Arrête où ma mère va tirer !


Voilà une belle occasion à ne pas manquer, retrouver Sylvester Stallone dans un rôle similaire de ceux de son copain autrichien, Arnold Schwarzenegger. Si on a tous de merveilleux souvenirs d’Un flic à la maternelle (Ivan Reitman, 1991) ou de Junior (Ivan Reitman, 1994) force est de constater que beaucoup ont oublié l’un des rares rôles potaches au cinéma de l’étalon Italien. Alors pourquoi ? Est-ce que notre mémoire a effacé volontairement ce morceau de bravoure ou est-ce que personne n’a vu ce film ? Dans tous les cas, cette sortie haute définition en Blu-Ray chez Elephant Films de ce Arrête où ma mère va tirer ! assez particulier mais terriblement attachant nous permet de nous replonger dans les années 90. En voiture Simone !

Stallone, un revolver à la main est à côté d'une vieille dame en jogging bleu et rose ; tous deux sont à côté d'un mur en briques brisé dans le film Arrête ou ma mère va tirer !

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Ma mère est over the top

Cela commence comme un film de flics classique, avec un policier en planque, Joe Bomowski, incarné par un Sylvester Stallone toujours au top de sa forme physique qui balance quelques punchlines bien senties à ses collègues. Mais sa vie d’homme célibataire un peu ours va se retrouver perturbée par l’arrivée de sa mère, Tuttie Bomowski, qui va prendre de plus en plus de place dans son espace professionnel comme personnel. Ce rôle, incarné à la perfection par une Estelle Getty plus que « craquante », vole pratiquement la vedette à son partenaire qui prend pourtant corporellement beaucoup plus de place qu’elle. Avec sa flamboyante combinaison fluo, ses robes de chambre en flanelle et sa mise en pli impeccable, elle est le parfait cliché de la mère juive, jamais sans son album photo familial à exhiber à la moindre occasion. Cette petite force de la nature entretient un vrai rapport d’autorité avec son fils et il est surprenant de voir ce petit bout de femme réussir à tenir tête à l’interprète de Rambo (Ted Kotcheff, 1982). Ce dernier, même si on ne le sent pas toujours à l’aise dans ce rôle de flic aux chemises trop grandes pour lui, tente de casser son image de héros bodybuildé comme l’avait fait Arnold Schwarzenegger à la même période. Ce duo comique incongru, très efficace, fait toute la saveur du métrage, on perçoit immédiatement une alchimie certaine entre les deux acteurs principaux. Pour être franc, on se fiche un peu de l’enquête policière avec une Tutti témoin d’un meurtre en pleine rue alors qu’elle achetait un nouveau revolver à son fiston (et qui tient de toute façon une place complètement mineure dans le film) ainsi que de la love story entre Joe et sa supérieure, Gwen Harper. Il est même un peu navrant aujourd’hui, malgré sa forte personnalité, de voir que cette jeune femme peut se transformer en greluche enamourée rien qu’en se voyant offrir des fleurs. C’est bien avec ce genre de détails que l’on remarque que ce film est très ancré dans son époque et il faut bien l’avouer, facilement interchangeable avec plein d’autres productions des années 90. Mais étrangement, c’est aussi ce qui fait sa force.

Quatre policiers dont Sylvester Stallone se protègent derrière le capot de voitures, armes à la main ; scène de fusillade dans le film Arrête où ma mère va tirer !

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Alors que reste-t-il de ce film plutôt mal aimé, trente ans après sa sortie ? Et bien l’effet nostalgie a fait son chemin. Stallone est devenu au fil du temps ce cliché de l’ancienne époque, avec ses héros musclés et machos qui collaient des baffes avant même de poser des questions. Lui-même s’est joué de cette icônisation en réalisant le carton Expendables (Sylvester Stallone, 2010) et on attend avec impatience (ou pas) la sortie au cinéma de L’Arme fatale 5 (Richard Donner, 2022), franchise au sommet des buddy movies des années 90. On ressent donc en ce moment une envie de retrouver ces figures rassurantes, ces vieux souvenirs d’une époque révolue, et il faut bien l’avouer, l’intérêt principal de la (re)découverte de Arrête ou ma mère va tirer ! (Roger Spottiswoode, 1992) tient principalement du plaisir coupable de refaire un tour de manège avec le Sly des nineties. Un plaisir décuplé dès lors qu’il nous est rendu possible d’apprécier, le temps d’une scène, l’interprète de Rocky (John G. Avildsen, 1976) portant une couche culotte et trimballant un petit chien coiffé d’un nœud bleu. Le ton décomplexé est assumé du début à la fin et si on n’avait pas encore compris que l’on se trouvait dans une comédie lourdingue, les punchlines absurdes qui s’enchaînent (« T’as 10 secondes pour ramener ton cul du troisième âge », entre autres)  et le thème musical viennent ajouter des couches supplémentaires de second degré pour qu’il n’y ait plus aucun doute sur les intentions du long-métrage : nous faire rire ! Ce qui est clair, c’est qu’à la vision de Arrête ou ma mère va tirer !, on ne peut pas dire que le suspense soit insoutenable, que les cliffhangers se succèdent, le long-métrage étant si calibré du côté de la comédie policière qu’il est très facile d’anticiper tout ce qui va se passer. Il faudra plutôt compter sur le plaisir doudou de retrouver des codes familiers qu’on croyait perdus, en outre, tout à fait à regarder un jour de grisaille sous un plaid avec le chat sur ses genoux. Parce que dans le fond, c’est peut-être cela qui nous plait. Retrouver cette légèreté, ne rien craindre pour nos héros, parce que l’on sait que l’histoire va bien se terminer et que certains méchants revendeurs d’armes sont en fait de gros nounours. Les années 1990 incarnent désormais le vintage de notre époque, et il n’est pas étonnant que ces codes, son atmosphère, soient aussi ré-investis et ré-appréciés. Revoir ces films revient à convoquer notre enfance, mais aussi, plus largement, le reflet d’une époque fantasmée et regrettée où la vie semblait moins difficile qu’aujourd’hui. 

Si l’image rend hommage aux jolies couleurs criardes des années 90, les bonus sont hélas plutôt pauvres. Nous avons tout de même le droit à une scène de fin alternative et à la bande annonce de Arrête ou ma mère va tirer !, seulement en VO (ce qui est vraiment dommage, la voix en VF de Sly étant meilleure que sa propre voix, n’ayons pas peur de dire tout haut ce que les autres pensent tout bas !) Le making of, bien que très court, met parfaitement en lumière la complicité entre les deux acteurs principaux qui ont fait un maximum de cascades ensemble, à une époque où le numérique n’était pas encore monnaie courante. Stallone prend un malin plaisir à taquiner sans cesse sa vieille partenaire sur le plateau, preuve d’une ambiance décontractée pendant le tournage. Pour finir, nous avons un entretien avec le journaliste Nicolas Prat (co-animateur du burger du mois sur MCM) qui nous donne une petite leçon d’histoire sur les actionners des années 80 et leurs figures de proue que sont Stallone et Schwarzenegger mais aussi sur leurs reconversions, plus ou moins réussies, dans les années 90.


A propos de Charlotte Viala

Fille cachée et indigne de la famille Sawyer parce qu'elle a toujours refusé de manger ses tartines de pieds au petit déjeuner, elle a décidé de rejoindre la civilisation pour dévorer des films et participer le plus possible à la vie culturelle de sa ville en devenant bénévole pour différents festivals de cinéma. Fan absolue de slashers, elle réserve une place de choix dans sa collection de masques au visage de John Carpenter pour faire comme son grand frère adoré. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/riRbw

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