Persée l’invincible


On a tendance à se souvenir surtout de Richard Harrison pour les nanars mal ficelés dans lesquels il jouait dans les années quatre-vingt, tournés aux Philippines par Godfrey Ho. Et pour être honnête, c’est probablement ces films bancals à petit budget qui lui ont assuré un statut d’acteur culte, du moins auprès des amateurs de cinéma bis. Ce n’est pourtant pas lui rendre hommage de ne voir en lui qu’un amuseur de galerie involontaire jouant les ninjas à la petite semaine. La sortie chez Artus Films d’une édition Blu-Ray consacrée à Persée L’Invincible (Alberto de Martino, 1963) nous permet de mettre en lumière une autre de ses facettes musculeuse

Richard Harrison dans Persée L'invincible prêt à un combat d'entraînement, derrière un bouclier et une rangée de soldats qui observent.

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Comment Persée au cinéma

Persée L'invincible vu de dos aux prises avec un monstre qui ressemble mi-plante mi-ver de terre surgissant du désert.

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Un simple coup d’œil à sa page Wikipedia suffit à constater l’étendue et la variété de la filmographie de Richard Harrison. Culturiste et mannequin reconverti dans le septième art, il déplore que sa carrière ne décolle pas aux États-Unis malgré quelques seconds rôles, notamment dans la science-fiction – Kronos, Kurt Neumann, 1957 et surtout Le Maître du monde, William Witney, 1961, aux côtés de Vincent Price et Charles Bronson. Exilé volontaire en Italie au début des années soixante, Harrison y trouve enfin des rôles à sa mesure et jusqu’à la fin de la décennie suivante il est un acteur demandé et polyvalent, à l’aise autant dans le péplum – son domaine de prédilection – que le western ou le film policier. Persée l’invincible (Alberto De Martino, 1963) est la parfaite illustration des petits joyaux que produisent en ce temps les studios italiens avec des budgets modestes sans être ridicules, dont certains comme Hercule contre les vampires (Mario Bava, 1961) sont aujourd’hui réédités pour notre plus grand bonheur par Artus Films. Concernant Persée, joué par notre musculeux Américain, il s’agit d’une co-production italo-espagnole très librement adaptée du mythe éponyme sous la houlette d’Alberto De Martino, alias Martin Herbert. Il est comme de nombreux réalisateurs italiens de l’époque un artisan ayant occupé différents postes, dont la supervision du doublage d’une pléthore de films. Il a aussi été scénariste de péplums comme Les Sept Gladiateurs (Pedro Lazaga, 1962) et Le triomphe d’Hercule qu’il a par ailleurs également réalisé en 1964. Comme metteur en scène, on lui doit des westerns, des films d’horreur (Le manoir de la terreur, 1963), d’espionnage (Opération frère cadet, 1967, avec Neil Connery, le frère de Sean !), des films de guerre, de science-fiction (Holocaust 2000, 1977, avec Kirk Douglas), et un même un superbe nanar (L’homme puma, 1980) dont l’échec cuisant a sérieusement plombé sa carrière. Toitefois au moment de la sortie de Persée, c’est un réalisateur qui connaît le succès et il emploiera Harrison dans plusieurs autres de ses films.

Persée L'invincible tente de bloquer un dragon avec un long tronc de bois qu'il vise à lui mettre dans la gueule.

