Le descendant du diabolique Zaroff se bat contre ses propres démons et les tendances sadiques de sa lignée. Voilà en somme le programme de ce Les week-ends maléfiques du Comte Zaroff, revisite bis, horrifique et érotique du classique américain des années 30, proposée dans une restauration Ultra-HD par le Chat Qui Fume.
On se ressemble sang pour sang
Michel Lemoine, relatif anonyme pour le grand public, est peut-être, pourtant, chez certains explorateurs du bis, du nanar et des cinémas d’exploitation en tout genre, une figure familière. Acteur extrêmement prolifique depuis les années soixante – on le trouve crédité au générique d’autres figures tutélaires du bis français comme Jean-Marie Pallardy – il passe dans les années 70 derrière la caméra. Sans essayer de décrire dans le détail l’essence de sa filmographie et les grands thèmes qui animent l’auteur, il est probable que des titres tel que Les Petites Saintes y touchent (1974) ou L’Eté les petites culottes s’envolent (1986) parviennent à donner une image assez nette de la carrière de Michel Lemoine derrière la caméra, mais aussi devant, l’homme étant visiblement assez enclin à se donner des rôles conséquents dans ses propres métrages, à tendance bis-érotique. Les Week-Ends Maléfiques du Comte Zaroff, avec ses penchants pour les codes du film d’horreur, dénote quelque peu dans la liste des titres associés à ce personnage.
Car oui, cette production française est directement inspirée, jusque dans son titre, du chef-d’oeuvre qu’est Les Chasses du Comte Zaroff (Ernest B. Schoedsack et Irving Pichel, 1932). Dans ce classique de l’angoisse tout droit venu de la RKO, le susnommé Comte Zaroff s’adonnait sur son île perdue à la fameuse « chasse la plus dangereuse qui soit » (The Most Dangerous Game étant le titre VO du film) à savoir, celle de l’homme. Mais voilà, ce Zaroff qui traquait et tuait les badauds qui auraient l’outrecuidance d’échouer sur son île, a eu une descendance. Ce “nouveau” comte Zaroff, interprété par Michel Lemoine lui-même est donc son héritier direct et ce Zaroff-là est un gentleman bien intégré, homme d’affaire accompli, comme l’atteste son bureau et sa voiture, qui pour une petite production française des années 70, arrivaient à être qualifiés comme étant « luxueux ». Sa réussite sociale lui vaut une résidence secondaire cossue, un domaine et un petit château évidemment, vous le devinerez, extrêmement isolé. Mais voilà, ce Comte Zaroff 2.0 a un terrible secret. Il est pris de pulsions, des pulsions qui le poussent à vouloir blesser, voire tuer. Voilà la malédiction qui s’abat sur ce pauvre comte. Sa filiation, son sang, contiendrait le sadisme de son tristement célèbre ancêtre. Ce mauvais penchant pour le macabre n’est qu’amplifié par son majordome…Lui-même descendant du majordome du Zaroff premier du nom, cherchant dans un schéma un peu étrange, à prendre sa revanche sur l’ancêtre en faisant tomber le filleul dans le même travers meurtrier.
Les Week-Ends Maléfiques du Comte Zaroff à travers ce schéma alambiqué oscille entre un (très soft) film d’horreur, avec les pulsions, les visions du comte ainsi que les pièges tendus par le majordome, et un (très soft également) film érotique, où virtuellement aucun personnage féminin n’échappe à une scène plus ou moins nue, intégré au script de façon plus ou moins (plutôt plus que moins) gratuite. Entre ces deux tendances, ces deux pôles vers lesquels le long-métrage se déploie, les ressorts scénaristiques établis plus hauts ont une importance toute relative. Zaroff tient son véritable intérêt dans les images étranges, les visions « gore » qu’il essaye d’établir, les scènes de rêves hallucinées mélangeant go-go dance et statues de marbres prenant vie. Il ne fait aucun doute que le film de Michel Lemoine relève du pur cinéma bis, du film d’exploitation fauché et pas toujours inspiré mais il faut lui reconnaitre des fulgurances plutôt amusantes. Le coffret qui nous est proposé par l’éditeur Le Chat qui Fume, comme à son habitude très fourni, donnera par ailleurs l’occasion à travers des scènes coupées, une interview de Michel Lemoine et d’un des acteurs principaux, d’ajouter à la vision du film, son contexte de réalisation, ainsi que quelques anecdotes sur le tournage et sur la carrière « alternative » de Lemoine. On note aussi la présence d’un court documentaire passionnant Paris Cinéma Bis, qui parlera à tous les amoureux de la salle de cinéma, indépendante et de quartier, une espèce malheureusement plus que jamais en voie de disparition.