A Creature Was Stirring


Ce 29 mars, la plateforme Shadowz sort A Creature Was Stirring (Damien LeVeck, 2023), qui après avoir écumé quelques festivals de genre à travers le monde part à la conquête d’un public aguerri aux monstruosités déviantes. Car si le film fait la part belle à l’absurde et au grotesque, c’est grâce à sa générosité qu’il fait la différence. Attention les yeux !

Plan rapproché-épaule sur une adolescente qui semble possédée, elle hurle en notre direction, du sang s'écoulant de sa bouche ; la lumière est irréelle, dans les tons roses et bleu ; issu du film A Creature Was Stirring.

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Qui s’y frotte, s’y pique

Damien LeVeck est un quasi inconnu dans le paysage cinématographique, et pour cause, l’homme a souvent agi dans l’ombre de sa salle de montage puisque monteur de formation. Aucun fait d’arme de bien notable pour autant, il a surtout travaillé pour TMZ, la chaine américaine racoleuse dédiée aux célébrités et pour quelques séries qui n’ont jamais traversé l’Atlantique. Pourtant LeVeck s’est vite tourné vers la réalisation de courts-métrages horrifiques comme The Cleansing Hour (2016) qui a remporté quelques prix à travers le monde, et qui a été adapté en 2019 au format long au titre éponyme. A Creature Was Stirring est donc son deuxième long-métrage, et sa promesse, à défaut d’être follement originale, avait de quoi susciter notre intérêt : dans le Kentucky, Faith, une infirmière, garde sa fille Charm enfermée dans sa chambre pour sa sécurité. Elle lui injecte quotidiennement de la méthadone afin de maintenir sa température corporelle à quelques degrés au-dessus de la moyenne, pour l’empêcher de se retrouver prise de démence. Un soir de blizzard, deux étrangers entrent dans la maison pour se réfugier et comprennent que si quelque chose ne tourne pas rond dans cette relation toxique entre mère et fille, un plus gros secret – une entité maléfique en forme de porc-épic – risque de les décimer.

Une femme déterminée, éclaboussée par du sang, tient une batte de base-ball dans la main, prête à frapper dans le film A Creature Was Stirring.

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De ce postulat mêlant de l’angoisse classique à un antagoniste grotesque, Damien LeVeck rate plus qu’il n’excelle, mais les réussites sont notables. Ce qui frappe d’emblée, c’est l’aisance avec laquelle le réalisateur arrive à installer une ambiance caractéristique. On reviendra sur la photographie discutable du film, toutefois, monteur de métier, LeVeck sait comment faire durer un plan ou une séquence pour parvenir à une tension et par là même, à cette atmosphère un peu tordue. Et il parvient même à rendre menaçant un porc-épic alors qu’excepté dans L’Incroyable Voyage (Duwayne Dunham, 1993), où le chien Chance se faisait piquer par le petit rongeur, nous doutions du potentiel danger que représentait l’animal. Jusqu’à ce qu’il se déplace en faisant des roulades – surement par économie d’effets-visuels – le design du bestiau est ce qu’il faut d’effrayant… Le film a pour lui un casting solide, porté par Chrissy Metz, l’un des visages de la série This Is Us (Dan Fogelman, 2016-2022), qui impressionne de folie et d’émotion. Annalise Basso, continuant sa percée dans le genre horrifique, fait le job dans le rôle de la fille (trop) couvée, mais nous sommes surtout ravis de revoir Scout Taylor-Compton, la Laurie Strode des deux Halloween (2007, 2009) de Rob Zombie, dans la tenue de la bigote de service.

Une femme rampe dans un tunnel de glace, s'éclairant avec une lampe en forme de sucre d'ogre dans le film A Creature Was Stirring.

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Voilà pour les réussites objectives de A Creature Was Stirring, passons maintenant, si vous le voulez bien, à ses nombreux défauts, car il y en a. Commençons par la photographie du long-métrage qui joue, tout le long de ses 95 minutes, sur une opposition sur-significative entre le bleu et le rouge. D’aucuns pourraient penser que cela a réussi à certains films qui confrontaient ces deux couleurs comme une allégorie du bien contre le mal – on pense notamment à la scène de la mort de Han Solo dans Le Réveil de la Force (J.J. Abrams, 2015) – mais ce serait oublier que les effets ne sont pertinents qu’à la condition d’être utilisés avec parcimonie. Ici, on se retrouve avec une esthétique qui n’est jamais loin d’agresser les yeux de son spectateur, et qui rappelle à tous moments les imageries tendances des YouTubeurs/pseudos cinéastes comme Danny Gevirtz. C’est bien simple, on ne sait jamais quelles sources de lumières éclairent les protagonistes tant l’artifice est palpable. Aussi, si Damien LeVeck est un habile monteur, c’est bien plus compliqué en termes de mise en scène pure puisque, quitte à choisir une unité de lieu comme la maison, il aurait fallu penser sa réalisation pour que le spectateur puisse se situer un minimum. Les personnages apparaissent d’un endroit à l’autre sans crier gare et sans que l’on sache véritablement ce qui se passe. Pour un huis clos, c’est sans appel.

A Creature Was Stirring Annalise Basso

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Enfin, Damien LeVeck échoue sur le propos précis de son long-métrage. Alors qu’il aurait pu évoquer, même avec de gros sabots, on lui aurait pardonné, le syndrome Münchhausen – quand un trouble factice est induit par un parent – il préfère se fixer au passé de la mère qui ne présente, au fond, que bien peu d’intérêt et fait tomber bien basse la morale de A Creature Was Stirring : la drogue c’est mal. C’est ce que nous dit en substance un final qui emprunte autant à L’Orphelinat (Juan Antonio Bayona, 2008) qu’à Blood Freak (Brad F. Grinter & Steve Hawkes, 1972), la revanche de l’homme-dindon. C’est d’autant plus simpliste et dommage que LeVeck avait pris soin jusqu’ici de rejeter la foi comme salut éventuel – ce qui est souvent le piège parfait des films de possession – et qu’il avait la possibilité de parler avec beaucoup plus de pertinence de la parentalité et de la famille comme entité dysfonctionnelle. Le cinéaste ne trouve jamais la formule, malgré des dialogues pourtant étonnamment bien ciselés et cruels, pour créer une véritable cohésion et une direction solide à l’ensemble. Une idée ambitieuse git quelque part sous les décombres de ce film qui s’effondre sur lui-même à mesure qu’il avance


A propos de Kévin Robic

Kevin a décidé de ne plus se laver la main depuis qu’il lui a serré celle de son idole Martin Scorsese, un beau matin d’août 2010. Spectateur compulsif de nouveautés comme de vieux films, sa vie est rythmée autour de ces sessions de visionnage. Et de ses enfants, accessoirement. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/rNJuC

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