On a tendance à l’oublier mais les excès des années 80 ne sont pas l’apanage des États-Unis. À l’autre bout du globe, en Australie, est apparu un genre à part entière : la ozploitation qui verra sortir quelques petites perles comme celle qui nous intéresse aujourd’hui : BMX Bandits (Brian Trenchard-Smith, 1983), réédité par Elephant Films dans un joli coffret Blu-Ray.
Cheesy Rider
Depuis Mad Max (George Miller, 1978), le cinéma australien vit un nouvel essor. Une génération de surdoués s’apprête à déferler sur la planète entière, parmi lesquels Miller donc, mais aussi Peter Weir, Phillip Noyce et bien d’autres. Si Brian Trenchard-Smith n’appartient pas à cette catégorie, ses premiers efforts ont largement profité de cet élan nouveau au pays des kangourous. Un peu d’action avec L’Homme de Hong Kong (1975), un peu de musical avec La Rage de la casse (1978), un peu de science-fiction avec Les Traqués de l’an 2000 (1982), l’homme s’essaye à tous les genres et surfe à plein régime sur ce que l’on appellera des années après la ozploitation, soit la contraction entre « Aussie », le surnom de l’Australie, et le cinéma d’exploitation. Un âge d’or du cinéma de genres australien qui, à un rythme de production infernal, verra naître les premiers films de nombreux cinéastes bientôt confirmés. BMX Bandits est un pur produit de cette période, jugez plutôt : un groupe de braqueurs de banques égare une caisse remplie de talkies-walkies à la pointe de la technologie (apparemment) qui s’est retrouvé entre les mains d’un trio de jeunes accros au BMX. Les trois ados, deux gars et une fille, vont être traqués par ces bandits menés par le sosie britannique de Chuck Norris mais aussi par la police puisqu’ils utilisent les fréquences radio de celle-ci pour communiquer. Une course poursuite s’engage donc entre tout ce petit monde, dans un suspens tout relatif.
Le Gang des BMX, l’ancien titre français de BMX Bandits, ne brille pas par son originalité ni par sa finesse. Tout est ultra attendu et balisé, et les quelques intérêts que l’on peut y trouver se comptent sur les doigts d’une main. D’abord, et pour ne pas être complètement de mauvaise foi, il est possible que ce long-métrage ait une résonance différente selon l’âge auquel on l’a découvert. BMX Bandits est typiquement le genre de production qui a un écho particulier quand on le visionne gamin. À l’instar d’un Ninja Kid (Jon Turteltaub, 1992), il est génial, étant enfant, de voir d’autres enfants mettre la misère à des adultes et vivre leur meilleure vie. Par un postulat sportif similaire, les vélos remplacent les kimonos mais l’idée est la même, le film de Trenchard-Smith flatte son audience la plus jeune. Quentin Tarantino lui-même, qui est plutôt amateur de productions peu prestigieuses, dit d’ailleurs que BMX Bandits est l’équivalent australien des Goonies (Richard Donner, 1985). Alors le revoir aujourd’hui, pour ceux pour qui c’est un film lié à leur enfance, nourrit une certaine indulgence. Votre serviteur l’a par contre découvert à 36 ans, et c’est tout à coup beaucoup plus compliqué ! Les méchants sont d’un caricatural et d’une bêtise rarement vus sur grand écran, les gags peau de banane s’enchainent à vitesse grand V, et les héros sont assez insupportables pour rendre le visionnage particulièrement éprouvant lors de la première demi-heure. L’écriture n’est pas non plus sauvée ou contrebalancée par une facture technique d’exception puisque si la photographie est plutôt soignée, on y reviendra, le montage aléatoire rend l’expérience tour à tour frénétique ou soporifique. Le découpage hasardeux rend un peu trop visibles les doublures des acteurs dans les scènes d’action, notamment l’homme cascadeur qui double Nicole Kidman. Le tout surligné par un sound design aux fraises qui appuie chaque pirouette des BMX par des effets sonores que n’aurait pas renié le pire des épisodes de Power Rangers (Haim Saban, depuis 1993). On peut y trouver un charme désuet que la patine du temps rend sympathique malgré tout, mais les productions Amblin ont filmé avec beaucoup plus de talent des gamins sur leurs vélos.
Alors quels sont les intérêts suscités à trouver au film me direz-vous ? Eh bien, tout d’abord, il s’agit d’une des premières bobines où l’on peut admirer une toute jeune Nicole Kidman qui joue donc la part féminine du petit groupe d’ados. Elle n’a pas grand-chose à se mettre sous la dent mais son personnage est plutôt bien écrit pour un film des années 80 dans la mesure où elle n’est pas seulement une jeune femme en détresse ou un love interest et qu’elle est même plutôt moteur dans la dynamique du trio. Quand on sait que même Christopher Nolan en est toujours incapable dans les années 2020, ça a le mérite d’être souligné. On parlait plus haut de la photographie saccagée par le montage. Elle est signée John Seale qui est derrière l’image de quelques-uns des meilleurs Peter Weir comme Witness (1985), des belles réalisations d’Anthony Minghella comme Le Patient anglais (1996), de Harry Potter à l’école des sorciers (Chris Columbus, 2001) ou encore du visuellement fou Mad Max : Fury Road (George Miller, 2015). Un CV dingue dont on retrouve quelques éclats dans BMX Bandits, notamment dans l’intro ou dans les courses poursuites que le montage rend très très très longues – vous n’aurez jamais vu un plan si long sur un pneu. Ces deux aspects positifs – Kidman et Seale – sont d’ailleurs les seuls auxquels sera accordé une carrière puisque Brian Trenchard-Smith ne fera plus grand-chose par la suite sinon des suites indignes de films d’horreurs déjà pas foufous, et quelques épisodes de séries télévisées comme Les Nouvelles aventures de Flipper le dauphin (Michael Nankin & Ernie Wallengren, 1995-2000). Quant au reste du casting, aucun de ses membres ne percera par la suite.
L’édition préparée par Elephant Films est quant à elle de bonne tenue. On sent que le master HD a été fait d’après des négatifs plus très frais. Ce qui rend le piqué tantôt éclatant dans les séquences en plein jour, tantôt poussif dans les séquences de basse lumière. Le visionnage n’est pas non plus parasité par ces petits défauts techniques qui rendent éventuellement un charme à l’ensemble. Le son est aussi restauré dans la mesure du possible. Les bonus du Blu-Ray misent sur la nostalgie avec Nés sous BMX, un petit reportage de vingt minutes qui revient sur cette époque des années 80, et sur Nicole Kidman avec un bref retour sur sa carrière post-BMX Bandits. Cette nouvelle édition vaut surtout pour sa valeur de sauvegarde et de témoignage sur ce cinéma largement oublié dans nos contrées, régressif à souhait, qui aura une influence considérable sur des millions de jeunes spectateurs de l’époque. Pour le reste, BMX Bandits demeure un film bien trop long pour ce qu’il a à raconter et trop poussif pour être mis à égalité avec des petits monuments tels que Les Goonies. Quoiqu’en dise Quentin…