Ah le réveillon du nouvel An ! L’excuse ultime pour se goinfrer avant les bonnes résolutions, danser à la queue leu-leu sans complexes la cravate sur la tête, se souhaiter avant tout la bonne santé, se faire mordre par la rampe d’escalier, finir englouti par un ascenseur… Visiblement les personnages de Réveillon sanglant (Norman J. Warren, 1987) ont une façon bien à eux de célébrer la nouvelle année. Retour sur ce petit film qui a bénéficié d’une certaine aura culte à sa sortie VHS et dans lequel le rêve ultime de tout fan de Noël est réalisé : garder les décorations toute l’année.
Let’s do the Time warp again
Comme tout bon film de Noël qui se respecte, Réveillon Sanglant (à ne pas confondre avec Douce nuit, sanglante nuit) débute en plein été lors d’une fête foraine en bord de mer. Un petit groupe d’adolescents avide de manèges à sensation aimerait profiter de cette chaleur propice aux doux émois mais un trio de forains lourdauds – bien décidé à brutaliser une jeune fille fragile qui avait juste envie de s’amuser toute seule sur son tour de chenille – va vite gâcher la fête. Après une bagarre très cartoonesque qui traverse un train fantôme miteux et la tente d’une voyante très professionnelle, les voilà tous embarqués dans une course poursuite un peu molle ou les loubards se jettent par-dessus les poubelles pour feindre une victoire toute acquise aux adolescents qui fuient en bateau vers une île perdue. Comment passe-t-on d’une fête foraine à une escapade en bateau ? Moi-même je n’ai pas trop suivi, préférant m’attarder sur les dialogues d’une VF irrésistible, pouffant honteusement aux blagues ringardes d’adolescents stéréotypés des années 80. Quant à l’esprit des fêtes que vous attendez tous, il va vous submerger une fois entré dans l’unique hôtel de l’île où visiblement on a la flemme depuis une vingtaine d’années de retirer les décorations de Noël. La surprise et l’amusement passés, les jeunes rebelles vont visiter les différentes pièces de l’hôtel, du cinéma à la salle de bal en passant par les chambres, témoins de nombreux faits paranormaux de plus en plus dangereux.
Ce mélange à la fois saugrenu et caricatural donne l’impression au départ d’être dans une comédie horrifique légèrement nanardesque, avec de jeunes acteurs en roue libre courant dans tous les sens dans un style Benny Hill, poussant des hurlements en voulant « quitter cet îîîîîîîle !!! » et brandissant des punchlines à toute épreuve bravant les cerveaux les plus incohérents « C’est quoi tout ce bazar ? » Sort un personnage en constatant le désordre dans une pièce de l’hôtel « Tu vois ce que ça fait quand on regarde trop la télé ? » lui répond son copain absolument sûr de son argument. Il faut avouer que ce rythme effréné et ces dialogues insensés participent grandement au charme du long-métrage, généreux pour tout spectateur souhaitant juste passer un bon moment. Mais les purs amateurs d’horreur qui ne sont pas là pour rigoler ou pour profiter de la magie de Noël seront très agréablement surpris par la suite des évènements. Des buissons qui bougent en riant, des reflets dans des miroirs, des objets qui lévitent tout seuls… L’action laisse la part belle à des effets spéciaux de plateaux simplistes, mais diablement efficaces, reflet d’un cinéma des années 80 agréablement désuet. On sent que le réalisateur de Réveillon Snaglant n’a pas eu beaucoup de moyens mais l’inventivité de ces fantômes facétieux ainsi que les ravages gore de leur cruauté très bien représentés à l’écran font qu’on ne s’ennuie pas une seconde sur cette île où le temps s’est pourtant arrêté.
Car derrière cette avalanche de tentatives de meurtres rigolote sur de pauvres adolescents perdus, il y a une histoire plutôt originale et tragique, quoique pas très claire au premier abord. Ce n’est qu’à la fin, quand tout est déjà perdu qu’un personnage explique pourquoi cet hôtel reste figé dans un Noël éternel. [SPOILER] Un avion transportant à son bord une machine capable de créer des distorsions temporelles s’écrase près de l’hôtel pendant la nuit de la Saint Sylvestre, bloquant ainsi tous les résidents dans un bal éternel, ou l’année 1960 ne verra jamais le jour. [FIN DU SPOILER] Nos héros eux-mêmes vont se retrouver happés par cette boucle temporelle les uns après les autres malgré leurs vaillants combats contre des fantômes, des zombies, une sorte de créature des marais et même un personnage tout droit sorti de la pellicule d’un film. Un bestiaire impressionnant s’échappant des cauchemars les plus aberrants, reflet d’un désarroi ou ces malheureux adolescents se retrouvent englués, piégés, sans pouvoir agir, ni se défendre. La violence montant crescendo, renforcée par un gros travail sur le son et la lumière qui se font de plus en plus menaçants, le dernier acte renverra directement au brouhaha de la fête foraine du début avec ses flashs stroboscopiques et les hurlements des damnés condamnés à revivre sans cesse la même soirée. Une sorte d’Overlook éternel dans lequel la folie côtoie le désespoir, où faire la fête est devenue une malédiction. Mais au final, n’est-ce pas vraiment ça l’esprit de Noël ? Subir chaque année les mêmes débats à table et écouter Mariah Carey en boucle ? Je préfère peut-être affronter les fantômes de Réveillon sanglant finalement.