre le pli de cette révolution forcée, l’Empire aux grandes oreilles lança tambour battant son propre service de streaming (Disney+) en 2019 en Amérique du Nord puis en Europe et dans de nombreuses autres zones du globe, en pleine crise du coronavirus. Bénéficiant de la fermeture des salles et du recroquevillement chez soi, la plateforme montra dans ses premiers mois une très bonne forme, et Bob Chapek, tout nouvellement couronné en tant qu’Empereur de Disney, engouffra tête baissée et sans réfléchir, l’ensemble de ses troupes dans ce champ de bataille du numérique. Peu à peu, la marque Disney s’est donc recentrée autour du petit écran, forcée – la fermeture des cinémas et parcs à thèmes durant la crise sanitaire – ou encouragée pour ce qui est de la France par une politique anti-chronologie des médias et exception française, dont le groupe s’est fait le porte étendard. On tentera toutefois de ne pas avoir un regard auto-centré sur l’Hexagone, tant le malaise et le soudain délabrement du studio ne sont en rien qu’une affaire nationale.

“Soul” de Kemp Powers et Pete Docter © Disney/Pixar

Avant de s’appesantir sur cette année 2023 si particulière, il convient certainement de rappeler sur quel maudit terreau ces mauvaises herbes ont pu germer. Sans revenir sur l’ensemble du court mandat de Bob Chapek à la tête de The Walt Disney Company, de février 2020 à novembre 2022, précisons à quel point son bilan est catastrophique. Pour cela il suffit de laisser la parole à Bob Iger, revenu aux manettes fin 2022 comme un véritable sauveur, lui qui avait notamment propulsé la société au sommet durant quinze années (2005-2020) par une politique de rachat – Pixar (2006), LucasFilm (2012), 20th Century Fox (2019) – entre autres. Lors de sa (re)prise de fonction, Iger a voulu rassurer les actionnaires en affirmant à quel point son prédécesseur avait « tué l’âme de Disney ». Mis en cause par Iger, la stratégie de sortie exclusive sur Disney+ de longs-métrages comme Soul (2020), Black Widow (2021), Luca (2021), Alerte Rouge (2022), Pinnochio (2022) ou encore Avalonia : L’Etrange Voyage (2022) et plus encore, le trop grand nombre de programmes coûteux produits pour une plateforme dont la rentabilité stable n’a jamais été atteinte. Pour éviter de donner trop de crédit à ce cher Iger, de tels propos relèvent néanmoins d’un certain opportunisme tant il a été pionnier d’un discours offensif contre l’expérience de la salle de cinéma et à l’origine du projet Disney+. Reste que sous son premier mandat – certes moins impacté par le destin et les virus – le studio demeurait l’un des seuls à pouvoir défendre des chiffres en salles préservés par la concurrence offensive des plateformes, montrant un attachement réel des spectateurs de cinéma aux univers estampillés du sceau de l’Empire Disney. Autre point négatif du bilan de Chapek, sa politique de très forte augmentation du tarif des parcs à thèmes partout dans le monde – ceci pour tenter de compenser leurs fermetures durant la pandémie – ayant entraîné une premiumisation (mot qui sent bon 2023) de l’expérience et par extension une dégringolade du nombres de visiteurs pour qui une sortie familiale chez Mickey – déjà un investissement en son temps – s’est mue en un véritable produit de luxe. Dès lors, le bilan de ce Directeur Général qui aura marqué négativement l’Histoire de l’entreprise, se résume donc selon Bob Iger en un sacrifice d’âme.

Buzz concentré, en pleine bataille, dans le cockpit de son vaisseau spatial, dans le film Disney Buzz L'Eclair de Angus McLane.

