L’Autoroute de l’Enfer


Relecture moderne et horrifique du mythe d’Orphée et Eurydice, les éditions Rimini nous proposent de redécouvrir L’autoroute de l’Enfer (Ate de Jong, 1991), petite comédie horrifique dont l’aspect surréaliste n’aurait pas dépareillé dans le catalogue Troma.

Plan rapproché-épaule sur un homme chauve à la peau comme brûlée, boursouflée, craquelée, qui porte des lunettes de soleil et garde une mine impassible, sur fond noir ; au premier plan, le phare rouge d'une voiture jaune ; plan issu du film L'autoroute de l'enfer.

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Sur la route, toute la sainte journée

Né au Pays-Bas, Ate de Jong fait partie de cette génération de réalisateurs néerlandais qui, à l’instar de Paul Verhoeven et Jan De Pont, sont partis tenter leur chance aux États-Unis dans les années 1980. S’il a eu beaucoup moins de succès que ses compatriotes – la faute sans doute à un cinéma beaucoup trop surréaliste qui peut rebuter le grand public – on ne peut nier que son œuvre atypique a su fédérer des fans qui ont reconnu (trop) tardivement sa créativité. On retiendra surtout de lui, deux œuvres, la comédie noire Drop Dead Fred (Ate de Jong, 1991) avec un Rik Mayhall en roue libre et le film d’aventure horrifique L’Autoroute de l’Enfer (Ate de Jong, 1991). Après ses deux projets qui ont été des échecs au box-office, le réalisateur est retourné dans son pays d’origine pour tourner des téléfilms, ce qui est dommage à la vue des qualités de ces premiers essais.

Plan rapproché-épaule sur un homme aux cheveux longs mais à la peau et aux yeux de serpents, qui semble être un extra-terrestre sur un fond rouge pâle fluo dans le film L'autoroute de l'enfer.

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L’Autoroute de l’enfer débute sur un couple de jeunes adolescents, Charlie et Rachel, se rendant à Las Vegas pour se marier sans l’accord de leurs parents. Sur la route, ils tombent sur un policier zombie qui enlève la jeune fille pour la marier à un Satan en quête d’une jeune vierge à épouser. Bravant les dangers, Charlie se rend en enfer pour récupérer sa petite amie : avec un pitch pareil, qui n’est pas sans rappeler Breakdown (Jonathan Mostow, 1997), Ate de Jong nous convie dans un film d’aventure horrifique très inspiré par le cinéma de Tim Burton. En effet, on sent l’inspiration héritée de ce dernier, notamment son Beetlejuice (1988) qui était l’inspiration principale assumée de Ate de Jong. Les deux longs-métrages partagent en effet beaucoup de similarités dans leurs explorations de l’après-vie dont une vision surréaliste à la limite de l’onirisme porté par une direction artistique inventive. Si le réalisateur ne possède pas le talent de Burton pour la mise en scène, il le compense par une créativité sans borne dans sa vision de l’enfer. Chez Ate de Jong, l’enfer est ainsi peuplée de motards, de bars à strip-tease et de démons lubriques tout droit sortis d’une production des studios Troma.

On pourra déplorer un manque de budget qui se retranscrit à l’écran par l’absence de décors et des longs plans sur le désert du Nevada, élément dommageable puisqu’on sent que le réalisateur refrène ses élans artistiques dans certaines scènes. Mais une fois passé ce défaut – par ailleurs propre à ce genre de production – le côté très minimaliste de la mise en scène confère un certain charme à L’autoroute de l’enfer. En effet, loin de vouloir compenser son manque de moyen par une indigence d’effets spéciaux, Ate de Jong a choisi de développer son scénario autour d’une Blu-Ray du film L'autoroute de l'enfer édité par Rimini Editions.mythologie novatrice – même si elle emprunte aux mythes d’Orphée et d’Eurydice – particulièrement fouillée et cohérente qui joue à chaque instant avec le second degré. Le film est assez drôle au premier visionnage, il en faudra un second pour comprendre toutes les blagues et l’ironie dont il fait preuve. Quand on voit ce que le réalisateur est capable de faire avec un si petit budget, on ne peut que déplorer qu’il n’ait pas pu renouveler l’essai. C’est d’autant plus frustrant que le film bénéficie d’un casting solide : on retrouve quelques seconds couteaux comme Richard Fansworth et le grand habitué des costumes de monstres qu’est Kevin Peter Hall – dont c’est le dernier finlm – et on croise aussi des jeunes acteurs qui marqueront le cinéma de la fin des années 1990 et du début des années 2000 comme Ben Stiller et Krsity Swanson. À noter, les caméos improbables du regretté Gilbert Gottfired dans le rôle d’Hitler et celle de la rockeuse Lita ford dans le rôle d’une prostituée.

Du côté des bonus présents dans cette édition vidéo, en plus de la bande annonce, est proposé un entretien avec Gilles Bressard, grand spécialiste du cinéma fantastique qui pendant trente minutes revient sur le film et la carrière manquée du réalisateur Ate de Jong. De quoi rendre justice à un auteur qui est tombé aujourd’hui dans l’oubli mais qui grâce aux bonnes œuvres des éditions Rimini, sera remis un tout petit peu dans la lumière.


A propos de Freddy Fiack

Passionné d’histoire et de série B Freddy aime bien passer ses samedis à mater l’intégrale des films de Max Pécas. En plus, de ces activités sur le site, il adore écrire des nouvelles horrifiques. Grand admirateur des œuvres de Lloyd Kauffman, il considère le cinéma d’exploitation des années 1970 et 1980 comme l’âge d’or du cinéma. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/rZYkQ

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