En ces temps de confinement, cloués malgré vous à vos canapés et/ou lits, il est de circonstance de vous parler de Patrick. Non ce n’est pas mon tonton, ni un célèbre chanteur français, mais le titre d’un film culte de la Ozploitation (exploitation australienne) sorti en 1978, qui mérite sa place dans votre planning de survie à l’ennui. Et justement, pour se faire, l’éditeur Rimini le gratifie d’un magnifique coffret.
Bah alors, on attend pas Patrick ?
Vous ne nous en voudrez pas de ne pas vous faire un rappel historique concernant la Ozploitation, car nous aurions l’impression de nous répéter. Et pour cause, coïncidence, hasard ou mystérieuse passion soudaine pour l’exploitation australienne, on constate ces derniers mois une déferlante de re-sorties des titres majeurs du genre. Nous vous avions déjà parlé des titres édités par Le Chat qui Fume – Fair Game (Mario Andreacchio, 1986), Next of Kin (Tony Williams, 1982) – et chez Carlotta – Razorback (Russel Mulcahy, 1984) – c’est désormais à un autre éditeur qui fait vraiment pas genre de livrer deux titres, à commencer par Harlequin (Simon Wincer, 1980) et celui qui nous intéresse ici, sûrement l’un des plus cultes, Patrick (Richard Franklin, 1978). Si toutefois vous souhaitez en savoir plus sur la Ozploitation, les articles pré-cités pourront certainement vous donner plus de précisions historiques et analytiques. Pour l’heure, parlons de notre cher Patrick, jeune homme tétraplégique plongé depuis plusieurs années dans un coma profond. Malgré son état végétatif, le personnel de l’hôpital privé dans lequel il occupe un lit de ré-animation (alors que franchement, on en manque) refuse de le débrancher. Et pour cause, le médecin en chef de l’institut entend bien marquer son nom au fer rouge de l’histoire de la science et de la médecine, en expliquant ce qui se passe concrètement au moment où la vie quitte un corps, utilisant alors Patrick comme cobaye pour parvenir à ses conclusions. Dans ce contexte très éthique, débarque Kathy, jeune infirmière à qui l’on donne la charge de ce jeune patient. Fasciné par ce cas médical, Kathy va découvrir peu à peu que si Patrick a perdu l’usage de ses cinq sens, il en a développé un sixième… Celui de la télékinésie.
Le film est mis en scène par un certain Richard Franklin, grand admirateur du maître Alfred Hitchcock, qui fait alors ses armes à la télévision australienne (Franklin, pas Hitchcock, t’as suivi). Franklin se voit offrir de réaliser le scénario d’un certain Everett de Roche, l’homme derrière beaucoup des scénarios de productions qui feront la renommée de la Ozploitation qu’il s’agisse de Long Week-End (Colin Eggleston, 1978), le déjà cité Razorback (Russel Mulcahy, 1984) et le film suivant de Franklin, Déviation Mortelle (1981) avec Jamie Lee Curtis. Unanimement considéré brillant parce qu’ambitieux – entendre que le film se voulait pas australien pur jus, mais ambitionnait clairement de faire la nique aux américains sur leur propre terrain – le scénario convainc la jeune starlette anglaise Susan Penhaligon – qui sortait tout juste du succès du Sixième Continent (Kevin O’Connor, 1975) – et d’un habitué du cinéma de Michael Powell, l’excellent Robert Helpmann, qui incarne ici une figure réinventée du savant fou. Le sérieux avec lequel le film est exécuté, autant d’un point de vue de la réalisation, de l’interprétation, comme des effets spéciaux – signés de l’américain Conrad Rothmann – lui permet certainement de conserver toute sa puissance aujourd’hui. Car même si son pitch peut faire sourire et nous faire anticiper une série B racoleuse et brinquebalante, on ne peut que rétracter nos a priori et admirer toute la maîtrise dont Franklin fait preuve pour progressivement faire monter la tension et nous cueillir par ses effets. Malgré ses ressemblances avec un autre long-métrage sorti la même année qu’est La Grande Menace (Jack Gold, 1978) – des points communs fortuits selon les deux intéressés – c’est très clairement ce Patrick qui parvint à s’affirmer comme une référence du genre, au croisement de la science-fiction et des films mettant en avant les sciences occultes (ou pseudosciences) ainsi que le paranormal, très en vogue depuis le succès de L’Exorciste (William Friedkin, 1973). Son immense succès au Marché du Film à Cannes en 1979 – où il fut acheté par une centaine de pays – en témoigne, tout autant que ses prix prestigieux reçus dans deux des principaux festivals de cinéma fantastique à l’époque – Grand Prix à Avoriaz et Prix de la Meilleure Réalisation à Sitges. Son statut de petite pépite, bien que parfois passé au tamis du temps, a été remis sur le devant de la scène il y a bientôt vingt ans, quand un certain Quentin Tarantino a explicitement cité Patrick dans le patchwork cinéphile ultime que furent ces deux volets de Kill Bill (2003-2004).
Aujourd’hui, Rimini offre donc à ce film à voir et revoir, un coffret dense, comprenant une copie Blu-Ray (d’apparence non restaurée, c’est à préciser, l’image étant ponctuellement rayée et poussiéreuse, cela fera quand même plaisir à certains défenseurs de la sensation pellicule) et un DVD pour ceux qui sont toujours bloqués dans les années 2000, craignant devoir racheter toutes leur collection s’ils passent au lecteur Blu-Ray (on le redit, car oui, certains en doute encore ou l’ignore, vous pouvez lire vos DVD sur un lecteur Blu-Ray). Ce combo est augmenté d’un livret très complet écrit par Marc Toullec, très bon supplément aux compléments eux-mêmes présents sur les galettes, déjà bien riches, avec de très intéressants entretiens de l’époque avec le réalisateur, et plus récents avec le casting qui revient sur l’expérience du tournage. Une autre featurette précieuse, montre le cinéaste à l’oeuvre sur le plateau. Malgré le fait qu’elle ne présente pas un master « comme neuf », l’édition que nous offre Rimini est donc plus qu’honorable tant elle permet de redécouvrir un film mal-édité jusqu’alors, enrichi d’un contenu éditorial de qualité.