Brigade des Moeurs


Max Pécas. La simple évocation de ce nom pourrait faire fuir les plus téméraires des amateurs de bis, et fleure bon un cinéma qui ne s’encombrait pas de finesse et de savoir-faire. Avec Brigade des mœurs (1984), il tentait un virage entre deux gauloiseries, remis à l’honneur par une nouvelle édition signée Le Chat qui fume.

Un policier au stand de tir, concentré, sous le regard d'un collègue au regard sombre, derrière lui, dans le film Brigade des Moeurs.

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Femmes des Années 80

Les quatre loubards du film Brigade des Mœurs de Max Pecas, posent sur le motos armés, l'air provocateur, vêtus de leurs blousons noirs.

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Si Steven Spielberg est capable de faire des doublés sur une même année – Jurassic Park/La Liste de Schindler en 1993, ou Minority Report/Arrête-moi si tu peux en 2002 – Max Pécas, lui, enchaine parfois des triplés voire des quadruplés à la manière de Kylian Mbappé. En effet, entre Les Branchés à Saint-Tropez (1983) et Deux enfoirés à Saint-Tropez (1984), le monsieur tourne Brigade des mœurs (1984) qui, tout en s’éloignant de la tonalité gogole de ses comédies potaches, s’avère être une parfaite synthèse des motifs qui parcourent son œuvre : la poitrine des femmes, leurs fesses et la façon de (mal) se comporter avec elle quand on en a dans le caleçon. Il faut dire que la filmographie entière de Max Pécas est dédiée, quoiqu’on en dise, aux rapports entre femmes et hommes sous toutes leurs formes. Le cinéaste a commencé par le cinéma policier mais s’est vite orienté vers un genre plus ouvertement érotique avec des longs-métrages comme Je suis frigide… pourquoi ? (1973) ou Rêves pornos (1975), avant de faire de la comédie de bidasse et une série de films « comiques » sur de jeunes garçons en rut qui écument les plages de la Côte-d’Azur pour satisfaire leurs pulsions libidineuses. Brigade des mœurs est donc un retour aux sources pour Pécas puisqu’il n’avait plus tourné de longs-métrages policiers depuis vingt ans.

L’histoire se déroule dans le Paris des années 80. Deux motos entrent dans le bois de Boulogne et font feu sur les prostituées et les travestis. Parmi les morts, un indic de l’inspecteur Gérard Lattuada qui va donc mener l’enquête et remonter la filière d’un trafic de proxénétisme. Dès son introduction, Brigade des mœurs s’avère être plus un hommage au poliziottesco italien qu’un énième film policier à la française. On ressent évidemment un ton bien franchouillard, mais le sens du racoleur cher à Pécas le rapproche plus de ses homologues transalpins. Oubliez le héros sans failles à la Belmondo qui cartonne à la même période avec Le Professionnel (George Lautner, 1981) ou Le Marginal (Jacques Deray, 1984), ici les flics sont aussi crapuleux que ceux qu’ils cherchent à arrêter. Une vision nihiliste et somme toute assez audacieuse vite réduite à peau de chagrin tant le réalisateur n’exploite jamais cet aspect narratif s’avérant surtout être un véhicule à toutes les idées réactionnaires du bonhomme. En effet, au bout du compte, Max Pécas valide la quête de justice personnelle de son « héros » et fait de la loi du Talion une alternative plus honorable et efficace que les institutions judiciaires compétentes. Un propos qui ferait passer l’œuvre entière d’Olivier Marchal pour un manifeste de gauche.

Surtout, surtout, la vision de la femme, du haut de nos années 2020, fait quand même sacrément froid dans le dos ! Certes Brigade des mœurs prend place dans le milieu de la prostitution, mais tout de même ! C’est bien simple, il n’y a presque aucune scène sans femme dénudée et/ou sans remarque sexiste. Les femmes, ici appelées « les souris » des hommes, sont le plus souvent l’objet des croisades vengeresses de nos héros 100% masculins et testostéronés. Coups de fusils, de poignards, entailles sur les seins, tesson de bouteille sur les parties génitales, acide sur la poitrine, les dames en prennent pour leur grade et au spectateur de penser que Max Pécas assouvit là de possibles fantasmes crapuleux inavoués – ce qui rend l’expérience encore plus abjecte. Ce déchainement de violence gratuite, s’il n’a rien de visuellement impressionnant, questionne à tout le moins sur la vision de son auteur, ici accompagné de son fils au scénario et nous renvoie au chemin parcouru sur la question de la représentation du genre au cinéma. Transphobe, misogyne, réac et raciste, Brigade des mœurs raconte, en filigrane et à son insu peut-être, une époque que l’on est content d’avoir dépassée. Même en le prenant pour ce qu’il est, un pur produit Pécas faisandé, difficile de tenir devant ce spectacle rétrograde.

Blu-Ray du film Brigade des Mœurs de Max Pécas, édité par Le Chat qui Fume.Reste quelques qualités techniques – Max Pécas a toujours, curieusement, essayé de soigner la forme – qui rendent la chose un peu moins pénible que prévu, et qui se retrouvent magnifiées par la restauration proposée par Le Chat qui fume dans cette nouvelle édition Blu-Ray. Si le son pèche un peu – même si on ne sait plus si c’est lié à de mauvaises prises de son ou à la piètre qualité d’interprétation du casting dans son ensemble –  le travail proposé est de façon générale assez qualitatif. Quelques suppléments permettent de revenir sur le tournage avec les témoignages de Thierry De Carbonnières, le comédien principal, et de Jean-Claude Couty, le directeur photo du film. Le journaliste Christophe Lemaire, qui travaillait chez Starfix au moment de la sortie, revient quant à lui sur la réception mitigée du film en 1984. Les bonus reviennent en définitive sur la portée de témoin de son époque de Brigade des mœurs, l’un des derniers films de Max Pécas, qui fera faillite quelques années plus tard.


A propos de Kévin Robic

Kevin a décidé de ne plus se laver la main depuis qu’il lui a serré celle de son idole Martin Scorsese, un beau matin d’août 2010. Spectateur compulsif de nouveautés comme de vieux films, sa vie est rythmée autour de ces sessions de visionnage. Et de ses enfants, accessoirement. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/rNJuC

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