“Buzz L’Eclair” de Angus MacLane © Disney/Pixar

Sous la première mandature de Iger, la Walt Disney Company avait publiquement et de façon assez frontale entrepris une politique de révision de ses œuvres historiques – auto-remakes, suppressions d’œuvres jugées problématiques, mise en place de trigger warning en exergue de certaines productions sur sa plateforme – et de productions de nouvelles histoires plus progressistes et inclusives. Bien que de nombreux observateurs.trices éveillé.es à ces thématiques ne manqueront pas d’en qualifier soit l’extrême opportunisme, soit l’extrême timidité avec laquelle elles sont abordées – quand un couple gay s’embrasse chez Disney, c’est lors d’un plan de coupe de deux secondes et si possible en arrière-plan – de nombreux autres, surtout dans l’Amérique de Trump (toujours vivace), jugèrent l’entreprise comme la porte parole d’un wokisme typiquement californien. Nul besoin ici de défendre ou non le bien fondé de cette dénomination, mais rappelons que Bob Iger s’est toujours présenté comme démocrate – « très à gauche » dit-il, ce qui ne manquera pas de nous rappeler à quel point cette définition binaire n’a pas les mêmes délimitations selon de quel côté de l’Atlantique l’on se trouve. Aussi, ce chef d’entreprise n’a jamais prétendu agir sans axe politique, il a même de nombreuses fois exprimées ses velléités présidentielles – le fait qu’il ait annoncé qu’il quitterait automatiquement son poste en 2024 n’était alors, pour beaucoup de commentateurs de la politique américaine, en rien anodin. S’il faut souligner le bord politique revendiqué du leader en place, c’est que dans sa définition de l’âme de Disney, ce dernier ne semble pas simplement évoquer son aura familiale et fédératrice, il parle aussi de celle qu’il a façonnée et entretenue et qu’il estime avoir été bafouée par son prédécesseur. Nul doute qu’il fait référence, entre autre, à la polémique autour de la proposition de loi « Don’t Say Gay » (« Ne parlez pas des gays ») des gouverneurs de Floride, qui entendait interdire l’évocation de l’homosexualité et des « théories de genres » dans les enseignements civiques à l’école et dont Bob Chapek avait été un fervent défenseur, notamment en soutenant cette campagne financièrement. Cela avait soulevé une vive fronde au sein des studios Disney et Pixar, où de nombreux.ses employé.es avaient accusé la firme de censurer de façon systématique toute proposition scénaristique jugée trop «LGBTQ+». En cause, à l’époque, une scène entière de Buzz L’Eclair (Angus MacLane, 2022) montrant un couple lesbien, qui avait été sacrifiée brutalement sous ordre de Chapek lui-même avant d’être finalement remontée in-extremis pour faire taire le bad buzz. Cela avait par la suite entrainé, en guise de représailles, la révocation par le Gouverneur de Floride des avantages fiscaux offerts à l’entreprise dans le cadre de son parc d’attraction d’Orlando. Cette polémique et le bras de fer idéologique qu’elle cristallise entre Chapek et Iger témoigne aussi de l’extrême difficulté que peut rencontrer Disney aujourd’hui à perpétrer son image de marque rassembleuse et familiale, dans une Amérique elle-même fracturée en deux.

