The Outwaters


Les déserts sont des endroits dangereux. Si vous ne l’aviez pas déjà compris après les deux versions de La colline a des yeux – par Wes Craven en 1977 et par Alexandre Aja en 2006 – The Outwaters (Robbie Banfitch, 2022) pourra peut-être enfin vous en convaincre. À mi-chemin entre le found footage et l’horreur cosmique, cette proposition complètement démente, projetée lors l’édition 2023 du BIFFF et qui nous est proposée sur Shadowz à partir de ce 30 octobre, dépeint un road trip entre ami.es qui tourne au cauchemar.

Un homme est allongé sur le sol craquelé du désert américain, sous un ciel bleu intense ; plan vu à l'envers du film The Outwaters.

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Ce qui se passe dans le désert, reste dans le désert (ou presque)

Attirée par son affiche aux couleurs chatoyantes empreinte d’une part de mystère – qui m’a rappelé les iconiques affiches de Vampire, vous avez dit vampire ? (Tom Holland, 1985) et du Retour des morts-vivants 2 (Ken Wiederhorn, 1988) avec leurs visages effrayants dessinés dans les nuages – et par son histoire de voyage hallucinant dans le désert, The Outwaters a rapidement titillé ma curiosité. Il est vrai que les régions désertiques fascinent, en particulier celles qui se situent dans l’Ouest des États-Unis. Pour les cinéastes, ces terres désolées représentent un terreau fertile où des tas de choses peuvent se passer : des meurtres sanglants, comme dans La colline a des yeux (Wes Craven, 1977), des rencontres extraterrestres comme dans Asteroid City (Wes Anderson, 2023) ou simplement des rencontres humaines, comme dans Bagdad Café (Percy Adlon, 1987) ; des découvertes inattendues, comme dans No Country for Old Men (Joel et Ethan Coen, 2007) ; des courses poursuites, comme dans Thelma et Louise (Ridley Scott, 1991); et même parfois des choses complètement absurdes, comme un pneu qui prend vie et se met à tuer dans Rubber (Quentin Dupieux, 2010). Le 7e art ne semble ainsi pas être à court d’idées lorsqu’il s’agit d’imaginer ce qu’il peut se passer dans les coins reculés et hostiles de l’ouest américain. Toutefois, ce n’est pas forcément les œuvres que l’on vient de citer qui ont le plus inspiré l’américain Robbie Banfitch pour son deuxième long-métrage. En effet, ce dernier fait partie de la nouvelle génération de réalisateurs qui tentent de reproduire encore et toujours la recette du Projet Blair Witch (Eduardo Sánchez et Daniel Myrick, 1999) et de revenir aux origines de la peur, avec plus ou moins de succès. Cette année, nous avons déjà eu droit à Skinamarink (The House) (Kyle Edward Ball, 2023), qui a réussi à rafraîchir la formule avec son univers à la fois cauchemardesque et enfantin. Mais qu’en est-il de The Outwaters ?

Plan fisheye sur les jambes de trois jeunes femmes arpentant le désert, en short et en bottes, dans le film The Outwaters.

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L’intrigue nous est présentée très sobrement au moyen d’écrans titres. Dans le désert des Mojaves en Californie, les autorités ont retrouvé plusieurs cartes-mémoire. Les images contenues sur celles-ci montrent ce qui est arrivé à quatre jeunes personnes disparues à cet endroit quelques années auparavant. Voici leur histoire – dun dun. Tout commence donc avec un petit montage photo présentant nos quatre protagonistes, sur fond d’appel au 911 ponctué de cris et de hurlements. Une fois ce in memoriam terminé, un nouvel écran titre nous annonce que nous allons à présent visionner le contenu de la première carte-mémoire. Sur celle-ci, absolument rien d’alarmant. Nous faisons simplement connaissance avec Robbie – aussi joué par Robbie Banfitch, qui est également le scénariste, producteur, directeur de la photographie, et monteur de son propre film – un jeune réalisateur vivant à Los Angeles. Il sera notre guide à travers les événements qu’il a documentés avec sa caméra. Nous assistons ainsi, en vrac, à l’anniversaire de son frère Scott, à une répétition de son amie chanteuse folk Angela, à une visite chez sa mère, ou encore à un appel vidéo avec son amie Michelle. A ce propos, j’aimerais d’ailleurs faire remarquer que 1) c’est très étrange de filmer un appel vidéo 2) pourquoi y aurait-il des cuts si c’est censé être du raw footage ? Nous apprenons aussi que Robbie adore filmer tout le monde en gros plan bien serré sur le visage. Heureusement, pour contraster, ses plans du désert sont plutôt jolis, voire même inventifs ! Le désert, revenons-y justement. C’est là que se rendent Robbie, Scott, Angela et Michelle, afin de tourner un clip pour l’une des chansons d’Angela. Après 20 minutes de présentation des personnages et deux tremblements de terre sans conséquences, le décor est enfin planté.

