Le Manoir Hanté 1


Il est peu dire que les fans des parcs à thème Disneyland et de la marque Disney en général attendaient avec une vive impatience que le studio se penche sur une ré-adaptation cinématographique de son fameux train fantôme, après le nullissime Manoir Hanté et ses 999 fantômes (Rob Minkoff, 2003). Arlésienne depuis 2010, ce projet de nouvelle adaptation fut un temps confiée à Guillermo Del Toro avant que ce dernier décide par lui-même de s’extirper de ce traquenard… Difficile de lui donner autre chose que raison quand on voit ce piètre résultat.

Les six personnages principaux du film Le manoir hanté, tous en costume d'époque 19ème siècle, avancent à la file dans un couloir, voûté pour marcher à pas feutrés, éclairés par une seule bougie.

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Le Fantôme de Disney

Eddie Murphy s'aventure dans un vieil escalier en colimaçon, une torche dans la main, dans le film Le manoir hanté et les 999 fantômes.

« Le Manoir Hanté et ses 999 Fantômes » (2003) © Disney Enterprises Inc

De toutes les attractions des parcs à thèmes Disney, le Haunted Mansion est certainement l’une de celles que les fans les plus hardcores, comme les visiteurs occasionnels préfèrent. Il faut dire qu’avec Pirates des Caraïbes, l’accomplissement technique et créatifs de ses attractions en ont fait des références mondiales du parcours scénique. Des millions de petits et grands à travers les parcs Disney des quatre coins du monde ont pu s’émerveiller et/ou avoir peur devant les animatroniques révolutionnaires (pour leur époque) des fantômes et autres pirates qui peuplent ces deux chef-d’oeuvres du genre. En 2003, sous la présidence en déclin de Michael Eisner, The Walt Disney Company décide de capitaliser sur ces attractions originales – non-tirées de films Disney – pour les porter à l’écran. C’est alors un saut dans le vide pour l’entreprise qui a plus l’habitude de faire des attractions à partir de ses succès cinématographiques que l’inverse. Sont ainsi mis conjointement en chantiers deux films qui seront Pirates des Caraïbes : La Malédiction du Black Pearl (Gore Verbinski, 2003) et donc Le Manoir Hanté et ses 999 Fantômes (Rob Minkoff, 2003). Le premier est un franc succès qu’on ne vous présente plus, capitalisant sur la hype d’un casting de stars alors à leur sommet : Johnny Depp, Orlando Bloom et Keira Knightley. Devenant un véritable phénomène, il entrainera dans son sillage quatre suites plus ou moins réussies mais toujours rentables. Le second est quant à lui un échec colossal. A l’inverse de la saga des Pirates…, il tente de maintenir à flot un acteur alors sur la pente descendante à Hollywood, Eddie Murphy, dont la formule comique – nul ici ne niera son génie – commençait à sérieusement faire du surplace et à moins séduire le public. Si l’adaptation des Pirates avait conservé voire sublimé l’ADN de l’attraction – sens de l’aventure, horreur graphique, comédie – celle du Manoir Hanté reposait trop sur son interprète en roue libre et en fit une comédie (à peine) horrifique peu inspirée, aussi vite vue qu’oubliée. Depuis, la firme aux grandes oreilles s’est timidement re-essayée à l’exercice d’auto-adaptation d’abord par le biais du mésestimé A la poursuite de demain (Brad Bird, 2015) dont l’intrigue donnait une place centrale au parc Disneyland et à l’une des attractions phares It’s a small world (aka « la maison des poupées » selon tes darons). Puis, en 2021 sous la houlette du désastreux mandat de dirigeant de Bob Chapek (2020-2022), avec le plaisant Jungle Cruise (Jaume Collet-Serra, 2021) qui adaptait une non moins culte attraction du parc Disney américain mais quasiment inconnue du public européen puisque nous n’avons pas de duplicata à Paris. C’est pourtant la grande force de la majorité des attractions originales made in Disney, l’Empire des parcs à thèmes s’étend désormais aux (quasi) quatre coins du globe avec des parcs de part et d’autres des Etats-Unis, mais aussi à Paris, Tokyo, Shangaï, Hong-Kong… Certaines de ses attractions sont ainsi connues autant sur le continent Américain qu’en Europe ou en Asie, bien qu’elles aient parfois (souvent) été ré-adaptées pour le public local. A ce titre, le fameux train fantôme de Disney est certainement celui qui a connu le plus de ré-adaptations. En faire l’historique n’est pas une coquetterie d’amateur, mais me semble important pour mieux étayer ensuite l’avis cinglant sur le film tout juste sorti.

