[Bilan 2019] Vent de révolte


L’année politique 2019 a soufflé, partout dans le monde, un puissant vent de révolte. Soulèvements populaires, mouvements sociaux et contestataires, élections historiques : en France (les Gilets Jaunes), en Algérie, à Hong-Kong, au Liban, au Soudan, en Guinée, en Espagne, au Royaume-Uni, en Suède, au Chili, au Brésil… Une thématique qui a, par ricochet, infiltré ou joué de sur-impressions sur la production cinématographique de 2019. Plus que jamais, le cinéma de genre(s) en a profité pour affirmer son pouvoir de représentation, sa force politique et sa faculté à raconter notre monde.

Le Joker exulte au milieu d'une émeute en pleine ville, les bras en croix.

                                                       © DC / Warner Bros

Année de révolte

Sur le plan géo-politique l’année 2019 a été largement mouvementée et commentée, certains spécialistes insinuant même la possibilité (voir l’imminence) d’une révolte globale, unifiant plusieurs foyers de contestations populaires par-delà le monde. Dans l’Hexagone, le mouvement des gilets jaunes a fait la une des journaux et agité la sphère politique et sociale depuis plus d’une année – un cas unique dans la Cinquième République. Entre scènes de fraternité retrouvée et prise de paroles spontanée, le mouvement fut aussi gangrené par une inévitable résurgence de violence et dérives des deux côtés qui divisa le pays. Sans savoir si la contestation française a véritablement été inspiratrice d’autres révoltes citoyennes dans le monde (et inversement) il faut constater l’extrême simultanéité qui unit le mouvement des gilets jaunes à d’autres soulèvements populaires fleurissant tout au long de l’année 2019 aux quatre coins du globe. En Algérie, la jeunesse lutte depuis des mois contre une corruption qui gangrène l’État réclamant un grand coup de balai sur une classe politique qui n’a plus la confiance de son peuple. Au Liban, l’augmentation d’une taxe sur les appels Whatsapp fût la goutte d’eau qui fit déborder le vase, propulsant la population dans la rue pour lutter contre les mesures d’austérité qui leurs sont assénées depuis tant d’années. En Espagne, les Catalans réclament d’être entendus quant à leur indépendance, tandis qu’en Angleterre, on s’écharpe autour du Brexit. En Suède (et un peu partout dans le monde) des enfants font la grève de l’école, unis derrière Greta Thunberg, pour contester contre l’inaction « des plus grands » (au deux sens du terme) face au réchauffement climatique. A Hong-Kong enfin, en signe de protestation contre le gouvernement chinois, des nuées de parapluies se sont érigés, reprenant, en un sens, la même valeur symbolique que le gilet jaune français. Outre la promiscuité de certaines revendications, ces différents noyaux de révoltes semblent se chercher des symboles communs, des signes de ralliement tacites. Si le gilet jaune ou le parapluie hong-kongais auraient pu faire office de point de jonction, de signe de reconnaissance universelle à toutes les luttes, c’est en réalité l’actualité cinématographique qui a, toute proportion gardée, mis en résonance les manifestations du monde entier.

Le Joker mime son sourire, les doigits sur les lèvres, au milieu de la foule de révoltés du film Joker.

