Dave Filoni, le dernier espoir ?


Alors que la série Tales Of The Empire (Dave Filoni, 2024) vient de sortir sur Disney+ et que la saga initiée par George Lucas il y a bientôt cinquante ans se trouve au carrefour de son propre avenir, il est temps pour Fais Pas Genre de faire le point sur Star Wars version petit écran et d’imaginer la suite. Alors nos regards se portent tous sur un homme : Dave Filoni, qui vient d’être nommé à la tête de la création chez LucasFilm.

Dave Filoni pose souriant à la première de la série The Mandalorian.

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A long time ago…

George Lucas sert la main de Bob Iger lors de la vente de Lucasfilm à Disney.

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Dave Filoni est ce que l’on appelle un gros nerd. Et en bon nerd qui se respecte, Star Wars coule dans son sang depuis toujours. Né d’un père fan d’opéra et de musique classique, l’homme au chapeau de cow-boy démarre sa carrière dans l’animation comme storyboarder pour quelques séries telles que Teamo Supremo (Phil Walsh, 2002-2004) ou Kim Possible (Mark McCorkle & Bob Schooley, 2002-2007) pour Disney, et en intégrant les équipes créatives de la satirique Les Oblong (Angus Oblong, 2001-2002) pour Warner. Des débuts contrastés puisque certaines de ces séries n’auront pas une durée de vie très conséquente ni un écho particulier dans le temps. C’est surtout avec Avatar, le dernier maître de l’air (Michael Dante DiMartino & Bryan Konietzko, 2005-2008) qu’il va pouvoir approcher du succès et enrichir son CV. Fort de cette expérience, et après avoir vécu, comme l’auteur de ses lignes, les sorties des épisodes de la prélogie Star Wars avec excitation et délectation, il se rapproche de LucasFilm pour participer de près ou de loin aux différents desseins post-La Revanche des Sith (George Lucas, 2005). Et ça tombe très bien car le père Lucas a de grands projets pour investir le petit écran ! C’est d’abord la série Underworld qui intéresse le créateur de la saga, soit une plongée en live action dans les bas-fonds de Coruscant. Mais dans les années 2000, ce genre de série est trop cher à produire, et le projet est mis dans un tiroir malgré des concepts art très alléchants. Le projet qui va se concrétiser, lui, est The Clone Wars (Dave Filoni, 2008-2020), un quasi remake de Clone Wars (Genndy Tartakovsky, 2003-2005), censé boucher les trous narratifs entre L’Attaque des Clones (G. Lucas, 2002) et le final de la prélogie. Et pour se faire, George Lucas va donc donner les clés à son nouveau poulain : Dave Filoni. Il dit : « George a été un vrai mentor pour moi, de toutes les manières possibles. Et j’ai été un étudiant à ses côtés. J’ai beaucoup appris sur sa vision du montage, de rythme… » (JediNews, mai 2008). Il faut dire que le courant est bien passé entre les deux ; un rapport de confiance où Filoni peut se permettre d’invalider certaines idées du grand maitre, et imposer un concept. Cette trouvaille, c’est Ahsoka, une padawan qu’Anakin aurait pris sous son aile pendant la Guerre des clones. Nous sommes alors en 2008, et l’idée de retcon – réécrire l’histoire telle que nous la connaissons – cette partie de l’histoire de Dark Vador ne plait pas à tout le monde. Pourtant, le personnage va finir par s’imposer comme un incontournable chez la fan base. C’est dire la force de persuasion et de frappe de Dave Filoni.