L'immense villa blanche du film Le manoir hanté vue en plan d'ensemble sous un ciel gris et une lumière jaune foncée de crépuscule.

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A l’origine, The Haunted Mansion est une attraction pensée par Walt Disney himself, dès le début des années 50 alors qu’il élabore le concept de son parc à thème. Elle figure ainsi sur les maquettes du premier Disneyland d’Anaheim en Californie et Walt souhaite dans un premier temps en faire un manoir hantée par… Un pirate. Idée qui sera vite abandonnée mais néanmoins transfusée dans une autre attraction. Très vite guidé par sa volonté de faire du Disneyland Park une sorte de monde idéal, il précise à ses équipes que la bâtisse, bien que hantée, ne devait pas sembler à l’abandon. On l’entend dans certains enregistrements vocaux de l’époque préciser à ses imagineers (les équipes en charge de la conception esthétique et narrative des parcs à thème) que la bâtisse doit semblé avoir « un extérieur laissé à la charge des vivants, et un intérieur investi par les fantômes ». La maison est finalement introduite dans la première extension du Disneyland Park, un land nommé New Orleans Square. Le manoir s’inspire alors des maisons de maîtres typiques des plantations de coton de la Louisiane. Bien que la bâtisse évoque architecturalement une part sombre de l’histoire des Etats-Unis – l’esclavagisme – aucune référence directe à ce lourd sujet n’est fait au sein de l’attraction. L’histoire que le parcours scénique propose aux visiteurs de traverser est celle d’une sorte de maison de retraite pour fantômes, hantée par 999 de ses spectres, des plus vils au plus goguenards. Certaines scènes du parcours donnent plus d’importance à l’histoire de l’une d’entre elle, Constance Hatchaway, une mariée « veuve noire » qui aurait épousé successivement cinq hommes richissimes avant de les assassiner à coups de hache afin d’hériter de leur fortune. La première adaptation cinématographique avec notre ami Eddie s’inspire très nettement de cette histoire. L’attraction est ensuite dupliquée de l’autre côté des Etats-Unis, en Floride, où sa façade perd son architecture évoquant le lourd passé esclavagiste de l’Amérique pour un style davantage néo-gothique, rappelant les constructions post-Guerre de Sécession des rivages de l’Hudson. Comme toutes les attractions dupliquées à Disneyworld en Floride, projet « bigger than original » de Walt Disney, The Haunted Mansion est ici étoffée de scènes devenues emblématiques dont la salle de spiritisme avec la boule de cristal contenant la tête de Madame Léota, une voyante qui incante les esprits à notre passage. Si la version tokyoïte est une copie conforme de la version de Floride , celle qui va ouvrir à Paris en même temps que le parc en 1992 va redéfinir complètement l’histoire et même changer de nom pour Phantom Manor.

Le Phantom Manor, le manoir hanté du Parc Disneyland à Paris.