© DC / Warner Bros

Ainsi, on a pu voir dans les foules de Beyrouth, de Paris, de Hong-Kong ou de La Paz, fleurir des masques aux visages rieurs, pommettes rebondis, représentants Guy Fawkes – grande figure révolutionnaire britannique. Un symbole popularisé par le film V pour Vendetta (James McTeigue, 2006) puis détourné ensuite massivement par le mouvement des Anonymous depuis 2007. Puis, plus récemment, les manifestants se sont réunis autour d’un autre visage, arborant un sourire rouge sang ciselant un maquillage de clown dégoulinant : celui du Joker. Cet anti-héros, parmi les plus appréciés de la culture populaire, a été revisité cette année par Todd Phillips et la prestation habitée de l’acteur Joaquin Phoenix. L’idée d’un soulèvement populaire des petits contre les puissants est au cœur de l’intrigue de cette origin story qui a pu dérouter/diviser par son manque de lisibilité politique. On a lu  que le film véhiculait un message fasciste, nihiliste et réactionnaire, ou au contraire qu’il appelait au réveil d’une « anarchie gauchiste » et violente. Il y a en tout cas derrière la trajectoire d’Arthur Fleck, jeune homme handicapé (social et mental) rebouté de la société jusqu’à ce qu’il retourne cette haine contre ceux qui l’oppressent, une idée profondément progressiste – largement commentée et contestée en France lorsqu’on l’associe par exemple à l’Islam radical et aux actes terroristes – qui défend l’idée que toute révolte, toute violence, toute dérivation du côté de méthodes ou pensées mortifères, est d’abord le fruit d’un arbre fruitier, ayant poussé dans un terreau social bien particulier. En d’autres termes, et sans malices littéraires, la société et ceux qui (la) dirigent, seraient, pour partie, responsable des « monstres » qu’elle créée. Cette idéologie peut parfois gêner certains commentateurs ou citoyens, en cela qu’elle peut légitimer (disent-ils) en un sens, tout autant une violence « banale » que des actes profondément « barbares ». Au contraire, s’attacher à analyser le terreau social qui fait pousser les « mauvaises herbes», revient davantage à tenter de comprendre pour mieux éviter qu’elles ne poussent, soigner les maux à la racine, que d’inciter et/ou légitimer leur propagation. Pour cela, le cinéma est un excellent outil. Et les cinémas de genres plus encore, parce qu’ils jouent et s’amusent de la frontière qui les séparent du réel. Une distanciation bien plus fine qu’il n’y paraît, qui en infusant des éléments fantastiques ou de science-fiction, de l’étrangeté, de l’horreur – en d’autres mots, des codes de représentations cinématographiques – nous mettent face à un miroir chargé de nous renvoyer l’image plus ou moins déformante du monde dans lequel nous vivons. Car l’une des promesses du cinéma, outre de nous faire « rêver » comme disent certains, est aussi de nous faire réfléchir, d’une part, et voyager, d’autre part. Le pacte signé avec le spectateur est donc tacite, le mécanisme à l’oeuvre entend réussir à nous identifier aux personnages, à vivre et ressentir leurs émotions, les partager et si possible, les comprendre. C’est sûrement en cela que les cinémas de genres sont par essence subversifs : c’est qu’ils invitent, souvent, à s’identifier à ceux que beaucoup qualifieraient comme des « monstres ». Le cas de Joker est en cela passionnant. Todd Phillips parvenant à convertir le spectateur à la cause d’un personnage qui a toujours été, au sein de son univers, l’incarnation suprême du mal et de la malice. Une forme moderne du Mephistophélès de Faust, le diable réincarné dans un humain au visage méconnaissable. La dialectique politique avec laquelle joue le film de Phillips a beau être brûlante, effrayante en un sens, elle n’en est pas moins profondément moderne. Car autour de cette figure révolutionnaire semant le chaos, c’est le monde actuel, ultra-libéral et capitaliste (dont Batman/Bruce Wayne est la parfaite incarnation) qui flambe et s’écroule sous nos yeux.

La soeur et le frère de Parasite essaient de capter le réseau sur leur téléphone, accroupis dans les toilettes minscules de leur maison.

