Miraculous, le film 1


Tous les parents des enfants nés depuis 2010 l’attendaient autant qu’ils le craignaient : Miraculous : Le Film (Jérémy Zag, 2023) est arrivé sur nos écrans entre les dernières cabrioles de Tom Cruise, le Nolan et le film adapté de la plus célèbre des poupées. Cocorico, il s’agit là d’une production 100% française, l’une des plus chères jamais réalisées dans la langue de Christian Clavier.

Scène de nuit de Miraculous, le film où Lady Bug et Le Chat noir, accroché à une corde qui tombe du plafond, discutent au clair de lune, sur ce qui semble le balcon d'un vieux bâtiment, avec de larges piliers.

© The Awakening Production – SND

Les Vengeurs de Paris

© The Awakening Production – SND

Revenons tout d’abord aux origines du phénomène… Miraculous : Les Aventures de Ladybug et Chat Noir est avant toute chose une série d’animation créée par Thomas Astruc et diffusée sur TF1 depuis 2015. Elle raconte l’histoire de Marinette, une collégienne maladroite venant d’un milieu modeste, et de Adrien, un collégien esseulé par son père multimillionnaire, qui deviennent tous deux des super-héros devant protéger Paris des attaques du Papillon, un super-vilain ayant le pouvoir de corrompre les âmes blessées pour en faire d’autres bad guys. Marinette est profondément amoureuse du jeune Adrien, sans savoir qu’il est Chat Noir, son collègue super-héroïque, et Adrien, lui, est amoureux de Ladybug, l’avatar masqué de Marinette. Mais le nœud shakespearien ne serait pas complet si sous le masque du fameux Papillon ne se cachait pas en réalité le père absent d’Adrien qui cherche à s’emparer des supers pouvoirs des deux héros pour ressusciter sa femme… Bref, des super-héros à la française dans un Paris de carte postale où les amourettes de collège se mêlent à des thématiques plus matures dans une intrigue prenante (au début !). Cinq saisons, 122 épisodes et deux téléfilms plus tard, la série a largement conquis le monde entier puisque même Disney en assure la distribution outre-Atlantique. Les goodies se vendent comme des petits pains, les enfants se régalent, les parents dégustent… Et alors que l’intrigue de la série commence sévèrement à tourner en rond – les identités des uns et des autres ne sont jamais dévoilées, ce qui fait stagner à peu près tous les enjeux – l’idée d’une adaptation en long-métrage émerge, d’abord en prises de vue réelles avec de véritables numéros musicaux, puis en animation avec un travail beaucoup plus poussé que sur la série, avec Jérémy Zag, producteur de la série, aux manettes. Alors les équipes se mettent au travail dès 2018, et après avoir été reporté maintes et maintes fois en raison de la Covid et au gré des plannings, fort d’un budget de 80 millions d’euros – ce qui en fait le deuxième film français le plus cher de l’Histoire du Cinéma derrière Valérian la cité des mille planètes (Luc Besson, 2017)  – Miraculous : Le Film arrive enfin sur nos écrans, pile poil pour les vacances d’été… Quel joli choix stratégique !

Plan rapproché-poitrine sur le méchant masqué le Papillon, qui fait jaillir des paumes de ses mains grandes ouvertes, des papillons dans une lumière violette, avec un sourire un peu angoissant ; issu de Miraculous, le film.

