Film mi de genre mi d’auteur originaire de la Sainte Russie, Zoologie part d’un postulat sympa pour dérouler une œuvre intrigante…Mais finir par un grotesque et prévisible dénouement qui a donné à la rédaction l’envie de brûler le projecteur.
Le désir attrapé par la queue
Le point de départ global est quand même positif : le cinéma de genre russe c’est pas que Timur Bekmambetov dont Night Watch (coréalisé avec Aleksandr Bachilo) a secoué un peu le monde fantastique, et a donné un ticket d’entrée à Hollywood au Monsieur dont la plupart des critiques se seraient bien passé. Ivan I. Tverdovsky est un jeune (28 piges à peine) cinéaste du pays de Poutine donc, et dont c’est déjà le deuxième long-métrage, après Classe à part, sorti en 2015. Je le précise, mais au fond je m’en bats les couilles, tant je me méfie de tous les jeunes prodiges qu’on aime balancer dans la tronche des spectateurs, syndrome Xavier Dolan oblige, mais quand on regarde bien, rares sont les films de réalisateurs jeunes qui foutent une super claque. C’est comme ça, quoi qu’en dise, quoi que le marketing puisse en vendre, le cinéma est un art de la maturité qui ne se maîtrise qu’après quand même quelques temps de pratique : être cinéaste ce n’est pas être une star du rock, n’est pas Orson Wells ou Jean Vigo qui veut. Ainsi Tverdovsky ne me paraissait être nul autre qu’un nouveau cinéaste russe comme es autres jusqu’à ce que Zoologie promette une entrée directe dans le fantastique, sur le papier, avec une trame basée sur l’histoire de Natacha, vieille fille à qui il pousse une queue dans le bas du dos. Un peu comme Sangoku, sauf que c’est pas une queue de singe.
Natacha est l’exemple type de la vieille fille. Elle vit seule avec sa mère, ne prend pas soin de son physique, a un embonpoint visible, subit les moqueries de ses collègues du zoo où elle bosse, mais du côté administratif. En gros sa vie c’est de la merde, mais c’est réglé sans danger, sans prise de risques, sans plaisir particulier, autre qu’un amour visible pour les animaux, qu’elle aime visiter sur le lieu pour lequel elle travaille. L’élément perturbateur c’est qu’une queue lui pousse donc dans le bas du dos, une excroissance de chair et de muscle, qu’elle camoufle avec succès et silence…Et qui la fait rencontrer, puis commencer une relation, avec son radiologue. Durant toute la durée du film, Zoologie cultive, malgré son pitch, une esthétique d’auteur, avec lumière blanche, jeu naturaliste, humour pince sans-rire au mieux (les réactions assez impassibles des docteurs ou les aller-retour interminables entre deux examens sont des traits amusants du script), et caméra à l’épaule, près des personnages tout ça tout ça. On vous a déjà parlé de la tendance d’un certain cinéma de genre qui n’ose pas se dévêtir d’apparats auteurisant, comme si un film de genre ne pouvait être beau et être accepté qu’en empruntant les codes visuels d’un certain cinéma d’auteur sensible indépendant) pour le très mauvais The Unseen vu au PIFFF, donc on va pas en rajouter une couche sur l’agacement. Tverdovsky a les mêmes tics, mais ça pourrait encore passer s’il arrivait à tenir une marche scénaristique aussi cohérente que celle de sa réalisation.
Zoologie est le récit d’une femme qui s’ouvre à la vie par l’Amour, un énième récit d’initiation autour d’un personnage rabougri que le sentiment ouvre aux joies de l’existence, à l’acceptation de son corps, à la volonté d’un changement de trajectoire et de liberté. Ce n’est pas original, mais le personnage de Natacha est au moins attachant et pendant une bonne partie du film on la suit avec intérêt, et curiosité, quant à l’avenir très concret de sa queue : jusqu’à où va-t-elle réussir à la cacher à tout le monde excepté son amoureux de radiologue ? D’autant que le film en profite pour tourner en dérision tous les symboles de « réponses » que nos sociétés proposent (la médecine, la religion, encore très présente en Russie, ou encore les stages de coaching d’acceptation de soi-même) ! Hélas l’intérêt dérape totalement, et éclate le film à son dernier tiers. De par un twist grotesque, vraiment vraiment grotesque au point que je me demande comment on peut sérieusement écrire ça, on décroche, et on rigole. Dès lors, tout le sous-texte du long-métrage porte à question : cette vieille fille devient femme…Grâce à une queue. Qui lui procure même du plaisir sexuel lors d’une scène de baignade (sous-entendu qu’avant d’avoir cette queue le plaisir lui était inconnu…). Ce serait-y pas un machisme encore plus pernicieux qu’il est déguisé en discours féminin ? Allez, soyons nice et disons que c’est juste stupidement maladroit.