Le studio Ghibli, ici sous la houlette du fils d’Hayao Miyazaki, Goro, s’essaye à l’animation 3D pour une adaptation d’un roman de Diana Wynne Jones. Des enfants, des sorcières, de la magie, beaucoup des ingrédients Ghibli sont là, mais il n’est pas sûr que cette nouvelle recette fonctionne… Critique de cette immense déception, vue dans le cadre du Festival de Gérardmer.
Ci-gît Ghibli
En 2013, après la sortie de Le vent se lève, Hayao Miyazaki prenait (à nouveau) sa retraite. En 2018, l’autre grand pilier fondateur du studio, Isao Takahata – un peu à l’ombre de son partenaire, on lui doit pourtant certains des plus beaux films du studio – décédait, son dernier projet demeurant alors le Conte de la princesse Kaguya sorti la même année que Le vent se lève. Depuis, les productions du studio, les travaux notables estampillés Ghibli comme Souvenirs de Marnie (Hiromasa Yonebayashi, 2014) et la coproduction La Tortue Rouge (Michael Dudok de Wit, 2017) se sont faits bien plus rares. Et même si Hayao Miyazaki est – à nouveau – sorti de sa retraite, son nouveau bébé ne devrait pas arriver sur nos écrans avant plusieurs années. D’ici là, l’arrivée d’Aya et la Sorcière, téléfilm co-produit avec la chaine de télévision Japonaise NHK, constituait en soi un petit événement. Troisième film pour Ghibli réalisé par le fils d’Hayao, Goro Miyazaki, c’est aussi la première fois que le studio s’aventure sur un terrain jusqu’alors inexploré, l’animation en 3D. Et il est bien possible que cette toute nouvelle tentative ne soit pas de plus heureuses.
La toute première scène du long-métrage annonce en effet la couleur, et met en exergue tous ses défauts. Une course poursuite à moto défile ainsi devant nos yeux, et déjà quelque chose dans Aya et la Sorcière a l’air de sonner faux. Il faut en tout premier lieu aborder le souci majeur et ce qui saute aux yeux d’emblée : le film est laid. Difficile de comprendre les choix esthétiques de cette animation en volume, très « plastique », lisse, manquant d’originalité et, très paradoxalement… De relief. L’essai de transposition de l’esthétique « Ghibli », simple et épurée, d’une beauté saisissante dans tous les grands classiques de l’animation qui ont fait la réputation du studio, est visiblement un échec. Ce mélange hybride, entre une esthétique Ghibli et une animation similaire à celle du récent Lupin III : The first (Takashi Yamazaki, 2020) – elle plutôt réussi – ne fonctionne pas. Cette impression de « mauvaise transposition » est d’autant plus claire avec les génériques d’introduction et de fin, composés d’animation plus classiques et de dessins « traditionnels », qui nous font vite regretter que le long-métrage ne leur ressemble pas.
Cependant cette animation figée qui peine à faire naitre chez le spectateur la moindre émotion, n’est pas l’unique problème d’Aya et la Sorcière. Les effets sonores, tout comme le montage, semblent plus d’une fois inaboutis, saccadés, maladroits. Mais c’est aussi et surtout l’intrigue et les personnages qui font cruellement défaut durant ces 82 minutes. Ainsi, difficile de trouver la moindre empathie pour Aya, jeune orpheline, ni pour Bella Yaga et Mandrake, la sorcière et le magicien qui l’adoptent. Au contraire, tout ce petit monde sans exception demeure assez agaçant tout du long. Tous sont colériques, et semblent en proie à des sautes d’humeurs et des expressions faciales des plus aléatoires. Par ailleurs difficile de trouver le moindre intérêt dans la suite d’événements sensés composés le récit, se déroulant majoritairement dans la petite maison de Bella Yaga et Mandrake. Pire, le dernier plan du film semble être le moment où les péripéties et l’intrigue devraient en réalité commencer. Les précédents films de Goro Miyazaki ont souvent été – à tort si vous voulez notre avis – considérés comme mineurs dans la filmographie du studio. Malheureusement ce n’est probablement pas Aya et la Sorcière qui viendra détourner ses détracteurs de leurs premiers avis.