Critique de The stylist (Jill Gevargizian, 2021) qui a embrasé la compétition officielle du festival de Gérardmer à coups de ciseaux bien aiguisés. Vous ne voudrez plus aller chez le coiffeur !
Un petit brushing ?
On se l’avoue, qui n’a pas déjà essayé de se couper les cheveux tout seul ? Après avoir vu The stylist, il y a de fortes chances que vous décidiez de reprendre les ciseaux ! Le premier long-métrage de la réalisatrice américaine Jill Gevargizian bénéficie d’un bon bouche-à-oreille sur les réseaux sociaux, et on ne peut pas en dire autant des autres films internationaux de la sélection – les films français figure d’exception, La nuée (Just Philippot, 2021) et Teddy (Ludovic et Zoran Boukherma, 2021) étant particulièrement attendus ! Il faut dire que The stylist est l’adaptation d’un court-métrage déjà réalisé par cette même Jill, qui a fait le tour des festivals et a été primé à de nombreuses reprises. Après plusieurs années de recherche de fonds et une campagne Kickstarter qui lui a quand même permis de récolter 60.000 dollars, l’Américaine rempile avec la même équipe et surtout la même actrice principale Najarra Townsend (Contracted, Eric England, 2013) pour transformer ce court en long. L’exercice n’est pas simple tant certains courts sont faits pour rester courts. Mais la coiffeuse-réalisatrice (hé oui, l’idée du scénario n’est pas sortie de nulle part) réussit son coup avec cette histoire de coiffeuse qui kiffe un peu trop les cheveux !
Claire n’a pas une vie sociale très palpitante, elle bosse dans un salon de coiffure, vit seule dans une grande maison (qu’on imagine héritée de ses parents) et ne semble avoir aucun ami. Dès la première séquence du film, on est tout de suite mis dans le bain : une cliente vient tard le soir, lui raconte sa vie dans les moindres détails, y compris son infidélité sous prétexte que « je ne vous connais pas donc je ne crains rien ». Elle n’aurait pas cru si bien dire, puisque Claire la drogue et la scalpe. On comprend vite que ce n’est pas un coup de tête, la jolie rousse collectionne les scalps qu’elle n’hésite pas à se mettre sur la tête pour se transformer en une multitude de femmes brunes ou blondes, aux cheveux courts ou longs, raides ou bouclés. La réalisatrice ne cache pas son intention de vouloir faire de Claire « un Leatherface au féminin », une sociopathe qui cherche à se mettre dans la peau des autres… Littéralement. En plus de l’inspiration évidente qu’est Massacre à la Tronçonneuse (Tobe Hooper, 1974), on pense forcément aussi à Maniac (William Lustig, 1980) de par les pulsions meurtrières qui envahissent la jeune femme dès qu’elle se sent frustrée ou anxieuse. Et les occasions ne manquent pas, car Claire s’angoisse pour rien en permanence, même quand il s’agit de choisir une bouteille de vin au supermarché. Quand une autre cliente lui demande de la coiffer pour son mariage et l’inclut peu à peu dans son cercle d’amis, Claire perd les pédales, dépassée par une sociabilité à laquelle elle n’était pas préparée.
Si au premier abord on pourrait voir The stylist comme un énième slasher féminin, l’incapacité de Claire à gérer tout lien social qui s’offre à elle relève bel et bien de la maladie mentale. On prend pitié pour cette jeune femme qui ne demande qu’à se faire des amis et sortir de sa solitude mais qui s’enfonce malgré elle dans une sociopathie, voire psychopathie, auto-destructrice. Néanmoins, là où le film pèche, c’est justement par la non-exploitation du passé de Claire. Une brève mention de sa mère qui aimait changer de coiffure peut-elle réellement justifier les meurtres en série et la démente collection de scalps de l’héroïne ? Le scénario ne prend jamais le temps de développer la psychologie de Claire ni comment elle a bien pu en arriver là. On comprend sa détresse mais pas son origine. Le spectateur risque donc de rester sur sa faim, ce qui est dommage car c’était justement là l’intérêt de développer ce court en long : donner de l’épaisseur au personnage principal plutôt que de simplement étirer le format en ajoutant des victimes et des scènes gores. La réalisatrice semble avoir quelque peu délaissé l’écriture pour se focaliser sur l’esthétique, mais le résultat est quand même là : le travail d’éclairage est tout simplement impeccable, chaque humeur de Claire bénéficie d’un ton et d’une lumière bien précis, ça abuse un peu des fondus et des surimpositions mais l’atmosphère reste prenante de bout en bout. De plus, Najarra Townsend livre une performance monumentale, et le final est tout simplement énorme ! Alors certes on repart avec beaucoup de questions (mais que diable fait-elle des corps ? et que fait la police ?), mais on est quand même bien content de ne pas être passé à côté de cette énième variation du slasher, qui mérite le coup d’œil.