                                           © Jokers Films / DR

Dans le Parasite de Bong Joon-Ho, cette éventration du système social pyramidal est recentré à l’échelle d’une famille pauvre, vivant dans les milieux-fonds (littéralement, à mi-chemin entre le rez-de-chaussée de la ville et ses sous-sols) de Séoul en Corée-du-Sud. Les membres de la cellule familiale des Ki-Taek, sont tous, soit au chômage, ou cumulant des emplois précaires. Les quinze premières minutes dressent assez subtilement le constat de l’ostracisation sociale qui les force à demeurer à la marge. Dans leur logement entre-deux mondes, la recherche d’un point de contact avec le réseau WIFI devient une galère sans nom. Il faut alors se contorsionner, faire deux fois sinon plus d’efforts que ceux qui vivent en haut de la ville pour réussir à capter ne serait-ce qu’une barre de signal. Il y a là, dans cette image a priori très simple et anodine, une illustration métaphorique puissante de cette fracture sociale qui opère dans les grandes villes. C’est d’ailleurs dans cette faculté à fabriquer une pensée politique profondément claire en ayant recours à des allégories plus ou moins cryptées, à un miroir tendu au monde réel, que Bong Joon-Ho, touche finalement à une forme d’universalité, ayant recours aux codes de la fable chère à La Fontaine. Car contrairement à Joker, Parasite ne souffre d’aucune ambiguïté sur son sens et son « programme ». Plutôt que de participer à faire exploser cette société qui les méprise et les cloisonne à leur misère, les parasites qu’ils se disent être, vont inséminer ceux « d’en haut ». La verticalité de la structure pyramidale de nos sociétés s’illustrent concrètement à l’image par la façon dont le cinéaste filme ses décors et cette ville. Pour s’élever socialement, monter l’échelle sociale, il faut monter de niveau en niveau dans la cité. Tout en haut de cette dernière, la maison d’architecte de la famille « riche » devient un objectif, un but. S’y introduire c’est s’élever socialement, introduire une classe sociale avantagée et la parasiter de l’intérieur – on pense par ailleurs, au final de Once Upon a Time in… Hollywood (Quentin Tarantino, 2019) ou cette même idée d’une élévation dans le décor illustre l’ascension sociale de Rick Dalton, du petit acteur raté de télévision ou de série B vers le  « grand monde » du cinéma. Dans Parasite, cette illustration schématique de notre société permet à Bong Joon-Ho d’user de métaphores pour véhiculer de la pensée politique. Ainsi, un soir de grande pluie, les bas-fonds de Séoul se retrouvent inondés, ses pauvres gens avec, pendant que les riches sur leur perchoir doré contemplent le spectacle fascinant de cette météo capricieuse sans se soucier des gens du dessous. On aura rarement vu illustration/détournement plus efficace et malicieuse de la fameuse théorie du ruissellement (une doctrine ultra-libérale fortement répandue, jusqu’en France) puisque ce qui vient des riches et ruisselle sur les pauvres ne les aide pas à «s’élever» mais au contraire, les inonde, les noie, les tue. La grande force du film réside donc dans sa faculté à illustrer la lutte des classes de façon non manichéenne et ludique, faisant montre d’une grande habilité à traiter de ces questions dont le cinéma raffole – le cinéma social est omniprésent, rien de neuf à cela – tout en ne lésinant pas à enrober cela dans un appétit à se jouer des codes, provoquant des fusions improbables et virtuoses entre l’horreur, le drame social et la comédie burlesque.

L'actrice Lupinta Nyong'o dans le film Us, vêtue d'une combinaison rouge, face à un tableau avec un dessin d'enfant dessiné à la craie.

                               © Universal Pictures

L’autre long-métrage américain qui nous intéresse entretient un rapport étroit avec Parasite, en cela qu’il travaille la même question d’une représentation verticale de la société. Dans Us, le cinéaste Jordan Peele propose une autre illustration du « monde d’en dessous » poursuivant la réflexion déjà à l’oeuvre dans son premier long-métrage, Get Out (2017), en étendant son observation sur une dimension plus générale socialement. Si le premier film entendait mettre en exergue racisme et ré-appropriation culturelle au sein de la société américaine contemporaine, le second élargit le propos aux classes sociales, proposant d’illustrer la dichotomie entre une classe privilégiée et une classe désoeuvrée, par la même dialectique de la verticalité mis en scène par Bong Joon-Ho. Moins efficace dans son propos, moins maîtrisé en tout point, le long-métrage souffre de la faiblesse de son dispositif et de ses errances et invraisemblances narratives, qui enraillent le propos politique jusqu’à le rendre assez abscons. Concrètement, Us tient difficilement la comparaison avec son cousin sud-coréen, qui est probablement plus malin dans sa façon de nouer les codes du genre à son propos. Trop lourdement investi d’une volonté de terrifier et de divertir, tout en prenant une posture à demi-condescendante de donneur de leçon, Jordan Peele oublie ses racines de comique satirique (la comédie était omniprésente dans Get Out) et tente peut-être de paraître plus sérieux qu’il ne l’est vraiment. Car il y a dans Us une dimension bouffonne qui semble moins volontaire que celle affichée (et maîtrisée) par Bong Joon-Ho. En résulte un objet qui « fait genre », à défaut de « faire pas genre ». Reste qu’il convient de raison garder à son sujet – nous faisons partie de ceux qui n’ont jamais crié au génie le concernant – et d’admirer l’émergence d’un cinéaste noir-américain qui semble avoir compris et assimilé que le cinéma de genre était le théâtre idéal pour transmettre des messages politiques, sous couvert d’un « produit » de divertissement populaire. Pour l’heure, le cul entre deux chaises, se sentant peut-être missionné d’une cause plus universelle que communautaire, Peele n’a su transformer l’essai de son premier opus, mais néanmoins a participé, à sa façon, à l’appropriation de sujet sociétaux brûlants par le cinéma contemporain.

