Expendables 4


Ce n’est pas peu dire que ce quatrième opus de la saga initiée par Sylvester Stallone s’est fait désirer. Neuf ans après un troisième film qui avait déçu pour tout un tas de raisons, la promesse d’un retour aux sources était l’argument marketing choisi pour défendre un Expendables 4 (Scott Waugh, 2023) qui sent bon la vinasse très bouchonnée…

Jason Statham et Sylvester Stallone côte à côte, souriants, mais en sobre tenue de combat noire, devant une supérette, dans le film Expendables 4.

© Metropolitan FilmExport

They’ll Die when They’re Dead

Plan rapproché-épaule sur un Jason Statham renfrogné et soucieux, dans son salon, issu du film Expendables 4.

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Quand sort Expendables : Unité spéciale (Sylvester Stallone, 2010), Sly est en quasi état de grâce. Lui qui avait traversé la fin des années 90 et les années 2000 en paria revenait dans les petits papiers de la critique à la faveur de deux opus de ses franchises phares : le très touchant Rocky Balboa (2006) et le funèbre John Rambo (2008). Deux œuvres testamentaires où l’auteur qu’est Stallone exprimait, en toute complémentarité, les deux faces de son cinéma, l’une lumineuse, l’autre ténébreuse. Après son passage à vide, on pensait le malentendu Sly dissipé pour de bon, et que l’acteur allait pouvoir revenir à des projets plus audacieux comme Copland (James Mangold, 1997). C’était mal connaitre le bonhomme qui préféra concentrer son énergie sur le projet Expendables, soit le chant du cygne, à base de clés de bras ou autres répliques qui tuent, de toute une génération d’actionners. Bien qu’imparfaite, la réunion des anciens gros bras d’Hollywood déclinait à sa façon le côté dernier tour de piste des adieux à Rocky et Rambo. Une sincérité à toute épreuve, une générosité communicative, des acteurs en roue libre, n’en jetez plus, on tenait là les au revoir les plus funs et décomplexés de l’Histoire du cinéma d’action. Une suite, Expendables 2 (Simon West, 2012), viendra renforcer le côté délirant de la désormais franchise, en accentuant les références, la violence graphique et en élargissant un casting réunissant Bruce Willis, Schwarzenegger, Chuck Norris, Jean-Claude Van Damme et consorts. Pour finir, comme Stallone n’est jamais avare pour décliner ses films en suites à rallonge, un troisième épisode, Expendables 3 (Patrick Hughes, 2014), viendra rendre tout ceci beaucoup plus sage et plus cynique, avec moins de sang mais beaucoup plus de premier degré. Et dans ce petit bilan, une chose frappe : l’absence presque totale de femmes, ou en tous cas une représentation assez indigente pour l’époque. Alors que la franchise devait se décliner en spin-offs, notamment féminins, avec Sigourney Weaver et Meryl Streep, c’est finalement par un quatrième volet que Expendables nous revient aujourd’hui. Comment raconter ce nouveau long-métrage de Scott Waugh ? En gros : un fou veut faire péter une bombe nucléaire volée aux États-Unis sur le territoire russe pour déclencher une troisième guerre mondiale. Barney Ross et ses expendables devront déjouer ses plans tout en fumant des cigares et prenant de belles poses bien bad ass devant la caméra.

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On remarque dès les premières secondes de cet Expendables 4 une facture technique qui s’éloigne des standards des premiers épisodes. S’ils n’étaient pas parfaits sur le plan techniques, les deux premiers films tendaient vers une sorte d’artisanat en usant d’effets pratiques. Sur ce nouveau chapitre, on a l’impression que tout est a été tourné sur fond vert, même un plan tout à fait anecdotique où Stallone est filmé à travers le judas d’une porte. Pour un long-métrage au budget de 100 millions de dollars, ça fait un peu tâche. D’autant que cela traduit une production pour le moins compliquée où Stallone ne s’est investi qu’à moitié – on y reviendra – et où le casting ne pouvait être réuni pour le tournage. S’agissant d’une saga misant sur les noms à son générique, c’est pour le moins ballot. Le casting est justement un des points faibles d’Expendables 4. Là où chaque volet ajoutait de grands noms à ses crédits, avec de Mel Gibson, Antonio Banderas et Harrison Ford dans le précédent par exemple, celui-ci fait le choix de l’économie en nous offrant seulement 50 Cent, Tony Jaa, Andy Garcia et Megan Fox comme nouveaux arrivants, soit l’apport le plus pauvre en termes de grands noms de l’action made in USA… Ce qui a pour effet de souligner l’aspect cheap. Si la franchise n’a jamais brillé par des scénarios très fins et audacieux, cet épisode franchit un cap en nous proposant une resucée d’Expendables 2 – pour l’aspect vendetta – et des retournements de situations dignes des plus mauvais épisodes de Walker, Texas Ranger (Aaron Norris, 1993-2001). Et alors qu’il avait l’occasion d’équilibrer le rapport homme/femme de la saga, Expendables 4 se plante dans les grandes largeurs en donnant, certes, une place plus importante à deux personnages féminins, mais en les caractérisant uniquement par leur sexualité et leurs rapports aux hommes de la bande. En bref, tout parait beaucoup moins produit et pensé, et la saga semble véritablement dans les choux. Mais le point le plus scandaleux finit d’achever le projet et la possibilité d’une suite…