Si The Clone Wars sera mise en suspens après le rachat de LucasFilm par Disney, Dave Filoni, lui, conserve sa place. Kathleen Kennedy, nouvelle PDG du studio anciennement indépendant de Lucas, lui confie Star Wars Rebels (D. Filoni, 2014-2018) un autre trou scénaristique à remplir cette fois entre La Revanche des Sith et Un Nouvel espoir (G. Lucas, 1977). Dix-huit années qui vont devenir, on y reviendra, le terrain de jeu préféré des créatifs de Star Wars. Comme un symbole d’une confiance renouvelée, Filoni rapatrie son personnage fétiche de The Clone Wars, Ahsoka Tano, et a les coudées franches pour imposer de nouveaux héros faisant le lien entre le passé et le présent de la franchise. Et alors que Disney avait annulé l’Univers Étendu – composé de romans, comics, jeux vidéo, etc. – faisant disparaitre des personnages et des arcs narratifs bien aimés des fans, Filoni reprendra ici à son compte le Grand Amiral Trawn, antagoniste culte de La Croisade noire du Jedi fou de Timothy Zahn. Une façon habile de se mettre les déçus du deal Lucas/Disney dans la poche tout en ayant une vraie démarche de fossoyeur des anciens écrits. Cela étant fait avec une certaine réussite, la pilule passe bien. Au-delà des qualités évidentes des deux séries, on remarque surtout que Dave Filoni est un véritable caméléon. Là où des artistes historiques de chez LucasFilm n’ont pas supporté le changement de paradigme et/ou ont été débarqués, Filoni s’adapte bien à ce nouveau cadre et semble même s’y épanouir : « Je pense que c’est un moment incroyablement excitant pour nous tous ! Je retrouve Disney et je me prépare au futur de Star Wars ! » (StarWars.com, novembre 2012). Tandis que la postlogie devient la débâcle que l’on connait et que les licenciements de réalisateurs s’empilent sur le bureau DRH de chez LucasFilm, les yeux des fans commencent à se tourner vers une valeur sûre : Dave. C’est là tout le miracle Filoni : avoir été conspué, avoir pillé allègrement dans l’ancien Univers Étendu, être devenu le fils spirituel de George Lucas tandis que Disney dilapide son héritage et s’en accommoder…

… on a tv screen.

Dave Filoni et l'acteur interprétant The Mandalorian sans son casque ; tous deux tout sourire.

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Face aux retours désastreux du public sur la postlogie et au risque financier qui se dessine, LucasFilm décide de se tourner vers la toute nouvelle plateforme de la maison mère, Disney+. Star Wars n’est pas étranger au format télévisuel puisque dès les années 70, George Lucas avait investi nos foyers avec le mythique The Star Wars Holiday Special (Steve Binder, 1978), puis le diptyque sur les Ewoks : La Caravane du Courage (John Korty, 1984) et La Bataille d’Endor (Ken & Jim Wheat, 1985). C’est toutefois avec les productions de Dave Filoni que la marque va s’installer durablement sur les écrans télévisés. Fort des retours positifs sur ses séries animées, c’est à lui que Kathleen Kennedy confie les clés pour la première des séries en live action de la licence The Mandalorian (D. Filoni & Jon Favreau, depuis 2019). Dans cette série qui couvre les années suivant la chute de l’Empereur Palpatine et de son maléfique Empire, bien avant la postlogie donc, nous suivons un chasseur de primes se découvrant un sens paternel pour un petit extraterrestre de la même espèce que Maitre Yoda. Un retour aux sources de l’esprit serial de Star Wars qui n’a, à première vue, aucune autre prétention que de divertir son audience sans forcément convoquer la famille Skywalker à la fête. Pourtant, au fil des épisodes, on sent trois ambitions germer… Tout d’abord, contrairement aux « grands esprits » ayant œuvré sur la postlogie, Filoni vénère Star Wars dans son entier et a pour projet de réhabiliter la prélogie de Lucas. En témoignent les nombreux easter eggs disséminés un peu partout, et le lien tissé entre Bébé Yoda aka Grogu et les évènements les plus tragiques de La Revanche des Sith à savoir l’Ordre 66. Aussi, et c’est intimement lié à ce dernier point, Filoni élargit le cadre à mesure que les saisons de The Mandalorian passent et finit par quasiment trahir sa note d’intention initiale en nous ramenant un Luke rajeunit numériquement, Boba Fett, le peuple Mandalorien et sa tragédie originelle, ou encore Ahsoka Tano, l’ancienne Padawan d’Anakin. Enfin, on ne peut s’empêcher de constater à quel point Filoni tente de raccrocher les wagons en comblant pratiquement les trous scénaristiques de la postlogie. Malgré ce grand numéro d’équilibriste, la série fonctionne ! On ne pourra pas en dire en autant de sa petite sœur, le spin-off Le Livre de Boba Fett (D. Filoni & J. Favreau, 2021) qui raconte le retour du fils de Jango Fett à Mos Espa pour reprendre le contrôle de la pègre locale. Un récit qui, s’il n’avait pas travesti à ce point le personnage de Boba en gentil nounours inexpressif, aurait pu être intéressant. En recyclant le spin-off cinématographique un temps attribué à James Mangold, la série ne raconte rien de bien notable sinon au détour de deux épisodes de The Mandalorian s’étant glissé dans la saison… Car s’il y a bien deux choses à retenir du Livre de Boba Fett, ce sont d’abord ces deux épisodes centrés sur notre Mandalorien préféré, Luke, Ahsoka et Grogu qui font considérablement avancer l’histoire de ces personnages, mais aussi ce tournant dans l’univers partagé de Star Wars. À partir de là, tous les récits seront interconnectés et donc interdépendants à la manière du Marvel Cinematic Universe. Telle est la voie que Dave Filoni souhaite impulser à la saga. 

