Fantômes en Fête


La comédie horrifique Fantômes en fêtes (Richard Donner, 1988) propose une relecture moderne et inventive du Chant de noël de Charles Dickens : critique d’une alternative intéressante aux films de noël classiques.

Bill Murray en maître de cérémonie, avec un chapeau haut de forme, tend le doigt vers nous, derrière lui une foule ; scène du film Fantômes en fête.

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Escroogez-moi

Qu’on se le dise, Un chant de noël (A Christmas Carol) de Charles Dickens, par ses thèmes universels appelant à la charité, est l’une des œuvres qui a su capté au mieux l’esprit de Noël. En effet, si cette publication est devenue un classique de la littérature anglo-saxonne, c’est parce qu’elle fait preuve d’une modernité étonnante pour son époque et nous renvoie à notre condition d’homme et à notre volonté de changement. Si l’œuvre est aujourd’hui connue dans le monde entier, c’est parce que, depuis sa sortie, elle a été adaptée sur à peu près tous les supports. Chaque année, pour les fêtes, la télévision et le cinéma nous proposent donc une relecture de ce conte apprécié de tous. Ainsi, on a eu le droit à des téléfilms, mais aussi à des épisodes spéciaux de séries adaptant à leurs sauces le texte de Dickens. Si certains artistes ont su proposer une approche intéressante du matériel d’origine notamment Steven Moffat avec l’épisode Les fantômes des noëls passés (Toby Haynes, 2010) de la série Doctor Who qui utilise brillamment la mythologie de la série pour adapter le conte, certains se sont contenté de simplement sortir l’histoire de son support d’origine sans en proposer une ré-invention intéressante. Avec une histoire aussi éculée, il est parfois difficile d’en proposer une adaptation originale et c’est ce que Richard Donner a bien compris avec son Fantômes en fête (1988). Le film propose, non seulement, une relecture intelligente de l’œuvre original, mais aussi une critique des États-Unis en pleine période reaganienne.

Bill Murray en costume-cravate un peu trop grand pour lui sur un plateau de tournage, semble poser une question ; derrière lui, le décor d'un film d'époque ; scène du film Fantômes en fête.

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Dans cette version, le Scrooge est un directeur cynique et carriériste d’une chaîne de télévision répondant au nom de Franck Cross. En pleine gloire, il décide d’adapter Un chant de noël pour les fêtes de fin d’année. Au même moment, trois fantômes décident de venir le hanter pour l’obliger à s’amender… Si cette histoire est donc connue de tous, l’originalité du scénario est de faire migrer le récit de Londres vers New-York. En effet, New-York à l’époque, était le centre névralgique du capitalisme débridé. Ainsi, là où l’œuvre de Dickens critiquait l’égoïsme, le film de Richard Donner critique la marchandisation des fêtes de Noël qui pousse à l’individualisme. Cette marchandisation s’incarne au cœur du récit par la nouvelle adaptation du livre que le personnage souhaite voir plus provocante afin de choquer le public, d’obtenir plus de revenus publicitaires, et se gargarise d’assister à la mort d’une spectatrice pourvu que cela booste un peu les audiences. L’œuvre de Dickens est donc pour les protagonistes de Fantômes en fête un simple produit auquel il faut enlever la substantifique moelle – qui en fait sa richesse – pour qu’il soit simplement plus commercial. Si la satire fonctionne dans cette adaptation, c’est que le film est aussi conscient d’être une énième itération de l’œuvre de Dickens. Il présente une histoire similaire au conte original, mais son humour repose beaucoup sur le coté méta ; mettant en scène l’adaptation en long-métrage du conte, au cœur d’un film qui en est déjà l’adaptation. Si le cynisme et la satire dont fait preuve Richard Donner a été décrié à l’époque de sa sortie, les années passant, la découverte des faces pernicieuses du capitalisme ont rendu cette œuvre de plus en plus pertinente.

Dans un taxi jaune, le chauffeur sort sa tête de sa vitre et fait une grimace, derrière lui Bill Murray passe sa tête pour observer aussi ; plan issu du film Fantômes en fête.

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Enfin et surtout, ce qui rend Fantômes en fête des plus intéressants au-delà de son scénario et de sa direction artistique, c’est le choix de Bill Murray dans le rôle principal. A l’époque, c’est un véritable événement, Bill Murray est considéré comme une star accomplie à Hollywood après le triomphe de S.O.S Fantômes (Ivan Reitman, 1984). Mais contre toute attente, l’acteur décida de ne pas capitaliser sur cette démente exposition et de prendre du repos, loin des plateaux, si bien que quand le film de Donner sort en salles, Murray avait disparu des écrans depuis plus de quatre ans. Le long-métrage marquant alors son grand retour au cinéma,  les producteurs ne résistèrent pas à la tentation de vendre le projet quasiment uniquement sur cet argument. L’acteur livre heureusement une performance énergique et complètement hallucinée qui trouve son point culminant dans la scène finale, d’une dizaine de minutes, réalisée en totale improvisation où Bill Murray se livre à un discours vibrant sur la compassion. Sa performance, démente, est certainement de celles qui, plus grandes que le film en lui-même, suffisent à le rendre essentiel. 


A propos de Freddy Fiack

Passionné d’histoire et de série B Freddy aime bien passer ses samedis à mater l’intégrale des films de Max Pécas. En plus, de ces activités sur le site, il adore écrire des nouvelles horrifiques. Grand admirateur des œuvres de Lloyd Kauffman, il considère le cinéma d’exploitation des années 1970 et 1980 comme l’âge d’or du cinéma. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/rZYkQ

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