Nos trois derniers jours, avant de conclure une fois le palmarès connu, sur la Croisette (et oui, on n’aura pas tenu jusqu’au bout). Entre des auteurs très aimés et donc attendus – Carax, Cronenberg, Gomes – et jeunes qu’on attendait de voir transformer l’essai – Poggi et Vinel, Sean Baker – le programme était encore chargé.
• Intermezzo •
Comme mon camarade avant moi, quelques petits mots sur des films qu’il n’a pu caler dans son programme. Passons très vite sur la nouvelle purge de Kirill Serebrennikov, Limonov – The Ballad, horripilante adaptation d’un beau roman d’Emmanuel Carrère. Mais quand va-t-on cesser de subir en compétition les épuisantes gesticulations hystériques de ce pubard viriliste et faussement punk ? Tout est absolument insupportable dans cette forme totalitaire qui confond virtuosité et saturation d’effets tape-à-l’œil, rythme et tintamarre, subversion et puérilité. C’est un cinéma qui décontextualise absolument tout pour ne retenir de ses personnages qu’un amalgame atrocement répétitif et bête d’effets mal maîtrisés. Ce Limonov est déchargé de tout ce qu’il peut contenir de profondément subversif pour se transformer en adolescent brailleur dont Serebrennikov érotise tous les pires penchants. L’enfer.
Autre cinéaste qui garde son rond de serviette en Compétition Officielle sans qu’on sache bien pourquoi : Ali Abassi présentait son The Apprentice qui retrace la montée en puissance de Donald Trump et de son empire dans les années 80/90. Ce n’est ni plus ni moins qu’un téléfilm didactique et friqué, sans la moindre idée de mise en scène, le moindre regard sur le personnage. Un pur film de Prix d’Interprétation – Sebastien Stan en Trump et Jeremy Strong dans le rôle de son avocat qu’il trahira sont plutôt convaincants – qui n’avait vraiment pas sa place en Compétition, et confirme la perte de vitesse du cinéaste de Border après les Nuits de Mashad, déjà particulièrement atroce. Ici, rien d’insoutenable, mais une lisseur générale qui ennuie profondément…
On sera plus prolixe – même si on aurait sans doute aimé l’être un peu plus – sur le nouveau moyen-métrage d’un cinéaste qui nous est très cher. Leos Carax revenait à Cannes en sélection Cannes première avec un alléchant film-essai – C’est pas moi – initialement réalisé pour répondre à une commande du Centre Pompidou, dans le cadre d’une exposition qui n’a finalement pas eu lieu. Les premiers cartons et sons donnent vite le ton d’un exercice typiquement godardien, Carax rejouant clairement les Histoire(s) du Cinéma (1988-1998) dans cet exercice de montage qui fait se rencontrer ses propres réalisations avec des images d’archives, celles d’autres chefs-d’œuvre, suivant son flux de conscience qui semble avancer sans ligne directrice. En ce sens, l’une des premières images – et des plus belles – nous montre Carax lui-même, en négatif, ronflant copieusement sur son lit mais écrivant tout de même quelque chose le bras tombant vers le sol, et nous indique une forme à la première personne, suivant une logique rêvée. C’est pas moi bouleverse de nombreuses fois, surtout quand il semble être conçu comme un cimetière où le cinéaste erre parmi ses fantômes – ceux de ses créations, de sa vie, de ses passions : éblouissants passages citant David Bowie ou le concerto de Michel Legrand des Demoiselles de Rochefort (Jacques Demy, 1967) – pour essayer de dégager un autoportrait émouvant et sans triche. Beaucoup ont grincé des dents sur une référence à Roman Polanski qui me paraît au contraire assez forte dans son aveu de culpabilité, sa prise de conscience de faire partie d’un monde masculin toxique dont il chercherait à se départir, sans y parvenir tant cette sensibilité est ancrée en lui – ce qui était déjà au cœur du splendide Annette (2021). Il me semble en revanche que C’est pas moi est beaucoup plus décevant quand il se place vraiment du côté de Jean-Luc Godard et qu’il se lance dans des parallèles historiques malheureusement trop didactiques, pour ne pas dire pontifiants et confondants de naïveté. La littéralité du discours historique sied très mal à la forme, surtout quelques jours après avoir découvert l’ultime Godard (Scénarios), où la confusion recherchée permet au spectateur de dégager un sens plus personnel et profond, où les collages plus audacieux et disparates interdisent la mollesse pédagogique. Leos Carax, lui, ne l’évite malheureusement pas toujours. Reste que les plus beaux éclats de C’est pas moi resteront parmi les plus belles images du festival… Bien que l’on attende toujours un film plein.
