The Signal


Netflix dégaine The Signal (Florian David Fitz, Nadine Gottmann & Kim Zimmermann, 2024), la dernière série allemande de son catalogue, qui a de très grosses ambitions à défendre. Retour sur cette série aux accents très spielbergiens que personne n’attendait pas mais qui devrait vous surprendre et vous tenir en haleine !

Une petite fille avec une capuche sur la tête, regarde vers le ciel en plein air de nuit ; près d'elle, d'autres personnes indéfinissables vues en amorce, semblent regarder dans la même direction qu'elle ; scène de la série The Signal.

© Netflix

Rencontre au troisième bip

Netflix n’en finit plus, semaine après semaine, de nous proposer du contenu. Oui, on ne parle plus de films ou de séries – donc d’art – mais de contenu censé pouvoir contenter le spectateur tout heureux devant une offre de plus en plus large. Cependant, au milieu de la vingtième série adaptée d’un Harlan Coben et du cinquantième « docu » sur la dernière star à la mode, peuvent émerger de véritables propositions artistiques telles que Dark (Baran Bo Odar, 2017-2020), Dans leur regard (Ava DuVernay, 2019) ou Mindhunter (Joe Penhall & David Fincher, 2017-2019). À quelques semaines de sortir l’évènement Le Problème à trois corps (David Benioff, D.B. Weiss & Alexander Woo, 2024), la plateforme au N rouge a décidé de viser le haut de son catalogue avec la mini-série The Signal (Florian David Fitz, Nadine Gottmann & Kim Zimmermann, 2024). Cette production allemande sortie de nulle part bénéficie de l’expérience de certains de ses auteurs ayant œuvré notamment sur Skylines (Dennis Schanz, 2019) déjà pour Netflix, et a le mérite d’avoir de très belles ambitions. En mêlant l’histoire intimiste d’une petite famille à des enjeux planétaires, The Signal intrigue dès ses premières minutes : Paula revient d’une mission à bord de l’ISS où elle pourrait avoir fait une découverte majeure. La capsule atterrit au Chili. Son mari Sven et sa fille Charlie l’attendent en Allemagne à l’aéroport mais l’avion n’arrivera jamais, ayant disparu des radars. Entre conspiration et gestion du deuil, Sven commence alors une enquête pour comprendre ce qui est arrivé. Paula est-elle responsable du crash de l’avion ? Quelle découverte a-t-elle fait dans l’espace ?

Dans The Signal, un papa, casquette sur la tête et sa petite fille surgissent d'un champ de maïs, et regardent derrière eux, l'air inquiet.

© Netflix

La mini-série est divisée en quatre épisodes d’une heure, rendant l’expérience très resserrée et intense. Pas le temps de chipoter, les auteurs vont à l’os pour nous plonger dans le cœur du mystère. Pour autant, le spectateur prend ses marques très rapidement en identifiant les connexions entre les personnages et les différentes temporalités à la faveur d’un montage habile. Les auteurs – dont Florian David Fitz, qui est aussi l’acteur principal de la série – démontrent une vraie intelligence d’écriture et ce jusqu’au final. Le mystère entourant la découverte de Paula est distillé avec suffisamment de maîtrise pour tenir en haleine tout du long, rappelant le meilleur des thrillers paranoïaques américains des années 70 à la Alan J. Pakula. Conspiration, documents classés confidentiels, tentative de meurtre, tout y renvoie sans que cela ne rende factices les efforts de The Signal. Et la résolution a cela de satisfaisant qu’elle ne cède pas à la facilité où le soufflé se serait bêtement dégonflé : l’intrigue est tenue jusqu’aux dernières secondes du show. Mais surtout, c’est le nœud dramatique impliquant Paula, Sven et la petite Charlie qui engage émotionnellement le spectateur. Le choc, le déni, l’espoir et la résignation, toutes les étapes du deuil sont représentées, parlant directement à nos petits cœurs serrés. La thématique, universelle, est un moyen intelligent de s’intéresser de plus près à la psychologie des personnages et aux liens qui sont les leurs. C’est ainsi qu’au bout de vingt minutes du premier épisode, nous sommes déjà pieds et poings liés avec la petite Charlie et Sven. Pour autant, l’écriture a l’intelligence de ne jamais céder à l’émotion facile et de faire preuve d’une certaine retenue.

