[Entretien] Léo Karmann, pour un cinéma “de ventre”


Jolie surprise du début de l’année 2020, La Dernière Vie de Simon de Léo Karmann apporte de l’eau au moulin de notre état des lieux des cinémas de genres en France. Impossible pour nous de ne pas s’entretenir avec son metteur en scène, en particulier après que ce premier long-métrage ait été élu film qui fait pas genre du mois de février par nos lecteurs.

Pour un cinéma “de ventre”

Alors que nous tenons depuis quelques années maintenant une sorte d’état des lieux du cinéma de genres en France, La Dernière Vie de Simon nous semble y occuper une place très singulière. Alors que ce cinéma a connu beaucoup de représentants aux thématiques adultes, le versant merveilleux, candide et très frontalement fantastique – très présent dans le cinéma américain des années 80 – n’avait jamais été aussi clairement exploité en France. Qu’est-ce qui t’as mené à explorer cette veine ?

Une boule de lumières fascine les deux enfants protagonistes du film La dernière vie de Simon, assis sur le lit de leur chambre.

                                                  © Jour2Fête / GekoFilms

Ce que vous pointez là me semble très juste, et ça a été le principal problème du financement du film. Comme vous le savez, il est compliqué de faire du fantastique en France, mais encore plus quand vous voulez faire du fantastique qui ne rentre pas dans la case qui est « autorisée ». Je parle de cette niche qui a été ouverte par la vague des french frayeurs au début des années 2000, mais qui demeure tout aussi pénible à ouvrir finalement parce que souvent il faut nécessairement en passer par la langue anglaise. C’est par exemple ce qu’avait fait Coralie Fargeat avec Revenge (2018). Si vous pariez là dessus, vous vous assurez à peu près que le film carburera à l’international, en VOD, et sur un public très ciblé. Un public qu’on sait aller chercher sur des films gores à petits budgets. Mais quand il s’agit, comme pour nous, de faire du cinéma fantastique à vocation grand public, voire familiale, qui plus est sans gros casting et sans volonté d’en faire de la comédie, les portes se ferment de plus en plus, et on nous invite clairement à abandonner. On partait sur une histoire qui n’avait pas (ou très peu) de références françaises sur laquelle se baser, pas de canevas. Cela nous a forcés à expérimenter, à chercher comment résoudre l’équation qui unit ce cinéma américain qu’on aime et qui nous a constitués en tant que personnes et le cinéma français dans lequel on allait forcément s’inscrire. C’est quand on a décidé de chasser l’expression « à la française » que l’on a trouvé la solution. Je crois que ce ne sont en effet pas des films de genres « à la française » qu’il faut faire, mais des films de genres « à la nous », à travers nos tripes, notre culture, ce qui nous touche en tant qu’individu, et donc, à travers notre sensibilité et nos influences. J’avais vingt-et-un ans quand on a démarré l’écriture, donc je n’avais peut-être pas concrètement conscience de tous les risques, ou en tous cas de la difficulté de l’entreprise. A cet âge, il me semble que c’est aussi clairement le type de film dont on rêve, et même quand on avait des doutes, qu’on se demandait s’il ne valait pas mieux faire une comédie par simplicité, avec Sabrina B. Karine – la co-scénariste – nous n’avons jamais perdu cette envie, parce que c’est le cinéma avec lequel on a grandi celui de Zemeckis, Cameron, Spielberg. Tous ces cinéastes font un cinéma que je qualifierai « de ventre », des films où pendant deux heures on parcourt tout le spectre des émotions – le rire, les larmes, le suspense, la peur, etc… – et nous n’en vivons pas qu’une seule comme on a trop l’habitude de le faire dans le cinéma français. De mon côté, ça me dépasse un peu de payer douze euros un ticket de cinéma pour ne vivre qu’une seule émotion… Quitte à payer si cher, autant en vivre plusieurs ! L’idée n’est donc pas de raconter l’histoire de notre voisin de siège, mais quelque chose qui a à voir avec le voyage, le rêve, et qu’en y repensant on puisse se dire que ça nous raconte quand même quelque chose de profond. C’est donc pour ça que nous n’avons jamais lâché, parce que si c’était pour écrire autre chose, autant faire un autre métier. Disons, que c’est un mélange de passion, et clairement d’inconscience, qui nous a motivé à y aller malgré tout puisqu’il y a eu neuf ans entre la première ligne écrite et le film achevé.

Concrètement, qu’est-ce qui a mené à si long processus d’écriture ? Peux-tu nous en dire plus sur ce chemin qui a finalement mené à l’existence de ce film ?