Jonathan Majors dans “Ant-Man Quantumania” de Peyton Reed © Marvel / Disney

Quand il est rappelé aux manettes fin 2022, Iger renverse la table et tire donc en rafale sur le vilain Chapek – qu’il a, soit dit au passage, lui-même intronisé et préparé à lui succéder. En effet, depuis 2006, date à laquelle il a été nommé président de la branche distribution du studio (douce ironie), Bob Chapek a été continuellement présent dans la garde très rapprochée de Bob Iger, montant toujours plus les échelons jusqu’à diriger de 2015 à 2020 le très important département de la gestion des parcs à thèmes. Il n’est pas le seul des vieux compagnons de route de Iger à subir ses déflagrations publiques puisque Kévin Feige – boss de Marvel Studios et tête pensante de la stratégie jusqu’alors payante de l’univers partagé du MCU – en a aussi pris pour son grade, Iger soulignant même à demi mot son amateurisme : « Marvel est un bon exemple (de ce qu’il ne faut plus faire, ndlr). Ils n’avaient pas encore vraiment exploré l’industrie télé. Non seulement ils ont fait plus de films, mais en plus ils ont fait beaucoup de séries, et honnêtement, ça a dilué l’intérêt et l’attention des spectateurs. » Et puisqu’on parle de Marvel, difficile de dresser le bilan de cette année noire pour l’Empire Disney sans s’appesantir un instant sur ce qui constituait depuis des années la principale poule aux œufs d’or de l’entreprise. Quand on observe la liste des sorties estampillées Marvel sous l’ère Chapek, assez peu sortent du lot et si l’on s’arrête sur la seule année qui nous intéresse, celle qui vient de se terminer donc, alors il est encore plus difficile de donner tort au triste constat d’Iger. Car si Disney est en crise, Marvel n’y est pas pour rien, en témoigne des résultats en salles relativement catastrophiques cette année, Ant-man : Quantumania (Peyton Reed, 2023) et The Marvels (Nia DaCosta, 2023) ayant été de véritables flops au box-office, tout du moins largement en dessous des attentes. Leur insuccès en salles peut certainement être expliqué, pour partie, par l’affaiblissement qualitatif des productions Marvel post-Avengers : Endgame (Frères Russo, 2019) et la difficulté de Feige et ses complices à fidéliser le public à de nouveaux héros et antagonistes moins populaires. Il n’est donc pas étonnant que les deux seuls succès en salles arborant le logo Marvel cette année – Les Gardiens de la Galaxie Vol.3 (James Gunn, 2023) et Spider-Man : Across the Spider-verse (Kemp Powers, Joaquim Dos Santos & Justin K. Thompson, 2023) – mettent en avant des héros déjà populaires et fortement appréciés des spectateurs. Constat encore plus accablant, ces deux productions sont chacunes à leur façon déconnectées de la toile de fond du MCU. Le troisième volet de la saga de James Gunn est un film relativement indépendant de la trame partagée et une véritable conclusion à l’histoire des Gardiens, de même qu’une conclusion de son histoire personnelle avec Marvel/Disney – lui qui est désormais aux manettes de l’univers DC chez le concurrent Warner Bros. Quant au film d’animation Spider-Man, il s’impose comme une version alternative (et plutôt réussie) des arcs narratifs fumeux du multiverse que tente péniblement d’imposer Kevin Feige depuis plusieurs longs-métrages. Par ailleurs, si ce dernier porte bien le tampon Marvel pour des questions de droits, il est d’abord produit par un autre studio, Sony Animations, ce qui enlève tout crédit à Disney quant à sa réussite qu’elle soit financière ou artistique. L’année 2023 de Marvel Studios est donc sans nul doute la pire de sa (relativement) jeune histoire. Pas même ses itérations sérielles n’auront réussi à relancer le moteur poussif de cette machine jadis si reluisante. Car ni Secret Invasion, ni la saison 2 de la pourtant acclamée série consacrée à Loki n’aura reçu les attentions escomptées. Iger a certainement une analyse assez juste de la situation : voir les séries Disney + étant nécessaires pour comprendre tous les enjeux narratifs des longs-métrages, les spectateurs ont perdu l’intérêt pour ces histoires par indigestion ou simplement parce qu’incapables de tout voir pour tout comprendre. S’ajoute la polémique fâcheuse autour de Jonathan Majors – l’acteur censé incarner des années durant, Kang le conquérant, antagoniste et clé de voûte des deux prochaines phases du MCU – d’abord accusé puis enfin condamné pour harcèlement et violences conjugales. Cela aurait pu s’additionner au constat sombre d’une année maudite pour Disney et Marvel, mais fort à parier que son licenciement et la nécessité quelque peu forcée de tourner la page de l’arc bancal de ce grand méchant, qui n’a définitivement pas imprégné auprès des spectateurs, soit en réalité une très bonne nouvelle pour le MCU qui trouve là une occasion en or d’embrayer sur de nouvelles bases peut-être un peu plus solides.

L'équipe de basket du film Prom Pact produit par Disney applaudit sur le banc près du terrain.

