Hercule contre les Vampires


L’éditeur Artus Films offre un sublime mediabook à l’un des péplums de Mario Bava, audacieusement intitulé chez nous en France Hercule contre les Vampires (1961).

L'ombre de deux hommes qui entrent dans la caverne des enfers, éclairée de violet et de vert, scène du film Hercule contre les vampires.

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L’enfer des couleurs

Mosaïque de plans issus du film Hercule contre les vampires pour notre critique du film.

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Même si on le considère avant tout comme l’un des créateurs du genre italien du giallo, Mario Bava a roulé sa bosse dans bien des genres, avec comme gouvernail et ciment ce sens esthétique semblable à nul autre. D’abord directeur de la photographie de formation, Bava a notamment travaillé à mettre en images certains films de Rossellini, Pabst, Raoul Walsh, Dino Risi ou Riccardo Freda. Si l’on sent déjà poindre toute l’ampleur de son génie visuel dans les films qu’il a photographiés, c’est clairement en passant à la réalisation que le maestro va parfaire son art. Reconnaissable entre mille, les œuvres de Mario Bava s’éclairent de couleurs primaires dominantes, formant des tableaux qui frisent parfois l’abstraction. Même s’il est considéré comme le film totem de sa filmographie, son premier long-métrage, La Masque du Démon (1959), ne contenait pas encore toute l’étendue du talent de coloriste du cinéaste, puisque tourné en noir et blanc. Même si cette profusion de couleurs est souvent assimilée au plus giallesque et gothique des films de Bava, c’est en réalité au contact du genre du péplum que le cinéaste va en constituer la palette. Au sortir de sa première réalisation, Bava enchaîne les tournages de peplum, signant en 1961 quatre films du genre dont la version italienne de Esther et le Roi (Raoul Walsh & Mario Bava, 1961), Les Mille et une Nuits (Mario Bava & Henry Levin, 1961), La Ruée des Vikings (1961) et celui qui nous intéresse ici, Hercule contre les Vampires (1961) que l’on préférera appeler par ce qui aurait dû être son vrai titre si un malheureux distributeur n’avait pas une nouvelle fois fait des siennes Hercule au Centre de la Terre. Ces débuts dans le giron du film à costumes et à grands décors – s’il ne reviendra plus au genre par la suite, le fait que le peplum italien tombe un peu en désuétude dès le milieu des années soixante y est sûrement pour quelque chose – permirent à Bava d’expérimenter des formes et de définir son style puisqu’il signe, en plus de la réalisation, la photographie de toutes ces premières réalisations.

Disons le tout de go, ce n’est ni par son scénario, ni par son interprétation que Hercule contre les vampires emporte la mise. L’histoire est assez simple, un méchant très méchant avec de sombres desseins envoûte la meuf de Hercule, Déjanire, pour la sacrifier aux forces des ténèbres contre une faveur : s’emparer du trône d’Oechalie. Hercule se lance alors dans une quête qui doit le mener au Royaume d’Hadès, où il doit trouver une pierre magique qui pourra désenvoûter sa belle. Mais bon, avant ça, il doit aussi aller chercher une pomme au jardin des Hespérides. Il embarque alors deux potes, Thésée et Télémaque, dans son aventure. C’est simple, je vous l’avais dit. Malgré l’apparition de Christopher Lee, venu une nouvelle fois jouer les maîtres des ténèbres – sa présence dû suffire à convoquer les fameux vampires du titre, même s’il n’est jamais véritablement question de vampirisme dans ce film… as usual – et la succulente partition burlesque de Franco Giacobini dans un second-rôle – celui de Télémaque, chargé de donner un contre-point comique – le casting des rôles principaux ne joue clairement pas en faveur du long-métrage. Dans le rôle de Hercule, le culturiste anglais Reg Park – accessoirement mentor d’un certain Arnold Schwarzenegger – peine à convaincre tant ses expressions se limite,t à contracter et décontracter ces biceps. A ses côtés, dans le rôle de Thésée, Giorgio Ardisson – rien à voir avec Thierry, j’ai mes sources – traînasse, tant bien que mal, le joli minois qui fit sa renommée à l’époque, même s’il fut longtemps caché derrière le bandeau de Zorro l’intrépide (Luigi Capuano, 1962) qui fit sa renommée.

Si le film vaut le coup d’œil c’est justement pour les images qu’il a à nous proposer. Magnifique visuellement, de bout en bout, le long-métrage est largement upgradé par la magie Bava. Temples d’oracle aux couleurs éclatantes, décors d’une symétrie étourdissante, vision de l’enfer bariolée de couleurs et enfumées, jeu en trompe l’œil d’une grande inventivité : la mise en scène de Mario Bava se prouve capable de transformer un son et lumières de campagne en une œuvre d’art quasi-abstraite et fascinante. Malgré sa beauté esthétique, ce passage à la couleur de Mario Bava fut mal accueilli par les amateurs du genre à l’époque, à commencer par nos inspirateurs, les midi-minuistes, qui, toujours estomaqués par le choc provoqué par Le Masque du Démon (1960) un an plus tôt, ne virent peut-être pas dans les expérimentations visuelles de Hercule contre les Vampires, matière à théoriser la naissance d’un des plus grands coloristes du septième art.

Coffret Blu-Ray DVD de Hercule contre les vampires édité par Artus Films.Depuis, même s’il est toujours important de la rappeler, l’importance de Mario Bava dans l’Histoire des cinémas de genres et du cinéma tout court n’est plus à démontrer. Et même si Hercule au centre la terre est rarement cité comme faisant partie de ces meilleures réalisations – à raison – sa place si particulière dans la chronologie de la carrière du cinéaste en fait une pièce maîtresse incontournable. Pour notre plus grand plaisir, l’éditeur Artus Film offre un écrin de prestige. Ce mediabook propose un livret d’analyse riche signé Michel Eloy, une analyse pertinente et précieuse, agrémentée de photographies d’exploitations. Pour les puristes de la mauvaise qualité d’image compressée, le DVD est toujours là, fidèle à lui-même, mais on ne saurait que vous conseiller de découvrir le resplendissement des couleurs du master (l’un des plus beaux qui nous ait été donnés de voir depuis longtemps) via le Blu-Ray contenu dans le coffret. Si cela ne vous suffit pas, vous pourrez prolonger l’aventure par la découverte de suppléments contenant les entretiens d’un spécialiste italien du genre (Fabio Melelli) et de Giorgio Ardisson. Pour ce dernier, son témoignage sur les coulisses du tournage est d’autant plus précieux qu’il nous a quittés en 2014.


A propos de Joris Laquittant

Sorti diplômé du département Montage de la Fémis en 2017, Joris monte et réalise des films en parallèle de son activité de Rédacteur en Chef tyrannique sur Fais pas Genre (ou inversement). A noter aussi qu'il est éleveur d'un Mogwaï depuis 2021 et qu'il a été témoin du Rayon Bleu. Ses spécialités sont le cinéma de genre populaire des années 80/90 et tout spécialement la filmographie de Joe Dante, le cinéma de genre français et les films de monstres. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/sJxKY

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