En fait, Sabrina co-écrivait en parallèle de notre scénario le long-métrage Les Innocentes (Anne Fontaine, 2016) avec Alice Vial. Il se trouve que pour l’écriture de ce film, elles ont pu participer à plusieurs résidences. Donc c’était vraiment utile pour nous, car Sabrina revenait de ces ateliers avec plein de conseils qu’elle avait glanés et qu’on pouvait appliquer au scénario de La Dernière Vie de Simon. Si l’on en ré-écrit un aujourd’hui, je ne pense pas que l’on mettrait autant de temps, tout simplement parce que ce scénario était notre premier et qu’on a dû apprendre en faisant. On a réécrit durant cinq ans avant de trouver le producteur, Grégoire Debailly. A ce moment là, on en était déjà à la septième version dialoguée du scénario, ce qui était déjà très abouti, même si, pas tant que ça, puisqu’on a finalement tourné une version douze ! Ces multiples réécritures ont été dictées par les nombreux retours frileux des financiers. On l’a proposé à la quasi-totalité des distributeurs de la place de Paris et tous l’ont rejeté. L’un d’entre eux, pour l’anecdote, nous a répondu qu’il se serait engagé sur le film « si le réalisateur était sud-coréen »… Finalement on est revenu à l’attaque avec Diaphana – qui nous avait déjà dit non – avec une autre version de scénario. Plutôt que de nous demander à quoi cela allait ressembler, un seul sujet les intéressait et les inquiétait beaucoup, c’était mon jeune âge. Finalement Grégoire a réussi à les convaincre que j’avais les épaules pour réaliser et l’on a pu faire le film. Sauf que lorsqu’ils ont finalement découvert le montage final, ils m’ont regardé avec une forme de dégoût en me disant « Mais c’est quoi ce film, il y a un petit côté Spielberg nan ? ». C’était le meilleur compliment qu’on pouvait me faire mais pour eux c’était loin d’en être un ! Du coup, ils s’en sont détachés, et ont tout simplement « rendu » le film, ce qui est très mal vu, car derrière vous devenez ce long-métrage pour lequel un distributeur s’est désisté. On avait toutefois quelques assurances car les premiers retours de projection avaient été formidables, le film plaisait au public. On avait en plus un film fini, à proposer clé en main. Tous les distributeurs qui le voyaient sortaient en larmes de la projection en nous disant : « c’est magnifique, mais on ne sait pas le vendre ». Jusqu’à l’arrivée un peu salvatrice de Jour2Fête, qui a dit la même chose que tout le monde finalement, à quelques mots près : « C’est un film fantastique, un peu inclassable, familial, on connaît pas le casting et il n’y a aucune référence en France à laquelle on peut le comparer pour préparer un plan de sortie : mais quand même, on va le sortir, parce ça nous excite ! ». Donc franchement, gloire à eux, ce sont des gens pour qui j’ai un énorme respect parce que ce sont de vrais passionnés qui ont fait preuve de plus de cœur que de peur.

En termes de mise en scène, de découpage, de lumière, de musique, le film nous a semblé très au-dessus de la mêlée du gros de la production française, en particulier dans certaines propositions dites « de genre ». Les premières séquences sont assez bluffantes en termes de lumière et donnent le sentiment d’une importante production. Était-ce finalement le cas ? Quel était le budget ?

C’était un tout petit film. Comme je le disais, quand vous vous lancez dans un long-métrage fantastique avec des enfants, avec des effets spéciaux, sans stars à l’affiche, soit vous faites une adaptation de Boule et Bill et c’est la folie en termes de budget, soit vous faites une histoire originale et personne ne vous suit. Le producteur a réussi à réunir 1.950.000 euros, ce qui est bien pour un premier film – qui sont aujourd’hui souvent faits avec moins d’un million d’euros – mais ce qui est peu pour ce film-là, au regard de son ambition formelle. Mais je crois que la première qualité d’un réalisateur c’est de savoir bien s’entourer. La mention « un film de » me débecte. Ce n’est pas le film d’une personne, c’est celui d’une équipe, réalisé par quelqu’un. La chance que j’ai eue c’est d’avoir un producteur, qui, outre le fait qu’il se soit battu comme un fou pour faire exister le film, m’a laissé une liberté artistique totale, en particulier dans le choix de l’équipe. Au lieu de faire en sorte que je ne sois entouré que de cadors, il m’a permis d’être entouré de personnes avec qui j’étais à l’aise pour créer. Par conséquent, la moyenne d’âge de l’équipe était autour de vingt huit ans, c’était un premier film pour la plupart des chefs de poste et tout le monde s’est donné à fond. Ce qu’on nous disait gravement et frileusement chez les financiers – à savoir « on ne fait pas ça en France » – tous les techniciens le disaient aussi mais avec un enthousiasme immense. Avoir une histoire et un projet qui emballaient les personnes qui allaient le fabriquer, c’est ce qui nous a permis probablement d’obtenir le cachet que vous évoquez. J’aurais évidemment adoré avoir plus d’argent – au moins pour que les membres de l’équipe n’aient pas à faire tous ces sacrifices ; qu’aux décors, à la machinerie, à la lumière, ils aient pu être plus nombreux – mais c’était avant tout une question d’audace.

Une petite fille et un petit garçon se sourient intimidés, assis l'un à côté de l'autre dans une pièce entreposant plein de pots de jardin vides, scène du film La dernière vie de Simon.