Jour 8 • Cinéma Mausolée
Un Festival de Cannes est toujours fait de grandes tendances, souvent fortuites et pourtant stimulantes, qui semblent arpenter beaucoup des projections qu’on découvre à la pelle. Cette année, ces grandes tendances n’ont rien de très réjouissant et témoignent plutôt d’une atmosphère à la fois morbide et décomposée. Beaucoup des œuvres découvertes partagent une sensation funéraire donnant parfois des adieux déchirants (Fillières, Godard), ou des objets un peu éteints (Schrader). Or beaucoup de ces propositions un peu morbides sont mis en scène dans une forme très morcelée, parcellaire, qui fait se télescoper les registres d’images divers, comme si le cinéma ne pouvait se construire que par bribes, dans un monde sinistré. C’est tout ce que joue le beau – bien que mineur – Caught by the Tides (Jia Zhang-Ke) qui, le festival avançant, apparaît de plus en plus comme l’une des entrées les plus emblématiques de la tonalité de la Compétition. Au moment de voir Les Linceuls de David Cronenberg, on était en droit d’attendre enfin un film plein, lui qui ne nous a jamais déçus, même pour le mal aimé et pourtant beau Les Crimes du futur (2022). Ce nouveau long-métrage réalisé après la mort de sa femme nous promettait énormément, sur un registre qui semblait aller encore plus loin dans l’autoportrait et qui faisait rêver d’un mélodrame fantastique et profond sur le deuil. Vincent Cassel y incarne un personnage qui, à la suite du décès de son épouse, invente des linceuls qui permettent de voir en direct, dans des images d’une extrême précision, la décomposition du corps sous terre. Sujet éminemment cronenberguien qui s’incarne d’emblée dans une première scène magnifique, un cauchemar où le visage bouleversé de Cassel voit le corps mort et flottant de Kruger… S’ensuit un cri, et déjà un raccord étonnant, bizarrement comique, entre la bouche qui hurle de tristesse, et la même ouverte chez… Le dentiste. Cette rupture de ton en annonce d’autres : Cronenberg prend un malin plaisir à casser ses élans mélodramatiques et endeuillées par d’incompréhensibles trouées comiques (très moyennement drôles) ou de l’ordre du thriller complotiste qui ne sont pas plus intelligibles. En résulte donc, malheureusement, un nouveau film malade, sans doute le plus décevant des ouvrages de l’auteur de Crash. Englué dans cette intrigue de complot incompréhensible et d’un désinvestissement formel coupable – ce dont témoignent des scènes absolument catastrophiques avec Guy Pierce, d’un cynisme indigne d’un aussi grand cinéaste – Les Linceuls peine à décoller et à se montrer à la hauteur de ses plus beaux moments, qui heureusement existent. Les visions magnifiques de Diane Kruger – courageuse et convaincante – en fantôme, la bizarrerie du final, un date morbide plus tôt, et j’en passe, il y a évidemment de quoi se rappeler les meilleures heures de cet auteur qui nous est si cher en ces lieux. Les défenseurs de cet objet mal tenu, trop souvent paresseusement mis en scène (le découpage de la plupart des scènes dialoguées) quoiqu’évidemment plus intéressant que l’essentiel de la Compétition, nous diront que le linceul c’est le film, et qu’il abrite volontairement un corps en décomposition, celui d’un monde numérique rendu spectral par ces évolutions. Tous ces mots resteront des arguments théoriques qui donnent certes envie de lui redonner une chance une fois tranquillement rentré à Paris, mais qui n’empêchent pas la frustration.