La doctoresse du village du film Bacurau, la veste tâchée de sang, au millieu de ses habitants.

                          © Victor Jucá / SBS Distribution

Autre cas intéressant au regard de notre sujet, Bacurau de Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles, s’impose de part sa provenance comme l’un des films qui communiqua le plus cette année avec l’actualité internationale. Réalisé avant l’élection tonitruante de Jair Bolsonaro, ce long-métrage voulu comme une fresque sociale d’anticipation – on nous annonce que l’histoire se déroule « dans un futur proche » – s’est finalement vu rattrapé par l’actualité, au point qu’on lui ait vite fait porter, lors de son passage à Cannes, l’étiquette du premier film brésilien de « l’ère Bolsonaro ». Rappelons en cela, brièvement, le contexte politique brésilien. Elu en 2018 sous l’étiquette du parti social-libéral, le président Jair Bolsonaro est assez unanimement considéré comme positionné à l’extrême droite de l’échiquier politique. Populiste, nationaliste, conservateur et fasciste pour certains, il fait parler de lui pour ses prises de positions virulentes sur des sujets polémiques. Défenseur de la peine de mort, du port d’armes et de l’usage de la torture, farouchement opposé au mariage homosexuel, à l’avortement et défenseur d’un projet de loi sur la stérilisation forcée. Ayant tenu des propos très durs à l’encontre des populations indigènes de son pays, il a notamment qualifié les partisans du mouvement des paysans sans-terre – un mouvement social au Brésil qui milite pour l’accession des paysans à la propriété de leur terrain à cultiver, dont plus de 1700 militants ont été assassinés depuis sa création en 1985 – de terroristes. Il se qualifie aussi de grand nostalgique de la dictature militaire, se dit grand admirateur de Augusto Pinochet qu’il considère comme un modèle, et assume son amitié et la concordance de ses idées avec celles du président Donald Trump. Alors forcément, au regard de l’ascension au pouvoir de cette homme, l’histoire de Bacurau a pu paraître pour certains comme une vindicative assumée à l’encontre du gouvernement en place. Prônant sans garde fou le recours à la violence comme réponse à une autre forme de violence (symbolique ou concrète), le film peut en un sens se rapprocher du Joker de Todd Phillips, en cela qu’il peut insinuer que la force du collectif unissant les désœuvrés est leur arme principale face aux puissants qui les méprisent. Plus clair et frontal sur ce sujet que son homologue américain, Bacurau place la force du collectif – des habitants d’un petit village que l’on essaie de rayer de la carte pour les priver de leur territoire : on pense forcément au mouvement des sans-terre – et le recours à la violence comme un cas de légitime défense. L’étonnant tournant du récit cristallise tout son propos. On y découvre qu’une milice de richissimes américains est venus faire du tourisme morbide au Brésil, assassinant lâchement les villageois pour leur simple plaisir, oeuvrant sous les ordres d’un patron dont les ambitions personnelles demeurent toutefois assez floues. Plus bête et bestial qu’on ne le dit, le film de Mendonça Filho et Dornelles est un cas intéressant, en cela que son programme assez clair de satire d’anticipation politique passée au vernis d’une série B crasseuse et pompière, s’est vu rattrapé par l’actualité brûlante du pays, dont la réalisation du film est, on le rappelle, légèrement antérieure. S’il ouvre en un sens « l’ère Bolsonaro » du cinéma brésilien (on vous invite à lire sur le sujet le dossier consacré à cette question par Les Cahiers du Cinéma N°758) il clôture surtout et sûrement, « l’ère Lula/Rousseff», tant on sait, que produire de tels films aussi frontalement opposés au régime de Jair Bolsonaro – et critiquant de surcroît l’impérialisme américain – va être de plus en plus compliqué dans ce pays d’Amérique du Sud. Rappelons que, fraîchement élu, le président a décidé de supprimer son ministère de la culture et a entamé une purge à tous les niveaux de l’appareil politique et sociétal, notamment dans le cinéma, prônant, je cite, le recours à « une guerre culturelle ».

