Dans la lignée des Universal Monsters et de leurs suites, pas toujours réussies, Dracula nous présente sa fille, dont il n’a strictement pas à rougir de la filiation. Focus sur La Fille de Dracula (Lambert Hillyer, 1936) à l’occasion de sa diffusion au Festival du Film de Fesses.

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Je suis ton père

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Coup de théâtre à Londres suite à la découverte du corps de Dracula, avec le masque en cire de Lugosi. Scotland Yard s’en mêle. Van Helsing se fait arrêter pour le meurtre du vampire et raconte en plaidoyer l’épisode précédent. Débarque dans le bureau de Scotland Yard une jeune femme, Marya Zaleska, voilée dont seuls les yeux apparaissent. La voix grave elle demande à voir le corps du Comte et envoûte l’agent en charge pour accéder au cadavre qu’elle emporte, afin d’exorciser le corps et de l’incinérer pour que l’âme de son père soit libérée. Malheureusement cela ne l’empêche pas, à elle, d’être assoiffée de sang. Sous couvert d’identité de peintre spécialiste en épaule et cou de jeune filles, deux zones très franchement érotiques et érotisées, elle attire Lily, jeune fille blonde et naïve, qui pense servir de modèle à la comtesse mais qui lui servira plutôt de goûter. La comtesse, qui tout comme son père précise qu’elle ne boit pas de vin, n’a pas un mauvais fond et fait appel à un médecin dans le but d’être exorcisée mais tout ne se passera pas comme prévu…

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La fille de Dracula (Lambert Hillyer, 1936) n’a franchement pas à rougir si on le compare aux suites plus ou moins mineures qu’eurent les chefs-d’œuvre d’Universal. Cinq ans après Dracula (Tod Browning, 1931), la beauté de ce film tient au fait que la comtesse est, tout comme son papa, principalement attirée par des jeunes filles qu’elle sait embrasser dans le cou. Jouant avec la censure imposée par le fameux code Hays, la scène ou Lili est “embrassée” par la vampire est à l’époque, la plus longue scène de baiser – non consenti je le rappelle – au cinéma qui plus est, entre deux femmes. La comtesse n’est pour autant pas satisfaite de sa situation de vampire et est tout autant coupable que victime. Sous ses airs de bourgeoise mondaine, les pulsions sexuelles et dérangées de Marya Zaleska nous rappellent la Féline (Jacques Tourneur, 1942). L’homosexualité étant à l’époque considérée comme une maladie et la légende vampirique n’étant finalement que prétexte, on peut s’interroger sur la “maladie” qui touche la fille de Dracula. Souhaite-t-elle ne plus être vampire ou ne plus être lesbienne, elle qui demande au médecin censé la soigner de la rejoindre dans la vie éternelle ? Cette dernière solution, qu’elle voyait être la seule, n’était-elle pas le subtil moyen de cacher son homosexualité en passant le reste de sa vie aux côtés d’un homme ? Du côté des acteurs, Gloria Holden est un monstre de perfection aux faux airs d’Anjelica Huston en Morticia Addams et sa voix grave lui assure une prestance inégalable qui en vient à écraser les autres comédiens du casting. Le professeur Van Helsing est de nouveau interprété par Edward Van Sloan. Le médecin est quant à lui interprété par le célèbre et classique Otto Kruger (vu chez Alfred Hitchock et Douglas Sirk entre autres). La photographie est dirigée par George Robinson qui se chargera de la photographie de l’intégralité des suites des Dracula et Frankenstein, entre autres.
Si vous n’avez pas pu voir La Fille de Dracula au Festival du Film de Fesses, vous pouvez le retrouver dans une belle édition DVD éditée par Elephant Films. Comme à son habitude, l’éditeur propose en plus du film tout un tas de bonus, dont une riche introduit par le journaliste Jean-Pierre Dionnet qui nous décrit la femme vampire comme noire et boudeuse, s’amusant du fait que l’actrice Gloria Holden, habituée au classicisme des planches, n’était pas très heureuse de se retrouver dans cette suite. On y apprend également que l’une des trois principales comédiennes n’est autre que Hedda Hopper qui ne fit pas carrière en tant que comédienne mais plutôt en tant que commère d’Hollywood. Les producteurs la craignaient tellement qu’elle entra dans la légende d’Hollywood et il est fort à parier que c’est elle qui inspirera les personnages de Thora et Thessaly Thacker dans le Ave Cesar des frères Coen…
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