Pour faire passer la déception, nouveau détour par la Quinzaine des cinéastes – qui décidément, cette année encore, aura été un bel espace de réconfort – pour découvrir le nouveau long-métrage de Jonathan Vinel et Caroline Poggi, cinq ans après Jessica Forever. Eat the Night raconte l’histoire d’un frère et une sœur s’échappant de leur morne quotidien dans un jeu vidéo, Dark Noon, un MMO qui les obsède jusqu’au jour où on annonce que le serveur du jeu va bientôt être définitivement fermé, en même temps que le grand frère va faire la rencontre de Night, un bel homme avec qui ils vont en même temps commencer une histoire d’amour passionnée et un deal d’ecstasy, pas sans danger… On voit bien qu’il y a de très nombreuses pistes dans la narration de ce deuxième film, sans doute un peu trop, et peut-être que son cœur émotionnel est un peu trop dilué pour qu’on soit pleinement enthousiaste. C’est surtout dans des intrigues de gang platement filmées, peu crédibles et souffrant d’interprétations inégales, que le duo se perd à mon avis le plus, alors qu’il est évident qu’ils font preuve d’une très belle sensibilité quand il s’agit de suivre la jeune héroïne (finalement trop secondaire) et son amour pour le jeu vidéo. Tout ce qui se déroule dans Dark Noon est admirable, jusqu’à une scène d’apocalypse vraiment magnifique, et c’est dans la sensibilité adolescente, ce côté à fleur de peau, et un rapport candide à l’histoire d’amour que Poggi et Vinel nous touchent. Quoi qu’il en soit, on préférera toujours ce genre de tentatives aventureuses aux navets boursouflés de la Compétition. On continue d’espérer beaucoup de la suite de leur travail.
Pour finir la journée, nous sommes restés dans une sélection parallèle, Cannes Première de nouveau, où nous avons découvert Maria de Jessica Palud, biopic consacré à la comédienne Maria Schneider et du viol qu’elle a subi de la part de Marlon Brando sur le tournage du Dernier Tango à Paris de Bernardo Bertolucci (1972). Si ce film n’a pas vraiment sa place dans notre ligne éditoriale, il me permet tout de même de souligner un nœud d’un certain cinéma français visant à sensibiliser sur les violences sexistes et sexuelles et plus généralement à visée pédagogique. Le film prétend ici donner une voix à une femme qui a été bafouée, lui rendre la personnalité qui a été vampirisée. Comment y parvenir quand il ne fait que suivre un programme aussi attendu ? Comment ne pas sentir la remarquable Anamaria Vartolomei totalement soumise à cette succession de scènes attendues et mornement mises en scène ? Après quelques belles ellipses dans la première moitié – qui évoque la construction de Saint Laurent (Bertrand Bonello, 2014) chaque (micro)scène semble ensuite répondre au programme de soumission puis de résilience de son personnage, sans jamais qu’on ait le sentiment que ça coince, d’accéder à un vrai personnage, qui ne serait pas de nouveau la marionnette non pas d’un cinéaste et d’un acteur-star pervers mais simplement d’une mécanique trop attendue et réductrice. Restent des comédiennes intéressantes – l’apparition tardive de Céleste Brunquell dans le rôle d’une jeune admiratrice bientôt amante offre quelques beaux moments entre les deux comédiennes – qui ne suffisent pas à sauver ce morne résultat. Une deuxième tombe pour un personnage pourtant passionnant, et une merveilleuse comédienne.
