Les films de found footage à base de gros badaboom et de trucs qui sautent dans le noir ça me passe par dessus la tête, mais les jours de grosses chaleurs on est prêts à accepter n’importe quoi pourvu qu’il y ait la clim. Je suis même allée voir un film avec Kev’ Adams une fois c’est vous dire. Du coup je n’attendais rien d’autre d’Unfriended que le plaisir d’un petit vent frais sur ma nuque tatouée et mes jambes nues. Et, à ma grande surprise, le film fut aussi rafraîchissant que la climatisation.
#EnjoyLauraBarns
Subtil mélange entre Souviens-toi l’été dernier (Jim Gillespie, 1997) et The Blair Witch Project (Eduardo Sánchez, Daniel Myrick, 1999), Unfriended, deuxième réalisation du russe Levan Revazovitch Gabriadze (la première étant l’inconnu Vykrutasy, 2011) se pose la question de l’utilisation abusive des réseaux sociaux et des dérives qui en découlent. Ivre, Laura Barns parle trop fort et finie endormie dans ses propres déjections à la fin de la soirée. Des amis pas trop amicaux la filment, postent la video sur Youtube ce qui entraîne un lynchage international, injures proférées sous couvert d’anonymat poussant la jeune adolescente au suicide. Suicide filmé et posté à son tour sur la plateforme de partage de vidéos. Cette dernière ouvre le film, visionnée sur l’ordinateur d’une adolescente qui attend l’appel Skype de son petit copain. Son écran sera le nôtre, l’écran du public. A ma connaissance c’est le premier film distribué à utiliser ce procédé pour l’intégralité du film. Procédé qui pourrait être casse-gueule et lassant mais qui ici est employé de manière tellement simple qu’on ne peut qu’être pris dans la vie de Blaire. Pas de zooms, de déplacements de caméras, contrairement au plutôt Moyen, Open Windows (Nacho Vigalondo, 2014) simplement la capture de l’écran et rien d’autre. En pleine conversation Skype Blaire et ses amis sont rejoints par un mystérieux inconnu sans webcam qui utiliserait le compte de la défunte, défunte qui communique à nouveau par messages privées Facebook et mails.
L’adolescente manipule la majorité des réseaux sociaux existants, passant de Facebook à Imessage, utilisant Spotify et Youtube, Skype, Instagram jusqu’à même utiliser ce Chatroulette que je pensais mort. La navigation entre ces réseaux dévoile la personnalité de Blaire (que nous avons tous, faites pas genre) qui dit une chose sur Skype et se contredit dans un Imessage. Elle surfe (ça se dit encore « Surfer »?) sur des forums de paranormal pour se renseigner sur les morts qui envoient des messages et poussent au suicide. Seul moyen de terminer cette affaire, avouer. Le hic c’est qu’ils sont tous coupables d’immondices les uns envers les autres et pas seulement envers la défunte Laura, fil conducteur de la conversation Skype de 80 minutes. Twist final (et là tu t’arrêtes si tu ne veux pas être spoilé) après avoir vendu la mèche et balancé son mec, Blaire se fait piéger une dernière fois par l’esprit qui poste sur le compte Facebook de cette dernière, la véritable fin de la vidéo qui à conduit Laura au suicide : c’était Blaire, sa BFF, qui a filmé. Arroseur, arrosé, les commentaires fusent et elle est victime à son tour de cyber-intimidation. Le film aurait été parfait si on s’était arrêté là mais malheureusement il dure trois secondes de trop, trois secondes durant lesquelles des mains décharnées viennent fermer l’écran et un visage tuméfié saute au cou de Blaire. Dommage parce que moi si j’avais été l’esprit, j’aurais vachement préféré que Blaire se fasse pourrir la vie jusqu’à ce qu’elle songe elle-même au suicide. C’est plus cruel, enfin chacun fait ce qu’il veut mais en tout cas pour la morale du film ça aurait été quand même un peu mieux.
Le film s’est créé au montage et le réalisateur ne s’en cache pas. Muni de 6 plans séquences de 90 minutes, ce dernier a réalisé un véritable travail de création. Pas de sons inutiles (à part un léger bruit d’interférence à des moments clefs), la bande son est amenée par Spotify et souvent par l’esprit lui-même, qui s’amuse à lancer des chansons, ironisant avec la situation des personnages (How you lie lie lie de Connie Conway, par exemple, lorsque tous les secrets se dévoilent) de légers bugs quand la wifi rame, des pop-ups relous, les plateformes de réseaux sociaux ne sont pas renommées, tout est fait pour nous faire croire sans problème d’immersion à l’horrible aventure que Blaire et ses copains vont vivre. Pour ce qui concerne le DVD ne comptez que sur l’option VF/VOST, la galette étant totalement dépourvue de bonus, certainement à cause d’un tournage rapide du film (une dizaine de jours) à distance (le réalisateur guidait ses acteurs via oreillettes et Skype, Ô ironie, de Russie) et d’un budget extrêmement limité (1 million de dollars).