La Fusée de l’Epouvante


Rimini Éditions offre une sortie DVD + Blu Ray à ce film de monstre méconnu du grand public, dont on dit qu’il aurait inspiré le cultissime Alien (Ridley Scott, 1979). Regardé avec un œil moderne comme étant d’une immense absurdité, La Fusée de l’Épouvante (Edward L. Cahn, 1958) porte plutôt mal son nom. En effet, s’il est bien question de fusée, on ne peut pas dire que l’épouvante soit au rendez-vous… Amateur.trices de kitsch et de monstres en costumes de latex, ceci est pour vous !

Une navette spatiale posée sur une planète rocheuse, en noir et blanc, en plan d'ensemble, dans le film La fusée de l'épouvante.

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La fusée de l’épouvantable

Plan rapproché-épaule, de travers, en clair-obscur en noir et blanc, sur un humanoïde à tête de lézard allongé, dans La fusée de l'épouvante.

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Lorsque La chose d’un autre monde (Christian Nyby, 1951) – ou The Thing from Another Worlddans son titre original, et simplement The Thing premier du nom, pour les intimes – est sorti dans les salles obscures à son époque, il remporta un immense succès, lançant ainsi un engouement populaire pour les histoires de monstres venus de l’espace. Deux ans plus tard, ce fut au tour de It Came from Outer Space(Jack Arnold, 1953) – ou Le Météore de la nuit en VF – de terrifier les foules, et par la même occasion d’inspirer d’autres réalisateurs à s’approprier la formule. C’est ainsi que naquirent Them ! (Gordon Douglas, 1954), It Came from Beneath the Sea (Robert Gordon, 1955), It Conquered the World (Roger Corman, 1956), et surtout It ! The Terror from Beyond Space, aka La fusée de l’épouvante (Edward L. Cahn, 1958) dont il est question ici. Vues depuis notre 21e siècle, ces œuvres nous paraissent aujourd’hui terriblement kitsch et nous les regardons plutôt dans l’optique de nous amuser en pointant tout ce qui nous paraît incroyablement obsolète, des costumes aux décors, en passant par les croyances scientifiques. Loin d’être un novice dans le milieu, Edward L. Cahn avait à l’époque déjà réalisé 32 films, dont 4 d’horreur : Le tueur au cerveau atomique (1955), Zombies of Mora Tau (1957), Invasion of the Saucer Men (1957), et Curse of the Faceless Man (1958) sorti en double programme avec La fusée de l’épouvante. Pour ce dernier opus, le réalisateur fait le choix de verser dans le minimalisme : dialogues simples, décors épurés, monstre qui effectue le minimum syndical, et peu d’effusions de sang. Certes, il s’y passe plein de choses absurdes. Pour n’en citer que quelques-unes en vrac : les décors censés représenter la planète Mars sont en réalité des décors lunaires, les hublots sont peints directement sur les murs, le même plan de la fusée est recyclé à l’infini, les personnages sortent de la fusée comme on sort d’un moulin, ils fument à l’intérieur de la fusée, etc… Mais lorsque l’on réussit à passer au-delà, on se rend compte de l’ingéniosité que cela représentait à l’époque, et on profite d’accéder à une petite tranche d’Histoire du cinéma.