“Prom Pact (Un Bal pour Harvard)” de Anya Adams © Disney+

Toutefois, la polémique autour de Jonathan Majors n’est pas la seule qui a bousculé le studio cette année. Si l’on était par ailleurs parfaitement honnête, on admettrait que sur ce cas précis, ils sont moins coupables que victimes d’un sale coup du destin, car il semble assez crédible qu’ils n’aient pas eu vent préalablement des agissements de Majors avant de se risquer à l’embaucher pour un contrat pluri-annuel et de plusieurs films. Néanmoins, pour ce qui est de l’autre sujet ayant placé The Walt Disney Company dans la tourmente et aux centres des débats, on peut considérer leur responsabilité comme totale. Pour resituer, de mai à novembre, scénaristes et acteurs hollywoodiens se sont mis en grève pour protester contre l’usage déraisonné des intelligences artificielles par certains studios américains, dont bien sûr, en premier lieu Disney. Le studio, comme d’autres, fut alors accusé d’avoir de plus en plus recours à ces nouveaux outils – ou dans développer – pour remplacer progressivement scénaristes et figurants. L’un des films les plus souvent cités pour dénoncer cette pratique est produit par Disney pour sa plateforme, il s’intitule Prom Pact : Un bal pour Harvard (Anya Adams, 2023) et la moindre des choses que l’on puisse dire à son propos c’est que sans son utilisation de figurants (dé)générés par intelligence artificielle, on aurait certainement jamais entendu parler de ce téléfilm sans grand intérêt. Plus généralement, le studio a été au centre de l’attention durant toute la période, d’abord parce que c’est par le tapis rouge de l’une de ses productions – le très mauvais Manoir Hanté (Justin Simien, 2023), on en reparlera – que la grève des acteurs et actrices fut véritablement entamée. Mais aussi et surtout parce que Bob Iger a fait montre d’une agressivité et d’un mépris fort remarqués à l’égard des grévistes : « Je comprends le désir de toute organisation syndicale de travailler au nom de ses membres pour obtenir la meilleure rémunération équitable. Nous avons réussi, en tant qu’industrie, à négocier une très bonne entente avec la guilde des réalisateurs (…) Nous voulions faire la même chose avec les scénaristes et les acteurs mais il y a un niveau d’attente qu’ils ont, qui n’est tout simplement pas réaliste. » Outre un contrôle juridique et contractuel de l’utilisation de leurs images numériques pour ce qui est des comédiens, le consortium acteurs/scénaristes luttait parallèlement pour qu’une partie des bénéfices liés à l’exploitation sur les plateformes des œuvres auxquelles ils ont contribué soit équitablement redistribué. Ce n’est pas sans rappeler un dossier tout aussi ardent qui avait déjà animé les bureaux des boss de Disney en 2020 quand Scarlett Johansson – qui devait toucher un pourcentage des recettes de l’exploitation en salles de Black Widow – était allée jusqu’à menacer son employeur d’un procès pour non respect de son contrat du fait que le film soit sorti directement en streaming sur Disney+. La déclaration de Iger citée plus haut fit grand bruit, le dirigeant se mettant à dos toute une profession – dont de nombreux potentiels soutiens à sa possible candidature à la présidentielle, rendant par la même cette option de carrière désormais totalement inenvisageable. Il faut dire que sous-entendre que les grévistes – qui ne comptent pas en ses rangs que des méga-stars surpayées – sont peu ou proue des chouineurs voire des saboteurs parce qu’ils réclament une juste rémunération de leur travail, alors que par lui-même, Iger, s’augmente de 10 millions de dollars (25 millions de dollars annuel depuis son retour chez Disney) sans aucune justification, a de quoi laisser perplexe. Constatant la mauvaise presse pour son entreprise comme pour sa personne, Bob Iger a tenté par la suite de se positionner comme une force de compromis et un intermédiaire de sureté. Malgré toute la passion entreprise à être convaincant dans ce rôle de composition, le microcosme hollywoodien n’a pas oublié sa virulence dans des instants cruciaux du débat.

Cinq astronautes, vus de dos, observent la Terre depuis la Lune dans le film La cratère produit par Disney.

“Le Cratère” de Kyle Patrick Alvarez © Disney

Nonobstant une réputation ancrée de sauveur et businessman ami des stars, Iger a donc vu le vent sérieusement tourner en 2023. Et ce ne sont pas ses premières mesures à la tête de l’entreprise qui auront réussi à inverser la tendance et redorer son blason de chef d’entreprise modèle. Dès son arrivée, il a annoncé un plan de restructuration massif, motivé par la nécessité d’économiser plus de 5 milliards de dollars chaque année pour écoper ce gros navire qui prend l’eau. Cette stratégie l’a amené à prévenir, entre autres, que moins d’argent allait être investi dans des productions destinées à l’unique exploitation sur la plateforme Disney, condamnant alors au passage de nombreux projets en cours de développement. Pire encore, sa politique d’épuration du catalogue de Disney+ réputé excessivement chers en gestion de droits, condamna de nombreux films et séries déjà produites à sortir de la plateforme manu-militari – c’est le cas par exemple de la série Willow (2022) ou plus étonnant encore du film de science-fiction Le Cratère (Kyle Patrick Alvarez, 2023) produit par et pour Disney+, mais supprimé du catalogue à peine trois mois après sa mise en ligne. La logique derrière cette stratégie est de réduire considérablement la somme allouée au maintien des droits d’exploitation des œuvres sacrifiées, quitte à les re-marchandiser pour les céder à d’autres plateformes ou sur le marché de la VOD. En résulte un risque d’invisibilisation des œuvres – il est aujourd’hui impossible de voir Willow sur une offre légale – mais aussi une certaine dévalorisation de l’estampille Disney comme de sa stratégie de catalogue. Fidèle à ses déclarations visant Kevin Feige, Iger a aussi drastiquement coupé les finances allouées à la production de séries Marvel tout en épargnant, pour l’instant, les productions dérivées de l’univers Star Wars.