                                        © Jour2Fête / GekoFilms

Vous partiez avec des références en tête que tu avais partagées avec les techniciens ?

Super 8 (J.J Abrams, 2011) a été une très grosse référence visuelle. Déjà parce qu’il s’inspirait des mêmes films que nous aimons, mais aussi parce qu’il arrivait à actualiser, moderniser, ces références-là. Comme J.J Abrams on a voulu utiliser des optiques anamorphiques qui déréalisent. Le scénario est très naturaliste dans le rapport entre les personnages, très « français », très intime. Au fond, c’est une histoire d’amour dans une maison en Bretagne. Par conséquent, tous les codes du genre devaient passer par la mise en scène. Je voulais qu’on n’oublie jamais qu’on est face à un spectacle. Les optiques anamorphiques apportent ça, créent ces fameux flairs typiques des productions Amblin, ce côté magique. Seulement voilà, obtenir la série complète des optiques ayant servi pour Titanic (James Cameron, 1997) – il doit y avoir douze ou quinze focales – c’est extrêmement coûteux. Au lieu d’abandonner ce choix, on a décidé de ne prendre que trois de ces focales. Par conséquent, on n’a tourné qu’avec le 35mm, le 50mm et le 100mm. Mais ça m’allait dans la grammaire qu’on voulait pour le film. Ça ne m’intéressait pas d’avoir des longues focales, de donner le sentiment qu’on regarde les scènes à travers des jumelles. Je voulais que si la caméra ait besoin d’aller chercher quelque chose, qu’elle y aille, physiquement. Autrement, dans les références que nous citons, la lumière se voit, et j’adore ça. J’adore quand la lumière n’est pas naturaliste mais qu’elle est sensée. En France, on a cette maladie de vouloir toujours filmer la source de la lumière, que s’il y a une lumière elle ait une raison d’exister, quelque part dans le décor de la scène. Du coup, avec le chef-opérateur Julien Poupard, on cherchait avant tout que la lumière ait du sens et qu’elle soit jolie. Donc on a mis de la fumée partout, parfois avec un système D car la fumée aussi coûte très cher, surtout dans les extérieurs de forêt. Autre exemple, au début le petit Simon regarde la mère en train de mettre de la crème sur la cicatrice de la petite fille. Il est éclairé d’une énorme lumière orange. Dans la scène, il n’y a aucune raison naturaliste pour qu’il soit baigné de cette lumière. Ce qui m’intéressait c’était de montrer, via la lumière, la fascination qu’il a, en tant qu’orphelin, pour l’amour maternel. Quand on regarde le film on ne s’interroge donc pas sur l’origine de la lumière, tant qu’elle est émouvante. C’est ce que nous avons essayé de tenir sur tout le film et ce à tous les niveaux, j’aurais pu vous dire beaucoup de choses similaires sur le travail du son, de la musique, etc…

Il nous semble qu’aujourd’hui il y a une certaine dictature de la longue focale – qu’on peut voir dans Joker (Todd Phillips, 2019), et dans destravaux aussi différents que ceux de Xavier Dolan ou Denis Villeneuve par exemple – et cela finit par devenir suffoquant. Est-ce que ce choix de n’utiliser que trois focales n’est pas aussi une réaction à une certaine esthétique de l’époque ? La question est d’ailleurs extensible à l’ensemble de tes partis-pris formels.

J’ai l’impression que ce que vous dites sur la longue focale, et sa forte présence aujourd’hui sur les écrans, va avec une certaine manière de penser la mise en scène et la mise en place. Ce que j’aime dans les focales un peu plus courtes, qui permettent l’existence du décor, c’est la possibilité de laisser l’œil du spectateur se balader. La longue focale enferme, impose aux spectateurs ce que le réalisateur veut qu’il voie. Souvent le réalisateur se couvre grâce à cette focale. Je pense que c’est souvent un cache-misère. Elle permet de palier aux décors moches, de rendre les comédiens plus beaux en écrasant les perspectives, et de s’assurer en montage. Choisir la courte focale, c’est d’une certaine manière plus risqué, parce que cela impose une longue mise en place au tournage, et que ce soit par cette mise en place et le mouvement des acteurs dans le décor qu’on indique au spectateur quoi regarder, quoi comprendre. On a donc moins de filet. A ce titre, l’un de mes plans préférés du film – qui peut sembler totalement anodin – c’est quand toute la famille met la table au début. En un seul plan, on passe par plusieurs valeurs de plan. C’est la chorégraphie de la caméra qui amène donc, en un sens, le montage. C’est un style de mise en scène qu’on retrouve énormément chez Spielberg qui est le maître de ces plans séquences invisibles. (ndlr notre article : Steven Spielberg, ou l’art de diriger le regard). En s’assurant avec des longues focales le réalisateur permet aussi à toutes les autres instances décideuses de mettre leur grain de sel ! Donc choisir de privilégier la mise en scène « de tournage » c’est aussi une affaire de rapport de force. Cet essor aujourd’hui vient aussi, je pense, de la télévision. Comme on y tourne avec beaucoup de caméras, c’est le meilleur moyen d’éviter l’autre caméra qui tourne en même temps. Cela amène d’ailleurs à un paradoxe : on a allongé les focales en même temps qu’on a agrandi les écrans…

Les trois personnages de La dernière vie de Simon jouent sous une table qu'ils ont érigée en cabane cachés par la nappe.