Duel sous la pluie dans la série d'animation Star Wars entre un Sith, vu de dos, en amorce, tenant son sabre rouge, et un Jedi au fond de l'image, vu de plein-pied, avec son sabre vert.

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Les seules exceptions à ce néo Star Wars Televisual Universe, autrement appelé le Mandoverse, où Filoni n’a pas œuvré directement : les séries Obi-Wan Kenobi (Hossein Amini & Joby Harold) et Andor (Tony Gilroy, 2022) qui ont eu des résultats contrastés. La première, semi-ratée, venait piétiner la force des retrouvailles d’Obi-Wan et de Vador dans Un Nouvel Espoir en inventant une nouvelle confrontation entre les deux. Si le fan service fonctionne à plein régime, la pauvreté de la réalisation et l’abus du Volume, ce procédé de tournage mis au point pour The Mandalorian à base d’écran LED, en font un rendez-vous manqué en plus d’être inutile. Andor est quant à lui un pur prequel à Rogue One : A Star Wars Story (Gareth Edwards, 2016). En reprenant son parti pris d’espionnage et de film de guerre, Gilroy continue de nourrir l’univers Star Wars plutôt que d’en assécher la sève. Plus longue mais aussi plus généreuse, la série est un tour de force pour une licence ne réfléchissant que par le prisme du fan service. Loin de Filoni et de ses considérations métaphysiques, Andor impressionne par son épure et son intelligence. Ces deux séries représentent le pour et le contre quand on envisage la saga sans Dave Filoni. Andor montre qu’il est possible, loin de la démarche de Filoni consistant à épuiser la période allant de -32 à +40 de la Bataille de Yavin – le calendrier Star Wars – et à ne traiter que des grands enjeux, de faire des récits plus intimistes et osés. Obi-Wan Kenobi, montre quant à elle que sans le gardien narratif et esthétique qu’est Filoni, les choses peuvent se gâter. Trois autres séries animées font également leur apparition : Star Wars : Visions (Kanako Shirasaki, depuis 2021), anthologie de récits annexes aux styles d’animation divers, Tales of the Jedi (D. Filoni, 2022) qui revient sur des petites histoires autour de la grande, et The Bad Batch (D. Filoni, 2021-2024), suite de The Clone Wars qui suit une unité de clones après l’Ordre 66. Bref la saga part dans tous les sens et maintient un rythme de production infernal pour nourrir la plateforme Disney+, au même titre que son cousin Marvel. Présent plus que de raison sur le petit écran, totalement absent dans les salles de cinéma : telle est la double vie qu’a décidé de mener Star Wars made in Dave Filoni. Du moins jusqu’à un panel de 2022 où Kennedy annonce la mise en branle de quatre films. Le premier, réalisé par James Mangold, sera un récit sur les origines des Jedi à la manière des grands contes bibliques hollywoodiens tels que Les Dix Commandements (Cecil B. DeMille, 1956). Le second, dirigé par Sharmeen Obaid-Chinoy, sera un Épisode 10 suivant les nouvelles péripéties de Rey. Le troisième sera une aventure du Mandalorian & Grogu (Jon Favreau, 2026). Le dernier, le plus intéressant quant à la ligne stratégique de LucasFilm, que Dave Filoni mettra en scène sera une conclusion géante de toutes les œuvres dites du Mandoverse.

