Comme toutes les bonnes choses ont une fin (même les mauvaises), il fallait bien que le Sadique-master Festival touche à sa fin. En clôture était présenté Hormona, compilation de trois court-métrages du cinéaste Bertrand Mandico, dont l’univers est absolument unique en France.

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La main verte

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A l’issue de trois jours de festivité, le verdict est tombé : Sacrifice a donc obtenu le double prix, du Jury et du Public. Un hold-up, surtout lorsque l’on considère l’anecdote selon laquelle Tinam Bordage, le créateur du festival, l’a sélectionné à l’aveuglette pour ne pas avoir un trou dans la programmation, in extremis. Pari réussi pour le film italien, qui ne sera pas venu pour rien, après le palmarès et les remerciements présentés en fin de festival, ce dimanche 5 mars 2017. A la suite de l’annonce, c’est donc tout ce qu’il y a de plus apaisé (faut dire que la nuit de projection précédente avait certainement calmé un peu les ardeurs du début des hostilités le vendredi) que le public du Sadique-master a assisté à une séance de clôture hors compétition avec Hormona, compilation de trois court-métrages du cinéaste français Bertrand Mandico, à la renommé indiscutable dans les cinémas underground, surréalistes, et de genre plus largement. Une conclusion du festival extrême bien plus poétique que prévue.

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Le premier des trois courts à durée relative (pour un total de cinquante minutes), Y-a-t-il une vierge encore vivante (8 minutes) est certainement le plus cryptique des trois. Dans un univers chevaleresque, mystique et naturel, on y parle bien de Jeanne d’Arc en tant que pucelle d’Orléans, mais je dois avouer que je n’ai pas compris grand-chose, narrativement parlant s’entend, hormis sa trame : Jeanne d’Arc n’a pas été brûlée sur son bûcher et s’est « juste » fait cramer les yeux et dépucelée par un cheval (mais qui a été très doux et est devenu son compagnon, nous annonce-t-on), elle erre depuis à la recherche de vierges, et forcément elle en trouve pas tant que ça. Employer le mot « trame » est vite dit pour une œuvre de Mandico, tant cette dernière est vite délaissée auprès d’un onirisme sensoriel faisant déplacer ses personnages dans une forêt sauvage. Également onirique, mais d’une autre manière, dans un autre univers, plus proche d’Otto Dix, du burlesque, de l’atmosphère cabareto-grand-guignol (c’est la metteur en scène de théâtre grand-guignol Karine Jean, que nous avons interviewé récemment qui devrait être contente) Prehistoric Cabaret (10 minutes) présente lui un numéro de cabaret à mi-chemin entre l’érotisme et le cauchemardesque, inspiré donc par les références ci-dessus et l’incontournable David Cronenberg style Frissons.
Le cinéaste canadien et sa chère viscéralité sont omniprésents dans le gros morceau (31 minutes) du triptyque, présenté entre les deux plus courts pré-cités, le fascinant Notre Dame des Hormones. Se dressant dans une nature où la végétation est vivante, mouvante et règne en maître (on est proches des arbres d’Evil Dead, l’humour en moins) le film propose de suivre un duo de femmes mûres qui découvrent dans la forêt une créature sans tête absolument cronenbergienne (conçue d’ailleurs par le membre du jury David Scherer) dont elles vont tomber amoureuses l’une et l’autre, et échouer à se partager : cette créature, objet de convoitise des deux femmes mais aussi de plaisir (une antenne phallique lui permet de rendre hommage au sexe féminin), est comme le désir féminin personnifié, insaisissable tout à fait, fragile et fort à la fois. L’esthétique d’une beauté marquante alliant couleurs, décors somptueux, corps, végétaux avec une grâce fantastique inoubliable, entre la sensualité formaliste du giallo, David Cronenberg donc, David Lynch et le surréalisme, est un bol d’air dans le cinéma de genre français d’aujourd’hui. Une place doit être directement faite, si ce n’est pas déjà le cas, pour Bertrand Mandico dans le rang des pattes singulières à guetter constamment.