© Jour2Fête / GekoFilms

Parallèlement à l’arrivée de la longue focale, on a eu aussi une explosion de la caméra à l’épaule, en particulier dans le cinéma américain, comme si on voulait un cinéma presque « direct », qui recherche un style quasiment journalistique et qui a appauvri profondément la question de la mise en scène au sens plus « classique ». Est-ce que de refuser la longue focale ce n’est pas un choix qui parle avant tout d’un rapport particulier à la fiction, d’une envie de cinéma qui ne cherche pas forcément à capter le réel ?

Pour moi, il y a deux types de cinéastes : ceux qui aiment recréer du réel et le capter – à base effectivement souvent de longue focale et d’épaule – et ceux qui aiment créer du crédible, fabriquer entièrement ce que l’on voit pour essayer d’approcher quelque chose de crédible. Paradoxalement, on pourrait penser qu’un Woody Allen cherche plus à créer du crédible, mais en fait sa manière de travailler l’amène plus à capter du réel. Il ne fait aucun repérage, il arrive dans un décor qu’il n’a jamais vu dans lequel il met ses comédiens qui, certes, disent son texte mais ils le disent comme ils le disent et évoluent comme ils évoluent, et c’est une fois qu’Allen les a vus faire qu’il place sa caméra. Et, à l’inverse, on pourrait penser que Ken Loach capte du réel, or c’est le contraire. Il crée du crédible, clairement, parce que ses comédiens ne viennent jamais du sérail, qu’il leur faut donc des répétitions à n’en plus finir pour qu’ils finissent par atteindre cette vérité. Ces concepts sont moins liés uniquement au rendu final qu’à la façon de travailler, de mettre en scène.

Ça nous permet de rebondir sur ton film. On observe depuis quelques temps une stratégie d’hybridation du cinéma de genre français qui reprend souvent les codes esthétiques d’un certain cinéma d’auteur français – justement longue-focale, à l’épaule… – ce que tu ne fais évidemment pas. En outre, pendant de nombreuses années, un certain cinéma de genre français essayait peut-être davantage de louvoyer autour des codes du genre américain, tentant moins de faire des films de genres français que des ersatz de films américains. Ton long-métrage est à la frontière entre les deux car, à tous les niveaux, il opère des glissements judicieux entre ces codes du genre à l’américaine vers cette culture française. Comment ne pas faire un ersatz de film de Spielberg, mais un vrai film français inspiré par Spielberg ?

Tout part de l’écriture. Pendant un bon moment, les réécritures consistaient à enlever des codes de genre qui n’étaient pas incarnés. Par exemple, il y avait dans de nombreuses versions du scénario des « hommes en noir » qui recherchaient Simon pour essayer d’analyser son pouvoir. Quand on fait lire ça dans un scénario français, tout le monde demande « qui sont-ils ?  C’est la DGSE ? L’IGPN ? ». Des questions qu’on ne poserait jamais à un Américain, car c’est quelque chose qui fait partie de leur imagerie. En France, on a besoin de rendre naturaliste les choses, de les crédibiliser, de savoir ce que c’est concrètement. A moins de parvenir à imposer une poétique. C’est le plus intéressant : trouver la bonne métaphore poétique pour justifier ce que l’on fait exister. C’est ce qui a fait qu’on s’est attaché à cette histoire. Au départ, il n’y avait que ce concept de personnage pouvant se transformer, mais à partir du moment où on a décidé que le personnage serait un adolescent, le concept s’est mis à nous émouvoir. Il n’y a rien de pire pour un adolescent que d’avoir ce pouvoir, et cela nous permettait de parler de ce moment de la vie particulier où on se dit qu’on serait plus aimé en étant quelqu’un d’autre, alors que ce qu’il faut chercher c’est s’aimer soi-même. C’est le fantastique qui me plaît, celui de nos deux références absolues – E.T. l’extraterrestre (Steven Spielberg, 1982) et Edward aux mains d’argent (Tim Burton, 1990) – qui sont peut-être les plus européens des films fantastiques américains dans le sens où ils sont très intimistes. J’imagine donc que la patte française vient avant tout de l’exigence à l’écriture de faire une histoire intimiste qui se tienne.

La famille est, par excellence, la cellule privilégiée du cinéma d’auteur français. Pourtant, dans ce cinéma, elle y est souvent un espace fait de mesquineries, de petits secrets dévoilés, de haine et de règlements de compte. Dans La Dernière vie de Simon c’est tout le contraire. Les rapports y sont apaisés, aimants – jusqu’à un certain point bien sûr, quand le récit s’emballe – ce qui là aussi semble plus venir du cinéma américain. Cette vision fut elle difficile à faire accepter ?