La Revanche du film

Dave Filoni sur le plateau de la série The Mandalorian donne ses instructions au comédien incarnant le personnage titre, casque, assis, consultant son téléphone portable ; derrière lui le cadreur l’œil dans l'objectif.

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« Un film qui sort en salles doit résulter d’une grande idée. Avec les séries, nous traitons des petits évènements. C’est ensuite la mission des films de réunir les personnages et de mettre en scène un moment qui va réellement changer les choses » (Dave Filoni, Empire, mai 2023). The Mandalorian, Le Livre de Boba Fett, Ahsoka (D. Filoni, 2023) et la prochaine Skeleton Crew (D. Filoni, Daniel Kwan & David Lowery, 2023), sorte de Stranger Things (Matt & Russ Duffer, 2016) de l’espace, forment ce Mandoverse qui trouvera donc son épilogue en 2026 dans nos salles de cinéma. Et c’est ce film sur lequel nous allons nous attarder tant il traduit les maux de LucasFilm. Dans les grandes lignes, tout ce cycle où l’antagoniste est le Grand Amiral Trawn est repris des romans de Timothy Zahn que Disney avait choisi d’évacuer du canon pour pouvoir écrire l’après Retour du Jedi à sa sauce. On a malheureusement pu voir ce que ça a donné et on a le sentiment à la lumière de toutes ces séries que Dave Filoni tente d’écrire une suite alternative au sixième épisode de Star Wars, tout en gardant la postlogie canon. Un sacré numéro d’acrobate ! L’intrigue imaginée par Filoni est inspirée par La Croisade noire du Jedi fou de Zahn, qui malgré ses défauts, est largement plus passionnante que les aventures de Rey. Or elle se doit de combler les trous et d’expliquer le contexte politique des épisodes 7, 8 et 9 et le pourquoi du comment du retour de Palpatine. Mise à part une intervention d’un Luke numérique dans le final de la saison 2 de The Mandalorian et dans un épisode du Livre de Boba Fett, où est le Big Three à ce moment de l’Histoire galactique ? Ce sera tout l’enjeu du futur de Star Wars ! Comment raconter une page de l’Histoire de la galaxie en laissant Leïa, Han Solo et Luke hors-champ ? Pourquoi sont-ils revenus pour affronter un ado capricieux dans Le Réveil de la Force et pourquoi resteraient-ils chez eux à boire du lait bleu quand il s’agit de s’opposer au plus grand stratège de la galaxie aka Trawn ? Disney est pris à son propre piège puisque le studio a grillé ses cartouches trop tôt et se doit d’effectuer un énorme rétropédalage. Une scène de Ahsoka vient trahir cette situation : quand Hera Syndulla passe devant une commission sénatoriale pour avertir du retour de Trawn et se fait sauver in extremis par l’intervention indirecte de Leïa par le biais de C-3PO. Leïa est citée mais pas montrée, cela parait difficilement concevable dans la diégèse de l’univers Star Wars. Que faire ? Recaster nos trois héros ? On a vu ce que ça a donné avec Solo (Ron Howard, 2018). Faire du full CGI ? La technologie est encore balbutiante et pose de nombreuses questions éthiques.