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Avant d’entrer dans le vif du sujet, un disclaimer nous prévient que les événements présentés dans La fusée de l’épouvante sont purement fictionnels. Nous voilà donc rassuré.es ! L’histoire se déroule en 1973 – c’est-à-dire dans un futur vu du passé à présent déjà passé – et on nous apprend via une conférence de presse qu’un équipage va être envoyé sur la planète Mars pour tenter de découvrir ce qui est arrivé à un autre équipage envoyé précédemment et qui n’a plus donné aucun signe de vie…À leur arrivée, ils ne trouvent qu’un seul survivant, le Colonel Edward Carruthers, qui sera immédiatement cloué au pilori pour avoir tué ses petits camarades d’exploration spatiale et, par conséquent, ramené sur Terre pour pouvoir être jugé. Pendant le voyage vers la planète bleue, Carruthers ne cesse de clamer son innocence et d’accuser un affreux monstre venu de l’espace. Bien évidemment, ses nouveaux compagnons de voyage croient autant à ces paroles que celles de Pierre qui crie au loup, mais les sceptiques vont très vite finir par se rallier à sa cause lorsqu’une sorte de créature mi-primate mi-reptile sort de sa cachette dans la cale de la fusée et se met à attaquer “violemment” les membres de l’équipage. S’ensuit une lutte de chaque camp pour assurer sa propre survie : le monstre – qui a besoin de fluides humains pour rester en vie – et les humains. Tous les moyens sont bons pour que ces derniers arrivent à leurs fins : armes à feu, grenades, etc. On est même presque déçu.es de ne pas les voir sortir une bonne vieille batte de baseball…La présence de cet arsenal militaire à bord de la fusée en dit d’ailleurs long sur les intentions des Américains dans cette conquête spatiale. “Il n’existe qu’un genre de monstre qui tue par balles”, nous rappelle-t-on au détour d’une conversation. Pour qu’au final, la solution à leur problème soit apportée par nulle autre que la science. Toujours là quand on ne l’attend plus !

Blu-Ray du film La fusée de l'épouvante proposé par Rimini Editions.Dans les grandes lignes, on peut déjà dégager quelques similitudes avec Alien. En effet, tout comme dans l’œuvre iconique de Ridley Scott, on nous conte l’histoire de l’équipage d’un vaisseau spatial pris au piège avec une créature inconnue à son bord. Cependant, si l’équipage du Nostromo possédait deux membres féminins forts, celui de la Fusée de l’épouvante ne se détache pas des stéréotypes genrés en vigueur dans les années 50. Dommage, pour un film de science-fiction, de ne pas parvenir à imaginer que des hommes puissent faire la cuisine ou la vaisselle dans le futur…Probablement que ces messieurs étaient trop occupés à déclamer des monologues pompeux en regardant dans le lointain, ou encore à se disputer les faveurs de la seule jeune femme à bord. Il semblerait que chez les machos de l’espace, l’instinct de reproduction prime presque sur l’instinct de survie. Quant au monstre, si l’on apprécie la manière de mettre en scène d’Edward L. Cahn – toujours dans la suggestion et la subtilité – il ne témoigne pas de la même intelligence que l’alien du film éponyme. Dans la plupart des scènes où il apparaît, il semble ne pas savoir où aller ni quoi faire – ce qui lui confère finalement une certaine sympathie, on aurait presque envie de le voir gagner car il n’est finalement qu’une victime de plus de la folie des Hommes. Il s’avère que cet air hagard s’explique en réalité par le taux d’alcool élevé dans le sang du cascadeur dans le costume en latex. Cette anecdote nous est révélée par Alexandre Jousse dans une séquence bonus d’une vingtaine de minutes consacrée aux aliens, mutants et zombies dans les films de Cahn. Il s’agit d’une très chouette addition, qui nous permet de mieux comprendre le contexte de création et de production – à regarder de préférence après avoir vu le film. En second bonus de cette édition, nous avons également le droit à la bande-annonce. À noter que la version proposée n’est pas une VF mais une VOSTFR, et c’est tant mieux ! Le boîtier du coffret est également plutôt sympathique, avec de belles couleurs rappelant un coucher de soleil sur Mars – mais je ne pourrai pas en dire davantage car je n’ai pas eu la chance de l’avoir eu en main. Le Blu Ray que j’ai, lui, bien eu en main, est décoré d’une photo de la créature. Bref, il s’agit d’une belle édition pour un long-métrage qui n’a pas spécialement passé l’épreuve du temps, mais qui a néanmoins marqué l’histoire du cinéma…A sa manière.

 


A propos de Andie

Pur produit de la génération Z, Andie a du mal à passer plus d'une journée sans regarder un écran. Ses préférés sont ceux du cinéma et de la télévision, sur lesquels elle a pu visionner toutes sortes d'œuvres plus étranges et insolites les unes que les autres. En effet, elle est invariablement attirée par le bizarre, le kitsch, l'absurde, et le surréaliste (cela dit, pas étonnant lorsque l'on vient du plat pays...). Ne vous attendez surtout pas à trouver de la cohérence dans ses choix cinématographiques... Malgré tout, elle a un faible pour les comédies romantiques et les films surnaturels. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/riobs

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