On nous a effectivement très souvent demandé : « c’est quoi cette famille parfaite ? ». Ce à quoi on répondait souvent « pourquoi faut-il qu’il y ait toujours des problèmes dans les familles ? ». Quand on a des retours sur un scénario, l’idée ne doit pas être de trouver un bobard pour convaincre les personnes qu’ils ont tort. Il faut différencier dans ces retours, ce qui s’apparente à des diagnostics et/ou des ressentis. On a toujours essayé de lire entre les lignes des diagnostics qu’on nous faisait pour y trouver les véritables ressentis qui, à mon avis, sont indiscutables. Car si un seul lecteur a tel ressentiment, un autre spectateur l’aura forcément également. C’était donc à nous ensuite de trouver le bon diagnostic. Par conséquent, quand on nous reprochait ce côté trop parfait de la famille qu’on décrivait, c’est qu’elle finissait par en être énervante. On a fini par comprendre que si on la voulait comme cela, il fallait quelle soit vue à travers les yeux d’un orphelin, de manière totalement idéalisée, rêvée. Oui, cet enfant ne voit pas les parents qui s’engueulent, les difficultés, car il ne voit que ce qu’il a envie de voir : une famille saine. Une fois qu’on a réussi à faire passer ça dans le récit, plus personne ne nous a opposés de résistance, car c’était le sujet du film.

Un couple d'adolescents s'embrasse sur une plage, les cheveux au vent, en fond plusieurs badauds, surtout des femmes en robe, scène du film La dernière vie de Simon.

                                           © Jour2Fête / GekoFilms

De la même façon, peux-tu nous parler de ton rapport aux codes d’un autre genre qu’est celui de la comédie romantique et que tu invoques d’une certaine façon avec l’histoire d’amour qui lie la narration sur deux époques. Là aussi est-ce que ce n’est pas quelque chose qui a été compliqué à faire accepter durant le développement ? Mathias Malzieu que l’on vient d’interviewer pour son film Une sirène à Paris (Mathias Malzieu, métamorphose en bord de Seine) nous disait qu’il ressentait une défiance en France pour ce qu’il appelle « les beaux sentiments » qu’il dissocie par ailleurs des « bons sentiments ».

C’est peu de le dire. Il y a des gens qui sont même tout simplement allergiques aux grandes émotions dans le cinéma français. J’ai lu une critique dans Télérama qui disait : « Le réalisateur a encore la naïveté de croire en la magie du cinéma ». Vous vous rendez compte ? Je trouve ça d’une tristesse absolue ! C’est quelque chose de très ancré en France, l’idée que si vous voulez remuer les gens, parler à leur enfant intérieur alors vous êtes naïfs et déconnectés. C’est tout de suite vu comme quelque chose de moins glorieux, de moins noble, par comparaison à un cinéma plus cérébral. Or, pour moi, il y a beaucoup de cerveau dans le ventre. Donc en effet, c’est compliqué de faire du cinéma, disons… Romanesque. Je préfère cette appellation pour parler du film parce que je me reconnais moins dans l’idée de la comédie romantique, qui a ses propres codes. Mais c’est plutôt, en effet, le romanesque, le mélodrame, les grands sentiments, qui sont durs à faire accepter et sur lesquels vous pouvez encore avoir des blocages. Après, c’est assez simple à cacher dans les scénarios. Parce que vous écrivez que les personnages s’embrassent mais vous ne précisez pas qu’il va y avoir une grande musique orchestrale par dessus ! (rires) Cela ne nous a donc pas porté préjudice en amont, car ce n’était que de la forme finalement. C’est peut-être plus après la fabrication que ça a pu en gêner certains.

Cette candeur se sent aussi dans le jeu des comédiens, en particulier des enfants qui sont tous remarquables. Les comédiens adultes qui incarnent Simon ont-ils été déstabilisés par cette candeur, cette douceur recherchée dans l’incarnation du personnage ?

Ce qu’il y avait de très intéressant à faire c’est qu’il y a en tout treize acteurs qui incarnent le personnage dans le film, avec, bien évidemment trois principaux que sont le Simon enfant incarné par Albert Geffrier et les deux versions du Simon adolescent incarnées par Benjamin Voisin et Martin Karmann. L’enjeu principal a été de définir comment le personnage se présente au monde. Le lien qui unit toutes les interprétations, c’est comme tu l’as dit la candeur. On a défini Simon comme un éternel enfant, puisqu’il est condamné en quelque sorte à ne pas pouvoir évoluer, à ne pas pouvoir grandir. Il ne sait pas vraiment qui il est. La ligne directrice était donc, pour tous ces comédiens, de jouer « un enfant qui veut qu’on l’aime ». Ça c’est le versant intellectuel de l’approche mais, plus concrètement, en termes de direction cela se traduisait par une façon de marcher, de se tenir, de regarder, une attitude générale qui devait permettre de reconnaître Simon qu’importe l’enveloppe corporelle qu’il prenait. L’une des difficultés qui s’est posée à nous c’est que Benjamin et Martin – qui sont ceux qui incarnent le plus longtemps Simon à l’écran – n’ont jamais eu vraiment les mêmes émotions à jouer. Martin incarne un Simon contraint et bloqué, tandis que Benjamin peut être, de fait, un Simon plus ouvert, expansif et libéré. L’avantage c’est qu’ils ont beaucoup travaillé ensemble à créer une forme de continuité pour qu’on ait toujours l’impression qu’il s’agisse d’un seul et même personnage. Avec bien sûr, comme objectif, de convoquer, comme une sorte de surimpression, le visage d’Albert qui incarne le petit Simon. C’est lui qui hante véritablement toutes ces incarnations, parce que c’est la première, celle dont on se souvient comme référence. Donc forcément, pour le « ramener » sur ces corps de jeunes adultes, l’interprétation de Benjamin et Martin se devait de retrouver cette candeur. Et je crois que c’est ce qui, aussi, permet de faire admettre l’ellipse. Le personnage change de corps mais on le reconnaît tout de même.