Jour 9 • De la vulgarité
On le sait, le Festival de Cannes n’est pas le lieu du dernier raffinement, mais plutôt de la plus furieuse vulgarité. Parfois, les films en sont les témoins les plus atroces – pensée, qu’on voudrait éviter, pour le salissant Mascarade de Nicolas Bedos l’an dernier – et ce fut encore le cas cette année. Car la Croisette voyait le retour du plus fidèle adepte de son abjection cossue : j’ai nommé le Capitaine Croûte Paolo Sorrentino. Parthenope a vraiment fait toucher le fond de la Compétition avec sa méditation vaniteuse, d’une laideur et d’une bêtise absolument insensées, sur les affres de la beauté, de l’intelligence et de la richesse. Tout un programme. Quand on pense que certains collègues un peu peine-à-jouir ont taxé de vulgaire le réjouissant The Substance de Coralie Fargeat, alors qu’il y avait en Compétition cette indéfinissable et clinquant navet… Il y a au moins de quoi sourire. Parthenope est belle, si belle que les hommes pleurent quand il la voit. Elle est brillante, si brillante que son professeur d’anthropologie ne peut jamais lui mettre en dessous de la note maximale. Et puis, à tous ses prétendants, elle sait toujours répondre le mot juste. « Jamais des phrases toutes faites » est-il dit un moment. Or, c’est tout le contraire qui est sans cesse martelé : une succession d’aphorismes préfabriqués, publicitaires, qui collent parfaitement aux images ensoleillées et hideuses qui pourraient servir de banques d’images pour Saint Laurent – qui est ici co-producteur, comme pour un film sur deux de la Compétition.
Nous enchaînons avec un autre cinéaste aimant jouer avec les représentations de la vulgarité, mais avec bien plus de bonheur et dont on attendait impatiemment la confirmation après déjà quelques précédents essais prometteurs. Sean Baker présentait en Compétition le séduisant Anora, narrant les (més)aventures d’une danseuse de peep-show, entraînée dans une traversée rocambolesque de New York à la suite de sa rencontre, et de son mariage, avec un jeune russe à qui on ne peut pas vraiment faire confiance. On connaît le talent et la douceur de Sean Baker pour regarder des personnages marginaux et leur donner la place qu’il mérite dans des fictions amples, ce qui se ressent particulièrement dans la façon d’aborder les scènes de danse et de sexe, sans la moindre complaisance, et avec une tendresse toujours aussi touchante. Ici, il faut avant tout le remercier pour le rôle extraordinaire donnée à une actrice non moins extraordinaire : Mikey Madison, qu’on avait déjà aperçue dans Once Upon a Time in Hollywood (Quentin Tarantino, 2019) et la série Better Things. Sa capacité à varier les tons, à tenir dans des registres hystériques ou posées, comiques ou tragiques, impressionne énormément, et le prix d’Interprétation Féminine lui semble dédié sans aucune contestation possible. Pour le reste, si Anora a suscité un si vif enthousiaste (il pourrait être un candidat sérieux pour la Palme d’Or, même s’il me semble que ce ne serait pas vraiment lui rendre service), c’est qu’il était peut-être ce film plein qu’on attendait tant au milieu de toutes ces propositions brinquebalantes. Son scénario intelligent, sa dynamique ludique, alternant les tons pour accoucher d’une conclusion à l’amertume assez déchirante, le rendent très précieux dans une Compétition trop marquée par les objets disgracieux. Il me semble qu’il est tout de même un peu répétitif et inégalement inspiré dans sa mise en scène, qu’il repose malheureusement sur trop d’effets un peu hystérisés lui faisant perdre la part la plus vibrante de son émotion. Que, s’il ménage un certain nombre de scènes magnifiques (la fin est tout particulièrement réussie), il s’enlise également dans un certain systématisme et une certaine complaisance, notamment dans une traque un peu prévisible. Ne boudons cela dit pas trop notre plaisir qui est assez vivace et qui nous a enfin faits sortir de cette ambiance un peu mortifère. C’est une œuvre résolument vivante et joyeuse (malgré sa mélancolie finale très profonde), et qui mériterait d’être citée samedi prochain.
