On ne compte plus le nombre d’adaptations cinématographiques de notre cher Stephen King. Entre remakes, prequels et autres inspirations pompeuses… On ne sait plus où donner de la tête ! Et bien, Lindsey Anderson Beer ne déroge pas à la règle, nous plongeant dans les bas-fonds de Ludlow avec le bien nommé Simetierre : aux origines du Mal (2023). Mais cela valait-il la peine de creuser ?
Sauve qui creuse
Réinventer Stephen King est un pari audacieux, surtout lorsqu’on s’attaque au chapitre d’un de ses livres les plus réussis. Après l’adaptation plus que limite de Simetierre (2019) par Kevin Kolsch et Dennis Widmyer et un souvenir indétrônable de la version signée Mary Lambert – laissant toute une génération traumatisée par ce fameux talon d’Achille et les appels lancinants de la sœur de Rachel – Lindsey Anderson Beer reprend les mêmes ingrédients et fait monter la sauce. Les tombes, les masques d’animaux, les cadavres de chats, la voix off en guise de résumé introductif et le vieux cimetière micmacs, pas de doutes, nous sommes bien à Ludlow. Ah… J’oubliais le camion, lui aussi est déjà là, on en reparlera. Et puis… Super ! Creedance Clearwater Revival, on a le sourire, ça va sûrement être bien après tout, laissons nos préjugés de côté.
À peine décidé à quitter sa ville natale, Jud Crandall (Jackson White) et sa petite amie Norma (Natalie Alyn Lind) se retrouvent confrontés à un vieil ami d’enfance Timmy, tout juste revenu du Vietnam – et non sans subtilité, enterré dans le vieux cimetière indien dès l’introduction – et quelque peu dérangé. Peu à peu, des phénomènes étranges se manifestent, Jud ne partira pas, il doit percer le mystère qui plane depuis bien trop longtemps sur Ludlow. Le film pose une atmosphère mystérieuse sur la première partie, qui marche plutôt bien, et puis c’est la dégringolade. Les enjeux sont faibles, voire inexistants, à contrario du roman original, poussant les personnages dans leur retranchement, dans l’intime, avec le postulat puissant, de l’humain face à l’acceptation de la mort. Ici, il n’en est rien… Et ne vous inquiétez surtout pas, le mystère est éclairé très rapidement. C’est bien là tout le problème, à vouloir trop expliquer les choses, on assiste à une démystification et le concept de l’histoire originale s’en voit complètement annihilé. Là où le spectateur pouvait encore faire travailler son imaginaire et façonner sa peur dans l’ombre, malheureusement, c’est à coup de lampe torche qu’on éclaire toutes les zones sombres. Et c’est pour mieux nous perdre, tant ces zones sont vides ! C’est tristement dommage qu’à la lecture, on pourrait y développer des pistes beaucoup plus intéressantes. Sur le thème du retour du soldat, avec l’aspect post-traumatique de la guerre – d’ailleurs traité avec superbe dans Le mort-vivant (Bob Clark, 1974) – et propos plus qu’actuel au vu du contexte géopolitique mondial. Ou encore, la culpabilité des Américains face au massacre des Amérindiens. Mais il en résulte des pistes parsemées tout au long du récit avec superficialité, sans apporter une réelle attention, décrédibilisant tout ce qu’elles représentent. Et c’est un vrai problème, car il s’en dégage l’impression de cocher des cases pour répondre à une charte, plutôt qu’un réel engagement.
Alors on masque, on camoufle. Les effets sont là, pour combler un creux. À commencer par ces fameux camions, qui passent et repassent, encore et encore. Sorte de clin d’œil à l’histoire originelle, beaucoup trop appuyé, qu’on n’oserait même pas faire à un ami après une vanne de mauvais goût. Et puis, quelques séquences plutôt gores qui sont peut-être le seul point positif du film. Les effets et maquillages sont eux aussi plutôt réussis et tentent de nous détourner de l’écran lorsque s’ouvre l’appétit de Timmy. Mais cela ne sauve en rien le récit, le travail sonore d’une voix/entité démoniaque, représentation d’un mal ancestral, sera la seule chose à se mettre sous la dent. On ne va pas plus loin, sorte d’impression qu’il faut peut-être encore une fois éviter de creuser là où il ne faut pas.
Fidèles à la construction des romans de Stephen King – où les personnages sont fouillés, travaillés, nombreux, se croisent, s’entremêlent et donnent toute leur puissance au récit – les auteurs (Lindsey Beer et Jeff Buhler) tentent d’appliquer la même recette. Mais y échoue… Les personnages sont fades, lisses, sans intérêts et l’on peine à croire la véracité des relations qui les lient. Un David Duchovny complètement effacé, une Pam Grier faussement badass et Henry Thomas bien loin des années 80 et des personnages de Mike Flanagan. L’exercice avait pourtant été bien réussi dans Les sermons de minuit (Mike Flanagan, 2021), reprenant le même schéma et s’inspirant très ouvertement de l’univers de King. Dans Simetierre : aux origines du Mal, notre bande de sauveurs sociopathes ne suscitent aucune attache, aucune empathie et disparaissent sous nos yeux sans cligner de l’œil, faisant basculer le film sur son dernier tiers en un slasher dénué de toute originalité. Les séquences s’enchaînent alors, sans queue ni tête, rythmées par des flashbacks pompeux et des fausses bonnes idées, jetées au visage du spectateur sans explication plausible. Pas même le montage et les cadres ne pourront vous sauver, tant ils sont dénués de sens, vides, donnant l’impression d’un florilège de plans posés à la va-vite et montés sur un rouleau défilant à toute allure, façon usine de conserve du Sud-Ouest. La notion de nanar s’immisce alors dans notre esprit et l’on s’en veut de ne pas l’avoir introduit plus tôt, trop naïf peut-être, ou bien l’espoir d’une adaptation enfin réussie ?
Je préfère la version de 1989, mais celle-ci était très bien aussi. Toutefois, certains passages auraient pu être mieux développés. Il manque, néanmoins, plusieurs passages du roman, ce qui est dommage.