Récemment ressorti chez nos amis de Elephant Films, retour sur l’un des grands films de science-fiction des années cinquante, Le Météore de la Nuit (1953) réalisé par Jack Arnold.
Oeil pour Oeil
Adapté d’une histoire jamais publiée de Ray Bradbury – surement l’un des plus grands auteurs de romans d’anticipations et d’horreur – et intitulée The Meteor, Le Météore de la Nuit est par ailleurs l’un des plus célèbres films de science-fiction des années cinquante. Réalisé par Jack Arnold qui n’avait alors pas encore réalisé ses grands films que sont : L’Etrange Créature du Lac Noir (1954), La Revanche de la Créature (1955), Tarantula ! (1955) ou le plus célèbre, L’Homme qui rétrécit (1957) il est surtout l’un des premiers films réalisé avec le procédé du relief 3D par Universal, que le réalisateur avait déjà expérimenté dans son polar Le Crime de la Semaine (1953) et qu’il réemploiera d’ailleurs dans ses deux films suivants dont nous vous avons déjà parlé à l’occasion, déjà, d’une réédition par Elephant Films dans son catalogue Monster Club. Le Météore de la Nuit raconte l’histoire de John Putnam (Richard Carlson), un écrivain accessoirement aussi astronome amateur qui, accompagné d’une jolie institutrice (Barbara Rush) est témoin de l’effondrement sur terre d’une météorite. Après avoir visité le site du crash ils remarquent à l’intérieur du cratère un objet étrange. Très vite, ils comprennent que ce qu’ils croyaient être une météorite est en réalité un engin extraterrestre. Ses occupants, des extraterrestres peu reluisants n’ayant aucune chance de passer inaperçus sur Terre, parviennent, grâce à un de leur pouvoir, à prendre forme humaine. Pour cela, ils capturent des êtres humains et leur volent leurs identités. En se métamorphosant ainsi, ils pensent pouvoir se procurer plus aisément les matériaux indispensables à la réparation de leur engin.
L’une des raisons principales de l’entrée du Météore de la Nuit au panthéon des films de science-fiction cultes tient vraisemblablement d’abord à ses créatures particulièrement originales. Sortes de globes oculaires géants, les extraterrestres du film n’ont pas vraiment d’équivalence dans la galaxie du septième art, si bien qu’ils ont été de nombreuses fois parodiés – la dernière fois en date étant dans l’amusant Moonwalkers (Antoine Bardou-Jacquet, 2016). Néanmoins, en dehors de ses créatures étonnantes, le film est intéressant parce qu’il présage à bien des égards ce qui fera la force du cinéma de Jack Arnold, à savoir, traiter de l’actualité brûlante de son époque, secouer les mœurs, questionner les travers de la société américaine des années cinquante. Ici, c’est la peur de l’autre qui est au cœur du sujet, le réalisateur vilipendant une société américaine paranoïaque et xénophobe, en pleine Guerre Froide où la peur du rouge et de sa puissance atomique, terrorisent les États-Unis. Réalisateur résolument progressiste et idéaliste, Jack Arnold n’a eu de cesse tout au long de sa carrière de mettre le spectateur dans la peau du monstre, du moins l’amener à avoir une certaine empathie pour lui – voir nos articles sur la créature du lac noir. Ici encore, par l’utilisation assez novatrice pour l’époque de la caméra subjective, adoptant le point de vue de l’alien, Jack Arnold amène le spectateur à questionner son propre rapport à l’autre, à l’étranger. Humanistes, les films de science-fiction de Jack Arnold ne surfent pas bêtement sur les peurs de l’Amérique des années cinquante, mais en questionnent d’abord la morale, flirtant ainsi très souvent autant avec le mélodrame qu’avec le film catastrophe. Pas étonnant, donc, que ce film soit l’un des films de chevet de réalisateurs comme Steven Spielberg – on pense beaucoup à E.T L’Extraterrestre (1982) dont le pitch et la propension aux élans mélodramatiques le rendent quand même assez proche de son aîné – ou bien encore Joe Dante – ce dernier nous ayant expliqué lors de son passage au Festival International du Film d’Amiens que le film de Jack Arnold a été une révolution dans son parcours de jeune cinéphile : le premier n’ayant de cesse, au fil de sa longue carrière, de traiter l’histoire américaine souvent par le prisme de la science-fiction, quand l’autre s’amusait à travestir les travers de la société américaine en de joyeuses farces loufoques et/ou macabres.
Encore une fois, Elephant Films nous gâte en allant chercher dans les tréfonds du catalogue Universal des titres légendaires du cinéma de genre, désormais considérés comme des classiques, mais néanmoins assez rares en vidéo. Cette édition Blu-Ray, la première en France, est une nouvelle fois irréprochable. Proposée en version originale et/ou française, le film bénéficie d’une qualité d’image plus que correcte et d’un son mono des plus clairs. Petite réjouissance, en supplément, une interview d’un des grands spécialistes du cinéma de genre en France, Christophe Lemaire, qui brièvement nous donne quelques axes de lectures du film. On regrettera peut-être qu’aucune version ne propose le master en relief dans une édition Blu-ray 3D dont le film mériterait les faveurs. Soit, s’il ne s’agit pas du meilleur film de son auteur, Le Météore de la Nuit est un des films que tout amateur de science-fiction, qui plus est de Jack Arnold, et qui plus est de Bradbury, se doit d’avoir dans ses étagères.
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