Simon jeune adulte est debout l'air pensif devant des arbres, en fond à droite, un phare. Scène de La dernière vie de Simon réalisé par Léo Karmann.

© Jour2Fête / GekoFilms

Quelle liberté leur as-tu laissée pour qu’ils composent les personnages ? Est-ce que ce travail entre eux s’est aussi traduit par une forme de réécriture de leurs dialogues, de leur langage, pour mieux confectionner un Simon qui leur serait commun ?

Je ne suis pas un réalisateur qui aime que les acteurs improvisent sur le plateau, le dialogue est toujours dit tel qu’il a été écrit. Cela va dans le même sens que cette catégorisation qu’on évoquait plus tôt, entre les réalisateurs qui contrôlent et ceux qui captent. Je suis vraiment de la première catégorie. Nos phases de réécritures ont aussi beaucoup été dans le sens de supprimer du dialogue, car pour moi, moins il y a de dialogues plus on laisse à l’image et la mise en scène le soin de signifier des choses, et plus on laisse de surcroît la possibilité aux spectateurs de s’investir émotionnellement dans le récit. Si on a donc réduit au maximum le nombre de lignes de dialogues durant tout ce travail de ré-écriture, ce n’était pas pour que les comédiens en rajoutent au tournage ! Je les ai plutôt invités à prendre une marge de liberté dans l’interprétation des dialogues, ce qui représente déjà pléthore de possibilités. Pour démarrer le travail avec les trois acteurs qui incarnent les personnages à l’adolescence, je leur ai montré la séquence du baiser sur le pont du bateau dans Titanic (James Cameron, 1998) tout en coupant le son. Je les ai invités à imaginer comment la séquence avait été tournée – les centaines de techniciens qui s’animent tout autour, le son assourdissant des ventilateurs, les fonds verts de partout – et de regarder leur jeu, ce qu’ils donnent. Quand on fait cet exercice assez ludique on se rend compte qu’ils donnent en fait assez peu, mais suffisamment, à savoir qu’ils jouent l’instant présent et font confiance en tout le reste, pour amener le cinéma. Ce que je regrette en France, c’est que généralement 80% d’une scène se base sur le jeu des acteurs, si bien qu’on entend parfois d’une scène qui ne marche pas sur le papier, qu’elle fonctionnera une fois incarnée par un bon comédien… Pour moi c’est impossible. J’aime arriver sur un plateau en sachant exactement ce que je vais tourner, composer avec les quelques imprévus qui font partie quand même du plaisir, mais ne pas mettre toute la responsabilité du sens de la séquence sur les épaules des comédiens.

Pour justement rebondir sur cette ellipse dont tu parlais, qui arrive quasiment au milieu du récit, il nous semble que même si le film parvient à captiver dans son ensemble ce saut temporel peut être compliqué à faire accepter au spectateur, tant la première partie avec les enfants est gracieuse. Est-ce qu’il y a eu des versions du scénario qui se jouait uniquement sur les enfants ?

L’ellipse a toujours été là, dès le début de l’écriture, mais je ne vous cache pas qu’elle nous a d’emblée posée des problèmes. Beaucoup de retours que nous avons eus sur les différentes versions pointaient cela du doigt. On a même lu une remarque assez absurde, « Comment est-ce possible que les parents ne s’en rendent pas compte ? » comme s’il était évident qu’il puisse penser que leur fils avait un pouvoir et qu’il était en fait un autre enfant ayant pris l’apparence du leur ! (rires) En tout cas, même si parfois les raisons évoquées avaient du mal à nous convaincre, on a vite compris qu’il y avait tout de même un problème de crédibilité qu’il fallait résoudre. Parallèlement, on s’est rendu compte que si on retrouvait les personnages dans le même état émotionnel à l’adolescence que celui où on les avait quittés durant l’enfance, on se posait moins de question sur l’acceptabilité de ce bond dans le temps. Si vous n’avez pas ça, en tant que spectateur vous nourrissez une certaine frustration. Elle se traduisait par une impression que l’on avait enlevé une partie de l’histoire, une partie du développement psychologique des personnages. Et puis ce n’était pas un film d’imposture. On ne voulait pas faire une histoire façon Le Talentueux Mr. Ripley (Anthony Minghella, 1999) avec une histoire de personnage qui prend le corps d’un autre et qui attend dêtre révélé, même si il y a quand même un peu de ça, mais c’était plutôt pour nous un film sur une histoire d’amour impossible. Et pour que cela se développe, il fallait cette ellipse, que les enfants deviennent des jeunes adultes.