La journée s’achevait avec l’une de nos plus grandes attentes : le retour de Miguel Gomes, qui faisait sa toute première entrée en Compétition avec Grand Tour. L’histoire d’un couple qui semble s’éviter – on suit l’homme une première heure, puis la femme – dans une Asie colonisée dont on fait littéralement le tour, encore dans une proposition qui font se rencontrer des régimes d’images disparates. Du documentaire, de la fiction, du noir et blanc et de la couleur. Pour tous ceux qui ont adoré – c’est mon cas – ses Mille et une nuits (2015), on ne pouvait qu’espérer que Gomes dynamite enfin la Compétition. Il s’agit malheureusement de la plus grande déception de cette quinzaine. Alors qu’on espère fébrilement que le récit et la forme vont basculer vers l’abstraction, larguer les amarres du récit – on pense notamment au très grand film de Pierre Rissient, autre cinéaste ex-critique, Cinq et la peau (1982) pour qui voyage et errance sont vraiment les occasions de plonger dans l’inconnu – tout ici reste finalement assez terne, suivant de façon assez morne un récit et une voix off sans intérêt. Comme souvent cette année, on sauve des bribes disparates qui se dégagent du reste – une longue surimpression, d’autres plans ici et là, un travail de la musique plus original qu’ailleurs – mais cela donne le sentiment de se balader dans des ruines, guidé par un dandy un peu fatigué, pour qui le contemporain ne semble plus receler de merveilles à dénicher. Peut-on en conclure que c’est Megalopolis qui ne laisse aux autres, depuis jeudi dernier, que des restes ? Qu’on soit les seuls à l’imaginer ne nous empêche pas de le penser.
Jour 10 • Quitter le champs de ruines
Dernier jour sur la Croisette. Cette année, nous n’aurons pas tenu jusqu’au bout. Malheureusement, il faudra attendre Paris pour qu’on puisse dire quelques mots sur L’amour ouf (Gilles Lellouche). Franchement, on est dégouté, il n’y aura que deux films au programme cette fois. Oserai-je dire que j’ai annulé le Desplechin à 8h30 (Spectateurs !) en sortant d’une boîte de nuit quelques heures plus tôt ? C’est malheureusement chose faite, on lui donnera une meilleure chance à sa sortie… Avant de monter dans le train tout de même, découverte coup sur coup de Motel Destino, le nouvel essai de Karim Aïnouz qui ne nous avait vraiment pas convaincus l’an dernier avec l’affreux Jeu de la Reine, et du Roman de Jim d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu, des auteurs français dont on suit toujours attentivement le travail. Pour le premier, il confirme l’invraisemblable perte d’inspiration de l’auteur de La Vie Invisible d’Euridice Gusmao. Ce Motel Destino est un thriller sentimental et de vengeance à la construction absolument basique, qui pourrait être le canevas de n’importe quelle petite série B à découvrir en DTV enluminé dans une forme chic. Image en 16mm, couleurs ultra saturées, scènes de sexe tape-à-l’œil, petits flash stroboscopiques (annoncé par un consternant avertissement, qui les rend encore plus dérisoires), Aïnouz cumule des petites trouvailles moches censées rehausser l’intérêt qu’on pourrait porter au récit mais n’accouche finalement d’une forme qui n’est une fois encore que cosmétique, et incroyablement vaine.
Aucun rapport avec le mélodrame épuré des frères Larrieu adapté d’un roman de Pierric Bailly et présenté lui dans la sélection Cannes Première, qui comprenait décidément un certain nombre d’objets qui avaient plus leur place en Compétition… Les réalisateurs de Tralala (2021) nous ont toujours habitués à parasiter les genres abordés par une fantaisie bien particulière, qui vient souvent de leurs dialogues ou d’une attention toute particulière au découpage, à la mise en scène. Ils semblent ici s’être largement assagis, pour servir discrètement l’histoire d’un homme qui se voit retirer sa paternité recomposée lorsque le géniteur de son enfant revient vers sa femme. Le scénario sensible et des comédiens excellents (Karim Leklou et Bertrand Belin en tête) permettent d’accéder à une véritable émotion, et il faut dire que la maîtrise du récit, sans bout de gras (100 minutes bien pleines), faisait encore une fois du bien dans ce festival, un peu à la manière du Miséricorde de Guiraudie, lui dans une veine plus comique et noire. Notons tout de même une petite déception quant à la mise en scène, trop effacée, et un manque d’attention à certaines scènes qui apparaissent comme utilitaires, respectant un programme trop bien huilé. Toutes les scènes qui durent vraiment – notamment celle de rupture, souriante et déchirante – sont celles qui restent et on se serait bien passés de petits passages obligés trop désinvestis. Toutefois cette touche mélancolique venait conclure assez heureusement ces épuisantes journées de projection. Nous nous retrouverons pour conclure tout cela après le palmarès. Après quelques siestes. Sans doute encore emplies d’images rêvées de Megalopolis…