Les éditions Rimini nous proposent de (re)découvrir Mutant (John “Bud” Cardos, 1984), un film atypique des années 1980 méconnu du grand public, à travers un sublime coffret qui lui rend justice.

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Toxic Town
Si le cinéaste John “Bud” Cardos est peu connu chez la plupart des cinéphiles, il demeure un petit artisan efficace de la série B dont le travail mérite un coup d’œil. Cardos a commencé sa carrière comme cascadeur spécialisé dans les acrobaties à moto, avant de se lancer dans la réalisation à la fin des années 1970 en signant le film de science-fiction horrifique L’horrible invasion (1979) qui connaît un certain succès auprès du public comme de la critique. Après cette première expérience réussie, il continue dans les cinémas de genres en réalisant quelques productions d’épouvante – dont The Dark (1979), Le Jour de la fin des temps (1979), Skeleton Coast (1988) – avant de prendre sa retraite en 1990. Malgré le fait qu’il possède un talent indéniable pour la réalisation, il ne faut pas oublier que John “Bud” Cardos est avant tout un réalisateur de studio qui concocte exclusivement des films de commande.

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A ce titre, son Mutant (1984) est un film d’horreur des années 1980 très représentatif de cette époque, avec son faible budget et sa violence outrancière. Pourtant, il parvient à tirer son épingle du jeu grâce à son scénario. L’histoire suit deux frères, Josh (Wings Hauser) et Mike (Lee Montgomery), qui se retrouvent coincés dans une petite ville envahie par des mutants après un accident de voiture. Ils sont confrontés à des habitants hostiles, à un shérif alcoolique et à des mutants affamés de chair humaine. Bien que l’histoire puisse rappeler Le Retour des Morts Vivants (Dan O’Banonn, 1985) , qui sortira un an après Mutant, le film de John “Bud” Cardos délaisse le gore qui tâche pour livrer un véritable récit de terreur. Le long-métrage commence lentement, mais parvient à créer une atmosphère d’angoisse et de suspense. Au fur et à mesure que le scénario avance et que la menace des mutants devient de plus en plus réelle, le récit bascule dans une atmosphère gore qui va crescendo, notamment dans une scène hallucinante où des « mutants » attaquent un groupe d’enfants. Cette montée en puissance de la violence renforce l’horreur ressentie par le spectateur. On pouvait avoir une crainte quant à la l’apparence des Mutant au vue du faible budget, les premières images dissipent pourtant nos doutes. Il faut noter l’excellent travail de Eric Fiedler, qui travaillera plus tard sur Men In Black (Barry Sonnenfeld, 1997) et Planet Terror (Robert Rodriguez, 2007), livrant ici un travail de maquillage à la fois effrayant et inquiétant.
Si la parenté avec les grands noms du cinéma d’horreur comme George A. Romero et Lucio Fulci est évidente, John Bud Cardos lorgne surtout vers le cinéma horrifique et post-apocalyptique des années 1950. En effet, on peut reconnaître des atomes crochus avec des films comme L’invasion des profanateurs de sépultures (Don Siegel, 1956) ou Les monstres attaquent la ville (Gordon Douglas, 1954) dont le récit horrifique était une parabole de la Guerre Froide et de la menace nucléaire qui rendait paranoïaques les Américains. Ici, les mutants sont une parabole non plus de la menace nucléaire, mais des problèmes environnementaux. Rappelons qu’à l’époque de la réalisation de Mutant, on venait à peine de prendre conscience de ces enjeux, et il est donc assez logique que le film intègre – comme beaucoup d’autres à la même période – cette problématique au cœur de son intrigue. C’est cette hybridation entre les codes propres au cinéma des années 1950 et les éléments gore du cinéma des années 1980 qui rend Mutant beaucoup plus intéressant qu’un simple film d’horreur indépendant. En réintroduisant des codes qui semblaient désuets, bien que cela semble contre-intuitif, le réalisateur parvient à créer un récit original et proposer une approche innovante à un genre qui en avait bien besoin.
Fidèle à ses standards, Rimini Editions offre au film un écrin stylisé en combo DVD et Blu-Ray, proposé dans un master vidéo et audio plus que correct. On regrettera l’absence de bonus, mais apprécierons toutefois le livret de 24 pages très complet et parfaitement documenté « John ‘Bud’ Cardos, le cow-boy dans l’horreur » rédigé par Marc Toullec, journaliste spécialisé dans les cinémas de genres, revenant sur la production du film et le cinéma horrifique de l’époque. Encore un titre rare proposé par l’éditeur qui continue d’élargir son catalogue dédié au cinéma d’horreur.