Sur les terrains narratifs et pratiques, la saga est dans l’impasse. En s’entêtant à verser dans le fan service et en continuant à graviter autour de la lignée Skywalker, Star Wars s’empêche de grandir tout en creusant sa propre tombe. Alors oui, ça flatte les spectateurs de revoir nos héros d’antan, de croiser un droïde que l’on a aimé. C’est le principe même du fan service. Mais peut-on construire une œuvre sur cette seule base ? C’est tout le défi actuel et futur de Dave Filoni. En cela le cas Ahsoka est éloquent : le projet même est né de sa volonté de de satisfaire les fans. Le cinquième épisode de la série, celui où l’esprit ou la vision d’Anakin, on ne sait plus trop, arrive à Ahsoka, la pseudo morale que voudrait raconter ce volet n’a strictement aucun intérêt sinon de faire apparaitre une fois pour toutes l’élève et son maitre, ensemble, en live action : Disney, bien qu’ayant étrillé la prélogie au moment de la sortie du Réveil de la Force, n’arrive plus à couper le cordon par peur de perdre son public. Alors il y aura bien le film de James Mangold et la série The Acolyte (Leslye Headland, 2024) qui, en prenant pour cadre des époques antérieures – respectivement des milliers d’années et cent ans avant La Menace Fantôme – s’éloignent de nos acquis au sein de cet univers, et Ahsoka a bien tenté de déplacer géographiquement la saga et d’y insuffler une part de mysticisme hérité de Rebels, mais cela signifie-t-il que LucasFilm ait compris l’intérêt des fans ? En choisissant de revenir sur grand écran et faisant un petit mea culpa quant aux ratés des premières années, Kathleen Kennedy semble avoir pris acte des mécontentements des uns et des autres. Le rythme frénétique des productions cinématographiques a été stoppé voilà cinq ans, soit une éternité dans un line-up Disney, et l’idée serait de faire à nouveau de chaque sortie un évènement, que Star Wars redevienne cette chose un peu rare et spéciale. On a envie d’y croire même si l’empire de Darth Mickey n’a pas brillé par sa sincérité depuis quelques décennies. Les séries continuent de se multiplier plus vite que l’apprentissage de la Force par Rey, et l’interconnexion des supports laisse présager un contenu toujours plus épais… Le bilan des courses est sans appel : Disney a quelque peu abimé Star Wars, tantôt en dénigrant des pans entiers de son héritage (la prélogie et l’ancien Univers étendu), tantôt à marveliser la formule. Est-ce que Dave Filoni, de ses frêles épaules, peut réparer tout ça et sortir Disney de tout ce marasme ?

Dave Filoni en pilote spatial rebelle, dans le cockpit dans son vaisseau, en casque et uniforme orange et blanc.

