Rebel Moon – Partie 1 : Enfant du Feu


Mais où est passé Zack Snyder ? Le réalisateur au style pompier et turbo-bourrin que l’on adore détester, mais qui nous a tout de même offert quelques images saisissantes, voire même quelques bons films, semble avoir disparu de la surface de la terre, remplacé par un exécutant pour plateforme de streaming en manque de contenus ! Après son décevant Army of the Dead (2021) pour Netflix, Snyder rempile avec le N rouge et confirme, avec Rebel Moon – Partie 1 : Enfant du Feu (2023), l’asservissement formaté de son cinéma au dieu algorithme.

© Netflix

Crépuscule d’une idole

L'actrice Sofia Boutella dans un champ au crépuscule, tient une faucille sur ses épaules ; la tête baissée, elle a l'air mélancolique ; plan issu du film Rebel Moon - Partie 1 : Enfant du Feu.

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Drôle de phénomène que celui qui entoure Zack Snyder. Passé de maître d’œuvre du DC Universe pour le studio Warner à véritable paria d’Hollywood après l’échec pourtant modéré de Batman V. Superman : L’Aube de la Justice en 2016, le réalisateur américain a connu une période bien sombre, avant une résurrection aussi spectaculaire qu’inattendue en 2020. Ce retour en grâce il le doit, notamment, au mouvement de sympathie né sur les réseaux sociaux autour du fameux Snyder’s cut, suite à l’accident industriel que fut Justice League (2017). Si cette ressortie rehaussait nettement la version corrigée de Joss Whedon, elle laissait déjà entrevoir les failles d’un réalisateur incapable de fixer ses propres limites. En proposant plus de quatre heures de film, et ce, au détriment de toute logique de rythme et d’efficacité narrative, Snyder passait en force, bien épaulé par une armée de fanatiques dévoués à sa cause. Mais depuis son arrivée chez Netflix, c’est une autre paire de manches. Avec le décevant Army of the Dead (2021) sur lequel il était seul aux manettes, le cinéaste a perdu de sa superbe et ne peut s’en vouloir qu’à lui-même. Une dégringolade qui se confirme hélas avec ce Rebel Moon Part 1 : A Child of Fire, que Snyder, totalement aveuglé par sa soudaine popularité, a imaginé comme une giga franchise à sa propre gloire.

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Construit sous la forme d’un diptyque dont la deuxième partie sortira en avril prochain, Rebel Moon – Partie 1 : Enfant de Feu est un space opera qui raconte le combat d’une bande de rebelles aux prises avec un empire galactique, soit une reprise évidente et non dissimulée de la trame de Star Wars (Georges Lucas, 1977). Une récupération qui en dit déjà long sur les désirs de filiation de Zack Snyder, à qui Disney aurait soi-disant refusé sa proposition de script au moment de reprise de la saga de Georges Lucas. Simple désir de revanche donc ? Peut-être… Le plus triste toutefois, c’est que Snyder n’en fait rien. Pire, il ne semble avoir rien compris à ce qui faisait la réussite de Star Wars, soit un certain génie de la narration qui n’use pas tant des dialogues que de la musique, du montage et du sound design pour sculpter un univers pourtant fort étrange au premier abord. Dans Rebel Moon, l’intrigue comme les personnages sont installés par de longues séquences dialoguées, sans aucun souffle ni plus-value cinématographique. Et le pompage ne s’arrête pas là ! Snyder mêle à l’intrigue de Star Wars celle des Sept samouraïs (Akira Kurosawa, 1954), puisque Kora, jeune femme au passé mystérieux, va devoir recruter une bande de renégats pour défendre sa paisible colonie de fermiers.

Scène de combat entre un soldat armé d'un fusil futuriste et ce qui paraît être un guerrier plus archaïque, qui le frappe avec une lance ; la scène se situe dans une espèce d'entrepôt éclairé de néons jaunes, dans le film Rebel Moon - Partie 1 : Enfant du Feu.

