Deadware


Après les téléviseurs qui font peur – Poltergeist (Tobe Hooper, 1982), Videodrome (David Cronenberg, 1983), Ring (Hideo Nakata, 1998), pour ne citer que ceux-là – le cinéma d’horreur est passé à l’ère numérique et tente désormais de nous faire frissonner avec des ordinateurs maudits. Dans le cas de Deadware (Isaac Rodriguez, 2021), que Shadowz nous propose de (re)découvrir, il s’agit d’un jeu en ligne hanté qui vient tourmenter deux pauvres jeunes personnes. Dommage qu’il ne parvienne pas à tourmenter les spectateur.trices…

Sur un écran d'ordinateur, trois fenêtres de visio : l’une avec une grande maison ancienne, à gauche, puis deux interlocuteurs, à droite, intrigués, un homme et une femme ; issu du film Deadware.

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Error 404: Terror not found

On se souvient – ou pas, et c’est tant mieux – de films comme Terreur.point.com (William Malone, 2002) et de son enquête à dormir debout autour d’un site internet fantôme qui provoque la mort de ses visiteur.euses, ou encore de Unfriended (Levan Gabriadze, 2014) avec son histoire d’esprit vengeur sur fond d’appel Skype. Si le premier a manqué le coche et finira condamné par de nombreux.ses spectateur.trices – moi y compris – comme l’un des pires films d’horreur de tous les temps ; le second a, quant à lui, profité de la popularité grandissante des réseaux sociaux et des systèmes de messagerie en ligne pour trouver son audience et contribuer ainsi au développement d’un genre nouveau. À vrai dire, pas si nouveau, car l’expérience avait déjà été tentée en 2011 avec Megan is Missing (Michael Goi), qui n’avait pas laissé le public indifférent, notamment en raison de son côté ultra graphique. Ce genre presque nouveau donc, et qu’on appelle parfois le desktop horror (un descendant direct du found footage dans lequel les histoires sont racontées à travers l’écran de l’ordinateur). Le found footage est un genre que semble particulièrement affectionner le réalisateur de Deadware, le texan Isaac Rodriguez, en témoignent ses autres travaux Last Radio Call (2022), Mister Creep (2022) et A Town Full of Ghosts (2022) tous basés sur ce même principe de vidéos retrouvées. Dans le cas de l’ordinateur, on parle aussi de screenlife de manière plus générale car cette technique n’est pas réservée à l’horreur, preuve en est avec des films comme 0s & 1s (Eugene Kotlyarenko, 2011), une obscure comédie dramatique critique de la société digitale. L’idée est intéressante, car elle nous permet de complètement nous immerger dans l’histoire, comme si cet écran était en réalité le nôtre. Dans un monde où de plus en plus de personnes ont accès au 7ème art via leur ordinateur portable, il s’agit simplement de trouver de nouvelles manières de nous faire trembler de peur avec un objet faisant désormais partie intégrante de notre quotidien.

Dans le film Deadware, un homme et une femme font une partie de Ouija sur un écran d'ordinateur.

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Deadware s’ouvre donc sur un écran, celui de l’un de nos deux personnages principaux – avec lesquels nous allons très vite faire plus ample connaissance. Le look désuet du système d’exploitation nous fait tout de suite comprendre que nous sommes dans les années 90. Nos deux personnages, Jay et Rachel, deux jeunes adultes dans la vingtaine, qui habitent maintenant à des milliers de kilomètres l’un de l’autre, s’appellent via leurs webcams pour discuter un peu. Ainsi, on apprend qu’ils sont des amis de longue date et qu’ils se retrouvent pour faire le point sur leurs existences respectives, chose qu’ils n’ont pas faite depuis un certain temps. On apprend aussi qu’ils formaient à l’époque un trio avec une autre personne appelée Amy, mais cette dernière ne fait désormais plus vraiment partie du paysage. Au fur et à mesure de la conversation, Jay révèle qu’Amy s’est en réalité éloignée car elle a développé une véritable passion pour l’occulte qui a fini par l’isoler du reste du monde – vous voyez venir la suite ? Cette information intrigue Rachel, qui avoue s’intéresser elle aussi à ce genre de choses. Elle décide donc d’inviter Amy à rejoindre la conversation – en dépit des nombreux refus de Jay, sympa… La réponse qu’elle reçoit lui indique qu’Amy est en train de tester un jeu appelé House of Hunger. Rachel, curieuse et toujours pas décidée à prendre en compte l’avis de son ami qui n’a pas envie de jouer, tape “www.houseofhunger.com” directement dans sa barre de recherche – preuve que nous sommes bien dans les nineties – et le film se transforme alors en let’s play diabolique. Sur fond de philosophie bouddhiste, le jeu met nos deux amis face à leurs mensonges et leurs échecs personnels, tout en les faisant progresser sur la piste de l’obscure Amy…

Trois fenêtres de discussion visio, les deux protagonistes à droite, une femme et un homme d'une trentaine d'années puis à gauche, cette fois, un portrait peint de femme, style art moderne ; photogramme du film Deadware.