Les personnages Madeleine et Thomas Durant, adolescents, discutent l'air renfrogné, assis sur un banc devant un mur bleu, scène du film La dernière vie de Simon réalisé par Léo Karmann.

                                                © Jour2Fête / GekoFilms

Je voudrais rebondir sur le fait que tu disais tout à l’heure vouloir moins faire un film « à la française » qu’un film « à la nous ». Cela pointe une question majeure en ce qui concerne la recherche de financement, qui est la moyenne d’âge des gens en responsabilités dans les différentes commissions. Cette génération qui est née dans les années 60 à 70 pour la plupart, n’a pas les mêmes références, le même langage cinématographique, est-ce que ce n’est pas finalement le dernier barrage à briser ?

Je crois qu’actuellement, on est dans une situation où des gens plus âgés dont ce n’est pas la culture, disent à des plus jeunes dont c’est la culture que « ce n’est pas notre culture », en parlant de la France en règle générale. Or, la culture c’est quelque chose qui évolue, qui se nourrit. Et ce n’est pas parce qu’on a une culture française qu’elle n’est pas alimentée par la culture américaine. Mais, c’est en train de changer. Ça va naturellement évoluer, par le biais de trois évolutions assez distinctes. Déjà, une nouvelle génération, celles des années 80-90, commence à arriver à des postes à responsabilités et à décisions, à siéger dans des comités, à travailler dans les sociétés de production ou de distribution. Forcément, ils vont être plus réceptifs à ces propositions parce qu’elles en appelleront plus directement à leur propre culture, à leur propre sensibilité et logiquement ils devraient être plus à même de les soutenir. Ensuite, l’autre facteur important qui va découler du premier c’est le nombre. Plus on produira des propositions de genres, plus il en émergera des bons films et des bons auteurs. On dit souvent qu’il y a beaucoup de bonnes comédies en France… Mais ce n’est pas si vrai. C’est parce qu’on en est inondés à longueur d’année, qu’on en produit beaucoup, que de temps en temps, il en sort deux ou trois qui sont très réussies et/ou inventives. C’est une question de proportion. Et puis enfin, le troisième facteur qui est assez récent et qui rebat totalement les cartes c’est l’arrivée massives des plateformes et la domination des séries. Finalement le cinéma français est très en retard vis-à-vis de ce qui se passe dans la série française sur le territoire du genre. Quand on voit ce qu’a proposé Netflix ces deux dernières années avec Marianne (Samuel Bodin, 2019), Mortel (Frédéric Garcia, 2019) ou Vampires (Benjamin Dupas, 2020) ou même ce que vient de produire FranceTV/Slash avec Derby Girl (Nikola Lange & Charlotte Vecchiet, 2020) une super série très à l’américaine sur le Roller Derby produite notamment par Barbara Maubert, qui a 28 ans… Des choses se font, les auteurs sont là. Par ailleurs, je crois fort que cet âge d’or de la série va s’essouffler, parce que notre capital temps n’est pas illimité. On reviendra tôt ou tard à des formats plus courts et à des longs-métrages parce qu’on aura plus le temps de regarder autant de formats sériels qui sont trop chronophages. C’est à ce moment-là que le cinéma français ne devra pas rater le coche.

Même si ce n’est pas une généralité, une grosse proportion des abonnés des plateformes sur Netflix sont des spectateurs de moins de trente ans. Il n’est donc pas si étonnant de voir des œuvres qui leurs sont plus directement destinées, qu’il s’agisse de films ou séries qui ont pour public cible les adolescents, ou de ceux qui en appellent justement à la « sensibilité référentielle » si l’on peut dire, ou plus généralement à la culture cinématographique avec laquelle les trentenaires ont grandi et se sont façonnés. Benjamin Parent, réalisateur d’Un Vrai Bonhomme (2020) avec qui nous nous étions entretenus en début d’année (Benjamin Parent, en finir avec les injonctions), pointait d’ailleurs du doigt le fait qu’en France, exploitants et distributeurs dédaignaient le public adolescent prétextant qu’il ne fallait pas faire de films leur étant destinés car ils n’allaient pas en salles. On pourrait simplement se dire qu’ils ne vont pas en salles voir des films français, parce qu’il n’y a rien dans la production française qui ne leur soit véritablement destinés…

