The First Slam Dunk


Quand Takehiko Inoue adapte son manga Slam Dunk, cela donne The First Slam Dunk (2023), soit l’une des plus belles propositions de film sportif depuis belle lurette. Un accomplissement aussi bien technique qu’artistique qui emporte tout sur son passage, y compris ceux pour qui les règles du basket sont plus opaques qu’une notice pharmaceutique.

Les cinq joueurs de l'équipe de basket de The first Slam Dunk s'avancent sur le terrain, alignés, fiers, devant un public et leur staff tous vêtus de blanc.

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Basketball Diaries

Slam Dunk, avant de devenir l’un des films d’animation les plus réussis de l’année passée, est donc un manga publié entre 1990 et 1996 dans les pages du Weekly Shōnen JumpMy Hero Academia ou One Piece, c’est eux aussi – et réédité depuis dans 31 volumes tankōbon. En tout, 276 chapitres racontant les histoires de Sakuragi, Akagi et bien d’autres, des centaines de millions d’exemplaires vendus à travers le monde, une série animée et quatre moyens-métrages sortis par Toei Animation, déjà derrière Goldorak (Chiaki Imada & Toshio Katsuka, 1975-1977), Albator, le corsaire de l’espace (C. Imada, 1978-1979) ou Dragon Ball (Akira Toriyama, 1986-1989). Depuis 1995 et la sortie du dernier animé, silence radio. En coulisses cependant, Takehiko Inoue, le créateur, est rapidement sollicité pour poursuivre l’histoire, cette fois en format long. Après moult aller-retours, il accepte le projet et commence à réfléchir dans le secret le plus absolu à la meilleure façon de représenter son histoire avec une nouvelle forme d’animation sur laquelle nous reviendrons. En ajoutant le mot « first », il souhaite que l’expérience soit à la fois comme une première fois pour les connaisseurs, et une expérience incluant un nouveau public.

Contre-plongée sur un des joueurs en rouge de The first Slam Dunk, faisant une grimace d'agacement à un photographe dont on voit l'objectif en amorce.

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The First Slam Dunk pose un regard nouveau sur l’œuvre originale, un point de vue différent sur les personnages et leurs enjeux. Nous suivons Ryota Miyagi, le meneur de l’équipe de basket-ball du lycée Shohoku. Celui-ci a perdu son frère ainé d’un accident en mer quand il était jeune, après une dispute, et puisque c’était lui qui lui avait donné le goût au basket, il vit avec le poids pesant de son ombre et son absence. Avec ses coéquipiers il affronte l’équipe de Sannoh, champions inter-lycées dans un match aux proportions épiques où Miyagi et les siens devront faire face à leurs démons. Des motifs somme toute assez communs dans un film de sport, mais que Inoue transfigure tant formellement que narrativement. Le match se joue quasiment en temps réel sous nos yeux et celui-ci donne le tempo et articule les différents retours en arrière pour comprendre l’histoire de Miyagi, de tous ses coéquipiers et quelques adversaires. Cela se fait avec une telle fluidité que l’on en ressort avec un sentiment de clarté absolue et l’impression d’avoir assisté à plusieurs films en un. Alors notre investissement émotionnel vis-à-vis de chacun des protagonistes se trouve décuplé, tant et si bien qu’aux petites satisfactions se succèdent les larmes dans un même geste de cinéma.

Le long-métrage propose donc une animation hybride entre dessin traditionnel où les couleurs désaturées rappellent le medium manga et la 3D. Ce mélange des genres, assez courant au demeurant, trouve ici un véritable intérêt puisqu’il permet de rendre compte des mouvements des joueurs, de leur propre pesanteur et rend l’expérience plus immersive que jamais. En restant malgré tout dans une certaine sobriété de réalisation, Takehiko Inoue prouve qu’il a pleinement cerné les enjeux du passage du papier au grand écran et qu’il a tout compris à la mise en scène. Marvel serait bien inspiré de prendre exemple sur sa façon de gérer une dramaturgie à plusieurs têtes : une vingtaine de personnages se retrouvent parfaitement caractérisés et mis en avant par la seule force d’un découpage narratif aux petits oignons. Un vrai tour de force dans un genre ultra balisé, le film sportif, où l’on pensait avoir fait le tour des possibilités entre Le Champion (Mark Robson, 1949), Les Chariots de feu (Hugh Hudson, 1981) et Ali (Michael Mann, 2001). Finalement, The First Slam Dunk rappelle l’émotion d’un Rocky (John G. Avildsen, 1976) mêlée à l’énergie électrisante d’un Enfer du dimanche (Oliver Stone, 1999) et la coolitude des Blancs ne savent pas sauter (Ron Shelton, 1992).

Gros plan, issu du film d'animation The first Slam Dunk, sur deux poings qui se "checkent", avec en fond, un grillage ; un poing est celui d'un adulte, l'autre semble être celui d'un enfant.

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Reste que si les lecteurs du manga originel remarqueront certainement quelques subtilités et autres clins d’œil ici et là, le long-métrage de Takehiko Inoue s’adresse à tout le monde, y compris à ceux à qui l’idée même de sport file des boutons. Les termes « attaque en triangle », « détente sèche » ou « lay up » deviennent tout à coup familiers ! En ne laissant personne sur le côté du terrain, l’écriture s’avère assez fine pour rendre l’accomplissement sportif universel et en faire la métaphore de quelque chose de plus grand. Le personnage de Miyagi, qui est un peu plus mis en avant que les autres, bénéficie d’une dramaturgie qui peut parler à tout un chacun. Ainsi le deuil et son cortège de questions liées à la culpabilité se retrouvent magnifiquement représentés puisque le héros passe par toutes les phases relatives à la perte et l’absence, avec un fort syndrome de l’imposteur. The First Slam Dunk dépasse donc sa condition de film sportif et d’adaptation de manga. Il transcende ses ambitions pour muter en une œuvre qui pourrait bien devenir un objet générationnel de premier choix.


A propos de Kévin Robic

Kevin a décidé de ne plus se laver la main depuis qu’il lui a serré celle de son idole Martin Scorsese, un beau matin d’août 2010. Spectateur compulsif de nouveautés comme de vieux films, sa vie est rythmée autour de ces sessions de visionnage. Et de ses enfants, accessoirement. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/rNJuC

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