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Acrisios, roi illégitime d’Argos après avoir fait assassiner Céphée et épousé sa veuve Danaé, complote pour régner sur le royaume de Seriphos aux côtés de Galénor, son fourbe et ambitieux de fils. Ce dernier demande la main d’Andromède, la fille du roi voisin, une belle et indépendante jeune femme (Anna Ranalli), en échange de l’accès aux ports d’Argos, ce dont Seriphos a cruellement besoin : en effet, la seule autre route vers la mer est gardée par Méduse et un « terrible » monstre marin. La princesse rend parfois visite anonymement à Persée, un bellâtre musculeux qui vit simplement de la pêche et de la chasse et ignore tout de ses origines : il est le fils de Céphée et de Danaé, que tout le monde croit mort sauf sa mère. Galénor se rend à Seriphos pour conquérir la main d’Andromède, qui pendant une partie de chasse l’attire sur le territoire où vit l’adonis. Ce dernier devra évidemment combattre et défaire les redoutables créatures, reprendre son rang d’héritier légitime et conquérir le cœur de la belle, après s’être débarrassé des conspirateurs… Le scénario est assez simpliste, on le constate, mais le péplum à tendance fantastique est alors en vogue et connaît un vif succès, à l’image de Jason et les Argonautes (Don Chaffey), sorti la même année. Richard Harrison n’en est qu’au début de sa carrière italienne et n’est pour l’instant encore qu’un acteur plutôt maladroit, au jeu et au charisme très limités, mais pas davantage que les Steve Reeves, Mark Forest, Gordon Mitchell, Brad Harris et autres Reg Park. Malgré le schéma prévisible de l’histoire, on trouve dans Persée l’invincible largement de quoi satisfaire ses envies d’amateur de série B. Les « matte paintings » sont assez nombreux et plutôt réussis dans leur style fantasmagorique, bien plus que les décors en carton-pâte censés représenter une cité antique et donnant l’impression de bâtiments en parpaing construits à la va-vite. De Martin a d’autre part réussi à embaucher suffisamment de figurants pour donner vaguement l’illusion d’une véritable armée lors de l’invasion d’Argos. Mais les cerises sur le gâteau, ce sont évidemment les deux monstres. L’un d’eux est une sorte de dinosaure aquatique un peu pataud qui surgit du lac pour dévorer quiconque s’en approche. « Surgir » est en réalité un terme excessif puisque seul le cou mobile de la bête s’agite avec conviction tandis que ses membres postérieurs ne sortent que rarement de l’eau entièrement, pour des raisons évidentes : son arrière-train ressemble à une bâche camouflage montée sur roulettes. L’armée de Seriphos fait tout de même les frais de ce « dragon », traîtreusement acculée par les mercenaires du royaume voisin. Les survivants, tombant de Charybde en Scylla, sont contraints de se replier sur le territoire de Méduse qui les attend de tentacule ferme. La représentation de la mythique Gorgone est ici des plus originales, un immense œil luminescent cerné d’inquiétants pseudopodes mobiles et montés sur des appendices caoutchouteux, qui pétrifie les humains ayant l’audace de le regarder. Sûrement très réussie pour l’époque, la marionnette agitée de soubresauts fait sourire aujourd’hui. Ces effets spéciaux sont l’œuvre de Carlo Rambaldi, oscarisé à plusieurs reprises, et à qui l’on doit notamment la tête articulée de l’Alien de Ridley Scott (1979), la marionnette d’E.T. l’extra-terrestre (1982, Steven Spielberg), et le ver des sables de Dune (David Lynch, 1984).

Coffret Blu-Ray du film Persée l'invincible édité par Artus Films.Le packaging créé par Artus pour cette collection reprend diverses affiches des films, très colorées et adaptées aux différents pays et titres d’exploitation (Medusa Against the Son of Hercules, Perseus Against The Monsters, El valle de los hombres de piedra…). Inséré dans un fourreau, le combo Blu-ray/DVD contient deux versions du long-métrage. Le montage italien (qui est le même pour la VF) présenté en simple définition est légèrement plus long que le montage espagnol, en haute définition celui-ci. Ce dernier comporte quelques différences notoires, à commencer par une voix off en introduction qui présente le contexte « historique ». Par ailleurs, des « effets spéciaux » – malheureux, il faut le dire – ont été ajoutés en post-production. Ainsi, le monstre marin est environné d’une brume bleutée et crache des flammes de la même teneur, pas toujours bien alignées sur sa gueule ou ses naseaux… Même traitement pour Méduse, dont le « rayon » bleu projeté par son œil transforme en pierre ceux qui ont le malheur d’entrer sur son territoire. Inutile de préciser que la version italienne est nettement moins ridicule… Sans surprise, c’est Curd Ridel, en bon habitué des bonus chez cet éditeur, qui présente le film, le réalisateur et son parcours, ainsi que les acteurs principaux, avec les nécessaires anecdotes qui en font tout le sel : Harrison a par exemple dit à qui voulait bien l’entendre que sa plus belle contribution au cinéma fut d’avoir refusé le rôle principal dans Pour une poignée de dollars de Sergio Leone, 1964, au profit de Clint Eastwood. On le remercie pour ça… Inséré dans l’un des volets du digipak, un joli livret en couleurs de 32 pages intitulé Persée, Méduse et Andromède et signé Michel Emloy décortique les différents mythes exploités par ce Persée l’invincible et leur transposition dans d’autres religions et époques. On y trouve aussi un article sur les différentes apparitions et traitements de la Gorgone sur le grand écran, suivi des biographies de Rambaldi, Martino et Harrison, et de la fiche technique. Pour peu qu’on soit sensible à l’artisanat et ému par une certaine naïveté, ce bel objet et l’aventure très divertissante qu’il contient donne furieusement envie d’explorer le reste d’une collection qu’on imagine du même tonneau !


A propos de Jean-Philippe Haas

Jean-Philippe est tombé dans le cinéma de genre à cause d’Eddy Mitchell et sa Dernière Séance, à une époque lointaine dont se souviennent peu d’humains. Les monstres en caoutchouc et les soucoupes volantes en plastique ont ainsi forgé ses goûts, enrichis au fil des ans par les vampires à la petite semaine, les héros mythologiques au corps huilé, les psychopathes tueurs de bimbos et les monstres préhistoriques qui détruisent le Japon. Son mauvais goût notoire lui fait également aimer le rock prog et la pizza à l’ananas. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/ris8C

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