© The Awakening Production – SND

Miraculous : Le Film n’est pas un prolongement de la série mais une adaptation à part entière. Elle reprend l’origin story et la modifie légèrement par rapport à son homologue télévisuelle, supprime quelques effets redondants pour épurer et rendre plus cinégénique son récit et se permet même d’aller plus loin scénaristiquement. Chaque épisode de la série est plus ou moins construit de la même manière : Marinette et Adrien évoluent dans leur milieu naturel, le collège, avec son lot d’intrigues pas toujours bien passionnantes, un personnage tiers subit un affront et est repéré par le Papillon pour en faire le nouvel ennemi à affronter, Marinette et Adrien se transforment en Ladybug et Chat Noir, combattent le vilain et gagnent. Autant dire que si le film s’était contenté de nous proposer un épisode géant, cela aurait probablement fait tache… Pour autant, avec ses trop nombreux passages musicaux, on a parfois l’impression désagréable que le long-métrage cherche à gagner du temps pour justifier son nouveau format. Mais au final, dans sa deuxième moitié, Miraculous : Le Film dépasse largement ce que la série avait proposé jusque-là. D’abord en faisant du Papillon/Gabriel Agreste un personnage éminemment tragique et beaucoup plus inquiétant sur le plan psychologique que sa version dans la série. Là où dans chaque épisode il n’avait qu’un rôle finalement fonctionnel et redondant, l’antagoniste gagne en épaisseur et le scénario en ressort grandi ! Par ricochet, toute l’intrigue autour de Chat Noir/Adrien est plus tangible quand elle ose verser dans la mélancholie pure. Ce n’est pas toujours bien souligné par des chansons toutes relativement mal écrites, mais si on s’en tient à l’histoire en elle-même, on peut être ému par ce jeune garçon quasi orphelin. En rendant Ladybug/Marinette plus gauche et rejetée par les autres que dans la série, le récit se permet même un (léger) commentaire sur le harcèlement et l’acceptation de soi. Enfin, le film dépasse son support original quand il s’emploie enfin faire avancer les intrigues relatives à l’identité des héros et du vilain, et qu’il ose un peu de noirceur dans ce Paris figé dans le temps. Le final en est d’autant plus surprenant : là où chaque épisode de la série se termine exactement de la même manière, ici on accepte éventuellement que son public ait grandi et on rend tout à coup les choses beaucoup plus conséquentes.

Plan rapproché-poitrine sur Lady Bug vue la tête à l'envers, avec le sourire, dans Miraculous, le film.

© The Awakening Production – SND

L’animation gagne également en qualité. Dans la série, les personnages étaient parfois grossièrement dessinés, sans textures et aspérités. Au cinéma ils gagnent tellement en détails qu’on a parfois l’impression de ne pas reconnaitre certains personnages, comme Chloé, la petite peste du collège. La série était éclairée et cadrée comme un mauvais sitcom – tout est lumineux, net, sans véritable travail esthétique – mais Miraculous : Le Film cherche vraiment à faire un travail sur ce point en jouant sur les ombres, les focales et la profondeur de champs. Il y a parfois quelques gimmicks agaçants comme ces particules tombant de nulle part, mais l’intention est là, et force est de constater qu’il y a eu un vrai bel effort de ce côté. Les numéros de comédie musicale, vraiment trop nombreux, bénéficient d’un soin tout particulier évoquant par moment une imagerie proche de Moulin Rouge ! (Baz Luhrmann, 2001) et aidé par l’expertise de Michael Gracey, réalisateur de The Greatest Showman (2017). On sent, que ce soit dans le montage bien pensé ou dans cette approche plus onirique, l’apport de ce cinéaste issu de l’animation. Cela ne sauve pas les chansons en elles-mêmes, mais cela permet de jolis moments de mise en scène. Un peu plus statique et sommaire que des productions Pixar ou Dreamworks, souvent animées par des Français d’ailleurs, l’animation de Miraculous : Le Film n’a pas à rougir, notamment dans son dernier acte évoqué plus haut où la noirceur thématique est bien appuyée par une réalisation étonnamment sombre et désespérée. La France, avec des réussites telles que Le Roi et l’Oiseau (Paul Grimault, 1980), le travail de Michel Ocelot ou plus récemment Ma Vie de Courgette (Claude Barras, 2015) ou J’ai perdu mon corps (Jérémy Clapin, 2019), a toujours su prouver que, dans des registres différents, elle avait su marquer l’histoire de l’animation. Avec Miraculous : Le Film, elle montre à la fois que l’animation comme les supers-héros ne sont pas qu’affaire américaine. Malgré ses quelques scories liées encore une fois aux chansons qui polluent vraiment trop l’intrigue et à quelques facilités inhérentes au genre et héritées de la série originelle, Miraculous : Le Film est une adaptation réussie d’un show télévisé beaucoup moins inspiré, un film bien moins irritant que prévu. Pour le plus grand bonheur des enfants, mais surtout des parents !


A propos de Kévin Robic

Kevin a décidé de ne plus se laver la main depuis qu’il lui a serré celle de son idole Martin Scorsese, un beau matin d’août 2010. Spectateur compulsif de nouveautés comme de vieux films, sa vie est rythmée autour de ces sessions de visionnage. Et de ses enfants, accessoirement. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/rNJuC


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Commentaire sur “Miraculous, le film

  • Eva Fournier

    Je suis allé le voir avec mes enfants et ils ont été un peu déçus, car ils ne retrouvaient pas vraiment l’univers de la série. Personnellement, j’ai trouvé que c’était réussi, surtout au niveau de l’animation.