Deux amoureux rient en s’enlaçant, lors d'une soirée éclairée par des boules à facette, et plongée dans une lumière bleue claire ; ils semblent être les seules personnes de l'endroit.

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La réalisation quant à elle, confiée à Sebastian Hilger et Philipp Leinemann, est à l’avenant du scénario qu’elle met en images. On sent une volonté de s’inscrire dans les pas de Steven Spielberg par moments avec une photographie proche du travail de Janusz Kaminski et des effets de contre-jour et de lumière enveloppante. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard puisque The Signal, de par ses thématiques et l’émotion qui s’en dégage, convoque régulièrement l’esprit du cinéma du papa de E.T. L’Extra-terrestre (1982) – notamment avec cette volonté de filmer une famille dysfonctionnelle à hauteur d’enfant et quelques scènes rappelant ouvertement La Guerre des mondes (2005) ou Rencontres du troisième type (1977). Assumant pleinement cet héritage, la mise en scène jamais cheap des deux réalisateurs allemands alterne les moments d’action – comme lors d’un accident de voiture très réussi – de suspens et intimistes, en étant pertinente sur les trois fronts. Les séquences dans l’espace, sans atteindre la beauté et l’envergure de classiques du genre tels que 2001, L’Odyssée de l’espace (Stanley Kubrick, 1968) ou Gravity (Alfonso Cuaron, 2013), ne dénotent pas en comparaison, par exemple, aux effets visuels des derniers Marvel. On croit complètement à l’apesanteur des personnages. En définitive la réalisation, si elle n’égale jamais la perfection formelle de Dark, autre série allemande estampillée Netflix, est l’un des atouts majeurs de la série.

Plan rapproché-poitrine, désaxé, sur Peri Baumeister dans la série The Signal ; elle est dans un vaisseau spatial, dirigeant ses yeux vers l'extérieur avec appréhension, et tentant d'écouter quelque chose dans des écouteurs qu'elle tient contre ses deux oreilles.

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Mais surtout, la série fonctionne grâce à son casting ! Hadi Khanjanpour inquiète en coéquipier de Paula dont on ne comprend pas les intentions avant le milieu du dernier épisode. Peri Baumeister est parfaite en mère tiraillée entre sa famille, ses problèmes de santé mentale et sa volonté de découvrir un ailleurs. Quant à Florian David Fitz, qui est donc co-auteur de The Signal, il insuffle une belle fragilité à Sven, son personnage de père courage. Au milieu de ces adultes, dont on ne détaillera pas les seconds rôles tous parfaits, c’est principalement la petite Yuna Bennett qui impressionne dans le rôle de Charlie. Malentendante, la jeune fille est tour à tour éplorée, déterminée et combative. C’est bien simple, elle est le cœur de la série, celle sur qui se repose Sven pour se relever et même décider comment agir. Avec cette galerie de personnages et interprètes réussie, la série met l’humain au cœur de son récit, et c’est bien le propos de The Signal qui questionne en sous-texte notre humanité face à des enjeux qui nous dépassent. En cela, cette nouvelle production Netflix est en adéquation avec notre époque – elle évoque explicitement les conflits en cours en Ukraine et ailleurs, la montée des populismes dans le monde entier et la question du réchauffement climatique – et porte un regard sévère sur celle-ci. On peut éventuellement regretter que The Signal prenne peut-être trop de gants pour soulever ces problématiques – l’optimisme des personnages fini par triompher – mais c’est là encore la force du vent spielbergien qui souffle sur cette série…


A propos de Kévin Robic

Kevin a décidé de ne plus se laver la main depuis qu’il lui a serré celle de son idole Martin Scorsese, un beau matin d’août 2010. Spectateur compulsif de nouveautés comme de vieux films, sa vie est rythmée autour de ces sessions de visionnage. Et de ses enfants, accessoirement. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/rNJuC

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