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Si le postulat de base avait de quoi attirer l’attention – un jeu en ligne hanté qui tue celles et ceux qui y jouent – il s’avère que Deadware ne parvient malheureusement pas à arriver à ses fins… Et pourtant, dès la séquence d’ouverture, on se retrouve face à ce concept original du screenlife qui nous offre un point de vue sur tout ce qu’il se passe, tout en donnant un effet de huis clos puisque l’on ne sort jamais de cet écran. Seulement voilà, cet écran d’ordinateur, on finit par s’en lasser beaucoup plus vite que prévu… En effet, nous n’entrons dans le vif du sujet – c’est-à-dire le jeu – qu’après 13 minutes à faire l’aller-retour entre le fond d’écran de Rachel, la webcam de Rachel, et la webcam de Jay. 13 minutes, sur un film de 68 minutes, ça fait long. Cela dit, l’atmosphère créée par les visuels est plutôt convaincante. En tant qu’enfant du nouveau millénaire, je n’ai pas eu l’occasion de connaître l’internet des années 90, mais tout cela colle bien à l’image que je m’en suis faite en regardant des images d’archives et des creepypastas. Peut-être que ces visuels seront d’autant plus impactants pour celles et ceux qui ont réellement surfé sur le web à la fin du siècle dernier. Qui sait, peut-être vous sentirez-vous un poil nostalgiques ? Le jeu, qui est l’élément central, est lui aussi bien fichu, autant au niveau visuel que sonore – petite musique effrayante bien typique – et on a même droit à quelques extraits de found footage dans les quelques scènes où Rachel cherche à entrer en contact avec Amy qui font bien évidemment penser au Projet Blair Witch (Daniel Myrick, Eduardo Sánchez, 1999). En revanche, s’il y a bien un aspect du long-métrage qui peine à nous faire rentrer dans l’histoire, ce sont les personnages. Pour un film qui repose entièrement sur la prestation de ses deux acteur.trices, c’est plutôt mal tombé… La plupart des conversations ont une saveur terriblement artificielle. Si même les protagonistes ne semblent pas vraiment investis dans leur histoire, comment pourrions-nous l’être nous-même ? C’est dommage parce qu’ils forment un duo skeptic vs believer, habituellement très efficace dans ce genre d’enquête sur des événements paranormaux (on pense à celui de X-Files par exemple), mais cela n’est pas suffisamment exploité. Même dans les moments censés être effrayants, leur ton reste monotone et leurs expressions ne traduisent pas grand chose. Ces moments sont d’ailleurs doublement gâchés par le fait que les quelques jumpscares sont grossiers et qu’on les voit venir avant même que la scène soit installée. Pour le reste, on a droit à des petits glitches ça et là, pour nous mettre dans l’ambiance. C’est pas trop mal… Malgré tout, Deadware tient la route et on peut saluer l’effort d’avoir produit quelque chose avec un budget estimé de 10 000 dollars. Cependant, si vous voulez éviter de regarder un film qui risque de vous rappeler votre dernière réunion Zoom, passez votre chemin. Shadowz a bien d’autres titres dans son catalogue qui vous correspondront probablement mieux !


A propos de Andie

Pur produit de la génération Z, Andie a du mal à passer plus d'une journée sans regarder un écran. Ses préférés sont ceux du cinéma et de la télévision, sur lesquels elle a pu visionner toutes sortes d'œuvres plus étranges et insolites les unes que les autres. En effet, elle est invariablement attirée par le bizarre, le kitsch, l'absurde, et le surréaliste (cela dit, pas étonnant lorsque l'on vient du plat pays...). Elle apprécie particulièrement les univers cinématographiques de Michel Gondry, Jaco Van Dormael, et Guillermo Del Toro. Ses spécialités sont le cinéma fantastique et les documentaires. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/riobs

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