Alors que ressort chez Elephant Films tout une collection des films Universal Monsters centrés sur la créature de Frankenstein, retour à cette occasion sur Frankenstein Rencontre le Loup-Garou (1943).
Quand la bête a des remords
Dans la famille des films de la saga Frankenstein, je veux celui avec le professeur Lupin ! Frankenstein Rencontre le Loup-Garou fait partie de la première vague de monstre made in Universal – dont la seconde arrivera bientôt – je parle bien sûr de la série de films appelée Universal Monsters. Réalisé par Roy Williams Neil en 1943, le film propose donc de mélanger deux films de monstres devenus des classiques dans le catalogue du studio. Le pitch est simple : deux pilleurs de tombes ouvrent celle de Talbot, qui se trouve être un loup-garou immortel. Après s’être dégourdi les pattes et avoir massacré les deux gaillards il est recueilli par un policier qui l’emmène à l’hôpital, le malheureux ayant la tête fracturée. Les médecins, ayant eu vent de la mort de Talbot, l’enferment en hôpital psychiatrique mais il parvient, évidemment, à s’enfuir et à retrouver une voyante pour l’aider à perdre son immortalité. Cette dernière connaît les travaux sur la vie et la mort du Dr. Frankenstein, l’occasion en or pour introduire la création monstrueuse du même docteur.
Mais avant de raconter l’histoire et le scénario plus en détail parlons des choses un peu plus générales, à commencer bien sûr par les mythes dont le film s’inspire. Il faut savoir que le film fait suite à deux films Le Loup-Garou (George Waggner, 1941) et Le Spectre de Frankenstein (Erle Kenton, 1942) – qui est lui-même l’une des nombreuses suites de Frankenstein (James Whale, 1931) dont certaines seront par ailleurs chroniquées prochainement dans nos pages. Au contraire de ses prédécesseurs, ici, il n’est pas question de renouveler le mythe. Heureusement, nous gardons les bonnes trouvailles, mais l’intérêt de ce film est la rencontre entre les deux figures mythiques du monstre du Dr. Frankenstein et du Loup-Garou Talbot. Rencontre qui, sachez le tout de même, ne se fera que dans la dernière partie du film et qui commencera d’abord par une amitié entre les deux monstres. Ici, c’est à noter, les deux mythes sont en fin de vie : Talbot est un loup-garou qui cherche à ne plus faire de mal et Frankenstein n’a presque plus assez de piles pour pouvoir tuer après avoir été congelé pendant une dizaine d’années.
Je n’oublierai pas de décerner ma mention spéciale à l’univers visuel du film. Les costumes des deux monstres sont bien réalisés pour l’époque et conservent un charme fou, même si l’on peut admettre qu’aujourd’hui ils puissent nous paraître un peu désuets. Le costume du loup-garou notamment ressemble au costume – au rabais – de la Bête de Jean Cocteau (La belle et la bête, 1946). Pour le reste, comme dans la plupart des films de la saga Universal Monsters, les décors de Frankenstein Rencontre le Loup-Garou sont tout simplement somptueux. Je pense tout particulièrement à la scène d’ouverture, de nuit, dans le cimetière qui contient à elle seule certains des plus beaux décors et plans du film. De cette direction artistique soignée, on retiendra aussi la lumière somptueuse. Elle joue d’ailleurs un rôle très important, car en plus de prendre tout son sens lors de la transformation au clair de lune de notre ami poilu elle permet de réellement tout de suite cerner laquelle des scènes sert à faire avancer l’intrigue quand d’autres servent à créer du suspense par l’appui d’une atmosphère lumineuse particulière. On peut donc le dire, fort de sa direction artistique et mise à part les chorégraphies des deux monstres : le film n’a pas particulièrement souffert du passage dans le temps. Un atout suffisamment rare pour un film de série B pour être noté.
En découvrant le titre du film, je ne m’attendais pas à découvrir un chef-d’œuvre mais plutôt un film de série B juste drôle, idéal pour faire une soirée « pizzas et bonne humeur ». Et pourtant, à bien des égards, ce film parvient à être frustrant tout de même ! Si le scénario met en avant une multitude de bonnes idées, surtout sur les personnages, certaines ne se concrétisent pas pleinement. En effet, ici, le loup peine à convaincre. Ne sachant plus, dès les premières minutes, qui il est, il se fait rapidement interner. Par la suite, ayant du mal à contenir sa nature bestiale il va même essayer de se suicider dans l’espoir de ne plus pouvoir faire de mal à quelqu’un… Une thématique qui pourrait être très intéressante si mieux amenée, mais qui hélas ne sert que de prétextes à ne pas traiter jusqu’au bout le personnage. De même, la fille du Dr. Frankenstein ne va pas vouloir révéler d’informations, surtout pas au docteur de Talbot, car celui-ci lui fait un peu trop penser à son père avec sa mégalomanie de docteur un peu fou. Ce dernier va d’ailleurs repousser les limites du monstre dans la dernière partie, et devenir une sorte de second Dr. Frankenstein. Encore une fois une idée intéressante mais qui hélas ne sert que de rebondissement et de climax au film, et qui n’est pas développée suffisamment en amont pour rendre le personnage crédible. Ne parlons pas de la résolution du film, attention spoiler – les habitants se révoltent et détruisent le barrage en espérant couler la maison du Docteur et des deux protagonistes immortels – présageant une résolution temporaire uniquement pour pouvoir conclure le film en moins d’une heure trente. Ici, même Gipsy, personnage mineur qui va conduire Talbot voir l’autre monstre à beau avoir son importance et son histoire : elle n’en est pas moins expédiée en deux petites phrases.
Je ne pourrais conclure sans parler du support en lui-même. Proposé par Elephant Films, cette collection profite d’un graphisme léché et d’un contenu plutôt intéressant. Une préface débute le film, si on accepte de la voir, et nous dévoile quelques secrets de production. Quant aux bonus, ils nous offrent quelques images de production et une analyse d’un quart d’heure sur le livre de Mary Shelley (Frankenstein ou le Prométhée Morderne, 1818). Enfin, un livret contenant des infos sympathiques est aussi présent à l’intérieur du coffret qui propose, comme c’est souvent le cas désormais, la version DVD pour les anciens et la version Blu-Ray pour les plus à la page. Comme toujours chez Elephant Films, qualité de la copie et soin d’éditorialisation sont apportés à cette collection, et on ne saurais rien faire d’autre que de vous la recommander.
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