© Disney

Du côté des parcs à thèmes, malgré ses nombreuses sorties médiatiques pour dénoncer les hausses des prix des destinations mis en place par son prédécesseur, le patron a validé de nouvelles augmentations conséquentes dans tous les parcs du monde y compris à Paris. Pour tenter de sauver son navire, Iger a aussi décidé de couper des têtes auprès du petit personnel en licenciant pas moins de 7000 employés sur le seul exercice comptable de 2023, n’hésitant pas à se présenter comme un patron-courage qui pense d’abord au bien de son entreprise : “La difficile réalité de nombreux collègues et amis qui quittent Disney n’est pas quelque chose que nous prenons à la légère. Mais dans les moments difficiles, nous devons toujours faire ce qui est nécessaire pour nous assurer que Disney peut continuer à offrir des divertissements exceptionnels aux auditoires et aux invités du monde entier, maintenant et à l’avenir”. Dur à avaler pour des collaborateurs qui voient pointé du doigt le surcoût qu’ils représenteraient pour l’entreprise par un patron qui vient lui-même de s’octroyer une revalorisation salariale à huit chiffres. Fidèles à l’esprit français, les employé.es du parc Disneyland ont été nombreux et nombreuses à se mobiliser pour monter un piquet de grève et dénoncer la politique du groupe. Car parallèlement aux coupes budgétaires massives et aux nombreux licenciements ou non-renouvellement de contrats, l’entreprise est accusée de demander aux rescapés de faire toujours plus d’heures et de tâches pour le même salaire. La gestion interne de cette grève en France a été là aussi catastrophique en terme d’image, puisque la direction du parc hexagonal est accusée d’avoir licencié pour faute grave certains leaders du mouvement de grève pour l’exemple, ce que syndicats et élus locaux ont publiquement dénoncé comme manquement majeur au respect de droits fondamentaux et constitutionnels français. Bien sûr, une grande partie des salariés licenciés à travers le monde représentent davantage un personnel gravitant autour d’activités annexes à la production cinématographique. Mais celle-ci n’est pas pour autant épargnée par la restructuration puisque Pixar a par exemple été forcé de licencier 75 personnes, dont des historiques de renom comme la productrice Galyn Susman et le réalisateur Angus MacLane. Ils sont certainement remerciés après le four monumental du spin-off Buzz L’Eclair (2022) sur lequel ils ont œuvré et dont ils sont jugés entièrement responsables… Un épisode qui s’ajoute à de longues années de maltraitance passive de la maison-mère envers les créatifs de génie de son studio annexe, à qui elle doit pourtant tant de réussite et de rayonnement de marque depuis le début de leur collaboration. Cela fait un certain temps qu’on entend bruire le mécontentement des dirigeants de Pixar et de leurs équipes à voir leur travail destiné à la salle relégué à une exploitation unique sur la plateforme, sans qu’ils ne se soient jamais véritablement exprimés publiquement sur le sujet. Questionné à ce propos, Iger a ré-affirmé la nécessité à ce que l’ensemble des longs-métrages produits par la Walt Disney Company reprennent possessions des salles obscures – à ce titre, on a appris récemment que Soul, Luca et Alerte Rouge allait avoir le droit à une exploitation à durée limitée en salles – mais là encore, notre cher Bob a tendance à ne pas toujours tenir pleinement parole, en ayant cette année balancé certainement le meilleur produit sorti de son usine à rêves– Peter Pan et Wendy (David Lowery, 2023) – directement sur sa plateforme…

"Elementaire" de Peter Sohn

“Elementaire” de Peter Sohn © Pixar/Disney

S’il faut re-préciser tout ce contexte qui pourra résonner chez certains d’entre vous comme de la tambouille économique plus que de l’analyse cinéphile, c’est que cet environnement a un impact sur le créatif. Et de ce point de vue là, Disney n’est pas seulement embourbée dans des crises politiques et/ou économiques, elle est aussi fragilisé par une crise artistique d’ampleur. Que ces films marchent ou non en terme de box-office, la grande majorité de la production estampillée Disney de 2023 oscille entre le passable et l’extrême nullité. On ne reviendra pas sur les productions Marvel dont on a déjà largement parlé mais il faut sûrement s’arrêter un instant sur la timide année 2023 chez LucasFilm dont l’unique événement en salles fut le très inégal Indiana Jones et le Cadran de la Destinée (James Mangold, 2023). S’il ne nous a pas pleinement convaincus en ces lieux, ce blockbuster n’aura pas non plus totalement mobilisé les spectateurs du monde entier. Trop coûteux – 300 millions de dollars – ce cinquième volet n’a pas eu la rentabilité souhaitée par Disney qui aurait perdu à peu près 100 millions de dollars dans cette bataille. Si les productions dérivées de l’univers Star Wars – la première saison d’Ahsoka et la troisième de The Mandalorian – constituent des produits d’appel fructueux pour Disney+, on ne peut pas non plus s’esclaffer quant à leur réussite sur le plan cinématographique, tant elles semblent emballées-pesées dans l’unique but d’offrir aux fans ce qu’ils veulent (ou pas). Même le cru 2023 des studios Pixar dont on aime pourtant chanter les louanges ici, aura donné un film, Elementaire (Peter Sohn, 2023), relativement bien ouvragé et louable – lire notre article à sa sortie, plutôt positif – mais finalement assez peu mémorable, en témoigne son absence unanime des tops de fin d’année, y compris le notre. Une fois fait le tour des studios annexes (ou annexés, à vous de choisir le terme qui vous paraît le plus juste) il faut peut-être s’arrêter plus longuement sur les productions qui portent le sceau historique de Disney, qu’il s’agisse de sa branche animation comme de celle consacrée aux films en live-action. Et il est peu dire que le constat qui s’impose est là aussi particulièrement amer.

