[Entretien] Jimmy Laporal-Trésor, pour un cinéma populaire et engagé


Après quelques courts-métrages réalisés et plusieurs scénarios adaptés par d’autres réalisateurs, Jimmy Laporal-Trésor s’est fait remarquer en début d’année avec son premier long-métrage très réussi : Les Rascals. L’ambition de ce film ne semble être que le début pour ce cinéaste doué, animé par une éthique sans faille et un amour profond de son medium : entretien à l’occasion de la sortie du film en Blu-Ray.

Un jeune homme vu de dos porte un veste bleue sur laquelle est inscrit le nom Rascals en jaune ; il joue au flipper ; scène du film les Rascals de Jimmy Laporal-Trésor.

© The Jokers Films

Populaire et engagé

Deux bandes de jeunes se font face dans un hangar désaffecté, prêts à en découdre, dans le film Les Rascals de Jimmy Laporal-Trésor.

“Soldat Noir” (2022) © The Jokers Films

Les Rascals n’a pas été un projet simple à monter. Tu es d’abord passé par un court-métrage, Soldat Noir, pour aider à faire financer le film, court-métrage qui a été nommé aux Césars notamment. Peux-tu revenir sur la genèse de ces deux projets ?

Dès le début, on savait que Les Rascals serait un film compliqué à faire puisqu’il s’agit d’un film d’époque, déjà. Ce qui coûte des ronds ! Et pour un premier film, c’est vrai que ce n’était pas le plus évident à faire. Et donc dans un premier temps, Manuel Chiche, le producteur, m’a dit que pour faire un film comme ça, sur le papier, il faudrait six ou sept millions d’euros, et que sur un premier film et pour un réalisateur qui n’a pas encore de nom, ça allait être compliqué. Donc au début, on m’a proposé de simplement le co-écrire avec Virak Thun et Sébastien Birchler, mes co-auteurs, pour le proposer ensuite à un réalisateur plus confirmé, pour pouvoir assurer les financements. On a joué le jeu tout en mettant sur chaque version la mention comme quoi je réalisais le film. Et arrivés à une version proche de la version finale, comme nous bossions ensemble depuis début 2018, Manuel Chiche m’a dit « Écoute, j’aime bien notre façon de bosser ensemble, ça avance bien, le projet est maitrisé et j’aime beaucoup ton premier court-métrage (Le Baiser, 2013) donc je te propose de faire Les Rascals. Mais je te le dis de suite, on n’aura pas six millions pour le faire, si on a la moitié, c’est bien… ». Même avec la moitié du budget, je le fais quand même ! La seule condition de Manuel : « Par contre, il faut que tu me fasses un court-métrage qui me montre que tu es capable de filmer les années 80 avec un petit budget ». Et c’est comme ça que Soldat Noir est né. C’était à la fois pour prouver que j’étais capable de filmer ces années-là, mais aussi pour avoir un argument de vente pour les chaines et les financiers. Le truc c’est que Soldat Noir s’est fait pendant la période Covid donc le tournage a été ajourné, retardé, ce qui fait qu’on a commencé le financement du long-métrage sans avoir terminé le court-métrage. Finalement, Soldat Noir a été une répétition générale avant Les Rascals puisqu’on a tourné le court en novembre 2020 et le long en juin 2021 avec à 90% la même équipe. Ce sont deux films qui ont un univers connexe mais ce sont deux histoires différentes. Les Rascals couvre une période allant de 1977 à 1986, au moment où la chasse aux skins commence dans les rues de Paris. Soldat Noir se passe en 1986 et on y fait un focus sur un groupe de chasseurs de skins dont tous les membres sont noirs. On traite du même décorum, les thématiques sont les mêmes mais on ne raconte pas vraiment pas la même chose. Les Rascals s’intéresse aux origines du problème, ce moment où les skins virent fachos, sur fond de jeunesse et de société en train de changer en 1984. Les codes ne sont plus les mêmes, la jeunesse n’écoute pas encore le hip-hop qui n’est pas encore développé mais plutôt du rock. Le cinéma français n’a jamais représenté la banlieue autrement que par la culture hip-hop, comme si ça avait toujours été comme ça. Et on avait envie de montrer cette France qui était déjà taraudée par ce racisme latent et patenté et par cette violence, alors que la jeunesse de la France périphérique était la même que celle du Paris intramuros. On y écoutait la même musique, on avait les mêmes manières. Ce qui nous intéressait, c’était de parler de cette société qui change à ce moment-là. Et en 1984, les bandes étaient très rockabilly, elles se retrouvaient autour de passions communes. Et à partir du moment où les bandes de skins se sont radicalisées, ça a changé la logique des bandes de rue. Les bandes ne se réunissaient plus par intérêts communs mais par besoin de se défendre. Ça a changé totalement la manière dont les jeunes se sont organisés et le tissu sociétal. On voulait raconter ce moment avec Les Rascals, et parler de la chasse aux skins plus précisément avec Soldat Noir. Sujet que l’on va développer prochainement dans un format série. On a décortiqué ça en plusieurs histoires, ce qui a pu dérouter le public sur Les Rascals qui pensait que l’histoire commençait là où le film se termine. Alors qu’on l’avait vraiment pensé comme ça et que la fin appelait une suite où justement on allait traiter une période où ces gamins rock n’roll allaient devenir des antifas, des gamins beaucoup plus radicaux. Et nous sommes en train de bosser sur cette suite d’ailleurs !

