Tout le consumérisme qui tourne autour des fêtes de fin d’année a de quoi dégoûter les adeptes des vraies valeurs chrétiennes que sont le partage et l’amour… Heureusement les Nazis sont là pour perpétuer l’esprit de Noël avec leurs petits elfes repoussants et vicieux. Avant d’aller vous coucher, les enfants, n’oubliez pas de leur laisser un verre de sang de vierge : critique du film tordu Elves (Jeffrey Mandel, 1989).
Immaculée conception
Noël est la seule période de l’année durant laquelle le spectateur lambda peut accepter sans sourciller des histoires d’amour naïves entre une business woman et son ancien petit ami resté au village, ou encore des dessins animés peuplés de rennes qui parlent. Le spectateur fan d’épouvante va plutôt en profiter pour regarder le mythe du père Noël être soumis à tout un tas d’horreurs. Mais le genre n’est pas si prolifique que ça et après quelques années à regarder Black Christmas (Bob Clark, 1974) ou Krampus (Michael Doughery, 2015) que reste-t-il à se mettre sous la dent ? Notre lectorat risque de penser qu’il a trop forcé sur le lait de poule s’il s’aventure à regarder Elves (Jeffrey Mandel, 1989), film inclassable venu des tréfonds des ténèbres de la hotte du Père Noël. Mi-slasher mi-film occulte, il est aussi boursouflé que son histoire, celle de l’adolescente Kirsten qui a formé avec ses cruches de meilleures amies le gang des « sœurs de l’anti-Noël ». Pourquoi n’aiment-elles pas Noël ? Nul ne le sait, probablement même pas elles, mais leur rituel va accidentellement donner naissance à un petit elfe hideux qui va chercher à tout prix à copuler avec l’héroïne. Un être en mal d’amour ou totalement dépravé ? Ni l’un ni l’autre, c’est le devoir qui va le pousser à poursuivre “l’élue de son cœur”, semant quelques morts au passage. Car au fur et à mesure du récit nous allons apprendre que pendant la Seconde Guerre Mondiale, les Nazis avaient entrepris de créer une nouvelle race supérieure composés d’hybrides mi-humains/mi-elfes censée dominer le monde… Et les derniers représentants de cette idéologie vont tout faire pour réunir les deux âmes sœurs afin de perpétuer cette lignée. Est-ce que tout le monde suit ? L’arbre généalogique de la famille est tout aussi complexe, puisque le grand-père nazi handicapé de Kirsten est aussi son père, étant donné que pour conserver la pureté de la race il a violé sa propre fille lorsqu’elle était adolescente… Au milieu de cette situation complètement absurde vient s’ajouter un ancien détective qui va tenter de protéger la jeune vierge des assauts de cet elfe maléfique.
Si vous trouvez le scénario alambiqué, attendez de faire connaissance avec les personnages qui collent tout à fait à cette ambiance singulière. On peut le constater très vite au niveau des dialogues assez irréalistes où chacun proclame son texte mais ne prend pas vraiment en compte ce que l’autre lui répond, gardant un sérieux à toute épreuve malgré des répliques souvent totalement incohérentes. Le plus dérangeant étant, sans aucun doute, la découverte de cette famille tordue composée d’une mère totalement acariâtre, cruelle au point de noyer le chat de sa fille par pur sadisme, d’un grand-père incestueux et d’un petit frère qui ne vaut pas mieux, puisqu’il aime regarder sa sœur nue sous la douche. Malgré cet entourage particulier qui nécessiterait des années de psychanalyse, Kirsten semble être une adolescente plutôt banale, qui travaille pour gagner un peu d’argent et qui aime sortir avec ses copines. On ne comprend donc pas vraiment pourquoi insister autant sur la monstruosité de cette famille tant cela n’apporte pas grand-chose : ni au bagage de l’héroïne, ni à l’histoire. Finalement, l’unique personnage un tant soit peu construit et cohérent reste l’ancien détective, Mike McGavin. Il est le seul qui réagit normalement face à cette suite d’évènements surprenants, ce qui est assez étonnant venant de quelqu’un qui fume tout en se brossant les dents. Son interprète, Dan Haggerty, indissociable de sa grosse barbe de père Noël semble aussi être le seul acteur concerné par son jeu. On ne peut pas en dire autant de Borah Silver qui joue selon ses envies et les plans : parfois le papy alerte sur son fauteuil, parfois le vieillard recroquevillé sur lui-même qui peut à peine bouger.
Tout le film baigne dans cette irrationalité, cette surenchère et cette accumulation foutraque de genres différents qui font néanmoins partie intégrante de son charme. Mais on ne va pas oublier la star du show, cet elfe au design repoussant plutôt réussi, apparaissant inopinément tout au long de Elves. Peut-être même un peu trop, car comme on le sait, plus on voit la créature, moins elle est effrayante et captivante. Surtout quand elle surgit tous crocs dehors avec un bonnet de Noël, prête à dévorer une jeune fille. Mais pourquoi cet être cruel aurait-il soudainement envie de porter un bonnet rouge ? Il a probablement plus l’esprit des fêtes que le réalisateur lui-même, qui martyrise autant qu’il le peut cette période censée être joyeuse, entre ce Père Noël cocaïnomane pervers, ce patron de grand magasin sans cœur et surtout avec cette scène surréaliste d’un savant expliquant en détail les expérimentations sur la reproduction des Nazis tout en coupant la dinde de Noël sous les yeux de ses petites filles. Cette tension sexuelle malsaine parcourt le récit mais ne touche jamais Kirsten, pas mijaurée pour un sou et fière de rester vierge pour un homme qui en vaudra vraiment la peine, contrairement à ses amies qui préfèrent “ne pas dire non de peur de compliquer les relations”. Sa force de caractère va perdurer et en fera la véritable héroïne de cette histoire, rejetant un destin que tous voulaient lui imposer. Après l’avoir vue se battre jusqu’à un final complètement psychédélique, le spectateur ne comprendra pas vraiment ce qu’il vient, en définitif, de regarder. Un film d’horreur volontairement parodique ou une petite production en manque de moyens ? Le mystère perdure, comme pour l’existence du Père Noël.