Les deux personnages au visage déformé de Border se baignent et rient dans un lac.

                               © Metropolitan FilmExport

Pour parfaire l’énumération, sans pour autant s’y appesantir beaucoup plus, notifions les apports à cette réflexion globalisée de cinéastes comme Ali Abassi. Dans Border, grande fable fantastique et sociale malheureusement injustement passée sous les radars des habituels classements-bilans de fin d’année, les personnages principaux, considérés comme différents (on taira vraiment l’explication, parce qu’elle fait le corps du réécit et pourrait vous divulgâcher sa découverte) par la société, en sont rejetés et vont communier ensemble et se « retrouver » eux-mêmes et à plusieurs, en acceptant et assumant leur différence. S’il s’agit moins d’illustrer une dimension politique de la lutte des classes, c’est la grande thématique voisine de l’acceptation de « l’autre » de celui qui est « différent » qui régit une narration empruntant au passage l’une des grandes thématiques du cinéma fantastique. La « monstruosité », celle que l’on promeut d’un regard condescendant posé sur quelqu’un que l’on ne comprend pas et en qui on ne se reconnaît pas, est une autre des grandes thématiques du cinéma de 2019 – voire de la décennie – et largement connexe au contexte de vague migratoire qui bouleverse actuellement le monde. Border s’en empare admirablement, brassant les codes de la représentation du « monstre » dans le cinéma fantastique – très souvent, comme le dit d’ailleurs Guillermo Del Toro, le monstre est la métaphore évidente de l’étranger, de ce « qui nous est étranger » – tout en le plantant dans un contexte social bien défini – la Suède – et son identité locale affirmée – les légendes nordiques. Cette monstruosité de celui qui est différent est convoquée d’une toute autre manière par M. Night Shyamalan dans Glass. Antithèse du film de super-héros, il propose de porter un autre regard sur ces mutants, ces êtres différents de leurs semblables car ayant des aptitudes et capacités hors-normes. Porté par une foi humaniste indéboulonnable qui fait depuis des années le socle de son cinéma tout entier, Shyamalan fait en soi la jonction entre les deux grands sujets politiques du moment en proposant une vision plus universaliste, invitant tous les laissés pour compte, les « autres », les « monstres », à unir leurs forces et à s’assumer comme des héros. En cela, la fin de Glass est un parfait contre-pied à celle de Joker, entendant moins faire des révoltés des supers-vilains, que des supers-héros.

James McAvoy est la Bête, hurlant et tout muscle dehors sur le parking de l'hopital où il était reclus, scène du film Split.

                                      © Universal Pictures

Qu’on se le dise, les cinémas de genres, sous couvert d’un vernis de divertissement pour adolescents (une réputation que beaucoup leur ont fait), ont en tout temps réfléchi l’image d’un monde en sursis, emprunt aux doutes et à son écroulement. La résurgence de nombreux foyers de contestation sociale tout autant que d’angoisse du devenir de l’humanité, et ce, tout autour du globe, a logiquement cannibalisé un cinéma qui s’est toujours nourri des grandes métamorphoses sociétales, des grands sujets, des grands traumatismes, en les détournant et déformant sous le prisme d’une réalité déformée par la fiction et des codes de représentation qui l’accompagnent. En amateurs de ce cinéma-là, nous ne ferons pas le raccourci idiot et opportuniste de souhaiter l’embrasement du monde et le réchauffement de la planète, mais sommes néanmoins bien conscients que le salut du cinéma qu’on aime est corrélatif à l’angoisse d’un monde qui s’éteint et surement, à l’espoir qu’un jour, une lumière se rallume.


A propos de Joris Laquittant

Sorti diplômé du département Montage de la Fémis en 2017, Joris monte et réalise des films en parallèle de son activité de Rédacteur en Chef tyrannique sur Fais pas Genre (ou inversement). A noter aussi qu'il est éleveur d'un Mogwaï depuis 2021 et qu'il a été témoin du Rayon Bleu. Ses spécialités sont le cinéma de genre populaire des années 80/90 et tout spécialement la filmographie de Joe Dante, le cinéma de genre français et les films de monstres. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/sJxKY

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