S’étant fait connaître pour ses court-métrages où le merveilleux et le folklorique aident à dérouler un imaginaire foisonnant qui parle d’un monde aux allures grotesques, Bertrand Mandico passe – enfin ! – au long-métrage avec Les Garçons sauvages. Fais Pas Genre se plonge dans cette fantasmagorie érotico-fantastique à l’occasion de sa diffusion à l’Etrange Festival.
Beauté Sauvage
Cinq adolescents de bonne famille commettent un crime barbare et sont confiés à un mystérieux capitaine aux méthodes plus que douteuses. Le petit groupe arrive sur une île sauvage où d’étranges phénomènes surviennent au fur et à mesure que des tensions apparaissent. Dire que le passage au long-métrage du réalisateur de Boro In the Box ou de Notre Dame des hormones était attendu relève de l’euphémisme. Et l’exercice est plutôt concluant. Les Garçons sauvages est un film audacieux et radical qui cherche à interroger le monde à travers les chimères qu’il invoquent et dévoilent aux yeux du spectateur. La première chose qui frappe dans le film de Mandico est son image. Tantôt colorée, tantôt noir et blanc ; Mandico joue avec la lumière, les cadres et les mouvements de caméra pour mieux rendre compte de la psychologie de ses personnages. Les séquences granuleuses en noir et blanc sont du plus bel effet et deviennent la représentation d’une réalité morne, tranchée et vide de tout espoir, celle des enfants, tandis que les séquences en couleur se révèlent être un véritable contre point ; illustrations du plaisir et de l’allégresse des garçons. Avec ce jeu sur la colorimétrie qui est de plus en plus utilisé à mesure que l’histoire se déroule, Mandico semble cartographier les émotions de ses cinq protagonistes et marquer leur évolution tant psychologique que physique au contact de l’île.
Les Garçons sauvages est comme un conte où des garçons violents sous tout rapport et immoraux vont entreprendre le passage vers l’âge adulte mais vont surtout se révéler à eux-mêmes… En devenant progressivement des jeunes femmes. Mandico s’entoure d’un casting entièrement féminin – à l’exception du personnage du capitaine et quelques matelots – rendant compte avec justesse et presque en miroir de l’évolution des protagonistes. On parle d’un rite de transition, mais Mandico ne s’arrête pas là. Le réalisateur pose la question de la place de la femme tout comme de l’homme dans la société tout en interrogeant l’origine de la violence et son rapport aux genres. Par ces questionnements très contemporains, Mandico examine la société et la nature humaine, nous invitant via le fantasme et le rêve que représente le film à se mettre à la place de l’autre, non pas uniquement pour mieux le comprendre mais avant tout pour mieux SE comprendre. Au milieu de tout ça, la nature est aussi un élément important ; Mandico faisant de l’île un Eden, un oasis de plaisirs où tout ceux qui foulent cette terre peuvent assouvir leurs désirs avec volupté. Des arbres aux appendices phalliques sont source d’un breuvage quasi-abondant tandis que des racines d’arbres rappellent des jambes féminines. L’île elle-même semble être un corps à part entière, si bien qu’on pourrait penser que les garçons s’y reconnectent avec la nature. Cet environnement évoluant tout au long du métrage étant le premier indice des changements physiques des personnages.
Audacieux, radical, différent, fantasmagorique, Les Garçons sauvages est un long-métrage qui a du cœur mais qui n’est pas à mettre entre toutes les mains. Mandico propose une mise en image inventive et surprenante de notre monde aux travers de son regard extrêmement singulier. Une œuvre qui divisera assurément mais qui ne fait vraiment pas genre.