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Car en définitive, si Star Wars est bloqué, Filoni l’est également. Entre sa déférence obstinée à George Lucas, son envie d’élargir son œuvre et la raison financière, difficile d’imaginer qu’il puisse satisfaire tout le monde à la fois. Si elle se réinvente totalement, la franchise risque de laisser une partie du fandom sur le bord de la route ; si elle continue ainsi, elle s’enlisera dans la lassitude et les pièges narratifs. Alors si le succès et la hype sont toujours au rendez-vous pour le moment, Star Wars n’est pas à l’abri d’un phénomène de désertion du public comme on peut l’observer sur les dernières sorties Marvel. Tout repose désormais sur les longs-métrages de James Mangold, de Jon Favreau et de Dave Filoni – qui a vraiment envie de voir la suite des aventures de Rey ? – pour déterminer ce que Star Wars a encore dans le ventre et peut désormais nous offrir. A titre personnel plutôt d’accord avec Martin Scorsese lorsqu’il affirme que Marvel n’est pas du cinéma, je ne peux que m’inquiéter de voir une licence nous ayant offert le chef-d’œuvre L’Empire contre-attaque (Irvin Kershner, 1980) devenir du fast-food, une attraction pure, un produit de consommation de plus. Petit aparté autobiographique : autant l’avouer, je suis un véritable fan de Star Wars depuis ses six ans. Pourquoi le préciser ? Parce que cela revient à parler d’une époque, les années 90, où Star Wars n’était plus apparu sur les écrans depuis 1983 et que chaque sortie à venir relevait de l’évènement, quelle que soit la qualité intrinsèque de la prélogie. Seize années séparent donc Le Retour du Jedi (Richard Marquand, 1983) et La Menace Fantôme (George Lucas, 1999), et voir un volet de la franchise, c’était, au choix, attendre une diffusion télé, rembobiner puis enclencher sa VHS ou patienter jusqu’au prochain épisode. Voir un Star Wars, c’était donc sacré ! En témoignent les fans ayant campé pendant plusieurs semaines devant des cinémas américains pour être les premiers à découvrir les débuts de la prélogie en 1999, les campagnes promotionnelles précédant La Revanche des Sith qui prenaient un soin tout particulier à rendre hommage à l’ensemble de la saga sans l’abimer, ou encore les forums AlloCiné de l’époque, lieu de débats animés. À titre personnel, votre serviteur, né dix ans après Un Nouvel Espoir, a découvert les versions non retouchées de la trilogie originale dans la collection de VHS de ses parents, vécu la sortie de la tant décriée Édition spéciale en 1997, puis vibré pendant les années prélogie, et ce avec beaucoup d’intensité ! Chaque film, visionnage, goodies ou évènement liés à Star Wars était encore une fois évènementiel. Donc, forcément, il y a de quoi s’inquiéter de la tournure turbo industrielle que prend Star Wars. Évidemment que la saga a toujours été une grosse machine, mais George Lucas, des maquettes de Phil Tippett à ses expérimentations numériques, avait toujours su conserver une forme d’artisanat que la licence, entre les mains de Disney, ne peut que feindre de conserver. Alors comment accueillir le nouveau rôle de Filoni ? Mi-novembre 2023, il a été nommé à la tête de la création chez LucasFilm, autrement dit le poste juste en dessous Kathleen Kennedy, pour superviser l’ensemble de ce que Star Wars sera pour les années à venir. On peut d’emblée être rassuré qu’il y ait quelqu’un pour fixer un cap là où la postlogie s’est perdue par manque de vision d’ensemble. C’est déjà un bon point. On peut aussi se satisfaire que ce soit un véritable fan de la première heure qui soit aux commandes, bien qu’ayant des comptes à rendre à Kennedy. Mais n’oublions pas que Dave Filoni s’est accommodé des pires égarements de la licence sous Disney et qu’il peut agir parfois comme le pire des pilleurs de tombe en reprenant des pans entiers d’un univers étendu cyniquement annulé. Si George Lucas, en vendant son œuvre à Disney peut être vu comme Anakin vendant son âme à Palpatine ou plus simplement comme Faust cédant la sienne à Méphistophélès, Dave Filoni ne serait-il pas Orphée condamné à travailler dans les enfers du studio aux grandes oreilles ? Comment tenir une exigence et un savoir comme le sien dans un rendement aussi intense imposé par des contraintes financières ? Filoni semble se réjouir de son nouveau poste – et après tout, il vit son rêve de gosse – les limites seront toutefois vite mesurables d’ici cette année et les prochaines sorties. Pour l’heure, Dave Filoni la joue modeste : « Je ne dis pas aux gens ce qu’il faut faire, mais j’essaye de les aider à trouver les meilleures histoires qu’ils veulent produire. Je dois être une aide à travers cette galaxie, comme un membre du conseil Jedi en quelque sorte » (Variety, novembre 2023).


A propos de Kévin Robic

Kevin a décidé de ne plus se laver la main depuis qu’il lui a serré celle de son idole Martin Scorsese, un beau matin d’août 2010. Spectateur compulsif de nouveautés comme de vieux films, sa vie est rythmée autour de ces sessions de visionnage. Et de ses enfants, accessoirement. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/rNJuC

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