« Phantom Manor » à Paris © Disneyland Paris

Vous n’êtes peut être pas venus ici pour avoir un historique d’un manège Disney, je ne vais néanmoins pas m’arrêter en si bon chemin, vous allez comprendre pourquoi. Encore une fois, pour rendre ma diatribe contre Le Manoir Hanté plus efficace il me faut passer par cette exercice de re-contextualisation. Aussi, convoquer la version de Paris est important parce qu’elle est unanimement considérée comme la meilleure itération de l’attraction. Quand les équipes en charge de la conception de Disneyland Paris envisagent d’incorporer le Manoir au sein du projet, ils se penchent assez vite sur une transformation complète du concept initial. A Disneyland Paris, le Phantom Manor fait partie du land consacrée au Far West (Frontierland) il est donc perché sur une colline nommée Boot Hill, bordée d’un lac et d’une montagne, la Big Thunder Mountain, où les visiteurs les plus intrépides peuvent monter à bord du fameux « train de la mine ». L’idée des Imagineers est de rendre plus compréhensible le concept de maison hantée au public européen, et cela passe nécessairement par une refonte esthétique et narrative de l’attraction. Ainsi, la version parisienne est la seule à déroger au dogme du « tout beau tout propre » prôné par Disney et présente un manoir délabré de style victorien qui rappelle quelque peu la maison de Psycho (Alfred Hitchock, 1960). Les Imagineers étant aussi des scénaristes qui veillent à raconter aux visiteurs une histoire à travers les décors foisonnants de détails, imagine un background complet autour du Manoir et de la Montagne toute proche. Ainsi, dans cette version, l’histoire proposée est bien plus élaborée et se déroule dans les années 1840-1850. Le Manoir appartient alors à une riche famille de pionniers, les Ravenswood. Ces derniers ont pris leurs quartiers dans la ville de Thunder Mesa où ils exploitent la mine d’or de la montagne avoisinante. Le père de famille, Henry Ravenswood, est connu comme étant un homme extrêmement possessif au point de ne pas apprécier que sa jeune fille, Mélanie, convoite l’attention d’autres hommes… Cette dernière a été quatre fois fiancée : d’abord à un certain Barry Claude propriétaire d’un site pétrolifère (tué par un ours), puis au Capitaine Rowan D. Falls dirigeant de la Thunder Mesa Riverboat Landing (mort après avoir chuté d’une cascade), mais encore Ignatius Knight, dirigeant d’une usine de dynamite et d’explosifs (mort après une explosion dans une mine) et enfin Sawyer Bottom, patron de la scierie de Thunder Mesa (découpé en deux par une scie circulaire). La rumeur se répand dans Thunder Mesa que Henry est le responsable de toutes ces morts et qu’il n’aurait pas supporté que ces hommes puissent un jour hériter de son empire et de son manoir. Un peu plus tard, une force mystérieuse semblable à une malédiction frappa Thunder Mesa, le tonnerre fracassa le manoir (d’où son aspect délabré) et Henry mourra à son tour d’un tremblement de terre. Le reste de l’Histoire cultive son mystère, mais il se murmure que Mélanie noya son chagrin, dans sa robe de mariée, jusqu’à ce que mort s’en suive, et que son fantôme continue de hanter la demeure… Tout comme celui de son père.

Deux femmes dont l'une porte un haut turban, un jeune homme, et un autre homme plus vieux en costume de prêtre sont dans un vaste salon éclairé à la bougie qui paraît luxueux, tous ont le regard dirigé vers le plafond, dans l'expectative ; scène du film Le manoir hanté.

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Si j’ai pris le temps de faire un long point sur le scénario de la version parisienne, c’est pour bien souligner à quel point cette version de l’attraction jouissait d’un potentiel « adaptable » bien plus important que la version originale américaine. Qui plus est, il est fort dommageable que The Walt Disney Company ait choisi de ré-adapter une version de l’attraction déjà plus ou moins exploitée dans le premier film – on admettra néanmoins que la pauvreté du scénario de ce dernier n’interdisait pas quiconque de retenter sa chance pour faire mieux – même si l’on peut admettre que la version américaine est aussi celle qui est la plus connue à travers le monde (puisqu’aussi présente à Tokyo). Quoi qu’il en soit, en ratant le coche d’adapter la storyline du parc européen, les scénaristes passent clairement à côté d’une histoire plus riche et plus incarnée en terme de décorum (le Far West, l’exploitation minière, les luttes de pouvoirs entre familles…). Ce n’est un secret pour personne, Guillermo Del Toro fut longtemps affilié au projet. Lui qui souhaitait plus que tout – en tant que fan hardcore de l’attraction – la porter à l’écran. De ce projet tombé dans les limbes d’Hollywood on ne sait pas grand chose sinon que les différentes versions du scénario écrites entre 2009 et 2013 par le réalisateur mexicain et ses co-auteurs n’ont pas pleinement convaincu Disney – le cinéaste visait un PG13 et la maison mère trouvait donc ses idées un peu trop horrifiques – et qu’il envisageait d’adapter… La version française de l’attraction ! La rumeur prétend qu’il est parti du projet, triste et frustré, et aurait re-exploité certaines de ses idées dans son très beau Crimson Peak (2015). Il est vrai que les similitudes sont troublantes : une jeune femme et son prétendant au passé trouble, des meurtres violents et inexpliqués, un manoir victorien lugubre et hanté… Pour compenser le départ de Del Toro, les studios Disney ont choisi de confier cette nouvelle adaptation à un certain Justin Simien. Son nom ne vous est certainement pas inconnu puisqu’il est le réalisateur du très remarqué Dear White People (2015) qu’il a ensuite porté lui-même en série (2017). Si le cinéaste est considéré depuis ce premier long-métrage comme une figure à suivre parmi la nouvelle génération de cinéastes afro-américains, il est peu de dire qu’on ne l’imaginait pas faire ainsi le grand écart entre une production indépendante et un blockbuster made in Disney. Toutefois à l’annonce de son entrée au projet, je dois avouer avoir été piqué de curiosité, connaissant son appétence pour les récits teintés de propos politiques sur la cause des Noirs américains, je l’imaginais naïvement s’emparer de la face sombre de l’attraction et proposer une relecture de l’histoire réinvestissant ce décor de Manoir d’esclavagistes de tout le sens qu’il peut véhiculer. L’annonce d’un casting quasiment exclusivement composé d’Afro-américains – Lakeith Stanfield (Sorry to Bother You), Rosario Dawson (He Got Game), Charity Jordan (Selma) – semblait appuyer la probabilité d’un scénario qui exploiterait cette part cachée de l’histoire de l’attraction. Autant le dire tout de go, il n’en est absolument rien.