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Durant la demi-heure suivante, les quatre ami.es installent leur campement pour la nuit. Des bruits étranges se font entendre dehors. Les deux garçons quittent leur tente pour tenter de découvrir ce dont il s’agit. Scott reste sans réponse tandis que Robbie assiste à un phénomène lumineux. Le lendemain, en explorant la zone, ils ne trouvent toujours rien, mis à part une hache plantée au sommet d’une colline. Le tournage se termine et la nuit tombe à nouveau. Et puis… À partir de la découverte de la troisième carte-mémoire, le long-métrage bascule. Oubliées les backstories, oublié le clip vidéo ; plus rien ne compte. Le cauchemar commence… Les bruits étranges reviennent. Robbie décide à nouveau d’aller voir de quoi il s’agit. Mauvais choix. Il se fait attaquer avec la hache. Le chaos s’installe : la caméra et la lampe de poche sont secouées dans tous les sens, les filles hurlent à la mort, Scott et Angela sont entièrement recouverts de sang – leur sang ? Nous n’en savons rien – et des cris stridents retentissent. Ces cris sont poussés par des vers, que l’on parvient à apercevoir entre deux moments d’obscurité totale. J’en profite d’ailleurs pour exprimer mon mécontentement car quand je regarde un film, c’est pour offrir à mes yeux une expérience visuelle inédite, pas pour avoir mon vieux reflet sous les yeux à cause d’un écran qui reste noir la moitié du temps… Bref, passons, même si ce que le réalisateur aux multiples casquettes parvient à réaliser est plutôt paradoxal : un film ultra graphique dans lequel on ne voit pas grand chose. La proposition est maladroite mais pas inintéressante : toute cette partie du film relève donc de l’horreur cosmique, et si on n’atteint pas le niveau de The Thing (John Carpenter, 1982), ni même de Color out of Space (Richard Stanley, 2020), on se laisse tout de même captiver. Ce qui,se déroule dépasse notre compréhension de l’univers tel qu’il est, avec ces phénomènes lumineux et ces vers hurleurs venus d’on ne sait où. Le paysage se transforme et plus rien ne fait sens. On comprend néanmoins que les personnages sont condamnés. Et pourtant, rien n’aurait pu nous préparer à la scène finale… Qui consiste en du gore pur et simple – mais je n’en dirai pas trop pour ne pas gâcher la surprise à celles et ceux qui voudraient voir cela de leurs propres yeux, et pour ne pas heurter les quelques âmes sensibles qui se seraient perdues par ici. Sachez simplement que Robbie Banfitch ne s’impose aucune limite… En conclusion, si vous n’avez pas peur du mélange des genres et que passer du coq à l’âne ne vous dérange pas ou si vous n’en avez pas encore marre du found footage et que vous avez envie d’infliger à vos yeux des images qu’ils auront du mal à oublier, alors The Outwaters est le programme qu’il vous faut ce soir !


A propos de Andie

Pur produit de la génération Z, Andie a du mal à passer plus d'une journée sans regarder un écran. Ses préférés sont ceux du cinéma et de la télévision, sur lesquels elle a pu visionner toutes sortes d'œuvres plus étranges et insolites les unes que les autres. En effet, elle est invariablement attirée par le bizarre, le kitsch, l'absurde, et le surréaliste (cela dit, pas étonnant lorsque l'on vient du plat pays...). Elle apprécie particulièrement les univers cinématographiques de Michel Gondry, Jaco Van Dormael, et Guillermo Del Toro. Ses spécialités sont le cinéma fantastique et les documentaires. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/riobs

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