Les cinq membres de la bande des Rascals avec leur veste bleue et leur look vintage posent fièrement sur les tabourets d'un bar ; plan tourné par Jimmy Laporal-Trésor.

© The Jokers Films

Tu disais que la difficulté sur Les Rascals était le fait que ce soit un film d’époque, avec tout le travail de reconstitution des années 80, mais est-ce que le sujet lui-même, dans un contexte politique qui est celui de la France d’aujourd’hui, avec des replis identitaires, de la violence raciste, a contribué à la difficulté de monter le projet ?

C’est assez insidieux parce qu’on ne te le dit jamais vraiment mais oui, dans des commissions, on a senti des réticences, des résistances. On a d’abord vu ça sur Soldat Noir où des chaines ne comprenaient pas la colère du personnage principal et suspectaient que le film soit une incitation à la haine, à la violence urbaine ou à l’insurrection. Alors que c’est juste l’histoire d’un gamin en colère, tout est expliqué dans le film ! Et à chaque fois, il fallait expliquer nos intentions, ce que raconte le film. Il n’y avait pas une adhésion totale au propos alors que naïvement je pensais que c’était un film qui parlait de la lutte antiraciste de la rue, pas celle des urnes ou des politiciens. Une vision moins glamour, mais ça restait pour moi quelque chose d’audible. Mais je me suis rendu compte que ça n’était pas forcément le cas, donc il fallait vraiment éduquer, expliquer aux gens nos intentions. Et sur Les Rascals, j’ai entendu des choses assez différentes. Par exemple, la trame concernant Frédérique, cette plongée dans l’extrême-droite qu’elle représente, posait problème. Dans des commissions, on m’a demandé pourquoi les skins étaient « les méchants » – les skins des années 70 n’étant pas les mêmes que les skins des années 80, les fachos s’y sont largement installés, c’est documenté ! La première fois où l’on m’a fait la remarque, je me suis dit que c’est comme si je faisais un film sur la Seconde Guerre Mondiale et qu’on me reprochait que les Allemands soient les antagonistes, j’avais vraiment l’impression de devoir expliquer l’évidence. On me reprochait que le projet était manichéen, que les skins étaient les méchants, que je le traite comme ça à notre époque. Au moment où on est en financement, en 2020, j’ai l’impression que les gens n’avaient pas envie de voir qu’une montée identitaire poussait – alors que trois ans plus tard, difficile de ne pas la voir. Face à certaines commissions, j’avais l’impression de pisser dans un violon. Au final, on a réussi à plutôt bien faire financer le film parce que je pense qu’on a eu la chance d’avoir eu des personnes bien placées qui l’ont défendu. On a eu l’avance sur recettes, un préachat de Canal – Dominique Farrugia a tapé du poing sur la table pour nous défendre – et France 2, via Valérie Boyer qui a eu un coup de cœur, elle trouvait le film violent mais son propos nécessaire. On a fait finalement le grand chelem, mais le plus compliqué a été la région. Le film était trop violent et manichéen pour eux. On n’a jamais eu l’impression d’être manichéens parce qu’on n’a jamais fait de nos Rascals des enfants de chœur ! Ce sont des petits cons. Et avec la trame sur Frédérique, sur l’extrême-droite, qui a posé tant de problèmes, nous on a voulu placer le spectateur à sa place. Si jamais toi demain, tu es témoin du lynchage d’un proche, est-ce que tu n’aurais pas envie de te venger ? Jusqu’où tu irais ? On questionne finalement ce sentiment qu’on peut tous avoir, qu’on peut penser légitime et qui nous mène à une impasse. La plupart du temps, les gens ont compris cet aspect, mais pour les 10% qui ne voulaient pas le comprendre, j’ai souvent remarqué que c’était plus une question de bord politique qu’autre chose.

