The Bay 5


Entre sa casquette de producteur et celle de réalisateur (les deux qu’il enfile le plus souvent, son activité s’étendant bien au-delà), Barry Levinson continue de passer d’un genre à l’autre, en revenant cette fois-ci à l’horreur après une première expérience qui remonte à quinze ans. Et bien qu’il soit âgé de soixante-dix ans, le cinéaste choisit une manière de mettre en scène son film qui est propre aux années 2010 : le found footage.

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Not another found footage movie

On a tous été, au moins une fois dans notre vie, amenés à voir et à aimer un film de Barry Levinson : qu’il s’agisse de Rain Man, Sleepers, Good Morning Vietnam, Des hommes d’influence… On lui doit tous ces grands films, et on a souvent tendance à oublier ses œuvres les plus récentes, passées plus inaperçues chez nous au profit des films et des séries dont il est uniquement producteur – il produit toutes les séries de Tom Fontana. La première (et la dernière) fois  qu’il s’est attelé à un film à tendance horrifique, c’était pour le sous-estimé Sphère, dans lequel Dustin Hoffman, Sharon Stone et Samuel L. Jackson découvraient un vaisseau spatial au fond de l’océan, et qui n’a eu aucun succès, ni critique, ni public. Avec son nouveau film, il fait renaître la peur de l’eau et de ce qui s’y trouve à l’intérieur : The Bay est un faux documentaire en found footage qui retrace la journée sanglante du 4 juillet 2009 dans la petite ville côtière de Chesapeake, durant laquelle la majorité des habitants de la ville ont mangé du poisson infecté par une bactérie qui leur a été fatale.

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Après trois films en compétition aussi mauvais les uns que les autres, je dois reconnaître que j’avais énormément d’espoir dans ce film, ne serait-ce que pour la signature Barry Levinson, déjà un gage de qualité en elle-même. Mais il faut dire la vérité : je suis allergique aux films de found footage. Et pourtant, il faut reconnaître que The Bay utilise très bien cette technique ; si Levinson n’innove pas, il a au moins le mérite de se servir intelligemment des possibilités offertes par le found footage, ce qu’aucun cinéaste de l’horreur n’a eu l’idée de faire auparavant. Balaguero, Plaza, Reeves (pour ne citer que les talentueux) et les autres, aucun de tous ceux-là n’a eu l’idée de faire un film mélangeant les supports, les formats. En fait, le seul qui y ait déjà pensé, c’est le maître De Palma dans son excellent Redacted qui est un film… de guerre. Mais dans le domaine de l’horreur, c’est encore du jamais vu, et c’est dommage, parce que ça fonctionne très bien.

Levinson fait balancer son film entre conversations Skype, reportages télé, caméras de surveillance, vidéos de vacances filmés avec un caméscope… Et avec tout cela, il se réapproprie deux notions qui étaient censées être la base et le moteur même du film de found footage : la cohérence et le réalisme ; et il le fait brillamment, en présentant d’emblée son film comme un documentaire, réalisé par l’une des survivantes du carnage de Chesapeake (et l’une des protagonistes de la suite du film, donc). Quoi de mieux qu’un documentaire pour coller à la réalité d’un événement que l’on souhaite relater ? Cette frontière entre fiction et réalité est entièrement effacée, et Levinson et son scénariste Michael Wallach plongent le spectateur dans une « vérité vraie » assez troublante tellement elle semble palpable. Avec ce nouveau film, le cinéaste respecte encore une fois son engagement jusqu’au bout : il veut livrer un documentaire, et c’est ce qu’il fait. Là où n’importe qui d’autre aurait privilégié, sur le même modèle, des éléments horrifiques et des jump scares plus ou moins faciles (il y en a quand même, ne vous réjouissez pas trop vite), Barry Levinson passe d’un format à l’autre pour introduire consciencieusement l’élément inquiétant du film, à savoir les poissons et la bactérie qui les a infectés.

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Le réalisateur arrive à faire émaner une certaine peur à travers son film, même si elle n’est pas frontale : en multipliant les points de vue et les formats, il donne plus de profondeur au cauchemar. Et qui dit documentaire dit également opinion personnelle, et Levinson ne s’est pas privé d’introduire le sien dans The Bay, en alliant celui-ci à la peur, justement. A l’instar d’un Cronenberg (bien que l’œuvres des deux cinéastes soit assez opposée), l’horreur provient de l’infection, de l’infiltration dans les corps, et c’est là que Levinson frappe pour exposer son point de vue. The Bay, c’est, en filigrane, un film sur la nature qui se rebelle contre l’humain qui essaie de la dominer et, par conséquent, de la détruire ; un film d’horreur écolo, oui. Et dès qu’il le peut, il donne un petit coup de pied dans la fourmilière du gouvernement, qu’il porte parmi les responsables de cette irresponsabilité, mais qu’il tacle aussi dans son incapacité à gérer certaines situations. Quand Barry Levinson s’essaie à l’horreur pure et simple, c’est assez brillant et ça fait réfléchir.


A propos de Valentin Maniglia

Amoureux du bis qui tâche, du gore qui fâche, de James Bond et des comédies musicales et romantiques. Parle 8 langues mortes. A bu le sang du Christ dans la Coupe de Feu. Idoles : Nicolas Cage, Jason Statham et Michel Delpech. Ennemis jurés : Luc Besson, Christophe Honoré et Sofia Coppola.


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