Plan rapproché-épaule sur un fantôme squelette, portant un chapeau haut de forme et tenant dans sa main droite un sceptre avec une tête de mort à son sommet ; issu du film Le manoir hanté.

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Si Le Manoir Hanté (2023) reprend bien le visuel architectural du tout premier manoir californien – il aurait tout à fait pu adapter le manoir néo-gothique de Floride, voire complètement en offrir une interprétation unique comme ce fut le cas en 2003 – et se déroule bien à la Nouvelle Orléans, le scénario ne fait jamais mention du passé trouble du lieu. Cette fois, le film raconte l’histoire de Gabbie (Rosario Dawson), une mère célibataire qui décide de repartir à zéro après le décès de son mari. Elle embarque alors son jeune fils de neuf ans, Travis, pour emménager dans une ancienne demeure de maître – quel noir américain accepterait ça ? – un Manoir au prix étrangement abordable… Et pour cause, ce dernier est hanté par de nombreux fantômes. Pour chasser ses entités du lieu, Gabbie fait appel à Kent (Owen Wilson) un drôle de paroissien qui décide de réunir une équipe d’experts (ou de bras cassés, au choix) complétée de Ben Matthias (Lakeith Stanfield) un expert en paranormal ; Bruce (Danny De Vito) un professeur d’histoire excentrique ; et Harriet (Tiffany Haddish), une médium. Tous unis et liés au lieu depuis leur première visite – les fantômes continuent de les hanter s’ils essaient de s’en éloigner – ces joyeux lurons vont alors se mettre en quête de déchiffrer le mystère du lieu et briser la malédiction. Le long-métrage prend alors les pourtours d’un Cluedo horrifique, qui va multiplier les clins d’œil à l’attraction : la présence de Madame Léota dans sa boule de cristal (Jammie Lee Curtis) et plusieurs scénettes reconstituées maladroitement le temps de caméos à peine fonctionnels. Du scénario initial de Del Toro ne semble être conservé que la volonté de faire du Fantôme à la boîte à chapeaux – un personnage culte de l’attraction comme l’expliquait Del Toro à l’époque : « Il n’est resté dans le Manoir que quelques jours à l’ouverture. Ensuite, ils l’ont enlevé. On raconte qu’il faisait trop peur. En réalité, il ne fonctionnait pas ». En effet, cette animatronique terrifiante était aussi techniquement complexe, sa tête devait disparaître de son cou et par magie, se téléporter dans la boîte à chapeaux. Depuis, l’attraction ayant été réhabilitée en 2017, le robot a retrouvé sa place initiale et fonctionne parfaitement. Dans l’attraction parisienne, bien que le personnage du Hatbox Ghost n’apparaisse pas clairement, il trouve une sorte de variation dans le fantôme d’Henry, squelette en costume et chapeau haut de forme, qui ricane sur les pauvres mortels au moment de quitter l’attraction. La version ici incarnée par Jared Leto dans le film de Simien, semble s’inspirer des designs de ces deux fantômes et est véritablement au cœur du récit. Sans déflorer l’intrigue, nous dirons simplement qu’il est responsable de la présence des 999 fantômes dans le manoir et que nos héros doivent l’empêcher coûte que coûte d’accomplir une prophétie en obtenant sa millième âme.

Un fantôme portant une longue cape et un vieux chapeau joue de l'orgue ; nous le voyons de dos, et son corps n'est pas tout à fait opaque, on voit les tuyaux de l'orgue à travers ; plan du film Le manoir hanté.

