La nouvelle salve de sorties du Chat qui Fume met à l’honneur le cinéma d’horreur américain avec trois titres réunis sous le label « Exploitation américaine ». Focus sur l’un d’entre eux, Waxwork (1988), premier long-métrage de Anthony Hickox.
Poupée de Cire, Poupée de Sang
Si son nom vous dit peu de choses, ce n’est pas parce qu’Anthony Hickox est l’homme d’un seul film, mais parce qu’il a longtemps été cantonné à la réalisation de séries B au succès timide. Parmi ses faits d’armes les plus reconnus, notons Hellraiser 3 : L’Enfer sur Terre (1992), qui lui a été confié après que le bonhomme ait fait ses preuves sur un premier long-métrage et sa suite mettant en scène un musée de cire très particulier. Sorti en 1988, ce premier effort intitulé Waxwork eut un succès raisonnable au box-office américain, en tout cas suffisant pour qu’une suite Waxwork 2 : Perdus dans le Temps (1992) soit mis en route trois ans plus tard. Le film suit un groupe d’étudiants – dont l’un d’entre eux est incarné par Zach Galligan, la jeune star de Gremlins (Joe Dante, 1984) – dans une petite ville de banlieue américaine sans histoire. Un mystérieux individu portant le nom de David Lincoln débarque pour y installer un musée de cire consacré aux monstres légendaires issus du folklore fantastique (et cinématographique). Le maître des lieux invite nos héros à venir inaugurer sa boutique pour une visite nocturne privée. Une fois à l’intérieur, les jeunes découvrent des scènes macabres, reproduisant les sombres forfaits de ces créatures, sans se douter que chacune de ces scénettes est en fait un portail dimensionnel conduisant à leur repaire. Avec cet étrange cabinet de curiosités, Lincoln entend bien accomplir une prophétie et ramener à la vie ces créatures pour qu’elles envahissent le monde. Mais pour cela, il a besoin de leur faire des offrandes… Et quoi de mieux, alors, que de jeunes visiteurs ?
L’habilité de Waxwork est d’arriver, en 1988, au carrefour de plusieurs tendances dans le cinéma de genres américain, et de s’en saisir de la plus belle des façons. Depuis plusieurs années déjà, l’horreur a trouvé dans la comédie burlesque une nouvelle forme d’expression, donnant la part belle à des effets gores aussi impressionnants que bouffons notamment grâce à l’uppercut Evil Dead (Sam Raimi, 1981). On sent très fort l’héritage (ou tout du moins, l’inspiration) de la folie de Raimi sur la première œuvre de Hickox, qui s’amuse comme un petit fou à déverser l’hémoglobine par litres et à offrir aux spectateurs des séquences de décapitations, éviscérations, et j’en passe, d’une très grande inventivité. Derrière ces effets très réussis, on retrouve un maître artisan en la matière, le grand Dave Keen, qui a œuvré sur Aliens, le retour (James Cameron, 1986), Candyman (Bernard Rose, 1992), La Momie (Stephen Sommers, 1999), ou plus récemment 1917 (Sam Mendes, 2020). Outre son excursion maligne dans cette révolution alors à ses débuts d’un gore décomplexé et comique, Waxwork emprunte tout autant à un autre genre très en vogue à l’époque qu’est la parodie. Alors que les ZAZ (Zucker, Abrahams & Zucker) cartonnent à Hollywood depuis le début des années 1980 et atteignent, certainement, le sommet de leur art avec Top Secret ! (1984), Hickox propose lui, bien avant tout le monde – on pense bien sûr aux Scary Movie (Wayans Brothers, 2000-2001) mais aussi à La Cabane dans les Bois (Drew Goddard, 2012) – de parodier les grandes figures du cinéma d’horreur – leurs codes, leurs clichés – en les réunissant toutes au sein d’un seul et même film.
Ainsi, il revisite à sa façon les grandes réunions des mythiques Universal Monsters qui sont, ici, tous convoqués : de La Momie en passant par le Comte Dracula, Le Monstre de Frankenstein, L’Homme Invisible, L’étrange créature du lac noir, Le Fantôme de l’Opera, Le Loup-Garou, mais encore, Docteur Jekyll et Mister Hyde… Cette galerie de monstres « classiques » est étendue par l’apport de renforts de poids : sorcière, prêtre vaudou, zombis, boogeymen, les profanateurs de sépultures, le bébé tueur de Le Monstre est vivant (Larry Cohen, 1974), Jack l’Eventreur, un extraterrestre, un homme-cobra rappelant fortement l’une des transformations de Beetlejuice (Tim Burton, 1988), la plante tueuse de La Petite Boutique des Horreurs (Frank Oz, 1986) le Golem et même… Le Marquis de Sade en personne, son fouet entre les mains. Si toutes ces « créatures » auront bien évidemment le droit à leur grande réunion finale le temps d’une scène de bataille assez réussie, on ne pourra toutefois rentrer que dans cinq des univers qui leur sont attachés. Cette idée de portails inter-dimentionnels permet au jeune cinéaste de s’essayer gaiement à des exercices de style dont il parvient à maîtriser les codes de façon assez brillante. Du film de loup-garou au film de vampires, de l’hommage appuyé mais réussi à La Nuit des Morts Vivants (George A. Romero, 1968), du film érotico-roccoco français dans lequel un Marquis de Sade plus que libidineux fouette des jeunes femmes qui le sont tout autant jusqu’à une excursion dans le cinéma d’aventures, en terre égyptienne, avec outrage de tombeau et vengeance de momie à la clé, Hickox parvient admirablement à faire du neuf avec du vieux et à imposer cette distance humoristique qui fera le sel des films d’horreur des années 1980.
L’édition du Chat qui Fume complète une collection déjà fort riche en objets de luxe, avec, comme toujours dans le panier de ce matou un master impeccable dans une version intégrale, proposant les pistes audio française ou originale – toutes deux irréprochables – le tout emballé-pesé dans un fourreau plus que magnifique. Même si l’on peut s’étonner de voir si peu de suppléments dans ce coffret – tant l’éditeur nous a habitués à une profusion boulimique sur ses précédents titres – on ne crachera pas sur ce making-of d’époque très intéressant (et drôle !) d’une vingtaine de minutes et sur ce joli cadeau qu’est la piste musicale isolée. De quoi laisser à vos oreilles l’opportunité de se ravir à l’écoute du score assez original composé par Roger Bellon, dont c’est à peu près le seul fait d’arme notable. On espère désormais très fort que nos matous favoris donneront à la suite Waxwork 2 : Perdus dans le Temps (Anthony Hickox, 1992) les mêmes honneurs.
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