Sylvester Stallone s'adresse à la caméra depuis son hélicoptère dans le film Expendables 4.

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[Attention Spoilers] Le cas Stallone est certainement ce qu’il y a de plus méprisable dans Expendables 4. Alors qu’il est à l’initiative de la licence et qu’il est encore vendu comme étant parmi les têtes d’affiche, Sly n’apparait que quinze minutes à tout casser, quand ce n’est pas sa doublure qui assure les deux cascades qu’il a à exécuter. C’est douloureux de dire du mal de Sly, et de faire le jeu de ceux qui aimeraient le réduire à une masse de muscles dégénérée. Même s’il a fait beaucoup de mauvais films depuis les années 70, Expendables 4, par l’arnaque qu’il représente, rentre peut-être d’office dans le Top 3 des pires productions avec Sylvester Stallone. Barney Ross, son personnage, n’intervient que pour un arc narratif : retrouver sa bague qu’il a perdu dans un bar un soir de biture. Y avait-il plus indigne pour une légende du cinéma comme Stallone ? S’en suit une bagarre mal filmée et où le cascadeur assurant les mouvements compliqués est un chouia visible. Et une mission où, spoiler donc, Stallone meurt. Bien que le filmage de cette scène soi complètement foiré, sans émotion, la chose est pour le coup assez intéressante car Sylvester Stallone a souvent refusé de mourir à l’écran, préférant laisser ouvertes les portes pour des suites éventuelles. On se dit alors que l’acteur a peut-être conscience que ça y est, après son joli passage dans Creed (Ryan Coogler, 2015) et la suite de trop avec Rambo : Last Blood (Adrian Grunberg, 2019), il est temps pour lui de passer la main pour de bon à Jason Statham qui est du coup le personnage principal de cet Expendables. Et très clairement, c’est le seul moment du récit où vous serez éventuellement autre chose qu’un légume voyant des lumières défiler. Un petit sursaut sur un encéphalogramme plat. Mais, comme Stallone est éternel, ses personnages le sont également, et dans un tour de passe-passe reconnectant à l’intrigue de la bague perdue un soir de cuite, Barney Ross est bien vivant et vient sauver ses copains à coups de bazooka. Tout est bien qui finit bien pour nos héros, mais pas pour la carrière de Stallone qui s’obstine à vouloir rester dans le coup, quand bien même son âge vénérable puisse l’en empêcher, et son visage malheureusement de plus en plus inexpressif à cause du botox, lui interdise désormais et pour de bon d’être l’acteur qu’il méritait d’être. L’acteur, à cause de brouilles en coulisses, ne souhaitait pas rempiler comme avant – et d’ailleurs c’est le seul épisode qu’il n’ait pas écrit ni produit – mais a tenu à apparaitre pour ce film indigne. On peut se demander pourquoi. À part le gros chèque, la réponse est sûrement à trouver dans cet attachement viscéral que Sly entretient avec ses œuvres, incapable de les lâcher à temps, comme un papa trop gâteux. Expendables 4 est donc le rejeton un peu abimé que Stallone n’assume qu’à moitié… On comprend pourquoi.


A propos de Kévin Robic

Kevin a décidé de ne plus se laver la main depuis qu’il lui a serré celle de son idole Martin Scorsese, un beau matin d’août 2010. Spectateur compulsif de nouveautés comme de vieux films, sa vie est rythmée autour de ces sessions de visionnage. Et de ses enfants, accessoirement. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/rNJuC

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