© The Jokers Films

C’est quelque chose qu’on avait pu voir ou entendre quand Les Misérables (2019) de Ladj Ly était sorti par exemple : un film qui traite de la banlieue n’a pas le droit d’être manichéen, il faut éviter toute suspicion…

Je pense que c’est ça. C’est un sujet qu’on ne veut pas voir. Quand l’Île-De-France ne veut pas nous donner d’argent alors que l’on parle de l’histoire de la région, sous prétexte que c’est trop politique, je ne comprends pas ! Pour la région Aquitaine, c’était horrible ! On m’y a sorti un truc inédit : « Il n’y a pas de femmes dans votre film ». Alors que si, il y a la mère du héros, et le second personnage le plus important du film c’est Frédérique, une femme ! (rires). Tu enlèves ce personnage, il n’y a plus de film, c’est la colonne vertébrale des Rascals. On m’a répondu : « Frédérique ce n’est pas un prénom féminin ». C’était l’argument. Fin de discussion. Et bien sûr on n’a pas eu l’aide alors qu’on avait déjà tout le reste, notamment l’avance sur recettes. Il y a cent premiers films réalisés en France par an, et ils ne donnent cette avance qu’à une quinzaine de premiers films. Donc c’était solide ! Ce sont des petits trucs qui font que c’est compliqué, mais ça n’empêche pas de faire le film, on l’a avec 2,8 millions d’euros.

Ce contexte actuel avec des affaires de violences policières sur fond de racisme – Nahel, Adama Traoré ou Théo pour les plus récentes – a t-il renforcé ta détermination à faire le film et rend encore plus nécessaire de revenir sur ces pages oubliées de l’Histoire française contemporaine ?

Je suis convaincu que le cinéma est un outil puissant de réflexion sur la société. Après je n’oublie jamais que quand je fais un film, avant tout, ma première mission est de procurer des émotions fortes aux spectateurs et de leur offrir un spectacle qui va les dépayser, les divertir au sens noble du terme. C’est l’ascenseur émotionnel, tu passes par plein d’émotions différentes : la colère, la frustration, la peur, l’anxiété, la joie parfois, la tristesse. Mon travail c’est d’offrir un spectacle des sens. Pour paraphraser Fritz Lang,« ce n’est pas parce que je fais ça que je dois oublier de nourrir la réflexion du spectateur ». Lui poser une question qu’il pourrait ne s’être jamais posé. Je ne suis pas là pour être dogmatique, « tu dois penser comme ça et pas autrement », mais pour poser une question. Dans le cas des Rascals et du personnage de Frédérique, encore une fois ; est-ce qu’on peut se faire justice soit même ? Au-delà des thématiques de racisme, quelle qu’en soit la raison, est-ce qu’on peut se faire justice soit même ? Et dans le film, on montre que c’est un engrenage qui ne se termine jamais et que c’est une impasse sociétale et individuelle. Ce sujet a été au cœur de l’actualité l’hiver dernier avec l’affaire Lola par exemple où la justice était critiquée pour sa lenteur. Et puis il y a eu ce village où un type a été lynché pour rien. Donc on voit où cela mène, ce genre de logique. Quand cela nous arrive dans notre chair, qu’on ait envie d’en découdre, c’est un sentiment humain, mais à l’échelle d’une société, tu ne peux pas laisser libre court à la pulsion sans quoi il n’y a justement plus de société possible. Donc oui, le cinéma est hyper puissant pour les questions qu’il soulève. Si tu poses les mêmes questions en famille autour d’un repas le dimanche, ça peut partir en pugilat, mais le cinéma permet de mettre ces questions sur la table sans polémique. On peut faire des films qui sont juste divertissants, mais comme dans n’importe quel art, je trouve ça dommage. La peinture ne posait pas que des questions esthétiques mais aussi métaphysiques qui pouvaient plonger dans une réflexion particulière. Je trouve que le cinéma, pour ça, est un outil puissant dont il faut se servir, non pas pour faire la morale mais pour poser les bonnes questions. Ce qui se passe aujourd’hui est regrettable, évidemment, mais ça fait très longtemps qu’il y a des bavures, des gamins qui meurent et tout le monde s’en fout. On a commencé à se soucier des violences policières avec la crise des gilets jaunes, mais ça fait plus de soixante ans que les gamins des quartiers subissent ça. On ne nous entendait pas avant. Ce qui est terrible, notamment avec l’affaire Nahel, c’est de voir le taux de sociopathie assez énorme dans cette société. Il y a quand même des gens capables de dire « Bien fait pour lui », « S’il n’avait rien à se reprocher, il fallait s’arrêter » ou « Il roulait sans permis de toute façon » … D’accord, mais on n’est quand même dans un pays où la peine de mort est abolie. La disproportion et le manque d’empathie et d’humanité de certaines personnes fait vraiment flipper… Et là, aujourd’hui, il y a une fracture là-dessus. Une part de la population pense qu’il faut être radical dans la répression, l’autre qui dit « Faites attention les gars, on glisse sur une pente qui n’est pas la bonne ». Je suis assez soucieux de ça…

