Run Rabbit Run


Sortie Netflix plutôt discrète, Run Rabbit Run (Daina Reid, 2023) est un petit film d’horreur psychologique australien à l’équipe et au casting majoritairement féminins. Malgré une storyline plutôt prometteuse – l’histoire aborde les sujets de la vie antérieure, de la maternité et des traumas d’enfance – le long-métrage reste dans les conventions de son genre, et peine à nous surprendre, nous posant ainsi…un lapin.

Une petite fille est en robe d'été, elle porte un masque découpé dans du papier rose, représentant un lapin de manière grossière ; derrière elle un champ et le ciel bleu ; Run Rabbit Run.

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Alice in the land down under

Il était une fois une mère divorcée du nom de Sarah qui vit avec sa fille de sept ans, Mia. Après avoir recueilli un lapin blanc qui était mystérieusement apparu devant leur porte, Mia commence à avoir des comportements de plus en plus étranges. Elle affirme à sa mère qu’elle s’appelle en réalité Alice – du prénom de sa tante, disparue lorsqu’elle était encore enfant, dont Mia est supposée ignorer l’existence – et adopte des comportements qui inquiètent de plus en plus sa mère… Tout commence avec une idée qui a germé dans la tête de l’autrice australienne à succès Hannah Kent. Inspirée par des récits d’enfants qui affirment se souvenir d’avoir été quelqu’un d’autre lors d’une vie antérieure, Kent souhaitait écrire un roman, mais après avoir croisé la route des productrices Anna McLeish et Sarah Shaw, son idée s’est transformée peu à peu en scénario à mi-chemin entre le drame psychologique et le film d’horreur. Pour apporter cette idée à l’écran, ces dernières ont fait appel à Daina Reid, qui s’était jusqu’alors distinguée par son travail sur des épisodes de séries, notamment La servante écarlate (Bruce Miller, 2017 – présent) pour lequel elle a été nominée aux Emmy Awards en 2019. Ensuite, le choix de celle qui donnerait vie au personnage principal de cette histoire s’est porté sur l’actrice Sarah Snook, australienne elle aussi, et que le reste du monde a pu voir dans le cinquième épisode de la troisième saison de Black Mirror (Jakob Verbruggen, 2016), ou encore dans le film d’horreur Jessabelle (Kevin Greutert, 2014). S’il est certain que le cinéma australien n’est pas celui qui nous arrive le plus de ce côté du monde, il nous arrive de recevoir quelques pépites de cette île qui abrite de nombreux talents !

Une petite fille et sa mère vues de dos, sur un petit ont grillagé qui surplombe un lac avec de petits îlots ; scène issue du film Run Rabbit Run.

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Malheureusement, Run Rabbit Run ne rentre pas dans cette catégorie, et la raison est très simple : il nous montre principalement des choses qui ont déjà été vues auparavant… En effet, en regardant ce film, il est impossible de ne pas faire le parallèle avec l’excellent Mister Babadook (Jennifer Kent, 2014), qui avait surpris tout le monde à l’époque. Tous deux nous peignent le récit de mères qui élèvent seules leur enfant extrêmement perturbé et qui sont un peu plus au bout du rouleau à chaque minute qui passe. Le fait de dresser un portrait de la maternité moderne en mettant en lumière des mères dépassées par les événements – surtout quand il s’agit d’événements surnaturels – et qui commettent des erreurs est évidemment plus que nécessaire car cela permet de contraster avec cette image de la mère exemplaire restée pervasive pendant trop longtemps dans l’industrie cinématographique. Rien que pour cela, Run Rabbit Run vaut le détour. De plus, Hannah Kent nous fournit une représentation de plusieurs générations de relations mère-fille compliquées, en nous présentant la relation brisée de Sarah avec sa propre mère, toutes deux endommagées après la disparition d’Alice. Mais le reste parvient difficilement à nous tenir en haleine, ce qui est vraiment dommage car le pitch de départ semblait avoir tant à nous offrir… Le film s’accroche aux éléments qui font habituellement le succès de l’horreur psychologique : la lente descente dans la folie, la coupure avec le monde extérieur, les dessins hyper inquiétants faits par l’enfant, etc. Il y a donc beaucoup de moments attendus, qui ne nous surprennent pas tellement lorsqu’ils arrivent, d’autres qui sont attendus mais qui nous surprennent quand-même – notamment par la violence insoupçonnée – et d’autres encore qui ne sont pas attendus du tout et qui sont les bienvenus pour apporter un peu de punch.

Plan large sur un couloir sombre, dans une maison à peine éclairée par la lumière du soleil ; au bout du couloir, vieillot et désert, une jeune fille court vers nous ; plan du film Run Rabbit Run.

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Cela dit, les faiblesses de l’histoire sont compensées par le bon travail de la photographie et de la réalisation. La mise en scène est propre et nous plonge dans une ambiance d’inquiétante étrangeté, accentuée par la désolation des paysages de la campagne australienne. Quant aux points de vue, leur variété permet d’embarquer les spectateur.trices dans le récit, leur donnant tantôt un rôle d’observation dans les scènes de conflit tantôt les plaçant au cœur du ressenti de notre personnage principale, prêt.es à sombrer dans la folie avec elle. La caméra capture en effet très bien la détresse de Sarah, très justement interprétée par Sarah Snook, et nous balance ainsi entre rêve et réalité. Il faut tout de même reconnaître que le rythme de la narration nous laisse le temps d’assembler les pièces du puzzle en ne nous révélant les informations nécessaires qu’au moment voulu. Même si, au fond, on se doute d’où l’intrigue essaie de nous emmener après avoir observé ce genre de schéma dans bon nombre d’autres œuvres, cela reste assez appréciable de ne pas se sentir précipité.e. Puis vient le grand final, qui soulève plus de questions qu’il n’apporte de réponses, ce qui est quelque peu énervant vu tout le cheminement que l’on vient de parcourir. Bref, Run Rabbit Run possède donc des bons côtés et des moins bons côtés, qui s’équilibrent entre eux pour créer un film qui n’est ni tout à fait bon, ni tout à fait mauvais. On aurait aimé que la scénariste nous sorte un lapin de son chapeau.


A propos de Andie

Pur produit de la génération Z, Andie a du mal à passer plus d'une journée sans regarder un écran. Ses préférés sont ceux du cinéma et de la télévision, sur lesquels elle a pu visionner toutes sortes d'œuvres plus étranges et insolites les unes que les autres. En effet, elle est invariablement attirée par le bizarre, le kitsch, l'absurde, et le surréaliste (cela dit, pas étonnant lorsque l'on vient du plat pays...). Elle apprécie particulièrement les univers cinématographiques de Michel Gondry, Jaco Van Dormael, et Guillermo Del Toro. Ses spécialités sont le cinéma fantastique et les documentaires. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/riobs

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