La Petite Sirène 2023 présente une fourchettte trident à une mouette, comme pour lui expliquer ce que c'est, dans le film produit par Disney.

“La Petite Sirène” de Rob Marshall © Disney

Malgré son relatif succès en salles, le remake de La Petite Sirène (Rob Marshall, 2023) est un cas assez symptomatique. Énième tentative de ré-actualisation des grands chefs-d’œuvre d’animation du studio, nous avons là un drôle d’objet qui témoigne de l’égarement artistique de Disney. Car malgré la polémique stérile sur le choix de son interprète principale, de nombreux internautes ayant vraiment cru recevable de s’attaquer à la couleur de peau de Halle Bailey, prétextant que la petite sirène ne pouvait pas être noire… On ne va pas ici participer plus que de raisons à ce débat confondant de bêtise, puisqu’il nous semble surtout un peu compliqué de défendre qu’une femme-poisson issue du bestiaire fantastique puisse avoir une couleur de peau définie et définitive… Passons. Là où le long-métrage échoue c’est justement dans son incapacité à revitaliser le récit voire à actualiser le propos d’un des classiques Disney les plus ringards qui soit en terme de représentation, bien que sorti en 1989. Jusqu’alors, l’entreprise de relecture progressiste des classiques avait au moins pour mérite de proposer plutôt des itérations nouvelles de ces récits, moins que des copiés-collés sans saveur, trop respectueux et parfaitement inutiles. Nous avions par exemple salué la relecture de Mulan (Niki Caro, 2020) qui sans être un grand film offrait à ce personnage si fort une caractérisation plus dense, tout en profitant du live-action pour assumer des séquences de batailles plus épiques. Le projet de Rob Marshall échoue lui totalement à cette revitalisation et frôle l’anecdotique. Son Arielle est tout aussi naïve, niaise et ingénue que dans l’original et le récit ne parvient pas à ré-actualiser son histoire de coup de foudre romantique aussi ridicule que daté. Même sa mise en scène et la direction artistique apparaissent ringardes, un an après les séquences sous-marines exceptionnelles d’un Avatar 2 : La Voie de l’Eau (James Cameron, 2022). Comme souvent avec ce cinéaste, la réalisation est dévitalisée au possible. Ni point de vue, ni personnalité, ne permet d’emballer ce filet-o-fish d’une quelconque sauce épicée, bien au contraire, on grimace devant le goût rance de ce poisson pané, mal décongelé. Il est intéressant de constater que jadis, c’est La Petite Sirène (John Musker & Ron Clements, 1989) qui permit au studio, alors en crise, de relancer l’usine à rêve. Que son remake désincarné soit ici le point de non-retour d’une stratégie de catalogue sans âme, sans prise de risque, sans identité, a quelque chose de parfaitement cynique.

Un bateau de pirate vole dans les airs en direction d'une falaise dans le nouveau film des Studios Disney.

