Dracula (Mini-Série)


Le comte Dracula est de retour dans une mini-série britannique distribuée sur Netflix. Adaptation (très) libre du roman de Bram Stoker, peut-on encore trouver quelque chose à se mettre sous la dent après toutes les adaptations de l’histoire mythique du fameux prince des ténèbres ?

Le Comte Dracula, les yeux injectés de sang, passe le doigt sur ses lèvres, comme s'il regardait une future proie, scène de la mini-série Netflix Dracula.

                                          © Netflix / BBC One

Dracula 2020

Diffusée du 1er au 3 janvier sur BBC One avant d’atterrir sur Netflix dès le 4 janvier, la mini-série Dracula a été suivie par plusieurs millions de téléspectateurs britanniques et a créé l’évènement sur la plateforme de streaming. Quelques semaines après l’effervescence, on revient plus en détail (et si possible sans trop vous spoiler) sur la dernière création de Steven Moffat et Mark Gatiss qui travaillent aussi tous deux sur les séries Doctor Who (2005-2020) et Sherlock (2010-2020). Autant dire qu’on s’attendait à du lourd sur cette nouvelle adaptation qu’on espérait tout aussi originale, drôle et captivante que ces deux références en la matière. L’univers de Dracula, icône de l’horreur, a quand même été usé jusqu’à la corde, parfois pour le meilleur – entre autres, le Dracula de Tod Browning (1931), Le Cauchemar de Dracula et Les Maîtresses de Dracula de Terence Fisher (1958) ou le fameux Dracula de Coppola (1992) et – parfois pour le pire – Dracula 2001 (Patrick Lussier, 2000) ou Dracula Untold (Gary Shore, 2014). À mi-chemin entre le Dracula de Gary Oldman et celui de Christopher Lee, l’acteur Claes Bang (The Square) use de son charme danois pour incarner un prince des ténèbres qui se veut à la fois fidèle à son image mais empreint de modernité. En effet, Dracula est l’adaptation libre du roman de Bram Stoker (1897). Découpée en 3 épisodes d’1h30 chacun, la série colle d’abord à l’ambiance du roman avant de drastiquement virer de bord dans un dernier épisode qui se déroule à notre époque.

Le Comte Dracula, sur les marches de l'escalier de son château, avec sa fameuse cape noire et rouge, mais sous apparence humaine.

                                         © Netflix / BBC One

Le premier épisode réalisé par Jonny Campbell (Doctor Who, Westworld) reste donc très proche des récits connus de Dracula : le jeune clerc de notaire anglais Jonathan Harker (John Heffernan) arrive en Transylvanie pour vendre des biens au comte Dracula dont l’apparence cadavérique se meut en physique de charmeur au fur et à mesure qu’il se nourrit de sang neuf. Musique sombre, décors gothiques propres au château et village slovaque où a été tournée la série, tout est de prime abord au rendez-vous pour un remake des plus classique. Cependant, première différence, l’épistolaire du roman a laissé place à un entretien de Harker avec la nonne Agatha “Van Helsing” (Dolly Wells) : à coups de flashbacks, le jeune homme raconte sa descente aux enfers, pris au piège dans le château de Dracula. Alors oui, Van Helsing est une femme et autant vous dire qu’elle ne rigole pas. Pour éviter les spoilers, on n’insistera pas sur le reste des libertés prises avec le récit originel, mais on précisera quand même que les quelques scènes de body horror présentes dans cet épisode feront plaisir aux amateurs du genre. Un premier épisode réussi qui s’apparente presque à un film à part entière et qui laisse peser le mystère sur la suite des aventures du comte maléfique…

Dracula torse nu et éclaboussé de sang face à une nonne qui le regarde droit dans les yeux, scène de la mini-série Netflix Dracula.

                                       © Netflix / BBC One

Le second épisode cette fois réalisé par Damon Thomas (Killing Eve) passe à la loupe le voyage de Dracula en Angleterre par bateau, ce que le roman ne couvre qu’en quelques pages. Durant ce huis clos qui n’est pas sans rappeler l’atmosphère d’Agatha Christie ou, comme référence plus récente, la première saison de The Terror (2018-2020), le comte manipule habilement tous les passagers jusqu’à ce que sa vraie identité de vampire soit révélée par…. Agatha Van Helsing. Un peu trop longue et malheureusement moins accrocheuse, la faute peut-être à trop de personnages et à quelques incohérences, cette seconde partie se montre plus décevante même si les dialogues vifs et piquants dignes de la comédie très british donnent quand même à l’ensemble un brin d’originalité. Les choses s’enveniment sérieusement lors du troisième et dernier épisode réalisé par Paul McGuigan (Sherlock) où Dracula débarque à l’époque moderne après avoir passé 123 ans dans son cercueil au fond de la mer. Entre les scènes incongrues vues et revues où Dracula découvre les avancées sociétales et technologiques, la présence fortuite de Zoe Van Helsing – descendante d’Agatha prête à poursuivre la chasse aux vampires de son aïeule – et les incohérences qui se ramassent maintenant à la pelle, on se demande bien comment on va tenir comme ça durant 1h30. L’introduction du personnage de Lucy Westenra aurait pu relancer le thème intéressant du rapport de Dracula aux femmes, mais les créateurs ont fâcheusement décidé de passer la majorité de leurs interactions sous ellipses, préférant accentuer la guéguerre ambigüe entre Dracula et Van Helsing, point culminant de cette dernière partie complètement ratée.

Loin d’être catastrophique, cette nouvelle adaptation laisse quand même un sacré goût amer, celui d’un scénario qui n’a pas été suffisamment réfléchi et dont le format en 3 x 1h30 semble à la fois trop long par épisode mais aussi trop court pour couvrir les cent vingt ans écoulés. Si la première partie vaut largement le coup d’œil et peut être appréciée en toute indépendance, les deux suivantes peuvent facilement passer à la trappe. Sans entacher le savoir-faire de Steven Moffat et Mark Gatiss, les deux hommes nous ont quand même habitués à des travaux beaucoup plus inspirés et soignés.


A propos de Emma Ben Hadj

Étudiante de doctorat et enseignante à l’université de Pittsburgh, Emma commence actuellement l’écriture de sa thèse sur l’industrie des films d’horreur en France. Étrangement fascinée par les femmes cannibales au cinéma, elle n’a pourtant aucune intention de reproduire ces méfaits dans la vraie vie. Enfin, il ne faut jamais dire jamais.

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