Bagarre entre les Rascals et une bande de blousons noirs en pleine rue dans le film de Jimmy Laporal-Trésor.

© The Jokers Films

Pour revenir aux années 80, c’est une période que tu as personnellement connue ?

Je suis né en 1976, donc j’étais petit, et j’ai connu ça via mes oncles et tantes. J’entendais parler des bandes dans les sujets de conversations. On n’avait pas les réseaux sociaux mais ça parlait ! On se racontait tout ce qui se passait dans les quartiers. Et c’est vrai que c’était une époque assez mouvementée dans les rues de Paris. C’est difficile de se représenter ça, parce que j’étais gosse et que je ne l’ai pas vécu directement, mais il y avait vraiment un Paris underground qui n’existe plus aujourd’hui. C’était crade, ça puait, un Paris coupe-gorge qui puait le sexe et qui était véritablement sordide. La ville est devenue très propre par rapport à ce que c’était.

Dans l’histoire de ces mouvements anti-skins, as-tu dû faire des choix scénaristiques avec tes co-auteurs pour faire rentrer le plus d’informations possibles sur le contexte, les origines ? Comme sacrifier des éléments historiques pour rendre Les Rascals le plus cinématographique possible ?

Comme disait John Ford : « Entre la réalité et la légende, je choisirai toujours la légende » ! Il faut comprendre que cette mouvance d’extrême-droite est très compliquée car il y a plein de courants qui partent dans tous les sens : des royalistes, des anarchistes, des révolutionnaires, des antisémites, etc. Plein de courants qui ont tous en commun d’être anti-système et anti-république. Même direction mais pas les mêmes stratégies et attentes au final. Sauf que d’un point de vue extérieur, tu vas juste voir de gros fachos racistes et xénophobes mais le mouvement skin est très complexe. Il y a un premier mouvement skin qui est apolitique et très violent qu’on a résumé au personnage de Loki. Et une autre qui est représentée par Adam. Et graphiquement, pour que ce soit clair dans la tête du spectateur, on a habillé le premier mouvement comme des punks. Même si ça n’est pas historiquement véridique, ça permet de les différencier et d’apporter une nuance. C’est juste pour dire qu’il y avait des familles de skins qui étaient plus ou moins radicales et qu’on pouvait reconnaitre notamment à l’accoutrement. Mais tu ne peux pas rentrer dans un dédale de détails dans un long-métrage car le temps dont tu disposes ne le permet pas. La petite différence visuelle est une base factuellement correcte et derrière le spectateur peut se renseigner en recherchant. On parle par exemple du GUD dans le film mais c’est pareil, la connivence entre le GUD et les skinheads était plus compliquée dans la réalité. Les skins n’étaient pas des gens super éduqués, plutôt des prolos qui étaient utilisés comme des soldats alors que les gens du GUD étaient plutôt des gens éduqués, bourgeois, de bonnes familles qui allaient se taper le soir pour s’encanailler. On a simplifié tout ça aussi parce que sinon, pour tout expliquer, le mieux aurait été de faire un documentaire. On a plutôt simplifié pour donner une sorte de mythologie à tout ça. Que quelqu’un qui ait connu cela puisse se dire « Je reconnais ça, les ambiances, les grands mouvements » mais c’est fictif, il fallait juste que ce soit cohérent et vraisemblable par rapport à l’époque qu’on avait choisi.

© The Jokers Films

Est-ce qu’avec ce film, tu t’inscris dans une tradition du cinéma contestataire et politique à la française ou tes influences venaient d’ailleurs ?

