Tromeo et Juliet


Réalisé par Lloyd Kauffman et scénarisé par James Gunn (le même qui nous livrera le très référentiel Les Gardiens de la Galaxie une dizaine d’années plus tard) Troméo et Juliet est une adaptation politiquement incorrecte du classique de Shakespeare, Outbuster propose de nous faire redécouvrir cette œuvre tout droit sorti des écuries Troma. Âmes sensibles s’abstenir.

Un des invités du mariage tout sourire derrière une Juliet monstrueuse à groin de cochon, en robe de mariée, scène du film Tromeo et Juliet.

                                                 © Troma

Comédie Tromantique

L’année 1996 signe le retour à la réalisation de la société Troma. Après un début de décennie difficile marqué par les échecs de Troma’s War (Lloyd Kauffman, 1988) et des suites du Class of nuke’em High, le studio s’est retrouvé dans le rouge financièrement. La sortie de Cannibal ! The musical (Trey Parker et Matt Stone, 1996) provoque un regain d’intérêt pour la société qui sortira la même année Troméo et Juliet. Ce retour aux affaire va générer « un nouvel âge d’or » pour la société qui produira dans les années suivantes ces meilleures films dont on citera pour les plus connus Citizen Toxie (Lloyd Kaufmann, 2001) ou Poultrygeist (Lloyd Kaufmann, 2006). Sorti en 1996, Troméo et Juliet se veux un pendant gore et politiquement correct du survolté Roméo + Juliet (Baz Luhrman, 1996) sorti la même année. Il est d’ailleurs fort possible que le projet de Lloyd Kauffman en soit une réponse directe. En effet, Troma a souvent produit des films en réaction à ce que proposait le cinéma mainstream. C’est notamment le cas de Troma’s War qui parodiait les films de guerre (notamment les derniers Rambo) de l’ère Reagan. Tout comme Luhrman, son homologue australien, Lloyd Kauffman a décidé de moderniser l’histoire en faisant dérouler son récit dans le New-York de la fin du XXème siècle et d’y ajouter un aspect décalé, sans toutefois perdre ce qui faisait la saveur de l’œuvre originale. Bien au contraire, si Lloyd Kauffman a bien compris les thèmes principaux au centre de l’œuvre de Shakespeare, il s’amuse à les détourner, nous offrant, pour notre plus grand plaisir un festival de sang et de gore.

Tromeo, assis à son bureau devant son ordinateur, met du gel sur la paume de sa main, scène du film Tromeo et Juliette.

                            © Troma Entertainment

Le film narre les aventures de Troméo, dont l’entreprise pornographique de son père a été rachetée de manière quelque peu frauduleuse par les Capulet. Aigri et par provocation, Troméo aime s’incruster dans les réceptions organisées par les rivaux de sa famille. Au cours d’une de ses soirées, le jeune homme tombe amoureux de Juliet, la fille des Capulet. Dès les premières minutes du récit, on est plongé dans une atmosphère surréaliste avec un narrateur (brillamment interprété par Lemmy Kilmister, bassiste et chanteur de Motorhead) qui en plein Times Square, reprend le prologue original de la pièce entrecoupé de scènes de meurtre ultra-subjectives. Malheureusement, malgré ce début prometteur, la première partie du film affiche un sévère manque de rythme dû à un humour beaucoup trop poussif. Cependant on sent que le réalisateur a pris un réel plaisir à détourner les personnages originaux pour qu’ils entrent dans le moule « Tromesque ». Ainsi, on se retrouve avec une galerie de personnages complètement barrés qui ne correspondent plus à leurs archétypes littéraires (le père de Juliet qui s’avère être un psychopathe à tendance incestueuse, la nourrice qui est ici une punkette lesbienne…). On constatera, par ailleurs, que le scénario suit la structure de la pièce de théâtre avec son prologue, ses actes, son épilogue et des dialogues qui reprennent mots à mots ceux du texte de Shakespeare, ce qui renforce de façon considérable l’aspect décalé du métrage.

Tromeo embrasse sa Juliet dans leur chambre, assis par terre.

                                     © Troma Entertainment

Avec un scénario ayant un tel potentiel et un réalisateur de la trempe de Lloyd Kauffman, on ne pouvait que s’attendre à une avalanche de subversion. Le long-métrage s’avère l’un des plus sages de la firme dans ce domaine là. En effet, Troma a surtout fait sa réputation sur le caractère iconoclaste de ces productions ; on en retient souvent un discours politiquement incorrect qui aime franchir les barrières de la bienséance comme la scène montrant un enfant se faire renverser dans Toxic Avenger (Lloyd Kaufmann, 1985), un parfait exemple. Le film qui nous occupe aujourd’hui est malheureusement trop sage dans ses excès, surtout si on le compare au très régressif Terror Firmer (Lloyd Kauffman, 1999) sorti trois ans plus tard. Mais ce Tromeo & Juliet est loin d’être inoffensif. Bien qu’avare en effet gore, il nous offre des scènes assez explicites (la palme va à la scène du phallus géant)… On regrettera toutefois, que le réalisateur n’ait pas pu exploiter tout son potentiel, la faute à un budget limité, mais c’est certainement cet aspect cheap qui fait d’une production d’une production Troma, une production Troma.


A propos de Freddy Fiack

Passionné d’histoire et de série B Freddy aime bien passer ses samedis à mater l’intégrale des films de Max Pécas. En plus, de ces activités sur le site, il adore écrire des nouvelles horrifiques. Grand admirateur des œuvres de Lloyd Kauffman, il considère le cinéma d’exploitation des années 1970 et 1980 comme l’âge d’or du cinéma. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/rZYkQ

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.