Après un SOS Fantômes : L’Héritage (Jason Reitman, 2021) qui sonnait comme une suite trop tardive malgré une belle sincérité à l’œuvre, voici SOS Fantômes : La Menace de glace (Gil Kenan, 2024), une nouvelle preuve, s’il en fallait, que les vieilles franchises doivent surement être laissées au placard. N’en déplaise à Hollywood.
Protocole Fantôme
SOS Fantômes (Ivan Reitman, 1984) est probablement, avec Gremlins (Joe Dante, 1984), la licence des années 80 sur laquelle Hollywood s’est le plus obstiné pour une réanimation tardive. Si les Mogwaïs résistent et c’est tant mieux, Ghostbusters a d’abord connu les joies d’un reboot, SOS Fantômes (Paul Feig, 2016), avant de céder à la mode du legacyquel avec la reprise en main de la saga par Jason Reitman, fils d’Ivan, réalisateur des deux premiers opus. Et il faut reconnaitre que SOS Fantômes : L’Héritage (Jason Reitman, 2021) arrivait encore à donner l’illusion d’une petite entreprise familiale, grâce à de nouveaux personnages plutôt attachants et à une quasi absence de cynisme. Sauf que Sony ne comptait pas en rester à ce sympathique hommage et a vite relancé la machine pour ne pas replonger la licence dans un sommeil de trente ans ; et c’est ainsi que l’on se retrouve avec un SOS Fantômes : La Menace de glace, trois petites années après. Jason Reitman reste à la production et au scénario, et la mise en scène est cette fois confiée à Gil Kenan, co-scénariste du volet précédent, et réalisateur du réussi Monster House (2006) et du moins réussi remake de Poltergeist (2015).
L’histoire de La Menace de glace reprend quelques temps après L’Héritage ; la famille Spengler est de retour à New-York, dans la caserne mythique des Ghostbusters, et chassent les fantômes à travers la ville. Ils font parfois équipe avec les anciens, Venkman, Zeddemore et Stantz, et quand une entité maléfique libère une ère glaciaire en plein été, ils vont devoir sauver le monde tous ensemble. Rien de nouveau sous la lune. Si le précédent épisode prenait soin de développer un univers dans l’univers – en délocalisant les évènements à la campagne et en faisant la part belle aux affres de l’adolescence – ce nouveau volet met les deux pieds dans la nostalgie et le fan service de manière plus directe. Dans L’Héritage, nous avions bien une conclusion totalement what the fuck où les vieux Ghostbusters s’invitaient à la fête – y compris le fantôme d’Harold Ramis – mais cette fois, ils font partie intégrante de l’intrigue, souvent artificiellement, quitte à rompre l’équilibre de nouveauté du film précédent. C’est bien simple, seul l’arc narratif concernant Phoebe Spengler, jouée par McKenna Grace, intéresse et justifie la présence des nouveaux personnages. Les autres, Carrie Coon, Paul Rudd ou Finn Wolfhard, n’ont rien à se mettre sous la dent et c’est dommage.
Visuellement, La Menace de glace ne se démarque pas, la faute à une esthétique passe-partout qui, dès ses premières images, a plutôt tendance à mettre en avant des effets-spéciaux aux rendus aléatoires. L’introduction dans le passé rate sa reconstitution d’un vieux New-York à cause de ses CGI un peu foirés. Pour le reste, les séquences de destructions et les apparitions des fantômes, plus réussies, peinent à sortir du tout-venant hollywoodien. Le film tente des choses sur le terrain horrifique quand il propose une créature au design convaincant et à l’allure inquiétante en guise de boss final, mais ce sera à peu près tout au rayon des audaces. SOS Fantômes : La Menace de glace reste sur des rails ultra balisés là où L’Héritage venait apporter un léger vent de fraicheur et un petit dépoussiérage de la licence. À l’instar de ce difficile équilibre entre anciens et nouveaux personnages, Gil Kenan ne sait comment aborder sa mise en images, entre nouveauté et déférence à la saga Ghostbusters. C’est à se demander quelle a pu être sa marge de manœuvre dans l’entreprise tant – même si le cinéaste n’a jamais ébloui et su imposer une patte dans sa carrière – le tout est impersonnel au possible.
Alors le long-métrage fini par nous questionner sur notre propre rapport à la nostalgie. On le sait, Hollywood et les majors sont dans une démarche généralisée de dévitalisation des grands succès des cinquante dernières années. Star Wars, Halloween, Indiana Jones, etc. Autant de sagas ayant bercées nos enfances qui se retrouvent encore sur nos écrans alors qu’elles n’ont plus forcément grand-chose à raconter. SOS Fantômes : La Menace de glace fait d’ailleurs penser, tant dans son filmage que dans sa muséification des figures du passé, à Scream 6 (Tyler Gillett & Matt Bettinelli-Olpin, 2023) ; à un symptôme évident du mal qui ronge les grands studios. Et cela met clairement le spectateur dans une position délicate puisqu’il devient difficile de détester les « œuvres » proposées – ce serait presque renier les films originels que nous aimons tant. SOS Fantômes est donc devenu ce cadavre exempt de toute vitalité que Sony agite sous nos yeux en espérant faire revivre la magie. Il est permis de ne plus croire à ce numéro de nécromancie et de manifester un désintérêt poli pour que les sociétés de production retrouvent l’envie d’accoucher de nouveautés, et de proposer leurs propres références aux nouvelles générations de spectateurs.