“Peter Pan & Wendy” de David Lowery © Disney

Ce n’est pas le remake tout aussi raté du Manoir Hanté (Justin Simien, 2023) qui aura eu le mérite de relever le niveau, tant il démontre encore une fois d’un certain amateurisme à l’œuvre au studio – scénario sous-écrit et mise en production hâtive, direction artistique impersonnelle, ambition au rabais – et d’une incapacité de ce dernier à faire confiance aux créatifs les plus talentueux. Cette nouvelle adaptation cinématographique de la célèbre attraction des parcs Disney fut très longtemps un projet personnel initié par Guillermo Del Toro, mais les idées hors cahier des charges du cinéaste ne semblaient pas convenir à Disney qui a préféré se passer de son talent pour s’offrir les services d’un énième yes man en la personne de Justin Simien. Le traitement fait au Peter Pan & Wendy de David Lowery est un autre exemple du mépris de plus en plus évident du studio pour les artistes. Sans aucune forme de débat, bien que là aussi le film soit quand même loin du chef-d’œuvre, il s’agit du meilleur long-métrage produit par Disney en 2023, peut-être même l’un des tous meilleur remakes, tout court. On y retrouve la patte de son auteur, dans sa photographie comme dans son écriture, mais aussi une certaine mélancolie caractéristique de son cinéma. Bien sûr, Lowery n’échappe pas non plus à quelques affres du cahier des charges imposé par la marque, mais son travail transpire la sincérité et l’amour de ses personnages comme du dessin animé original. On pense aussi très fort à Hook (Steven Spielberg, 1991), qui, s’il n’est pas une production Disney semble avoir été une référence évidente et assumée. Ce Peter Pan & Wendy (2023) pourrait quasiment en être un préquel tant la direction artistique assume son jumelage avec le film si sous-côté de Spielberg. Pourtant, il nous aura été une nouvelle fois privé de profiter en salles de la beauté visuelle de ces images, comme du jeu habité de Jude Law – très convaincant dans les oripeaux d’un jeune Capitaine Crochet – puisque cette production n’aura eu que les maigres honneurs d’une sortie sur Disney+ et sans grand bruit médiatique.

“Wish – Asha ou la bonne étoile” de Chris Buck et Fawn Veerasunthorn © Disney

Enfin, côté animation, l’événement de l’année devait s’appeler Wish – Asha ou la Bonne étoile (Chris Buck, Fawn Veerasunthorn, 2023) puisque présenté comme le long-métrage censé célébrer le 100ème anniversaire du studio. C’est un tel naufrage, sur tous les plans, qu’il est certainement l’expression la plus indiscutable d’une déshérence créative au sein des studios Disney. On ne peut que constater le tarissement du studio, quand celui-ci n’arrive décidément plus à entretenir sa magie, qu’importe s’il s’agit de ré-inventer de vieilles histoires ou d’en écrire de nouvelles. Ce Wish est vraiment un cas d’école. Disney tente le pari risqué d’inventer un conte inédit, mais ne peut s’empêcher de verser dans la citations et le clin d’œil à sa propre filmographie. Le décalage ainsi créé paraît presque cynique, on a même parfois l’impression de retrouver le ton goguenard et très second degré du studio rival, Dreamworks, et son bon vieux Shrek (Andrew Adamson & Vicky Jenson, 2001) qui s’amusait à détourner les personnages de contes dans un univers ultra référentiel. Les apparitions successives de Bambi, Petit Jean, Peter Pan ainsi que les clins d’œil et easter eggs à la pelle, font ressembler Wish – Asha et la Bonne étoile à une sorte de fan fiction plutôt qu’à un véritable hommage célébrant le centenaire du studio de Walt. Le constat est terrible, ce film voulu comme une histoire inédite est en réalité une sorte d’ersatz mal fagoté de l’esprit Disney, tentant péniblement d’épaissir son récit et ses enjeux, mais bien contraint par un cahier des charges de fan-service déplorable. Artistiquement parlant, Wish tente très maladroitement de surfer sur la tendance d’une animation hybride entre le crayonné de l’animation traditionnelle  et l’animation en volume générée par ordinateur. Le constat est une nouvelle fois bien triste, tant le rendu est ringardisé par la concurrence et notamment les deux sorties de l’année que furent Spider-Man : Across the Spider-verse (Joaquim Dos Santos & Kemp Powers, 2023) chez Sony et Ninjas Turtles : Teenage Years (Jeff Rowe & Kyler Spears, 2023) chez Paramount. Pourtant, l’une des premières expérimentation du genre fut le génial court-métrage Paperman (John Kahrs, 2012) conçu comme un banc d’essai pour cette technique. Disney à l’époque n’avait pas trouvé cela très convaincant, forçant le cinéaste à l’œuvre à quitter le studio. Finalement, cette célébration anniversaire aura été bien morne. Seul le court-métrage Il était une fois un studio (Dan Abraham & Trent Correy, 2023) aura un petit peu réussi à reconvoquer l’Histoire du studio, même si cela est d’une façon relativement facile et non risquée. Dans ce court-métrage, l’ensemble des personnages mythiques de l’écurie Disney prennent vie et se réunissent pour une photo de famille devant les studios de Burbank. Il est étonnant de constater que le film revêt presque une humeur mélancolique. Certainement que le contexte teinte ce regard vers le passé et nous fait moins célébrer cet exceptionnel héritage qu’il ne met en lumières le surplace passéiste de Disney.

Tous les personnages de Disney posent devant le siège des studios.

