Jack Frost


Vive le vent ! La saison du ski et des nez qui coulent est revenue ! Juste un petit conseil avant de laisser vos enfants voler toutes les carottes du panier à légumes : regardez bien si le sourire formé par le bonhomme de neige fraichement assemblé ne dispose pas de dents acérés… Critique du culte Jack Frost, réalisé en 1997 par Michael Cooney.

Un bonhomme de neige au sourire mesquin tient un panneau stop dans le film Jack Frost.

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Libéré, Dévoré

En montagne, sur un fond de neige et de sapins, une adolescente regarde l'horizon tout sourire ; derrière elle un bonhomme de neige à la mine enfantine ; scène du film Jack Frost.

L’autre « Jack Frost » (1998) le gentil © Tous droits réservés

Méfiez-vous, pendant cette période de fêtes, si l’envie vous prend de louer chez votre vidéo-club un film de noël familial sur la base d’un vague souvenir –« mais si vous savez le film qui s’appelle Jack Frost, un film de noël des années 1990 » – vous risqueriez d’avoir une très mauvaise surprise. Car si vous espériez voir Michael Keaton en gentil bonhomme de neige tentant de rattraper le temps perdu avec son fiston, vous pourriez malencontreusement faire fausse route. Malgré tout, cela ne nous empêchera pas de passer une bonne soirée, même s’il faudra probablement laisser allumer la petite veilleuse de la chambre de votre enfant qui aura peur de voir surgir à tout moment de son placard un bonhomme de neige vulgaire avec des dents pointues… Bon pour dire vrai, il est peu probable que vous passiez ce genre de soirée. Déjà parce que les vidéos clubs n’existent plus vraiment, mais aussi parce que ces deux films de Noël n’ont pas été véritablement couronnés de succès. Si le Jack Frost (Troy Miller, 1998) est un conte de Noël familial par excellence qui reste un peu plus connu grâce à son joli casting et à son équipe créative, l’autre Jack Frost (Michael Cooney, 1997) demeure condamné à rester coincé à tout jamais dans les bacs de DVD à deux euros. En cette période de Noël, c’est donc le parfait moment pour réhabiliter ce morceau de bravoure, deuxième long-métrage d’un réalisateur très peu connu et à la filmographie longue comme le bras d’un bonhomme de neige (pas très longue donc), le nommé Michael Cooney. Ce film, il le réalise à 30 ans, soit à un âge relativement jeune pour conserver ce petit brin d’audace typique des premières productions, mais néanmoins, s’agissant d’un second long-métrage, avec quand même un peu d’expérience et de maturité pour ne pas livrer un truc trop bancal. Cela résume assez bien cette production narrant la mésaventure d’un tueur en série lors de son dernier trajet censé l’emmener vers sa potence. Percutant sur le chemin un camion rempli de produits chimiques, il va se transformer en redoutable bonhomme de neige tueur capable de changer de matière ; voulant ensuite punir le shérif qui a commandité son exécution, il retourne dans la ville de ce dernier pour s’acharner sur quelques ploucs du coin et assouvir sa soif de vengeance.

Une femme sous la douche tente de se débattre, les bras bloqués sous les aisselles d'un bonhomme de neige ; plan issu du film Jack Frost.

Le Jack Frost dont on parle ici (1997), le méchant © Tous droits réservés

Après un générique d’introduction valant à lui seul son pesant d’or, nous voilà projeté dès les premières minutes dans un film d’apparence plutôt « classique », maniant un premier degré confondant, jusqu’à cette rencontre inopportune entre des produits chimiques et l’organisme de Jack. Lorsque ce tueur en série au regard fou se transforme en bonhomme de neige ridicule, Jack Frost bascule alors dans un second degré qu’il ne lâchera plus. Le récit suit alors la trajectoire d’un shérif et d’une galerie de personnages secondaires intéressants, bien qu’on puisse regretter qu’ils ne restent pas vivants suffisamment longtemps pour que l’on puisse approfondir quelconque psychologie. Pourtant, on saisit assez vite tous leurs petits traits de caractère et le récit repose beaucoup sur cette population hétéroclite aux réactions souvent surprenantes. Cela va de l’adolescente pas farouche qui ne pense qu’à conclure avec un garçon juste quelques heures après la mort de son frère au fils du shérif insupportable qui se révèle être presque plus dangereux que Jack lui-même… Ce microcosme, perdu au milieu de nulle part et terrorisé par un tueur en série, est bien sûr un poncif du genre du slasher, tout comme les proies stéréotypées qui meurent les unes après les autres sans provoquer le moindre émoi chez le spectateur, sinon le rire. Tous ces clichés sont si volontairement amplifiés qu’ils finissent par créer une distance entre les personnages et les spectateurs, rendant les mises à mort d’autant plus jouissives.

La tête d'une femme découpée accrochée au sapin comme une boule de Noël dans le film Jack Frost.

Vraiment méchant © Tous droits réservés

Le personnage de Jack Frost, s’il n’est pas d’une originalité folle, dispose certainement des meilleurs punchlines du film. A chacune de ses apparitions, le spectateur attend sa petite blague de saison mais surtout, il se délecte des mises à mort complètement loufoques d’un tueur qui n‘a pas froid aux yeux (pardonnez le bon mot). Tout le long-métrage repose sur les frêles épaules gelées du bonhomme de neige psychopathe, car, forcément, comme dans une majorité de films d’horreur parodiques (comme Gutterballs 2 de Ryan Nicholson, par exemple), la personnalité du meurtrier est un bon baromètre de qualité. On ne peut rien reprocher à celui de Jack Frost, qui dispose d’un humour trash digne d’un Freddy Krueger et d’une imagination sans borne dans ses crimes le rapprochant d’un Victor Crowley, en moins gore. Alors oui ce n’est qu’un gros costume simpliste et pas très bien réalisé d’un bonhomme de neige qui semble avoir du mal à se mouvoir, et beaucoup pourront reprocher au film ce côté cheap. Il est vrai que le scénario en pâtit également lourdement, les moyens de tuer ce « cornet de glace le plus chiant du monde » étant tous plus idiots les uns que les autres sans parler de l’explication scientifique quelque peu alambiquée concernant la transformation d’un humain en glaçon géant… Mais le réalisateur ne prend jamais le spectateur pour un idiot, ne cherchant pas à faire « nanar » pour amuser une galerie adepte de ce genre de production. Il a bien digéré ses influences et ne franchit jamais la limite qui pourrait rendre le long-métrage complètement superficiel et inintéressant à force de blagues trop lourdingues ou de petits appels du pied faits aux spectateurs. Et c’est pour cette bonne raison que cet étonnant slasher hivernal au boogeymen atypique doit être vu et apprécié comme un divertissement tout à fait honorable si tant est qu’on prenne soin de le visionner dans un décorum adéquat. A savoir, une froide soirée d’hiver, des amis, une part de pizza dans une main et une bière de Noël dans l’autre.


A propos de Charlotte Viala

Vraisemblablement fille cachée de la famille Sawyer, son appétence se tourne plutôt vers le slasher, les comédies musicales et les films d’animation que sur les touristes égarés, même si elle réserve une place de choix dans sa collection de masques au visage de John Carpenter. Entre deux romans de Stephen King, elle sort parfois rejoindre la civilisation pour dévorer des films et participer à la vie culturelle Toulousaine. A ses risques et périls… Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/riRbw

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