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Le recrutement des protagonistes constitue alors l’entièreté du récit, soit un empilement monotone de séquences déjà vues ailleurs et dénuées du moindre enjeu dramatique, tant nos personnages s’empressent de rejoindre la rébellion sans sourciller. Malgré l’enchaînement de lieux et de situations, le long-métrage donne l’impression de faire du surplace et nous enferme dans des mondes étriqués. En termes de rythme et d’ampleur, on est plus proche du feuilleton télévisé du dimanche après-midi que de la fresque épique. Un comble ! Ce n’est pourtant pas la première fois que Zack Snyder met en scène des bandes, c’est même un motif récurrent chez lui : 300 (2006), Watchmen (2009), Sucker Punch (2011), Justice League et Army of the Dead. Mais, sans le recours à un matériau original assez iconique comme la bande dessinée Franck Miller, ou assez dense comme celle d’Alan Moore et sans le soutien de scénaristes expérimentés comme David S. Goyer et Chris Terrio qui l’ont accompagné sur son arc DC, le nouveau cinéma 100% Snyder sonne terriblement creux, à tel point que l’on regretterait presque les audaces narratives mais maladroites de Sucker Punch première œuvre originale du réalisateur. C’est surtout en termes de réalisation pure que Rebel Moon déçoit.

Vue en contre-plongée, une femme s'apprête à achever d'un coup de hachette un homme à terre, dans ce qui semble être une grande tout en bois ; scène du film Rebel Moon - Partie 1 : Enfant du Feu.

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Où donc est passé le panache de Zack Snyder ? Célèbre pour son approche décomplexée de l’action dont l’influence a été énorme à Hollywood dans les années 2010 et qui a certainement nourri l’imagerie du cinéma indien contemporain, Snyder nous a habitués à balancer des images percutantes et bigger than life : les travellings latéraux de 300 et ses gerbes de sang numériques, le sublime générique de Watchmen, les quarante minutes de destruction totale de Man of Steel puis de Batman V. Superman : L’Aube de la Justice. A côté, Rebel Moon est un enfant bien sage, presque un ersatz des produits Disney. Le cinéaste ne déborde plus et se contente de copier le tout-venant du cinéma d’action. De rares idées visuelles subsistent çà et là, dans un choix de costumes ou un design de vaisseau, mais force est de constater qu’il n’y a pas grand chose à se mettre sous la dent. D’autant que depuis Army of the Dead, Snyder s’est entiché d’une photographie souvent illisible qui floute les arrières plans par pur effet de style. On regrette le travail autrement plus classieux de Larry Fong sur Watchmen et Batman Vs. Superman : L’Aube de la Justice.

Une femme parée comme une princesse orientale et portant de grandes cornes nous regarde droit dans les yeux dans le film Rebel Moon - Partie 1 : Enfant du Feu.

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Plus incompréhensible encore, le sang ne coule plus chez Zack Snyder ! Il y a comme une dissonance entre les coups portés et leur conséquence sur les corps. Et voilà que l’on nous annonce un énième director’s cut qui verra le retour de l’hémoglobine et même une heure supplémentaire. Pourquoi une telle annonce alors que Znyder vante depuis deux ans une totale liberté créative dans le cadre de son partenariat avec Netflix ? Quel est même l’intérêt de sortir un director’s cut sur une plateforme de streaming ! Évidemment, on flaire d’ici la formule marketing. Une manière d’assimiler le réalisateur à une sorte de maverick du cinéma, tellement subversif qu’il lui faudrait des versions spéciales de ses créations pour véritablement exprimer l’entièreté de sa vision. Tout cela cache un constat bien plus déplorable : non seulement Zack Snyder n’est plus aussi inspiré qu’avant, mais il est également devenu le seul responsable du formatage de son cinéma. Le paradoxe est total pour un réalisateur qui s’est longtemps caché derrière la maltraitance des studios (parfois à juste titre) au sein desquels il semblait, en fin de compte, bien plus créatif. Snyder s’est perdu dans le rêve du contrôle et d’une franchise à son nom, sorte de gros jouet qu’il a lui-même conçu, faute d’inspiration, comme un pur produit de son époque, soit un collage postmoderne de motifs génériques pour le plus grand plaisir des algorithmes. Snyder ne fait plus du cinéma, il fait du contenu Netflix et il le fait de son plein gré. Encore faudrait-il qu’il le reconnaisse…


A propos de Clément Levassort

Biberonné aux films du dimanche soir et aux avis pas toujours éclairés du télé 7 jours, Clément use de sa maîtrise universitaire pour défendre son goût immodéré du cinéma des 80’s. La légende raconte qu’il a fait rejouer "Titanic” dans la cour de récré durant toute son année de CE2 et qu’il regarde "JFK" au moins une fois par an dans l’espoir de résoudre l’enquête. Non content d’écrire sur le cinéma populaire, il en parle sur sa chaîne The Look of Pop à grand renfort d’extraits et d’analyses formelles. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/riSjm

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