Franchement, Les Rascals c’était pour moi une occasion de revenir à ce qu’on savait faire dans les années 70/80 avec des cinéastes comme Yves Boisset. Quand il fait Dupont Lajoie (1974), c’est un film qui parle de la société mais qui est à la fois très populaire. Le film Le Professionnel (George Lautner, 1981) aussi est un film considéré comme un gros film d’action mais en sous-texte, il parle de la Françafrique. C’est un film qui parle d’une certaine politique à la française, sous Giscard. Quand tu vois le cinéma de Gavras, le père, ce sont des films assez populaires et accessibles tout en étant éminemment politique, qui parlent de la société, de comment elle est régie. Et j’avais envie de revenir à ça, raconter quelque chose de pertinent sur la société tout en insufflant un côté populaire et facile d’accès, qui ne te mange pas le cerveau en te faisant la morale. C’est un film où tu prends du plaisir et en même on te fait gamberger sur ce qui t’entoure. On nous a beaucoup dit qu’on était inspirés par le cinéma américain, d’American History X (Tony Kaye, 1998) ou de West Side Story (Jerome Robbins & Robert Wise, 1961). Ce sont des films que j’adore et ça m’a nourri, je suis de la génération baignée par ce cinéma. Mais en réalité je m’inscris plus dans le cinéma français populaire dont je parlais. Et d’ailleurs dans mes références pour Les Rascals, il n’y avait aucun film américain. Il y avait ce film allemand, Moi, Christiane F, 13 ans, droguée, prostituée (Uli Edel, 1981) et Tchao Pantin ! (Claude Berry, 1983) qui est un film typé 100% français, une œuvre populaire qui déroule un sujet de société ! Je m’inscris là-dedans.

Et en termes de références esthétiques aussi ?

Ma première référence venait plutôt de la photo avec des artistes comme Saul Leiter. Je pars toujours de photographies plutôt que de films. Ça fait plus travailler mon imaginaire qu’un film qui me prémâcherait trop le travail.

Après la réussite des Rascals, tu parlais tout à l’heure d’une suite en série de Soldat Noir

Ca s’intitulera Black Mambas. On suivra une bande de chasseurs de skins sur la période 1987/1988. Et pour Les Rascals également, on a commencé l’écriture d’une suite qui commencera là où le premier film s’arrête. On retrouvera nos quatre rescapés pour la suite de leurs aventures quelques années plus tard. Tout cela en parallèle de la série…

Tes projets futurs sont très inscrits dans cette thématique et cette dynamique de raconter cette histoire vaste !

Oui c’est un gros morceau ! Après j’ai un film actuellement en financement qui parle de la Guadeloupe dans les années 60, en 1967 exactement. Pareil, ça parle d’une page sombre de l’Histoire de France, inconnue du grand public. C’est une chose inspirante car on se rend compte que ces erreurs du passé, ces zones d’ombre de notre histoire, se répètent et donc c’est bien de regarder en arrière pour se dire « Ok, on est en train de faire les mêmes conneries, peut-être que le passé pourrait nous éclairer ! ».

Ton travail de cinéaste, tu ne l’envisages pas forcément sans cette dimension politique ? Pourrais-tu faire un film totalement déconnecté de tout propos sociétal ?

Je n’envisage surtout pas mon métier sans le plaisir de faire un objet qui soit un pur objet cinématographique. Comme je disais, c’est mon premier objectif, faire un film qui procure des sensations aux spectateurs. Des sujets se prêtent plus que d’autres à être des sujets politiques au sens profane du terme puisque finalement, quelque part, en creusant le sillon, on pourrait se dire que tout est politique. Représenter certaines ethnies dans un film, d’avoir de la parité, etc. Face visible ou face cachée, il y a plein de manière de faire de la politique sans en avoir l’air. C’est aussi ton éthique de travail : est-ce fait dans le respect ou est-ce que tu es un connard de réalisateur qui se croit tout permis ? En tous cas, ce qui m’intéresse c’est de faire du cinéma de qualité et de le faire dans des conditions normales, ce qui n’est pas toujours la norme ! Plus concrètement, si demain on me dit « Viens on va faire un grand film d’aventures ou de capes et d’épées ! », je pourrais carrément le faire ! C’est aussi la promesse d’un pur objet de plaisir cinématographique. Et après dedans, oui, l’intérêt serait de savoir comment se positionner et insuffler des thématiques et moderniser le tout. Ça peut être intéressant ! Même sans parler frontalement de politique, ce sera toujours au service d’un certain type de valeurs, une certaine moralité et une certaine façon de voir la société…

Propos de Jimmy Laporal-Trésor
Recueillis et retranscrits par Kévin Robic


A propos de Kévin Robic

Kevin a décidé de ne plus se laver la main depuis qu’il lui a serré celle de son idole Martin Scorsese, un beau matin d’août 2010. Spectateur compulsif de nouveautés comme de vieux films, sa vie est rythmée autour de ces sessions de visionnage. Et de ses enfants, accessoirement. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/rNJuC

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