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Si le scénario à le mérite d’essayer de densifier l’histoire assez limitée du Haunted Mansion du premier parc, il n’en est pas moins aussi pauvre que balisé. Parfaitement « le cul entre deux chaises » , le récit ne sait pas choisir entre la comédie (jamais drôle) et l’horreur (jamais flippante) et déroule alors un programme parfaitement insignifiant à tous les niveaux. La mise en scène de Justin Simien n’y apporte rien, tant il se montre incapable de manier les codes du genre horrifique, ne faisant qu’emprunter les effets de peur sans jamais ni les maîtriser, ni les exploiter pleinement. On sent un cinéaste non seulement surpassé par ces nouveaux enjeux de réalisation mais aussi sagement dévoué à un cahier des charges qui ne tolère aucun débord de sens – pas de propos politiques comme nous l’avons déjà mentionné – ou de forme – tout est calibré pour être tout public, si bien que Le Manoir Hanté fait moins peur que l’attraction elle-même ! Les fans de Haunted Mansion/Phantom Manor pourront continuer de rêver à une adaptation en bonne et due forme par des cinéastes plus taillés pour l’exercice – quand à la D23 (la convention de fans Disney où le studio à l’habitude d’annoncer ses nouveaux projets) Bob Iger avait demandé au public qui ils estimaient le plus à même de réaliser ce film, l’audience avait hurlé « Tim Burton ! » au même moment où Guillermo Del Toro rentrait sur scène… Ce qui avait créé un moment de gêne assez savoureux – mais ils devront se contenter d’une seconde adaptation qui réussit l’exploit tout à fait atypique d’être au moins aussi nulle que la première. Outre son caractère parfaitement insignifiant, ce nouveau blockbuster made in Disney pourra néanmoins alerter une fois de plus sur l’état du studio, qui après un nouvel âge d’or sous Bob Iger (2005-2020) durant lequel The Walt Disney Company a avalé des tonnes de catalogues – Pixar, Marvel, LucasFilm – et multiplié les hits au box office, est en pleine crise identitaire et peine à se remettre du bref règne pitoyable de Bob Chapek (2020-2022) dont les productions récentes semblent encore payer les décisions trop hâtives – rappelons que l’adaptation dont il est ici question a été annoncée fin 2021, puis écrite, tournée et finalisée en seulement dix mois ! Si après son retour aux manettes façon sauveur, Bob Iger avait semblé vouloir remettre de l’ordre en admettant publiquement les erreurs stratégiques faites par sa société à tous les niveaux – décriant trop de sorties en streaming, trop de Star Wars, trop de Marvel et un abandon des parcs et de l’identité historique – les dernières semaines sous fond de grève des scénaristes et acteurs ne laissent pas vraiment présager un avenir radieux. Alors que son entreprise sous-paye ses scénaristes et leur demande de travailler à des rythmes de stakhanovistes, Iger a répondu aux revendications des syndicats des propos offensifs et abjects : « Il y a un niveau d’attente qu’ils ont, qui n’est tout simplement pas réaliste. Quand je suis revenu, l’une des choses que j’ai découvertes, c’est que les forces perturbatrices qui s’attaquent à cette entreprise depuis un certain temps sont plus importantes que je ne le pensais. C’est révélateur. Il y a une réalité à laquelle nous devons nous attaquer, et nous devons nous y attaquer maintenant. ». On évitera ici de tirer à boulet rouge sur la scénariste du Manoir Hanté, bien qu’il paraît correct de la citer (Katie Dippol), tant tout porte à croire qu’elle a elle-même subi ces conditions de travail. On préférera sommer Iger d’ouvrir les yeux et de constater que ce ne sont pas des conditions de travail toujours plus resserrées qui sauveront son entreprise de son marasme économique et qualitatif. Mais bel est bien des esprits créatifs, à qui il est donné le temps de penser, d’écrire, de parfaire. Tout ce qui semble manquer aux productions Disney, si vite ouvragées qu’on pourrait penser qu’elles ont été générées par des intelligences artificielles…


A propos de Joris Laquittant

Sorti diplômé du département Montage de la Fémis en 2017, Joris monte et réalise des films en parallèle de son activité de Rédacteur en Chef tyrannique sur Fais pas Genre (ou inversement). A noter aussi qu'il est éleveur d'un Mogwaï depuis 2021 et qu'il a été témoin du Rayon Bleu. Ses spécialités sont le cinéma de genre populaire des années 80/90 et tout spécialement la filmographie de Joe Dante, le cinéma de genre français et les films de monstres. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/sJxKY


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Commentaire sur “Le Manoir Hanté

  • Eva Fournier

    En tant que grande fan de films Disney, je n’ai pas été déçue par celui-ci. J’ai adoré la thématique et l’atmosphère. De l’humour, du suspense et une petite dose d’horreur.