J’étais moi-même très énervé par ce type de remarque avant de vivre concrètement la sortie du film et j’avais à peu près le même diagnostic que vous : j’ai toujours pensé que c’était de la responsabilité de ceux qui proposent. Je le crois toujours un peu, mais je pense que le chemin pour parvenir à reconquérir ce public est très long. J’ai fait de nombreuses dates d’avant-première avec La Dernière Vie de Simon, et il y avait vraiment très très peu d’adolescents dans les salles. Il est faux de dire qu’ils ne vont plus au cinéma, mais disons qu’ils sont tous aspirés par l’offre américaine et notamment les films à licences. Je crois que cela va être très compliqué de les ramener au cinéma français parce que cela est très ancré dans leurs têtes que les films français sont chiants, bavards et pour les vieux. Pour vous dire, quand la bande annonce du film est sortie, on a eu de nombreux commentaires de jeunes spectateurs qui commentaient en disant « Ça à l’air dingue, dommage que ce soit français… ». C’est terrible ! Mais comment leur en vouloir… Je vous mentirais si je prétendais ne pas penser un peu pareil qu’eux.

Comment le film a-t-il été accueilli par les exploitants ?

Vue à travers une vitre, l'actrice Camille Claris jette un dernier regard à Simon avant de partir, le visage de Simon apparaît dans le reflet à gauche, scène du film La dernière vie de Simon pour notre interview avec Léo Karmann.

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On a décidé de placer la sortie pendant les vacances de février et les multiplexes nous ont répondu qu’il y avait déjà plusieurs films avec le même public cible qui sortaient en même temps dont Le Prince Oublié (Michel Hazanavicius, 2020) qui sortait sur une combinaison de 398 copies en première semaine, alors que nous on en avait à peine 50 ! Ça aussi c’est un vrai problème ! Comment rivaliser ! Chez les indépendants, le problème a été différent. Beaucoup d’entre eux ont adoré le film mais connaissent bien leur public, généralement senior, et savent que ce nest pas vers La Dernière Vie de Simon quils iraient spontanément. Seuls ceux qui ont voulu laisser sa chance au bouche-à-oreilles ont décidé de travailler le film. Mais on ne peut pas leur en vouloir : il y a tellement de propositions par semaine que miser sur un film sur le long terme devient quasiment impossible aujourdhui Personnellement, je milite pour que tous les films aient le même nombre de copies en première semaine et qu’après cette phase un peu test, les exploitants puissent décider de doubler les salles, mais pas avant. Parce que des projets comme La Dernière Vie de Simon ne peuvent marcher que par le bouche-à-oreille, et pour qu’il opère il faut d’abord qu’il soit vu, qu’il y ait donc plusieurs séances par jour et surtout qu’il reste en salles plusieurs semaines !

On s’est entretenu avec Frédéric Garcia, showrunner de la série Mortel (2019) dont tu parlais tout à l’heure (Frédéric Garcia, Pacte avec le Diable). Il nous disait que ce qu’il voyait de différent avec Netflix, c’est le fait qu’en terme d’écriture on y laissait beaucoup plus de liberté artistique et créative, du fait qu’on ne soit pas obligé de passer par les habituelles et multiples commissions, on a qu’un seul interlocuteur. Souvent, des auteurs français moquent le fait qu’aux États-Unis, le metteur en scène, l’auteur, n’a pas le final cut sur son long-métrage. Or, n’as-tu pas le sentiment que ce final cut est un leurre, dans un système où il faut réécrire une version pour chacun des guichets de financement pour lesquels on se présente ? Finalement, nourris-tu des regrets sur les évolutions successives et forcées qu’a connu le scénario ?

Non au contraire. Je suis persuadé que ces retours nous ont été utiles, on a juste dû faire le tri comme je le disais précédemment. Mais je suis persuadé que la version qu’on a tournée est la meilleure que l’on ait écrite. Je sais que le développement imposé par Netflix est très court et, personnellement, je fais partie de ceux qui pensent qu’un scénario a besoin de maturation. J’estime que, justement, on a potentiellement plus de liberté du fait de la multitude des financeurs. Parce que plus vous avez de gens qui donnent de l’argent par petites parts, moins vous allez en avoir qui se sentent légitimes à imposer quoi que ce soit… Alors que si vous n’avez qu’un seul financeur, qui donne tout, il y a fort à parier qu’ils risquent de vous appliquer la maxime : qui a l’argent, décide. Donc je serais a priori un peu plus méfiant…

Propos de Léo Karmann
Recueillis par Pierre-Jean Delvolvé et Joris Laquittant


A propos de Pierre-Jean Delvolvé

Scénariste et réalisateur diplômé de la Femis, Pierre-Jean aime autant parler de Jacques Demy que de "2001 l'odyssée de l'espace", d'Eric Rohmer que de "Showgirls" et par-dessus tout faire des rapprochements improbables entre "La Maman et la Putain" et "Mad Max". Par exemple. En plus de développer ses propres films, il trouve ici l'occasion de faire ce genre d'assemblages entre les différents pôles de sa cinéphile un peu hirsute. Ses spécialités variées oscillent entre Paul Verhoeven, John Carpenter, Tobe Hooper et George Miller. Il est aussi le plus sentimental de nos rédacteurs. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/riNSm

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