Mother’s Day


Objet filmique à la croisée du slasher et du rape and revenge, Rimini Editions nous propose de redécouvrir, dans une édition de qualité, Mother’s day de Charles Kaufman, l’une des premières productions horrifiques de la firme Troma.

Plan rapproché-épaule sur une vieille femme au grand sourire, l'air un peu fou, dans un salon, scène du film Mother's day.

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Arrête ou ma mère va te tuer

S’il est communément admis que le genre du slasher est né au milieu des années 1970 avec le film Black Christmas (Bob Clark, 1974) et Halloween (John Carpenter, 1978) et qu’il a connu son apogée dans les années 1980 avec des œuvres aussi fondatrices que Vendredi 13 (Sean S. Cunningham, 1981) et Les Griffes de la nuit (Wes Craven, 1984), Mother’s day de Charles Kaufman (frère de Lloyd Kaufman, fondateur de la société Troma) est souvent considéré, à tort, comme un énième rejeton du genre, profitant de la popularité de ses illustres prédécesseurs. Pourtant, en dépit d’un début assez conventionnel, le film se démarque par son féminisme et une critique du consumérisme qui préfigure les années Reagan.

Deux loubards arrogants sont assis sur le capot de leur voiture près d'un bois, celui de gauche un casque et des lunettes d'aviation, celui de droite un heaume médieval, scène du film Mother's Day.

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On peut souvent lire ou entendre que Charles Kaufman se serait un peu trop inspiré de Délivrance (John Boorman, 1972) ou Massacre à la Tronçonneuse (Tobe Hooper, 1974) pour réaliser son Mother’s day alors que le réalisateur l’a toujours fermement nié bien que sa mise en place partage beaucoup de points communs avec les deux longs-métrages précédemment cités : un groupe de trois filles part en excursion dans le New-Jersey et tombe sur une famille de psychopathes menée par une marâtre sadique. La relecture que fait Charles Kaufman de ce canevas habituel se distingue par le regard acerbe qu’il porte sur la société américaine de l’époque. Cette satire s’exprime à travers le tableau que le cinéaste fait de la famille Koffin, vision dégénérée de la famille américaine. Les deux fils, complètement infantilisés par leur mère – ils ne se nourrissent que de céréales dans des sceaux et ont un vocabulaire limité – sont incapables d’interagir avec le monde extérieur autrement que par par un recours systématique à la violence. Ces deux énergumènes ne sont que le reflet d’une Amérique à la dérive, incapable de dé-marginaliser une frange entière de sa population. Le réalisateur porte aussi une critique de l’omniprésence de la télévision et de ses programmes débilisants, et ce, bien avant l’avènement de la télé-réalité. En effet, dans chaque pièce de la maison, Kaufman place un écran allumé et des détritus qui ne sont que des objets de consommation liés à l’univers télévisuel et à la pop culture. Le réalisateur tacle ici l’attitude de ces concitoyens qui ont souvent tendance à emmagasiner chez eux des objets inutiles et à se laisser hypnotiser par les réclames du petit écran.

Lors de sa sortie en 1980, du fait de sa violence crue et de son propos dérangeant, Mother’s day a été censuré dans différents pays (notamment en Angleterre et en Australie). On a souvent accusé le genre du rape and revenge de tomber dans le voyeurisme et d’utiliser la revanche des victimes comme prétexte pour pouvoir montrer des scènes de viols gratuites. Charles Kaufman n’a pas échappé à ces critiques : il fut accusé de produire un film ridiculement violent pour flatter les bas instincts d’un public majoritairement masculin. Pourtant, cette violence, bien loin d’être gratuite, sert le récit. En effet, elle contribue à montrer l’état de dégénérescence et d’aliénation dans lequel se trouve la famille. Ike et Addley, les deux frères, prennent toujours des photos Blu-Ray du film Mother's Day édité par Rimini Editions.de leurs méfaits, non pas par plaisir personnel, mais par fascination pour l’image. De plus, ils admettent tuer et violer parce qu’ils voient des faits similaires à la télévision. Pourtant, si on ne peut nier que les scènes de viols présentes dans Mother’s day peuvent rebuter certains spectateurs, le réalisateur ne montre aucune complaisance ni pour les bourreaux ni dans la mise en place des séquences. Au contraire, elles servent à rendre plus salvatrice la victoire finale des femmes et victimes de ces dégénérés.

Fidèle à leur réputation de nous faire redécouvrir des productions peu connues dans des éditions de qualité, les éditions Rimini se sont surpassées en nous offrant ici pléthore de bonus. Outre l’excellent livret rédigé par Marc Toullec qui revient sur le film et le contexte de sa production, on retrouvera entre autres un très intéressant making-of d’époque ainsi qu’un commentaire du réalisateur qui revient sur la trajectoire inédite que fut la réalisation de ce Mother’s day. En plus de cela, l’édition se complète d’un reportage au Comic-Con et une interview du réalisateur Eli Roth pour nous expliquer l’impact qu’à eu le film dans la culture populaire américaine.


A propos de Freddy Fiack

Passionné d’histoire et de série B Freddy aime bien passer ses samedis à mater l’intégrale des films de Max Pécas. En plus, de ces activités sur le site, il adore écrire des nouvelles horrifiques. Grand admirateur des œuvres de Lloyd Kauffman, il considère le cinéma d’exploitation des années 1970 et 1980 comme l’âge d’or du cinéma. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/rZYkQ

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