Devs (Mini-Série)


Après Ex_Machina (2014) et Annihilation (2018), Alex Garland réalisait, en début d’année, sa première création télévisuelle pour la chaîne télévisée FX et diffusée chez nous sur le groupe Canal + : la mini-série Devs. L’occasion pour le cinéaste de continuer sa réflexion sur le monde, la perte et la spiritualité.

Une silhouette, qui paraît minuscule, est debout face à une immense image représentant un paysage de brume au dessus d'une forêt, une petite fille aux mains liées se dessine dans les nuages, scène de la mini-série Devs.

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Des hommes et des dieux

Après avoir découvert l’ensemble de Devs, force est de constater que nous sommes face à une série atypique, aussi bien dans la forme, le fond que dans la production. Il est déjà important de notifier que chaque épisode de cette mini-série – huit au total – ont tous été scénarisés et réalisés par Alex Garland, fait assez rare pour être notifié, où souvent le showrunner ne réalise que le pilot et le final. Devs est donc une pure création du cinéaste, et ce de A à Z, puisqu’aucun créatif intermédiaire n’a pu entraver ou faire bifurquer le propos original de son créateur. Même si l’on peut sentir, en arrière-plan, le spectre d’un projet de long-métrage qui n’a pas pu aboutir, la transformation en mini-série, régie par les règles du format, est une réussite.

Un quadragénaire blond et barbu est dehors, de nuit, sous un hallogène qui surplombe sa tête comme une auréole, scène de la série Devs.

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Devs, c’est donc l’histoire de Lily Chan – formidable Sonoya Mizuno – qui va enquêter sur le suicide de son petit ami au sein de la mystérieuse entreprise Amaya, dans laquelle les deux jeunes adultes travaillent. Si l’ambiance de thriller emporte l’ensemble dans ses premiers épisodes, le soufflet retombe assez rapidement puisque le spectateur sera rapidement mis dans la confidence de l’identité des « méchants ». Ici, ce qui importe Alex Garland n’est pas tant de résoudre une sombre histoire de suicide, mais bien quelque chose de bien plus grand, qui dépasse le simple statut de « résolution d’enquête ». Comme à son habitude, le réalisateur/scénariste hameçonne son personnage principal par une question, restée sans réponse et à laquelle il se retrouve directement impliqué personnellement. Ainsi, le protagoniste et sa quête de réponse devient le moteur narratif, le scénario le mettant sur la trajectoire de questionnement plus larges : sur le monde, l’Histoire et la métaphysique. Rien que ça me direz-vous ? En effet, le programme détaillé de Devs est lourd et complexe, mais toujours à portée du spectateur. L’ensemble des sujets abordés se trouve en fait relié et coagulé par une seule notion : le déterminisme. Sommes-nous contraints de faire les choses que nous faisons ? Est-ce écrit à l’avance ou avons-nous, ne serait-ce, qu’une microscopique marge de manœuvre dans cet ensemble bien trop grand pour nous ? Comme dans Ex_Machina (2014) et Annihilation (2018) Alex Garland poursuit sa réflexion sur la croyance, la métaphysique et sur la place de l’humain au milieu de ces forces qui le dépasse. Est-ce que la fourmi peut réellement avoir un impact sur la vie d’un cerf ? L’image reste enfantine, mais c’est le nœud du raisonnement de cette mini-série, dont la réponse n’est ni franche, ni nette, mais trouve sa finalité dans un geste, une action.

Lily Chan dans une pièce aux murs dorés, son visage se reflète dans une vitrine vide, scène de la mini-série Devs.

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En soi, c’est sûrement son œuvre la plus facile d’accès – et une porte d’entrée fascinante pour découvrir l’univers du cinéaste – tant les huit heures de contenu permettent d’amener les différentes strates de complexité et les éléments narratifs par petite pincée, avant de vriller complètement et pleinement dans son propos. Du côté de la forme, Alex Garland régale en proposant des éléments énigmatiques dans un paysage qui, lui, n’a rien d’anormal comme cette sculpture immense d’une jeune fille qui domine la cime des arbres de la forêt. La mise-en-scène, et plus particulièrement la gestion du cadre, dans lequel Alex Garland fait se jouer les actions et interactions, créent une ambiance et une énergie que l’on n’avait pas vues aussi vivantes et inventives à la télévision depuis Mr. Robot (Sam Esmail, 2015-2019). Notamment lorsqu’il expérimente la notion de multivers en faisant se super-positionner différentes actions, différentes possibilités, d’une seule et même situation. Sur le papier, cette intention semble largement épuisée voire déjà-vu, mais il arrive – grâce à un savant mélange de mise en scène inspirée, de direction d’acteurs brillante et d’usage habile de la musique – à créer un moment très spécial au sein de son récit, qui deviendra l’une des images marquantes que le spectateur gardera en mémoire après le visionnage. Devs marque, à l’encre indélébile, par son propos et la volonté de ses personnages à titiller les cieux – Nick Offerman au sommet de son talent – ainsi que par son esthétique à la fois épurée et étrange. Une pure production estampillée Alex Garland, mais directement livrée à domicile. Qu’est-ce que vous attendez pour passer commande ?


A propos de William Tessier

Si vous demandez à William ce qu'il préfère dans le cinéma, il ne saura répondre qu'avec une seule et simple réponse. Le cinéma qu'il aime est celui qu'il n'a pas encore vu, celui qui ne l'a pas encore touché, ému, fait rire. Le teen-movie est son éternel compagnon, le film de genre son nouvel ami. Et dans ses rêves les plus fous, il dine avec Gégé.

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