“Il était une fois un studio” de Dan Abraham & Trent Correy © Disney

Si les esprits créatifs en charge de la gestion des différents studios qui composent la galaxie Disney peuvent être pointé du doigt, il reste évident que l’Amiral Chapek a certainement échoué au gouvernail et que ces échecs successifs sont aussi le résultat d’une boussole quelque peu défaillante. Quand on observe en détails, sous l’angle strictement artistique, la composition des équipes d’animateurs.trices et créatifs des studios, on ne peut que constater que ceux et celles qui les composent sont moins profondément connectés à l’Histoire du studio. Seule l’équipe de Pixar semble continuer de développer une sorte d’école interne, avec une philosophie qui lui est propre, qui se transmet de générations en générations. C’était pourtant la force des studios Disney Animations et ce qui les a certainement sauvés de la faillite au début des années 1990. Pour reconnecter à l’héritage de Walt Disney, le studio avait alors recruté toute une génération d’animateurs et scénaristes biberonnés à ses œuvres et formés à la California Institute of the Arts (CalArts), fondée en 1961 par Walt Disney lui-même. Aujourd’hui, les équipes de Disney Animations intègrent notamment de nombreux talents issus de BlueSky – le studio appartenant jadis à la Fox, responsable de la saga L’Âge de Glace entre autres, et que Disney Animations a absorbé au rachat de la Century Fox – et d’autres prises de guerre issues de Sony Animations ou encore Illumination – c’est le cas de Fawn Veerasunthorn scénariste et co-réalisatrice de Wish et qui a notamment co-scénarisé Le Lorax (2012) et Moi, moche et méchant 2 (2013). Difficile de jauger à quel point ces apports de talents ayant poussé dans le terreau d’autres studios ont un réel impact sur la perdition identitaire de Disney, d’autant plus que des cinéastes comme Chris Buck (Wish), Byron Howard (Encanto), Don Hall (Avalonia) et l’actuelle directrice artistique Jennifer Lee (La Reine des Neiges) sont tous et toutes issus du sérail Disney.

“Vice Versa 2” de Kelsey Mann © Pixar / Disney

Si les films sortis par le studio et ses entités avaient qualitativement convaincus, peut-être qu’on qualifierait moins cette année de naufrage. Mais l’extrême pauvreté des longs-métrages sortis de cette machine à produire est en fait le reflet parfait d’une situation interne, dont les nœuds de crises sont aussi multiples qu’indémaillables. On le sait, pourtant, dans ses cent années d’existence, Disney en a connu, des hauts comme des bas. Des âges d’or, des chutes vertigineuses. On l’a même prétendu plusieurs fois au bord du dépôt de bilan. Mais toujours, le studio aux grandes oreilles a su rebondir. Se replacer sur l’échiquier du divertissement, ré-investir ses territoires – ceux de l’imaginaire, du spectacle familial, de l’innovation – et raviver sa bonne étoile. Il faudra cette fois du génie pour y parvenir, du savoir-faire, du tact, pour reconquérir un public qui pour la première fois depuis 2016 n’a pas placé le studio à la première place du box-office annuel – devancé par Universal et le succès intercontinental de Super Mario Bros, le film animé par le studio IlluminationEn 2024, Iger et ses équipes tenteront de retrouver un cap et de profiter des vents offerts par la sortie des très attendus Mufasa (Barry Jenkins, 2024), Vice Versa 2 (Kelsey Mann, 2024) et Deadpool 3 (Shawn Levy, 2024). Trois films, deux suites et un préquel. Le signal évident d’un renouveau… Sûrement pas. Mais paradoxalement, c’est peut-être en se re-connectant à ses succès passés, pour les prolonger et capitaliser dessus – une stratégie très chère à Iger et qui a payé en son temps avec des chefs-d’œuvre comme Toy Story 3 (Lee Unkrich, 2010) ou Les Indestructibles 2 (Brad Bird, 2018) – que le studio retrouvera l’assise et la tranquillité économique nécessaire pour laisser ses génies artistiques bourgeonner plus librement. Quand on prie la bonne étoile… All the dreams come true. Non ?


A propos de Joris Laquittant

Sorti diplômé du département Montage de la Fémis en 2017, Joris monte et réalise des films en parallèle de son activité de Rédacteur en Chef tyrannique sur Fais pas Genre (ou inversement). A noter aussi qu'il est éleveur d'un Mogwaï depuis 2021 et qu'il a été témoin du Rayon Bleu. Ses spécialités sont le cinéma de genre populaire des années 80/90 et tout spécialement la filmographie de Joe Dante, le cinéma de genre français et les films de monstres. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/sJxKY

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